mardi 1 juin 2010

La Turquie prend des mesures de rétorsion contre l’État hébreu

01/06/2010

Près de 10 000 personnes ont manifesté à Istanbul aux cris de 
« Mort à Israël » ou « Vengeance œil pour œil, dent pour dent ». 
Leonhard Foeger/Reuters
Près de 10 000 personnes ont manifesté à Istanbul aux cris de « Mort à Israël » ou « Vengeance œil pour œil, dent pour dent ». Leonhard Foeger/Reuters
Ankara dénonce un acte de « terrorisme d'État » et annule des manœuvres militaires conjointes avec les forces israéliennes.
Les relations entre la Turquie et Israël, jadis alliés stratégiques, sont au plus mal après le raid israélien meurtrier sur la flottille d'aide propalestinienne à Gaza, dont un navire turc : Ankara a dénoncé un acte de « terrorisme d'État » et rappelé son ambassadeur en Israël.
La Turquie « ne restera pas inerte et silencieuse au sujet de cet acte de terrorisme d'État inhumain », a déclaré hier le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan de Santiago du Chili, où il était en visite, avant de rentrer en Turquie plus tôt que prévu. « Le droit international a été piétiné » par Israël, a-t-il accusé, ajoutant que cette « attaque démontre qu'Israël ne veut pas de la paix dans sa région ». M. Erdogan a aussi annoncé avoir demandé une réunion d'urgence de l'OTAN, dont la Turquie est membre, à la suite de ce raid dont la majeure partie des victimes sont des Turcs. Cette réunion aura lieu aujourd'hui.
Le vice-Premier ministre turc, Bulent Arinc, a pour sa part annoncé l'annulation de trois manœuvres militaires conjointes avec Israël. Cette opération meurtrière « peut avoir des conséquences irréparables sur nos relations bilatérales », avait plus tôt averti le ministère des Affaires étrangères. M. Arinc a tenu une réunion d'urgence avec le ministre de l'Intérieur, le chef de la marine et le chef des opérations militaires. Le chef d'état-major des armées, le général Ilker Basbug, qui a interrompu une visite en Égypte, a, de son côté, qualifié le raid israélien de « grave et inacceptable », lors d'un entretien téléphonique avec son homologue israélien, Gabi Ashkenazi.
À Istanbul, environ 10 000 manifestants se sont rassemblés aux cris de « Mort à Israël » sur la place Taksim, la principale de la mégalopole, brûlant des drapeaux israéliens. Environ 400 manifestants s'étaient rassemblés plus tôt devant le consulat israélien, et plus d'un millier devant la résidence de l'ambassadeur israélien, à Ankara.
Dans ce contexte, le bureau israélien de lutte contre le terrorisme, qui dépend des services du Premier ministre, a appelé les Israéliens à reporter leurs projets de visite en Turquie de crainte de représailles.
Un accord de coopération militaire, signé par les deux pays en 1996 au grand dam des pays arabes et de l'Iran, avait donné le coup d'envoi de ce qui a été qualifié de « partenariat stratégique » entre l'État hébreu et un grand pays musulman tel que la Turquie. Cet accord a vu Israël rafler des ventes d'armes et des contrats de maintenance d'équipements de l'armée turque. La Turquie a pour sa part offert à l'armée de l'air israélienne, qui évolue sur un espace réduit, de s'entraîner sur le vaste plateau anatolien, dans le cadre de manœuvres conjointes.
Les relations bilatérales n'ont toutefois cessé de se dégrader depuis l'opération israélienne à Gaza fin 2008 et de vigoureuses déclarations anti-israéliennes de M. Erdogan. En avril, M. Erdogan avait notamment qualifié Israël de « principale menace pour la paix » au Proche-Orient. La tension s'est accentuée lorsque la Turquie et le Brésil ont signé, le 17 mai dernier, un accord sur le nucléaire avec l'Iran. Un accord qualifié d'« imposture » par Benjamin Netanyahu. Plus généralement, Israël voit d'un très mauvais œil le réchauffement spectaculaire des relations entre la Turquie et les pays arabes ou musulmans, Iran, Irak, pays du Golfe et surtout Syrie.