Des Israéliens redoutent que le mouvement  pro-palestinien ait de plus en plus recours à travers le monde à des  manifestations, des boycottages et des embargos, à l'instar des  militants anti-apartheid qui ont réussi dans les années 1990 à isoler et  à faire tomber le régime raciste en Afrique du Sud. 
Carlos Santana, Gil Scott Heron, Elvis Costello,  Gorillaz Sound System, les Klaxons, les Pixies, Faithless, Leftfield,  Tindersticks, Meg Ryan et le metteur en scène Mike Leigh ont tous décidé  ces derniers mois de ne pas se rendre en Israël. 
La  liste des artistes, universitaires et autres personnalités qui ont  décidé de marquer ainsi leur désaccord avec la politique de l'Etat juif  est consultable sur le site internet boycottisrael.info. 
D'autres vedettes, comme Paul McCartney, Elton John et Rod Stewart, ont résisté aux pressions des militants pro-palestiniens. 
Une  telle campagne de boycottage, pendant des années, avait miné le régime  d'apartheid en Afrique du Sud et largement contribué à son effondrement. 
Aujourd'hui,  Facebook et Twitter, consultés par des millions de gens, sont des  instruments de pression redoutables, susceptibles de convaincre des  artistes de ne pas se rendre en Israël, dans le cadre d'une offensive  qui viserait à "délégitimer" l'Etat juif. 
Le terme "délégitimation"  est souvent employé par le Premier ministre israélien Benjamin  Netanyahu et certains de ses ministres pour dénoncer les buts ultimes,  selon eux, des campagnes d'opinion contre leur pays. 
Les  Israéliens n'y voient pas seulement le risque de se retrouver isolés et  incompris. Ils redoutent les conséquences stratégiques d'une telle  offensive. 
Les négociations de paix israélo-palestiniennes dans l'impasse, les Palestiniens ont le sentiment qu'ils "tiennent les manettes", a expliqué récemment au parlement israélien Yuval Diskin, le chef du Shin Bet, le contre-espionnage. 
"On  assiste à un processus qui gagne du terrain (...) Il y a une tendance  de plus en plus marquée en faveur de la reconnaissance d'un Etat  palestinien et la marge de manoeuvre d'Israël au niveau diplomatique se  réduit", a-t-il souligné. 
La communauté  internationale n'a jamais reconnu l'annexion par Israël de  Jérusalem-Est, la partie arabe de la ville, et a également condamné les  implantations juives en Cisjordanie. 
Mais d'un autre  côté il est très peu probable que les Etats-Unis et leurs alliés  reconnaissent une déclaration unilatérale d'indépendance des  Palestiniens, comme ceux-ci l'évoquent périodiquement en n'excluant pas  de se tourner directement vers les Nations unies au lieu de s'en tenir  aux négociations sous parrainage américain. 
Israël a  dû faire face à de nombreuses critiques après l'offensive de son armée  contre la bande de Gaza en décembre 2008 et janvier 2009, qui a fait  1.400 morts parmi les Palestiniens, et la mort de neuf militants turcs  pro-palestiniens en mai dernier lors de l'assaut contre une flottille  qui voulait briser le blocus de Gaza. 
Sous la pression  de ses alliés, Israël a assoupli en juin dernier le blocus du  territoire côtier palestinien, où vivent un million et demi de  personnes. 
Le Reut Institute, un groupe de réflexion  israélien qui s'intéresse particulièrement aux questions de sécurité et  aux problèmes socio-économiques, estime que ceux qui veulent "délégitimer" l'Etat d'Israël lui dénient en fait le droit moral à l'existence en le décrivant "systématiquement et délibérément comme cruel et inhumain". 
Israël, ajoute le Reut Institute, est "présenté comme l'Afrique du Sud du temps de l'apartheid" et les promoteurs de ce genre de campagnes se livrent à une diabolisation de l'Etat juif. 
Quand  de jeunes juifs américains contestataires ont interpellé Netanyahu lors  de sa venue à la Nouvelle-Orléans en novembre dernier, le Premier  ministre israélien leur a répliqué vivement en affirmant qu'ils  cherchaient eux aussi à "délégitimer" Israël. 
Son  ministre des Affaires étrangères Avigdor Lieberman, un  ultra-nationaliste, met actuellement sur pied une commission  parlementaire chargée d'enquêter sur le financement de groupes  israéliens et étrangers hostiles à l'actuelle politique israélienne,  comme Human Rights Watch, et soupçonnés de prendre part à cette campagne  mondiale de "délégitimation" de l'Etat d'Israël. 
Plus  de 80% des 192 pays membres de l'Onu reconnaissent Israël. L'Autorité  palestinienne, elle, est reconnue par 108 Etats, après les récentes  décisions de plusieurs pays sud-américains dont le Brésil. 
"Le monde est contre nous",  disent certains Israéliens, un sentiment récemment brocardé par une  émission satirique à la télévision israélienne, intitulée "Un pays merveilleux", dans un sketch "décalé" où l'on voit de petits élèves d'un jardin d'enfants réciter leur leçon. 
Une leçon qui dit qu'Israël "n'a personne avec qui parler" de paix, que cette paix "ne sera pas apportée par le démantèlement des colonies", que "l'armée d'Israël est morale", et que "si vous leur donnez la Cisjordanie, ils (les Palestiniens) voudront ensuite Haïfa", la principale ville du nord du pays. 
Et quand le maître montre sur une mappemonde le "petit Etat d'Israël", il demande aux enfants comment décrire le reste du monde et ceux-ci répondent en choeur: "antisémite!". 
Guy Kerivel pour le service français