A Hébron, ville du Sud de la Cisjordanie occupée, se trouve le  Tombeau des Patriarches, lieu sacré aussi bien pour les musulmans que  pour les juifs. Chaque samedi, les colons israéliens organisent une  visite de la vieille ville pour les nouveaux arrivants. J’étais moi  aussi à Hébron samedi dernier pour rendre visite à Hashem, habitant  palestinien de la vieille ville.         
         
 
Partie de Béthléem, je rejoins Hébron en taxi collectif  par la route 60, construite à l’époque ottomane, reliant Nazareth, au  Nord de la Palestine historique, à Ber Sheva, au Sud, en passant par les  grandes villes de Cisjordanie. En arrivant aux abords d’Hébron,  j’aperçois la "nouvelle route 60" en travaux, celle qui bientôt sera  réservée aux Palestiniens, qui n’auront alors plus le droit d’emprunter  l’ "ancienne" route 60, seuls les colons israéliens en auront le  privilège.
 
Le taxi me dépose à l’entrée de vieille ville. Chaque  fois que j’arrive à cet endroit je suis choquée de voir le contraste  entre la vieille et la nouvelle ville. En effet, l’occupation  israélienne de la vieille ville paralyse depuis des années tous les  aspects de la vie du cœur historique d’Hébron.
 
La vieille ville
 
La vieille ville d’Hébron a une situation particulière  dans les Territoires occupés palestiniens : sa vieille ville est occupée  par les colons israéliens. La vie des Palestiniens, depuis 1979 s’est  vue complètement chamboulée par l’arrivée de ces colons.
 
Les colons se sont installés à Hébron car ils  considèrent cette ville comme sacrée pour la communauté juive. En plein  cœur de la vieille ville se trouve le Tombeau des Patriarches, site  sacré tant pour les juifs que pour les musulmans. Aujourd’hui, les  non-juifs ont accès à ce site en passant 3 check points, souvent fermés  par l’armée israélienne.
 
Les colons sont environs 600 à vivre dans la vieille  ville, et sont protégés par plus de 2000 soldats. Au milieu, vivent 170  000 Palestiniens.
 
Après avoir expulsé nombres de familles palestiniennes  de leurs foyers, l’armée israélienne a fermé l’accès à de nombreuses  rues, voire de quartiers entiers, aux Palestiniens. Aujourd’hui seuls  les israéliens y ont accès. Un exemple parmi tant d’autres, le cimetière  musulman.
 
 
Depuis l’arrivée des colons, la vie de la vieille ville  s’est éteinte. Dans certaine rues, les maisons et les commerces ont été  scellés par l’armée.
 
Dans d’autres rues, les colons occupent les étages des  maisons palestiniennes et rendent la vie impossible aux Palestiniens  vivant en dessous. Des grillages ont du être installés afin de protéger  les Palestiniens des projectiles que leurs « squats ».
 
En se promenant dans la vieille ville on peut donc voir  ces grillages jonchés de pierres et de détritus en tous genres. Les  toits de cette partie de la ville sont parsemés de miradors, dans  lesquels sont postés, en permanence, des snipers israéliens.
 
Hashem
 
Hashem est né dans une petite maison perchée sur les  hauteurs de la vieille ville d’Hébron. Son grand père, après avoir été  chassé de chez lui, d’un village près d’Hébron, en 1948, par l’armée  israélienne, est venu se réfugié chez un ami d’Hébron, qui lui permit de  garder cette maison. Depuis lors la famille d’Hashem y vit.
 
Il a environ 10 ans, des colons sont venus s’installer  sur le haut de la colline, dans des caravanes, à quelques dizaines de  mètres de sa maison. Ils confisquèrent la petite parcelle de terre sur  laquelle Hashem avait des oliviers et autres arbres fruitiers et firent  de la vie d’Hashem, de sa famille ainsi que de tout le quartier, un  enfer.
 
 
 Checkpoint de Tel Romeida
  
Pour rentrer et sortir de leur quartier, les  Palestiniens de Tel Romeida doivent passer un checkpoint israélien qui  bloque le seul accès restant à leur quartier (c’est à dire passer un  portique à rayon X et montrer leur identité et , à l’occasion, se faire  insulter par les soldats). Ce check point peut à tout moment être fermé  par l’armée. Ce qui se produit régulièrement.
 
Il leur est interdit d’accéder à leur maison en voiture.  Hashem et sa famille doivent même escalader tout une série de murets  pour entrer chez eux. Qu’il y est une urgence médicale ou non, c’est  toujours la même chose. Ils ne peuvent également pas posséder de couteau  de cuisine, pour des « questions de sécurité ». La plupart des colons,  eux, portent une arme à feu, que ce soit un pistolet ou un M16.
 
Depuis 10 ans, les colons, ainsi que l’armée, attaquent  régulièrement la famille d’Hashem ainsi que tout le voisinage  palestinien. Sa maison a été saccagée de nombreuses fois, tous les  membres de sa famille ont été blessés à plusieurs reprises, sa femme a  d’ailleurs perdu deux grossesses par la violence des colons et des  soldats. Il y a encore 3 jours l’armée est venue la nuit détruire  l’ordinateur familial pour empêcher Hashem de diffuser de l’information  sur internet.
 
Avant l’arrivée des colons, 250 familles palestiniennes  vivaient dans ce quartier, aujourd’hui elles ne sont plus que 49. La  dernière a quitté les lieux en octobre dernier car l’un des enfants, âgé  de 5 ans, a un cancer. Les médecins sont formels, ce cancer est dû aux  passages à répétition sous les portiques à rayons X des check points  israéliens. La famille a déménagé car aucun service d’urgence n’est  apporté aux Palestiniens qui vivent dans ce quartier, les forces  israéliennes l’interdisent.
 
 
 Les soldats israéliens contrôlent un  jeune Palestinien - 20/02/2010 - (c) Anne Paq/Activestills.org 
  
Les enfants d’Hashem sont scolarisés à l’école de  Cordoba. Cette école se trouve aujourd’hui aux abords de ce qui est  devenue la colonie de Bet Hadassa.
 
Régulièrement les enfants et les enseignants de l’école  sont attaqués par les colons (comme vous pouvez le voir sur cette vidéo  montrant les jeunes colons, protégés par l’armée, attaquant les jeunes  Palestiniennes à leur sortie de cours)
 
La visite des colons
 
 Tous les samedis, pour Shabat, des groupes de colons  viennent visiter la vieille ville d’Hébron. La visite commence  généralement vers 15h. Tout d’abord une horde de soldats israéliens  pénètre le cœur de la vieille ville afin de « sécuriser » les environs.  Chaque recoin est inspecté et "nettoyé" de Palestinien.
 
Puis les colons, pour beaucoup armés, arrivent entourés  de soldats. Ce samedi les colons étaient environ 80, surtout des jeunes,  protégés par une trentaine de soldats (au sol, je ne compte pas les  snipers qui sont là en permanence, postés sur les toits des maisons  palestiniennes).
 
Deux « guides » leur expliquent que la vieille ville  d’Hébron devrait revenir aux juifs car c’est écrit dans la Bible. Ils  leur expliquent aussi que les musulmans sont des barbares et qu’ils  n’ont aucun respect pour la vie humaine.
 
Pendant ce temps, la vie des Palestiniens est paralysée,  ils ne peuvent rejoindre leurs maisons, ni les quelques commerces  restés ouverts dans la vieille ville. Certains sont fouillés, d’autres  doivent donner leur pièce d’identité.
 
 
 Un soldat et un colon pendant la  visite de la vieille ville d’Hébron - 20/02/2010 - (c) Anne  Paq/Activestills.org
  
Tous sommes tour à tour mis en joug par les soldats. Le  message est clair, aucun débordement n’est possible.
 
Nous étions quelques étrangers à observer le déroulement  de cette visite. Certains sont des journalistes, d’autres des  observateurs qui s’assurent que les colons ou les soldats ne commettent  pas de violations du droit, chose qui arrive souvent.
 
Un colon, un jeune homme d’une vingtaine d’années, vient  me parler. Il parle très mal anglais mais réussit à me demander « Do  you love Hitler ? ». Je suis surprise de la question... Je lui réponds  « Non ! Et toi ? ». Il est décontenancé et s’en va en me tirant la  langue... J’imagine qu’on a dû lui dire que les étrangers qui viennent  soutenir le peuple palestiniens sont des néo nazis ...
 
Plus tard, alors que les colons retournaient dans la  colonie, un soldat me demande d’où je viens, je lui retourne la  question. Il me dit « d’ici, d’Israël », je lui repose une nouvelle fois  la question « where are you FROM ». Cette fois il me dit avec un  sourire un peu gêné qu’il vient de Russie. Je lui demande alors s’il  aime son travail. Il acquiesce en disant qu’il est heureux de protéger  son pays. Je m’étonne : « mais tu penses vraiment que c’est TON pays  ici ? ». Il rigole et me dit que c’est écrit dans la Bible, qu’il obéit  aux ordres et que le droit n’est pas son problème...
 
Retour à la maison...
 
En rentrant chez Hashem on croise un groupe de colons.  L’un d’eux a fait un malaise. Hashem, qui était kinésithérapeute avant  que les couvre-feux israéliens ne lui fasse perdre son travail,  s’approche pour voir si le colon a besoin d’aide. Un des adolescents du  groupe s’approche de lui et l’insulte en arabe « chien, porc ». Les  soldats arrivent en courant pour voir comment se porte le colon et rient  de voir Hashem, un homme d’une cinquantaine d’années, se faire insulter  par un gamin de 13 ans.
 
Aujourd’hui, lundi 22 Février, 210 Au moment même ou  j’écris cet article, des affrontements ont éclatés dans la vieille ville  entre Palestiniens et colons. Hashem vient de m’appeler. Cela survient à  l’issue de l’annonce du gouvernement israélien d’inclure le Tombeau des  Patriarches à la liste des monuments historiques israéliens. L’armée a  bouclé toute la zone et Hashem ne peut plus rentrer chez lui. Sa femme  Nisreen est seule à la maison, enceinte, avec ses 3 enfants. Les colons  lancent des pierres sur la maison...