mardi 1 juin 2010

Israël défend l’indéfendable

mardi 1er juin 2010 - 04h:49
Marwan Bishara - Al Jazeera
L’attaque militaire israélienne contre la flottile « brisons le blocus de Gaza » dans les eaux territoriales à 65 km des côtes de Gaza, a rompu les barrières du silence sur le blocus de Gaza.
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La justification militaire israélienne selon laquelle ses soldats se sont défendus pour ne pas être lynchés ajoute l’insulte à la mort.
Les portes paroles médiatiques et officiels ont utilisé la même stratégie dans leur bataille vers l’opinion publique : l’attaque est la meilleure défense. Israël n’a pas d’autre option qu’attaquer disent-ils !
Cependant, quoi qu’il se soit passé exactement sur les bateaux de la solidarité, l’utilisation de la force par Israël prouve sa propre défaite. Attaquer par les armes des citoyens d’autres nations dans des eaux internationales parce qu’ils résistaient à leur arrestation est non seulement illégal, mais sert à dégrader les normes légales internationales.
Le rapport de la Commission Goldstone des Nations Unies considère le blocus, le siège de Gaza comme un possible « crime de guerre ». Défendre un tel siège illégal et inhumain par une attaque de l’armée contre un groupe civil de solidarité internationale, va rendre le soutien aux actions israéliennes encore plus difficile pour ses alliés.
Binayamin Netanyahu, le premier ministre israélien, doit rencontrer Barak Obama, le président US, demain et on peut se demander comment celui-ci se sentira de se montrer côte à côte avec le premier ministre israélien [la visite a été depuis reportée - N.d.T].
Les Européens doivent être tout autant embarrassés. Il y a seulement quelques jours ceux-ci ont défendu l’entrée d’Israël à l’Organisation pour la Coopération et le Dévelopement Economique (OCDE).
Mais cela va-t-il conduire à la levée du siège de Gaza, ou guère plus que l’indignation sans conséquence et les condamnations sans lendemain ?
Quelle « communauté internationale » ? Où sont les Arabes ?
La « communauté internationale » est un terme chargé. Quand il s’agit d’Israël et de la Palestine il signifie beaucoup de palabres et peu ou pas d’action - et, de fait, 43 ans d’occupation.
La dite « communauté internationale » agit quand les alliés d’Israël - les Etats Unis et ses alliés de l’Ouest - sont d’accord. Ainsi les résolutions concernant l’Irak ou l’Iran, par exemple, passent tandis que celles concernant Israël sont bloquées.
L’émergence d’une « communauté internationale » civique engagée dans une action pour rompre le siège de Gaza est le résultat de l’incapacité de la « communauté internationale » officielle de faire plus que proposer des résolutions et des condamnations aux Nations Unies.
Le pire cauchemar d’Israël est devenu une réalité. La « communauté internationale » civique est aujourd’hui aussi active qu’elle l’a été contre l’Afrique du Sud de l’apartheid.
Israël tente de dénommer ce mouvement de solidarité internationale les « amis djihadistes » du Hamas. Mais la diversité et la pluralité du mouvement et l’identité des passagers de la flottille attaquée, rendent cette proclamation ridicule.
Le maillon faible au sein de la « communauté internationale » semble encore être celui de l’officielle Ligue Arabe qui a réduit son rôle a celui de simples spectateurs.
Sécurité ou arrogance ?
L’attaque israélienne et l’arraisonnement de la flottille de solidarité - alors qu’Israël a été informé du contrôle des bateaux dans leurs ports par les autorités turques - apparaît moins être une question de sécurité qu’un effort calculé pour dissuader d’autres actions similaires.
Une analyse à froid des coûts et bénéfices de l’opération israélienne ne montre aucun bénéfice - en termes de sécurité ou autres - mais des pertes potentielles majeures.
Parmi les possibles conséquences diplomatiques, les relations Israélo-Turques - qui se sont détériorées au cours des dernières années - sortent sérieusement endommagées par cette attaque, et il est difficile de dire comment Israël pourrait retrouver sa relation stratégique avec la Turquie après avoir tué des civils turcs.
Recep Tayyip Erdogan, le premier ministre turc, a déjà accusé Israël de « savoir comment tuer ». La Turquie se rend compte maintenant qu’Israël est capable de prendre dans ses propres mains, quoi que quiconque en dise.
Contrairement à la plupart des états arabes, la Turquie n’est pas dirigée par un homme seul. Erdogan doit répondre devant un parti et devant une opinion publique réactive qui semble de plus en plus irritée par les relations Turquie-Israël.
Le credo d’Israël a longtemps été : « Israël fait ce qu’il doit, et le monde (les goys) peuvent dire ce qu’ils veulent. »
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* Marwan Bishara est principal analyste politique sur le Moyen-Orient pour Al-Jazeera ; écrivain et journaliste palestinien, il est également chercheur à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS, Paris) et enseignant à l’Université américaine de Paris. Il a écrit : « Palestine/Israël : la paix ou l’apartheid ? » paru aux Editions La Découverte
31 mai 2010 - Al Jazeera - Vous pouvez consulter cet article à :
http://blogs.aljazeera.net/imperium...
Traduction de l’anglais : LPR
http://info-palestine.net/article.php3?id_article=8816