mercredi 19 août 2009

Un casse-tête pour Israël : comment faire avec l’Iran ?

mardi 18 août 2009 - 07h:54

Ramzy Baroud


Une attaque américaine à grande échelle et l’invasion et l’occupation de l’Iran qui devraient suivre sont tout simplement impraticables, plongeant Israël dans les affres de l’anxiété, écrit Ramzy Baroud.

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Parade militaire à Téhéran, en présence de l’ayatollah Ali Khamenei - Photo : AFP

Les officiels israéliens font face à un problème qui peut demander plus que simplement jouer des muscles pour être résolu. Ce problème est « comment faire avec l’Iran ». La solution à ce dilemme n’exigera rien de moins que de l’ingéniosité politique.

Cela doit être frustrant pour les décideurs israéliens, leurs amis et leurs appuis d’un peu partout de se tenir sur la réserve alors que l’Iran poursuit ouvertement son programme d’enrichissement d’uranium, sans opposition si ce n’est les gesticulations des Etats-Unis et de l’Europe et une vague menace de nouvelles sanctions qui infléchiraient de façon peu probable la résolution iranienne.

Ceci est doublement frustrant, considérant la relative facilité avec laquelle les Etats-Unis et sa modeste coalition ont lancé une guerre contre l’Irak sous les applaudissements israéliens. Hélas, ces jours-là sont passés. Aujourd’hui les Etats-Unis sont impatients de masquer leur échec en Irak en insistant sur la nécessité de livrer des batailles plus pressantes ailleurs, à savoir en Afghanistan.

Indépendamment des raisons ayant poussé les Etats-Unis à s’attaquer à l’Irak et des raisons qui font que leurs objectifs n’ont pas été atteints, les calculs israéliens ont rencontré un étonnant succès en ayant éliminé la menace (supposée ou réelle) irakienne, et le chaos hantera probablement ce malheureux pays pendant les années à venir.

Maintenant c’est au tour de l’Iran. En fait cela a toujours été au tour de l’Iran depuis des années, mais rien ne semble bouger sur ce front. Si l’expérience de l’Irak avait été un succès, les Etats-Unis auraient certainement sauté sur l’occasion et foulé aux pieds l’Iran, un pays riche en pétrole avec une position stratégique cruciale. Le contrôle de l’Iran serait la pièce manquante du puzzle qui repousserait les frontières de la domination et de l’influence des Etats-Unis, verrouillant au besoin les prétentions des géants asiatiques naissants, et naturellement de la Russie. Mais une opération militaire américaine contre l’Iran, dans les circonstances présentes, ne représente rien de moins qu’un suicide militaire. L’Irak a fixé les limites des capacités militaires des Etats-Unis, inspirant les Talibans pour qu’ils imposent à leur tour les leurs. Juillet 2009 est entré dans l’histoire comme le mois le plus meurtrier pour les forces américaines. Ce mortel mois de juillet promet de se répéter souvent car les Talibans et toutes sortes de milices tribales en Afghanistan apparaissent plus forts et plus déterminés [savvier] que jamais.

Une attaque américaine à grande échelle et, inutile de le préciser, l’invasion et l’occupation de l’Iran qui devraient suivre sont tout simplement impraticables. Si une telle imprudence était jamais commise, tout cet enfer se répandrait jusqu’en lrak, vu les solides liens politiques et sectaires qui unissent les deux pays qui partagent par ailleurs une frontière commune illimitée.

Et c’est précisément la source de la frustration éprouvée par les Israéliens qui comptaient sur la générosité militaire américaine pour intimider les ennemis d’Israël, ou même les abattre comme dans le cas en Irak.

La frustration israélienne doit s’être également transformée en franche colère lorsque Hillary Clinton a une fois de plus évoqué la question d’un « parapluie de protection » sur le Moyen-Orient censé le protéger d’un futur Iran nucléarisé. Elle a été citée comme déclarant dans une entrevue avec la télévision thaïlandaise : « Si les Etats-Unis étendent un parapluie défensif au-dessus de la région, si nous faisons bien plus pour développer les capacités militaires des Etats du Golfe, il est peu probable que l’Iran devienne plus fort ou plus sûr de lui car il ne pourra pas intimider [ces Etats] et les dominer comme il semble le croire une fois qu’il disposera d’une arme nucléaire ». La remise sur le tapis par Clinton de l’idée d’un parapluie défensif - idée présentée dans un rapport publié le 4 mars dernier par un groupe de réflexion pro-Israélien, l’Institut de Washington pour la Politique du Proche-Orient (WINEP) - est tout à fait contradictoire avec sa promesse enthousiaste « de rayer totalement de la carte » l’Iran si celui-ci attaquait Israël, alors qu’elle faisait en sorte de leurrer ses partisans lors de la course pour la nomination comme candidate présidentielle l’année passée. Il semble que les Etats-Unis - en dépit de l’usage d’un vocabulaire menaçant - évoluent vers l’idée de vivre avec et de « contenir » un Iran nucléaire, alors que ce n’est pas le cas d’Israël comme on peut s’y attendre.

Le gouvernement d’extrême-droite du premier ministre israélien Benjamin Netanyahu manoeuvre à présent pour imposer une position plus dure des Etats-Unis à l’égard de l’Iran, particulièrement après que la récente déstabilisation interne de la République islamique n’ait pas porté tous les fruits attendus. Ces manoeuvres israéliennes sont à la fois politiques et militaires. Le Times a fait état d’un marchandage où des « concessions » israéliennes sur ses colonies dans les Territoires Palestiniens Occupés seraient échangées contre un assentiment occidental pour une attaque israélienne sur les installations nucléaires de l’Iran. « Israël a choisi de placer la menace iranienne au-dessus de ses colonies, » a déclaré le 16 juillet au Times un diplomate européen de haut niveau.

A ces manoeuvres politiques s’est ajoutée une démonstration de force, deux vaisseaux de guerre et un sous-marin israéliens transportant des missiles et capables de lancer une frappe nucléaire, ayant été autorisés à traverser le canal de Suez égyptien pour la première fois. Ce déploiement sans précédent en Mer Rouge a été interprété comme un signal selon lequel l’Iran est dans la ligne de mire israélienne. Le message, cependant, avait peut-être une signification politique plus profonde puisque Israël serait capable de frapper l’Iran avec la complicité d’alliés régionaux. En d’autres termes, Israël n’est pas vraiment isolé dans ce conflit. Pire encore, si l’on considère les sérieuses tentatives américaines pour affaiblir l’alliance entre la Syrie et l’Iran, le message du canal de Suez était bien plus significatif sur le plan politique, sa valeur militaire restant encore à déterminer.

Sur le plan militaire, les choses ne sont pas très prometteuses, car les manoeuvres militaires israéliennes suivies avec grande attention et menées récemment aux Etats-Unis, ont enregistré peu de succès. Israël a annulé les essais de son système antimissile Arrow suite à des problèmes techniques. Le programme Arrow, à moitié financé par les Etats-Unis, est censé arrêter et détruire des missiles iraniens tels que le Shehab-3.

Alors que l’option militaire des etats-Unis contre l’Iran est en grande partie en train de se dissiper, la frustration et les soucis d’Israël ne font que s’étendre. Si l’Iran n’est pas neutralisé militairement - comme les Etats-Unis l’ont fait avec l’Irak, alors un Iran nucléaire n’est qu’une question de temps. Si Israël frappe l’Iran, il n’y a aucune garantie qu’une telle action - qui portera certainement torts aux intérêts stratégiques américains - supprimerait de quelque façon ou même ralentirait le programme nucléaire iranien.

Les Etats-Unis et leurs alliés européens semblent à court d’idées à propos de « comment traiter l’Iran », laissant Israël dans un grave imbroglio : vivre dans l’ombre d’un Iran nucléaire, devenu puissance régionale à long terme, ou frapper la République islamique avec l’espoir que son régime perçu de façon erronée comme précaire s’effondrera rapidement, laissant les Etats-Unis ramasser les morceaux et la région entière confrontée au chaos qui certainement suivra.

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Ramzy Baroud est écrivain et rédacteur en chef de « PalestineChronicle.com ». Ses écrits ont été publiés dans de nombreux journaux, magazines et anthologies dans le monde entier.
Son dernier livre est The Second Palestinian Intifada : A Chronicle of a People’s Struggle (Pluto Press, London). Et son prochain : My Father Was a Freedom Fighter : Gaza’s Untold Story(Pluto Press, London).

Site Internet :

www.ramzybaroud.net

25 juillet 2009 - Communiqué par l’auteur

Traduction de l’anglais : Claude Zurbach

Gaza : les blessures sont encore brûlantes

mardi 18 août 2009 - 07h:54

Generaldelgation Palaestinas



Six mois après la fin de la guerre de Gaza, les Palestiniens de la bande côtière souffrent encore toujours des séquelles et du blocus israélien. Martin Gehlen évoque leur vie.

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Hôpital Al Shifa, Gaza, janvier 2009 ...

Khaled Misbah Al Attar est devenu taciturne. Il caresse le jeune figuier qu’il a planté il y a trois mois, juste derrière le tas de décombres qui naguère était sa maison. « Je suis fier de notre combat, mais je ne veux plus payer ce prix » murmure-t-il. « Chaque matin, quand je regarde mon ancienne maison, j’ai les larmes aux yeux ».

En janvier, peu après la guerre de 22 jours entre Israël et le Hamas, cet adhérent de 55 ans à l’organisation islamique radicale se faisait encore photographier, fier et provocant, sur le toit de la maison démolie de la petite ville de BethLahia, avec sa petite-fille Mariam. A présent la plupart du temps il est assis, tourné en lui-même, devant un petit conteneur résidentiel offert par la Turquie, mais inhabitable à cause de la chaleur estivale. L’un de ses quatre fils a perdu la vie au combat.

40 personnes vivent maintenant entassées au deuxième étage du second immeuble de la famille. Les trous de la taille d’un homme dans les pièces du premier étage que des soldats israéliens ont fait sauter quand ils y étaient retranchés, ont été refermés. Leurs graffitis dans l’entrée et dans le séjour, Al Attar veut les recouvrir dans les prochaines semaines, quand il aura réuni l’argent pour acheter de la peinture.

En ces jours troublés de l’après-guerre, on pouvait entendre crier Imam Abou Amira, 8 ans, dès la cage d’escalier de l’hôpital Schifa, lorsqu’il fallait lui changer les pansements de ses jambes brûlées. La grand-mère s’efforçait de consoler l’enfant grièvement blessée. Avec de nouveaux soins et une injection calmante, la petite avait alors une bonne heure avant de se rendormir, épuisée.

Deux mois plus tard, elle a pu sortir pour aller dans le camp appelé Beach Camp, le plus grand camp de réfugiés de la bande de Gaza. A l’école, malgré le temps qu’elle a perdu, elle fait partie des meilleurs élèves. Jour et nuit elle doit porter des pantalons spéciaux afin que sa peau ravagée reste aussi douce que possible et ne démange pas. »Imam a honte de montrer ses blessures à ses amies » dit la mère. La nuit, sa fille se réveille souvent et crie. « Quand je lui demande ce qui se passe, elle dit qu’elle ne veut pas en parler ».

Gaza, six mois après la fin de la guerre : les tirs ont cessé, mais les explosions résonnent toujours - dans les petites têtes et dans les grandes, dans les pensées et dans les rêves. Beaucoup d’enfants sont devenus tellement agressifs que même les collaborateurs du service psychologiques capitulent devant eux.

Parmi les plus âgés, beaucoup n’arrivent pas à comprendre que Gaza n’est plus comme avant, alors que tout est exactement comme avant. Les plages sont bondées, tous les deux à trois cents mètres il y a un support de bois avec des bouées multicolores. En matière de cerfs-volants, Gaza tient sans doute le record mondial. Deux vieux conteneurs dans lesquels on a meulé des fenêtres servent de cuisine à un camp d’été pour les enfants. Dans la demi-douzaine d’hôtels le long de la promenade de Gaza-Ville, chaque soir des noces vont bon train.

Mais la cage de 360 kilomètres carrés avec 1,5 million d’habitants qu’est Gaza est tout aussi hermétiquement fermée que depuis 2007. Dans le ciel, des avions à réaction israéliens patrouillent ostentatoirement. La zone pour les bateaux de pêche a encore été réduite, de six à trois milles marins. Et le long de la frontière intérieure, comme toujours, les services secrets israéliens fait aller et venir ses dirigeables, dont les caméras de haute technologie gardent l’œil sur tout. Mais l’attention internationale, elle, s’est détournée depuis longtemps, vers l’Afghanistan, vers Wall Street, vers Teheran.

Selon les données palestiniennes, 1417 habitants de Gaza sont morts pendant les trois semaines de la guerre, et parmi eux 313 enfants. Il y eu plus de 5.000 blessés. « Peut-être que l’opinion internationale n’a pas encore bien compris ce qui s’est déroulé ici. Peut-être aussi qu’elle ne veut rien savoir » suppute Eyad al-Sarraj, un psychologue pour enfants bien connu. « une guerre comme celle-là, il n’y en a encore jamais eu. Il n’y avait aucun endroit sûr, pas moyen d’échapper, pour personne » dit-il, tandis qu’un F16 rugit en survolant son jardin. « Chaque fois j’imaginais que je pouvais être le suivant. Les gens ont plein le dos de la guerre et du blocus, dit-il. Ils veulent vivre enfin une vie normale ».

Car l’exiguïté de Gaza étouffe les enfermés et rend tout encore plus étriqué. « Quand tu vis dans une cage, tout se met à devenir suspect autour de toi » dit Ahmed Youssouf, co-fondateur du Hamas et conseiller auprès du chef du gouvernement Ismaïl Hanié . Cet homme de 59 ans a vécu 18 années aux USA. « J’ai eu de la chance », c’est ainsi qu’il voit les choses aujourd’hui.

Deux de ses frères ont travaillé de nombreuses années en Israël, ils connaissent le hébreu. Aujourd’hui ils vivent à Miami et ont les meilleures relations avec la communauté juive locale. « Voyager, c’est comme se poster sur une colline. L’horizon s’étend, et soudain tu vois plein de choses avec d’autres yeux ».

Le politicien du Hamas a écrit 24 livres, son dernier lui aussi parle à nouveau du conflit israélo-palestinien. « Depuis un toit à Rafah, quand un missile est tombé, j’ai vu deux personnes voler en flammes à 25 mètres de haut - cette scène-là, je m’en souviendrai jusqu’à la fin de mes jours ».

Depuis le bureau de Youssouf au onzième étage, la vue porte loin sur la Méditerranée. « Il nous faut plus d’air frais, il y a beaucoup de gens crucifiés chez nous » dit-il. « Leur univers n’est fait que de souffrance et de mort, de révolte et de combat ».

L’un de ces crucifiés est Abou Halid, comme il se nomme. Il a un bon visage rond, aime rire et en d’autres circonstances il serait devenu un type très bien. Depuis 2003 il fait partie des Brigades Kassam, le bras armé du Hamas. La guerre, il l’a passée avec des dattes, de la viande en conserve et de l’eau dans des tunnels militaires sous la terre.

Sur la terre, il était et il est toujours policier. Dans un étui de cuir noir il porte une Kalachnikov qu’il déplie en deux gestes prestes. « Nous ne croyons pas que la guerre soit finie. Cela va continuer » dit-il. Son unité s’entraîne déjà avec de nouvelles armes - des projectiles perceurs de blindages, de fabrication chinoise, des missiles Stinger et des fusils de précision. Et dans les forges à missiles souterraines, ses compagnons d’armes bricolent des missiles censés pouvoir voler jusqu’à Tel Aviv.

Abou Halid est l’aîné de onze frères et deux soeurs - un mauvais exemple, estime sa mère. « Tu contamines tes frères avec la violence, et nous devons tous en payer le prix » lui reproche-t-elle sans cesse. Une fois dans sa vie cet homme de 23 ans est allé à l’étranger, C’était en 2006, quand des centaines de milliers de Palestiniens ont forcé la frontière à Rafah. Abou Halid est allé jusqu’à El Harish en Egypte, à 30 kilomètres de la barrière. Il s’est payé un poisson dans un snack, et le soir il est retourné dans sa bande de Gaza en stop. L’étranger, il l’imagine merveilleux : « Il y a tout le chocolat qu’on veut, et assez de ciment » s’extasie-t-il.

Le ciment, la gouvernement israélien n’en a pas autorisé le moindre sac depuis la fin de la guerre, malgré toutes les destructions, de même pour les vitres, les pièces de rechange, les ordinateurs et bien d’autres choses dont Gaza a un besoin pressant. Partout dans les rues on voit des feuilles de plastique en guise de fenêtres. Les gravats ont été déblayés, mais pas une seule des quelque 14.000 maisons bombardées n’a pu être reconstruite jusqu’à présent. Une partie des sans abri vivent sous tente, la plupart logent en toute exiguïté chez des parents.

Avant 2007, il y avait 3.900 entreprises à Gaza, la plupart de moins de quatre employés, dit l’expert économique Omar Shaban, dirigeant de Palthink, un think-tank palestinien, et de l’organisation caritative catholique Caritas à Gaza. 3.500 d’entre elles ont dû fermer à cause du blocus israélien, parce qu’elles dépendaient de l’importation de matières premières d’Israël. « Quant à l’infrastructure industrielle - machines, locaux et véhicules- c’est la guerre, ensuite, qui l’a anéantie ».

Selon l’estimation de Shaban il faudra au moins quatre milliards de dollars et dix années « avant de retrouver le niveau économique de l’an 2000, donc avant la deuxième Intifada ». De l’aide en milliards promise par la conférence internationale sur Gaza à Charm-el-Cheikh en mars dernier, pas un centime n’est encore parvenu dans la bande côtière dévastée. Seule une aide d’urgence a été payée par le gouvernement du Hamas : 4.000 dollars pour une maison détruite, 1.000 dollars pour un parent tué.

Entre temps la plupart ont utilisé cet argent, notamment la paysanne Sabah Abu Halima, dont la famille a en outre été soutenue par le gouvernement avec six quintaux de plants de pommes de terre. Deux bombes au phosphore avaient transpercé le toit en béton de sa maison. Son mari, trois fils et une fille ont été tués sur le coup, une bru est morte quatre mois plus tard à l’hôpital en Egypte. Dans l’entrée, les fils survivants ont couvert de peinture blanche le sang répandu. La cuisine est toujours d’un noir charbonneux, les câbles électriques fondus y ont laissé de minces lignes blanches.

« Les trois premiers jours, Madame Halima, dans son lit d’hôpital, n’a pas cessé de nous supplier d’aider son mari et ses enfants » se souvient le chef de la chirurgie plastique de l’hôpital Schifa, Nafiz Abou Shaban. Personne n’a pu la calmer, ni les médecins, ni le psychologue. « Finalement, nous avons conduit cette femme grièvement brûlée au cimetière, pour lui montrer les tombes ».

Shaban a été formé en Ecosse et aux Etats-Unis. « La guerre a été un tournant dans ma vie » dit cet homme de 53 « ans. « Voir mon peuple brûler à mort, cela m’a totalement chamboulé ». Sa maison a vibré comme sous un tremblement de terre. « Tous les jours, j’étais sûr que j’allais mourir ».

Avant la guerre il se disait : « Sois réaliste, nous devons vivre en paix avec les Israéliens ». Il avait des contacts avec beaucoup de médecins juifs, mais après la guerre plus personne ne l’a contacté. Et à Gaza il y a encore tellement de brûlés que la liste d’attente pour les opérations porte sur plus d’un an.

Son pacte intérieur en faveur de la raison politique, Nafiz Abu Shaban l’a résilié : « Avec un tel peuple, on ne peut pas vivre ensemble » dit-il à voix basse à la fin de l’entretien. Il est près de minuit, sa Toyota blanche est la dernière sur le parking devant l’entrée principale de la clinique. Les maudits restes de phosphore que le médecin-chef a recueillis sur la rue pendant la guerre sont toujours dans son bureau - conservés dans une boîte de métal beige pleine de sable. Il n’y a qu’à écarter le sable, dit-il, et cela brûlera de nouveau.

11 août 2009 - Die Zeit - Vous pouvez consulter cet article ici :
http://www.palaestina.org/news/beit...
Traduction de l’allemand : Marie Meert

Moubarak rencontre des dirigeants juifs à Washington et fait l'éloge à Netenyahu

18/08/2009 Le président égyptien Hosni Moubarak, en visite à Washington, a rencontré huit dirigeants juifs, et discuté du soi-disant "processus de paix au Moyen Orient", des négociations en cours pour libérer le soldat israélien détenu à Gaza, et du programme nucléaire iranien.

Rapportant les propos d'un des participants, le quotidien israélien le Haaretz a révélé que la réunion a eu lieu à l'initiative de la délégation égyptienne, formée par le ministre des Affaires Etrangères Ahmad Abou Gheit, le chef des renseignements égyptiens Omar Souleimane, et l'ambassadeur égyptien à Washington.

Selon cette même source, Moubarak a tenu des propos positifs et étonnants envers le gouvernement israélien, le Premier ministre Benjamin Netenyahu et le Président israélien Shimon Peres.


Les dirigeants juifs ont affirmé qu'ils partageaient avec Moubarak sa vision pour la paix entre les Israéliens et les Palestiniens, mais qu'il faut exprimer ouvertement le désir croissant dans le monde arabe de normaliser les relations avec Israël, en adressant un message direct au gouvernement israélien.


Selon le Haaretz, les dirigeants juifs ont remercié le président égyptien pour son rôle dans les efforts en cours visant à libérer le soldat israélien Gilad Shalit, selon le Haaretz, qui a précisé qu'il ne s'agit pas de la première rencontre de ce genre avec des dirigeants juifs aux Etats-Unis, et qui a qualifié cette réunion à huis-clos de "discussion amicale des affaires à intérêt commun".

almanar.com

The Guardian: Israël applique un plan clandestin visant à vider la Cisjordanie de ses habitants palestiniens

18 Août 2009

Londres / Le journal britannique The Guardian a affirmé qu'Israël est en train d'exécuter un plan clandestin visant à vider la Cisjordanie de ses habitants palestiniens.

"Le 2 août courant, la police israélienne a chassé deux familles palestiniennes composées de 50 personnes de leurs foyers à al-Qods-est, et les colons se sont empressés à occuper les maisons évacuées", a indiqué le journal britannique dans un article écrit par le directeur de l'institut international des sciences humaines /Birkbeck/, M. Slavoj Zizek, qui souligne la poursuite des saisies par Israël des terres des palestiniens dans le but d'étouffer leur économie.

Evoquant des rapports parlant de plans du gouvernement israélien de construire /70 mille/ unités de logements dans les colonies de la Cisjordanie,"15 mille d'entre eux avaient en effet obtenu l'autorisation de construction", a-t-il affirmé, l'auteur de l'article avertit qu'en cas de l'exécution de ces plans, le nombre des colons s'élèvera à trois cent mille, la chose qui détruira non seulement la chance de l'établissement de l'Etat palestinien mais encore la vie quotidienne des Palestiniens.

"Et en voilà les faits, Israël, tout en parlant de la solution de deux Etats, s'emploie à réunir les faits qui rendent cette solution impossible", constate l'auteur de l'article qui critique fortement les restrictions rigides et les mesures sévères et humiliantes que l'occupant exercent contre les Palestiniens.

"Les Palestiniens employaient le terme du plus grand camp de détention pour qualifier Gaza; et au fait, ce terme s'approche dangereusement de la réalité", poursuit l'auteur qui fait état opérations israéliennes, clandestines et lentes, que les médias passent sous silence;"et un jour le monde se réveillera pour ne plus voir une Cisjordanie palestinienne", avertit Zizek.
Gh.H.

sana.sy

Les sites archéologiques en Cisjordanie entre l'isolement, le pillage et la confiscation

18 Août 2009

Damas / Le site – Internet /Quds – Net/ a publié aujourd'hui un rapport sur les pratiques et les méthodes adoptés par les autorités d'occupation israélienne pour effacer les aspects historiques, l'identité et le patrimoine palestiniens et de falsifier les faits de l'histoire palestinien en Cisjordanie.

Selon /Quds – Net/, les autorités d'occupation israélienne se sont emparées en Cisjordanie de milliers de dunums des terres qui contiennent des sites archéologiques importants, prétendant que ces terres se situent dans les zones de reconstruction du mur de séparation raciale.

Parmi ces sites archéologique /Quds – Net/ cite: /Kherbat Chamsine/ qui est un site antique de /60/ dunums, situé entre les deux villages de Qafine et Baqa-Est.

Ce site qui se situe à l'ouest du mur de séparation raciale, et qui se distingue par ses murs, ses vestiges, ses réserves de puits et ses cimetières antiques, connaissait un mouvement touristique actif avant d'être ceinturé par le mur de séparation.

Le /Quds – Net/ a parlé aussi de /Kherbat Oum Qusseir/ qui se situe entre les deux villages de Qafine et al-Nazleh-Est et s'étend sur /10/ dunums/, et de /Kherbat Zahran/ qui se situe entre les deux villages de Safarine et Kafar al-Labd à l'Est de Toulkarem et contient une église antique et des murs de mosaïque.

Il y a aussi /Kherbat Rahal/, une localité romaine antique située à l'ouest du village /Deir al-Ghoussoun/ au nord de la ville de Toulkarem et s'étendant sur /8/ dunums, Tel Choueikeh et tel al-Ras qui remontent à l'âge de bronze et de fer et aux deux époques romain et byzantin.

N.S. / Gh.H.

sana.sy

Sous la pression américaine, Israël se dit prêt à un geste sur la colonisation

19/08/2009

Des colons israéliens manifestant contre Barack Obama qui exige un gel total de la colonisation.Menahem Kahana/AFP
Des colons israéliens manifestant contre Barack Obama qui exige un gel total de la colonisation.Menahem Kahana/AFP
CISJORDANIE Netanyahu est disposé à freiner temporairement la colonisation en n'émettant pas d'appels d'offres à la construction jusqu'au début 2010.
Sous pression de Washington, Israël s'est dit hier disposé à freiner temporairement la colonisation en Cisjordanie en gelant les appels d'offres à la construction de logements jusqu'au début 2010, ce qui n'empêcherait toutefois pas la poursuite des projets privés. Le Premier ministre Benjamin Netanyahu envisage de prolonger une suspension de facto des appels d'offres en place depuis neuf mois, y compris à Jérusalem-Est (annexée après sa conquête en juin 1967), ont fait savoir des hauts responsables gouvernementaux. Cette annonce survient une semaine avant une rencontre à Londres entre M. Netanyahu et l'envoyé spécial américain pour le Proche-Orient George Mitchell, qui doit porter sur un gel de la colonisation. M. Netanyahu s'est mis d'accord avec son ministre de la Défense Ehud Barak et le ministre de l'Habitat Ariel Attias pour dire aux États-Unis qu'Israël est prêt à faire ce geste, ont précisé des hauts responsables de ces ministères. « Depuis que ce gouvernement a pris ses fonctions (en avril), il est incontestable qu'aucun appel d'offres n'a été émis en Judée-Samarie (Cisjordanie). C'est la réalité », a déclaré M. Attias à la radio. « Il s'agit d'une période d'attente (...), une tentative de parvenir à une entente avec l'administration américaine », a-t-il ajouté.
La décision israélienne a été aussitôt rejetée comme une manœuvre par les Palestiniens qui ont fait valoir que la colonisation se poursuivait sur le terrain, via des organismes privés ou relevant de municipalités (mais largement subventionnés par l'État). « Israël doit cesser toutes les activités de colonisation sans exception. Il ne fait que lancer des ballons d'essai, et nous sommes habitués à ce genre de tromperies », a déclaré à l'AFP le négociateur palestinien Saeb Erakat. « Ces déclarations sont insuffisantes. Nous voulons que les Israéliens s'engagent à arrêter la construction et à suspendre les appels d'offres déjà lancés », a renchéri Nabil Abou Roudeina, porte-parole du président palestinien Mahmoud Abbas.

À l'opposé, les représentants des colons et l'aile la plus à droite du gouvernement Netanyahu ont dénoncé cette décision. « C'est un processus dangereux, contraire aux vœux des électeurs israéliens et aux promesses claires du Premier ministre avant son élection en faveur du développement des implantations. C'est une capitulation devant les diktats de l'administration américaine », a protesté Yesha, la principale organisation représentative des colons, dans un communiqué.
À Washington, le président américain Barack Obama a félicité hier Israël pour « un geste dans la bonne direction » et a de nouveau appelé les pays arabes et les Palestiniens à faire un geste envers l'État hébreu.
Durant les huit premiers mois de l'année 2008, marquée par une intensification spectaculaire de la colonisation, Israël avait lancé 417 appels d'offres de construction dans les colonies de Cisjordanie et 171 pour Jérusalem-Est. Le mouvement israélien La Paix maintenant, opposé à la colonisation, a confirmé l'arrêt des appels d'offres depuis plusieurs mois. Mais ce mouvement a souligné que « même en cas d'arrêt total des appels d'offres de la part du gouvernement, au moins 60 % de la construction dans les colonies continuerait ». Israël a stoppé les appels d'offres depuis novembre 2008, aussi bien en Cisjordanie qu'à Jérusalem-Est, a précisé à l'AFP Mme Hagit Ofran, chargée du dossier de la colonisation à La Paix maintenant. Quelque 300 000 colons israéliens vivent en Cisjordanie et près de 200 000 autres se sont installés dans une douzaine d'implantations érigées à Jérusalem-Est.
l'orient le jour

Moubarak à Obama : « Il faut avancer vers une solution définitive au P-O »

19/08/2009

Obama a « levé tous les doutes » sur les relations entre les États-Unis et le monde musulman, a déclaré hier Hosni Moubarak.Jim Young/Reuters
Obama a « levé tous les doutes » sur les relations entre les États-Unis et le monde musulman, a déclaré hier Hosni Moubarak.Jim Young/Reuters
Washington espère présenter un plan de paix en septembre au moment de l'ouverture de la nouvelle session de l'Assemblée générale des Nations unies.

Le président égyptien, Hosni Moubarak, reçu lundi à la Maison-Blanche par son homologue américain, Barack Obama, a insisté sur la nécessité d'un accord de paix définitif au Proche-Orient. M. Moubarak a jugé hier qu'il fallait s'attaquer au cœur des négociations de paix israélo-palestiniennes en vue d'une solution définitive. « Nous devons avancer vers le statut final » des territoires palestiniens, a-t-il déclaré à la presse. Le statut final doit notamment trancher la question des frontières, du statut de Jérusalem, des colonies, des réfugiés et de l'État palestinien.
Par ailleurs, aux côtés de son hôte américain, M. Moubarak a assuré hier que celui-ci avait « levé tous les doutes » sur les relations entre les États-Unis et le monde musulman lors de son discours au Caire en juin. Parallèlement, selon un porte-parole de M. Moubarak, le président américain a dit hier à son homologue égyptien que Washington espérait présenter un plan de paix pour le Proche-Orient en septembre, au moment de l'ouverture de la nouvelle session de l'Assemblée générale des Nations unies.

Mais à la Maison-Blanche, le porte-parole Robert Gibbs a nuancé cette annonce en précisant qu'il espérait de nouveaux progrès mais qu'il n'était « pas au courant d'un plan précis ».
De son côté, M. Obama a appelé tous les acteurs du Proche-Orient à prendre des « risques » pour redémarrer le processus de paix.
Dans une interview diffusée lundi sur la chaîne de télévision américaine CBS, le président Moubarak avait estimé que le temps des accords provisoires était révolu et qu'un accord définitif devait être négocié. Dans cette interview, M. Moubarak a souligné la position renforcée du président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, dit Abou Mazen, depuis le récent congrès de son parti le Fateh, ce qui selon lui en fait un partenaire fiable pour la paix. Le président égyptien a également mis en exergue les efforts de son pays pour tenter de résoudre la question de la rivalité interpalestinienne entre le mouvement islamiste Hamas qui a pris le contrôle de Gaza en 2007 et le Fateh. L'Égypte est aussi impliquée dans des tractations entre Israël et le Hamas en vue d'un échange de prisonniers.
Mais pour M. Moubarak, les pays arabes songent à « la reconnaissance d'Israël et la normalisation des relations après, et non avant, qu'on parvient à une paix juste et durable », a-t-il dit dans une autre interview lundi au quotidien égyptien proche du pouvoir al-Ahram.
Outre le président Obama, M. Moubarak a exposé sa position auprès de la secrétaire d'État Hillary Clinton, du directeur du renseignement américain Dennis Blair et de responsables de la communauté juive américaine.
Âgé de 81 ans, M. Moubarak, au pouvoir depuis 1981, est un allié-clé des États-Unis au Proche-Orient. La dernière visite de M. Moubarak aux États-Unis remonte à 2004. Il avait alors rencontré le président George W. Bush à Crawford (Texas, Sud).
l'orient le jour

Congrès de Béthléem : la seconde mort du Fatah

publié le mardi 18 août 2009

Julien Salingue
« La crise consiste précisément dans le fait que l’ancien meurt et que le nouveau ne peut pas encore naître ; durant cet entredeux, une grande variété de symptômes morbides se font jour » [1]

« Sang neuf », « Renouvellement d’ampleur », « Caciques évincés », « Direction sortante battue », « Victoire de la jeune garde »… La presse semble unanime pour commenter les résultats des élections internes du Fatah à l’occasion de son 6ème Congrès, reprenant à son compte une division « jeune garde/vieille garde » popularisée depuis plusieurs années par nombre de commentateurs, au premier rang desquels Khalil Shikaki [2]. L’emballement médiatique autour de cette opposition commode mais pourtant largement erronée appelle un certain nombre de réflexions : c’est ce que je tenterai de faire ici, même si en l’état actuel des choses je ne peux prétendre à produire une analyse réellement exhaustive du 6ème Congrès du Fatah.

Un « rajeunissement » très relatif

Un premier constat s’impose : parler du rajeunissement de la direction d’une organisation qui n’a pas tenu de congrès depuis 20 ans est au mieux une tautologie, au pire une banalité. Est-il besoin de rappeler ici que les membres du Comité Central (CC) sortant présentaient la respectable moyenne d’âge de 69 ans ? Est-il besoin de rappeler ici les décès, au cours des dernières années, de deux des membres les plus éminents du CC, Yasser Arafat et Fayçal al-Husseini ?

Qui plus est le rajeunissement n’est que très relatif : la survalorisation de l’arrivée de Marwan Barghouthi (50 ans) ou de Mohammad Dahlan (48 ans) est un prisme déformant. La moyenne d’âge du nouveau CC, dans lequel on retrouve Mohammad Ghneim (72 ans), Salim Za’noun (76 ans) ou encore Nabil Shaath (71 ans), se situe, selon les informations que j’ai pu réunir, entre 61 et 62 ans. Soit 12 ou 13 ans de plus que la moyenne d’âge du CC sortant lors de son élection en 1989. On le voit donc, en termes arithmétiques, le rajeunissement n’est que très relatif. On ne parlera pas ici de la féminisation, souvent révélatrice du renouvellement : il n’y a plus aucune femme au CC.

Dans l’organigramme du Fatah, si le CC est l’exécutif et, dans les faits, le lieu où se prennent les décisions importantes, il existe un organe de décision large, le Conseil Révolutionnaire (CR), également réélu à l’occasion du 6ème Congrès. À l’heure où j’écris, les résultats proclamés ne sont que très partiels. On pourra néanmoins noter ici que sur les 19 élus au nouveau CC, 15 étaient membres du CR sortant et sont donc loin d’être des novices dans les instances du Fatah, aussi faible soit le poids du CR.

La thèse de la « jeune garde »

Une deuxième question émerge rapidement : existe-t-il une quelconque homogénéité politique au sein du groupe appelé « jeune garde » ? Existe-t-il même un groupe ?

Au cours des années 2000, plusieurs analystes, dont Khalil Shikaki, ont défendu la thèse selon laquelle deux groupes coexisteraient de manière conflictuelle au sein du Fatah : une « jeune garde », composée de quarantenaires nés à l’intérieur des territoires occupés, cadres de la première Intifada, implantés localement, en lutte contre une « vieille garde » corrompue et despotique, composée de retournees cinquantenaires ou soixantenaires, revenus à Gaza et en Cisjordanie après les Accords d’Oslo, monopolisant le pouvoir et les ressources financières.

Le soulèvement de septembre 2000 a été analysé à la lumière de cette thèse : « La vérité est que l’Intifada qui a commencé en septembre 2000 a été la réponse d’une « jeune garde » au sein du mouvement national palestinien, non seulement à la visite de Sharon [sur l’esplanade des Mosquées] et aux impasses du processus de paix, mais aussi à l’échec de la « vieille garde » de l’OLP (…). La jeune garde a eu recours à la violence pour forcer Israël à se retirer unilatéralement de la Cisjordanie et de Gaza (…) et, dans le même temps, pour affaiblir la vieille garde et, à terme, la supplanter » [3]

Cet article n’est pas le lieu pour revenir sur cette interprétation très contestable des dynamiques du soulèvement de septembre 2000 [4] L’essentiel est ici l’idée selon laquelle il existerait un groupe relativement homogène, la « jeune garde » du Fatah, avec des visées et une stratégie communes : thèse que l’on retrouve dans nombre d’articles publiés à l’occasion du Congrès du Fatah. Thèse qui, comme on va le voir, ne résiste pas à l’analyse.

Dahlan, Rajoub, Barghouti : 3 hommes, un groupe ?

Mohammad Dahlan Trois noms reviennent régulièrement lorsque la « jeune garde » est évoquée : Jibril Rajoub, Mohammad Dahlan et Marwan Barghouti. Un examen un tant soit peu attentif du parcours de ces trois cadres du Fatah fait voler en éclats (au moins) trois des fondements de la thèse de la « jeune garde » : a) l’exclusion de ces cadres des structures de pouvoir mise en place avec Oslo, b) leur hypothétique volonté d’en finir avec les pratiques anti-démocratiques et la corruption, c) une vision politique commune.

a) Rajoub et Dahlan, jeunes militants du Fatah dans les territoires occupés durant les années 70 (Rajoub) et 80 (Dahlan), ont très tôt rejoint l’appareil de l’OLP à Tunis, après avoir été bannis des territoires dès 1988. Tous deux ont alors été rapidement associés au commandement des forces de sécurité de l’OLP. Ils sont revenus en 1994, à l’occasion de la mise en place de l’Autorité Palestinienne (AP), et ont été nommés responsables d’un des principaux organes sécuritaires de l’AP : la Sécurité Préventive. Dahlan l’a dirigée à Gaza, Rajoub en Cisjordanie. Lorsque l’on connaît le rôle central des services de sécurité dans l’appareil de l’AP, l’exclusion de Dahlan et de Rajoub n’est que très relative.

Si Rajoub, devenu en 2003 Conseiller à la Sécurité de Yasser Arafat, n’est pas un proche d’Abu Mazen (qui lui a offert par la suite le poste de… Président de la Fédération Palestinienne de Football !), le moins que l’on puisse dire est qu’il n’a jamais été très éloigné des structures de pouvoir. Quant à Dahlan, s’il n’exerce plus officiellement de poste dans l’organigramme de l’AP depuis son putsch manqué contre le Hamas en juin 2007 [5], il est de notoriété publique dans les territoires palestiniens et dans le Fatah qu’il est l’un des plus proches conseiller du Président de l’AP Mahmoud Abbas (Abu Mazen).

b) On peut également s’interroger quant au supposé positionnement anti-corruption et pro-démocratisation de Dahlan et Rajoub. La plupart des travaux sur les Services de sécurité palestiniens indiquent en effet que, loin d’avoir freiné la corruption, ils ont participé de sa généralisation : « Partenaire privilégié des services de sécurité israéliens, la Sécurité Préventive joue un rôle central dans la constitution d’une rente commerciale qui permet d’alimenter les réseaux de pouvoir de Yasser Arafat » [6] . La possibilité de négocier, avec Israël, des permis et autorisations pour la circulation des marchandises au sein des territoires palestiniens et entre les zones autonomes est rapidement devenue l’apanage des services de sécurité, ce qui a généré un vaste réseau de corruption et de clientélisme, dans lesquels Dahlan et Rajoub ont été largement impliqués.

C’est ainsi, par exemple, que la Sécurité Préventive de Rajoub a été chargée par la direction de l’AP de faire respecter son monopole auto-attribué sur les importations d’essence (source considérable de revenus servant à alimenter les réseaux de clientèle), car certaines stations-service palestiniennes continuaient d’importer de l’essence en contournant le monopole établi. Les hommes de Rajoub ont ainsi bloqué les camions transportant l’essence devenue illégale et averti l’ensemble des propriétaires de stations-service que plus une goutte d’essence ne parviendrait dans leurs stations s’ils ne respectaient pas les nouvelles règles. Au-delà, « après que l’Autorité palestinienne a consolidé son pouvoir dans les territoires, Rajoub s’est saisi de la situation et a annoncé que dorénavant les propriétaires de stations-service devraient payer une taxe additionnelle à un taux basé sur leurs ventes quotidiennes » [7]. De la sorte, Rajoub a établi une source indépendante de revenu pour ses services et pour son propre réseau de clientèle.

Mohammad Dahlan a lui aussi mis en place un vaste système de clientélisme dans la Bande de Gaza. Il s’est ainsi construit un véritable fief électoral dans la zone de Khan Younes (il a été réélu député en 2006). Après son départ précipité de Gaza en 2007, il a réussi à étendre son réseau de loyautés à plusieurs villes de Cisjordanie. C’est ainsi, par exemple, que lors d’un entretien, un responsable de la Sécurité Préventive à Jénine m’a déclaré : « (même si) Dahlan n’est plus à la tête de la Sécurité Préventive, (…) si jamais demain il me demande de faire quelque chose, je le ferai » [8]

Les préoccupations démocratiques de Rajoub et Dahlan sont elles aussi très relatives. Lors des élections primaires du Fatah organisées en vue du scrutin législatif de janvier 2006, des hommes armés proches de Rajoub (candidat aux primaires) ont « protégé » certains bureaux de vote du district d’Hébron, dissuadant nombre de membres du Fatah de « mal voter ». La forte implication de Mohammad Dahlan dans la tentative de renversement armé du Hamas [9] , pourtant démocratiquement élu, indique qu’il a, comme Rajoub (et nombre d’autres cadres du Fatah), une conception singulière de la démocratie [10].

c) Le dernier point problématique est celui de l’hypothétique homogénéité politique de la « jeune garde ». Et là encore, le moins que l’on puisse dire est que l’hypothèse ne résiste pas à l’analyse, que l’on s’intéresse aux relations entretenues entre les trois hommes ou à leurs positions politiques.

La rivalité, voire la haine, entre Dahlan et Rajoub, est quasiment proverbiale dans les territoires palestiniens. Elle a de plus été soigneusement entretenue, durant les première années de l’autonomie, par un Yasser Arafat passé maître dans l’art du divide and rule : « Yasser Arafat saisit l’occasion de distribuer des postes de direction à ses fidèles et de s’assurer de leur loyauté. En répartissant l’exercice de la force entre les mains de plusieurs responsables, il évite de confier trop de pouvoir à un seul homme » [11]. Dahlan et Rajoub ont, chacun de leur côté, longtemps espéré être le successeur de Yasser Arafat, qui ne s’est pas privé d’entretenir le doute à ce sujet.

Cette rivalité a connu un nouveau développement en 2003 lorsque Mohammad Dahlan, mis en disgrâce par Arafat après des déclarations très critiques à l’encontre du vieux leader, a été nommé Ministre de la Sécurité Intérieure par un Abu Mazen alors Premier Ministre et en conflit avec le Président de l’AP. Arafat a alors nommé Rajoub « Conseiller National à la Sécurité », dans le but de contrer l’influence de Dahlan, voire de le neutraliser.

Si l’on dépasse les querelles personnelles, on se rend compte que les positions politiques de Rajoub et de Dahlan sont relativement proches : adhésion au processus d’Oslo, volonté (qui s’est vérifiée sur le terrain) d’une coopération avec les Israéliens, notamment dans les domaines sécuritaires et économiques, rejet manifeste de la lutte armée… Ce en quoi ils diffèrent largement des prises de position du « troisième homme », Marwan Barghouti : ce dernier, s’il prône le dialogue avec Israël, demeure un partisan de la négociation sous la pression de la résistance, y compris armée, et a exprimé à plusieurs reprises des critiques du Processus d’Oslo et de la construction de l’AP. Même si d’aucuns pourront affirmer que ces prises de position sont essentiellement tactiques, il n’en demeure pas moins que Dahlan/Rajoub et Marwan Barghouti incarnent deux orientations significativement différentes.

Sur une autre question-clé, les rapports au Hamas, il est de nouveau difficile de trouver une quelconque communauté de vue entre les trois hommes. Dahlan a fait montre d’une hostilité sans équivalent vis-à-vis de l’organisation islamique ; Rajoub (dont un frère est l’un des députés Hamas du district d’Hébron) fait preuve de davantage de nuance ; Barghouti, quant à lui, co-signataire en mai-juin 2006 du document des prisonniers appelant à la réconciliation nationale [12], est partisan d’un dialogue avec le mouvement d’Ismaïl Hanyhah, même s’il a adopté des positions très critiques lors des événements de juin 2007.

En termes politiques, la prétendue « jeune garde » présente donc un large spectre d’orientations qui, loin de constituer une quelconque plate-forme commune, s’avèrent contradictoires. Le rapprochement entre Barghouti et Dahlan avant les élections législatives de 2006 [13] n’était pas le fruit d’un accord politique quelconque mais l’un des avatars de la bataille rangée au sein du Fatah consécutive à la mort d’Arafat, qui avait conduit à des alliances conjoncturelles et à des rapprochements contre-nature, à visée essentiellement interne et tactique. Le supposé pacte Dahlan-Barghouti a d’ailleurs fait long feu.

On peut dès lors contester l’idée même de l’existence d’une « jeune garde ». Impossible d’établir une quelconque exclusion des postes à responsabilité de l’AP. Si Barghouti a longtemps été mis à l’écart par Arafat, ce n’est pas le cas de Dahlan et Rajoub. Impossible, également, de définir ce prétendu groupe en l’opposant aux pratiques clientélistes et autoritaires de la direction historique de l’OLP. Au contraire, des individus comme Dahlan et Rajoub en ont été, et en sont encore, partie prenante. Impossible, enfin, de trouver un quelconque programme politique commun fédérant des individus aux positions très diverses. Impossible, dès lors, de dégager la pertinence de l’opposition jeune garde/vieille garde.

Qui a gagné ?

S’il n’y a pas de triomphe de la prétendue jeune garde, quels enseignements tirer du 6ème Congrès du Fatah ? Il est encore trop tôt pour formuler l’ensemble des conclusions relatives à la réunion de Béthléem ou pour produire une analyse exhaustive des dynamiques qui s’y sont exprimées. On peut néanmoins dresser quelques bilans et formuler un certain nombre d’hypothèses.

Une question, simpliste mais nécessaire, s’impose : qui a gagné ?

Pour nombre de commentateurs, le « grand vainqueur » du Congrès est Mahmoud Abbas, réélu triomphalement à la tête du CC sans opposition déclarée. On pourra noter ici que certains ne sont pas à une contradiction près, qui soulignent dans le même temps la victoire de la pseudo-« jeune garde » et le succès d’Abu Mazen, 74 ans, membre fondateur du Fatah en 1959, à la tête de son CC, Secrétaire Général de l’OLP, responsable des négociations d’Oslo (c’est lui qui a signé la Déclaration de Principes en 1993), ancien Premier Ministre et actuel Président de l’Autorité Palestinienne. La notion de « vieille garde » est donc elle aussi à géométrie variable…

Affirmer qu’Abu Mazen est le grand vainqueur du Congrès du Fatah n’est cependant pas une contre-vérité. Il a en effet réussi à franchir le principal obstacle auquel il risquait de se heurter avec l’organisation de cette Convention : des critiques trop virulentes de la politique conduite par l’AP depuis sa création il y a quinze ans, qui auraient pu conduire à une remise en cause de sa légitimité personnelle pour diriger le Fatah. Le moins que l’on puisse dire est que, si des voix discordantes se sont exprimées, elles ont été pour l’essentiel contenues. Et ce pour principalement deux raisons : a) les modalités d’organisation du Congrès ; b) la fragmentation du Fatah.

a) En choisissant d’organiser le Congrès à Béthléem, Mahmoud Abbas et ses proches ont neutralisé une bonne partie des opposants « de l’extérieur » : nombre de militants et cadres critiques, résidant à l’extérieur de la Cisjordanie, ont tout simplement refusé de se rendre au Congrès, affirmant que la tenue du congrès d’un Mouvement de libération nationale dans un territoire sous occupation et donc, avec l’autorisation et sous contrôle de la puissance occupante, était un non-sens. Certains, qui avaient décidé de ne pas boycotter, n’ont pas reçu le permis d’entrée des autorités israéliennes.

Trois jours avant le début du Congrès, Azzam al-Ahmad, à la tête du Groupe Fatah au Conseil Législatif Palestinien, annonçait que le nombre de délégués avait été relevé de 1252 à… 2265 ! Soit un quasi-doublement, à la totale discrétion d’Abu Mazen et de certains membres du Comité d’organisation. En augmentant arbitrairement le nombre de délégués, désignés dans des conditions plus qu’opaques, l’équipe d’organisation de la Convention a non seulement « noyé » les opposants de l’intérieur, mais s’est aussi offert les loyautés de certains éléments critiques, leur offrant la possibilité de gonfler artificiellement le nombre de leurs partisans à la Convention et donc de prétendre à une place dans les instances de direction du mouvement.

En décidant de se faire élire en public, par acclamation, à main levée, et avant même les votes pour l’élection du CC et du Conseil Révolutionnaire (procédés qui favorise les réflexes légitimistes et dissuade les opposants de s’exprimer [14]), Abbas, tout en contournant les statuts du Fatah et en évitant de se mesurer aux autres candidats au CC (rien ne semble indiquer, bien au contraire, qu’il est celui qui aurait obtenu le plus de voix…), a parachevé son succès : la presse a relevé son élection « à l’unanimité » alors que tous les observateurs indépendants présents sur place ont refusé d’employer ce terme, tant la manœuvre était grossière. Le procédé est d’ailleurs aujourd’hui contesté à l’intérieur même du Fatah [15], entre autres par le Secrétaire Général sortant, Farouq Qaddoumi, qui affirme que « ce mode d’élection est une forme de coercition indirecte pour influencer la volonté de l’électorat et pour donner au dirigeant le pouvoir absolu de bannir ses opposants » [16].

b) Mais au-delà des manœuvres administratives, c’est l’état de décomposition avancée du Fatah qui explique la victoire d’Abu Mazen. Intérieur/extérieur, Gaza/Cisjordanie, Zones autonomes de Jénine/de Naplouse/de Béthléem/etc… : depuis les Accords d’Oslo le Fatah s’est progressivement transformé en conglomérat de fractions locales, dans lequel les groupes d’affinités ne se sont plus structurés en termes de clivages politiques mais autour des localismes et des réseaux individuels de loyautés.

Cette décomposition s’explique tant par la poursuite de l’occupation israélienne (fragmentation des Zones autonomes) que par la politique du noyau dirigeant de l’AP [17] : en favorisant l’émergence de potentats locaux, la direction de l’AP s’est assuré le monopole sur les instances « nationales » et a tenté d’asseoir sa légitimité en multipliant les réseaux dépendants de leur proximité avec le pouvoir central. Cette politique a montré ses limites lors des élections législatives de 2006, au cours desquelles les potentats locaux et nationaux ont été balayés par le vote populaire. Lors des primaires (internes) qui ont précédé ces mêmes élections, le Fatah a littéralement implosé en raison des candidatures multiples et des affrontements personnels entre notabilités locales [18].

C’est ce Fatah fragmenté par le népotisme, de moins en moins enclin aux débats internes quant aux questions politiques nationales, qui a tenu récemment son premier Congrès en 20 ans. On ne peut dès lors être que peu surpris de constater que la Convention n’ait pas été polarisée par les débats politiques mais par les querelles de personnes, les questions de procédures, les alliances tactiques et, au final, l’élection d’un CC qui n’est en aucun cas un organe de direction collective porteur d’une orientation politique mais essentiellement une juxtaposition d’individus portés par leurs réseaux personnels.

Et ce ne sont certainement pas les textes d’orientation adoptés lors du Congrès, qui, dans la tradition de l’OLP, prônent simultanément « la lutte jusqu’à l’élimination de l’entité sioniste » et la nécessité d’une solution négociée avec les autorités israéliennes, qui peuvent servir de mandat à la nouvelle direction. Au contraire, les contradictions inhérentes à ces textes leur confèrent une valeur proche de zéro.

Le mode d’élection du CC (vote sur des personnes, non sur des programmes) a largement participé de cette dépolitisation. Si l’on y ajoute le gonflement artificiel du nombre de délégués, qui a renforcé le fonctionnement en réseaux, on comprend d’autant mieux pourquoi aucune opposition politique structurée n’a émergé lors du Congrès.

Fatah : renaissance ou seconde mort ?

Ainsi cohabitent, au sein du CC, des figures historiques de l’OLP (Mohammad Ghneim, Salim Za’noun…), des fonctionnaires de l’AP sans passé militant (Saeb Erekat…), des ex-responsables des Services de Sécurité (Jibril Rajoub, Mohammad Dahlan, Tawfiq al-Tirawi…) ou des cadres du Fatah relativement populaires et identifiés comme critiques de la politique d’Abu Mazen (Marwan Barghouti, Mahmoud al-Aloul…). Mais au-delà de cette juxtaposition de légitimités, qui ne va pas manquer de se traduire en conflits dans les semaines et mois qui viennent, se dégagent un certain nombre de tendances qui permettent de porter une appréciation politique sur les résultats du Congrès de Béthléem.

Le 6ème Congrès du Fatah est-il, comme le prétendent nombre de nouveaux élus et de commentateurs, celui de la rupture et de la renaissance ?

Tout indique que l’on ne peut répondre à cette question que par la négative. Si rupture il y a eu, elle date de plus d’une quinzaine d’années, lorsqu’une fraction de la direction historique de l’OLP, et donc du Fatah, s’est résolue à signer un accord qui, loin de répondre aux revendications nationales des Palestiniens, ne leur offrait qu’un semblant d’autonomie qui s’est avéré, à l’épreuve des faits, n’être que la poursuite de l’occupation par d’autres moyens. Les Accords d’Oslo et la constitution de l’AP ont été une rupture majeure, réduisant la question palestinienne à celle des Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza et fixant comme principales tâches au Fatah la construction d’un appareil d’Etat sans Etat et la coopération, parfois à marche forcée, avec Israël, afin d’obtenir davantage dans le cadre du processus négocié, au détriment de la lutte quotidienne contre l’occupation et pour le retour des réfugiés.

Ce sont ces dynamiques qui ont été enregistrées lors du Congrès du Fatah, qui a davantage joué un rôle de révélateur que donné le signal d’un nouveau départ. Les militants du Fatah, acteurs de la lutte de libération, sont très minoritaires au sein de la nouvelle direction. La majorité du CC se compose en réalité de purs produits des « années Oslo » et de l’appareil de l’AP, quand bien même ils auraient un passé militant : Ministres, anciens Ministres, anciens Conseillers d’Arafat, Conseillers d’Abu Mazen, ex-responsables des forces de sécurité, « négociateurs », hauts fonctionnaires… Tout le panel du « personnel politique d’Oslo » est là.

Qui plus est, la forte présence de représentants du secteur économique et du secteur sécuritaire est à l’image de la politique de l’AP depuis sa prise en main par le duo Abbas-Fayyad [19] : priorité accordée au développement économique (passant par la normalisation des relations avec Israël) et développement sans précédent des politiques sécuritaires.

D’autres éléments confirment cette tendance : quasi-disparition, au CC, des représentants des Palestiniens de l’extérieur, sur lesquels l’AP n’exerce aucune juridiction (un seul élu, Sultan Abu al-Aynayn, dirigeant du Fatah au Liban) et des Palestiniens de la Bande de Gaza, que l’AP a « perdue » en juin 2007 ; non-élection (remarquée) d’Hussam Khadr, figure respectée du Fatah, connu pour ses activités militantes et ses critiques de la politique de l’AP ; « recomptage » de dernière minute qui a permis à at-Tayyib Abdul Rahim, adjoint du Président Abbas, de « gagner » 26 voix et d’être finalement élu au CC alors qu’il était au départ donné battu…

C’est en ce sens que l’on peut parler de la « deuxième mort » annoncée du Fatah : passé de mouvement de libération nationale à principal acteur de la construction d’un appareil d’Etat sous occupation, le Fatah n’est désormais même plus une organisation politique pouvant prétendre représenter de manière cohérente le peuple palestinien. Le Congrès de Béthléem a sanctionné cet état de fait, même si l’organisation compte encore en son sein nombre de militants et de cadres honnêtes et sincères : le Fatah est un conglomérat de baronnies locales et de réseaux clientélistes, quasi-mafieux, sous la coupe d’un pouvoir non-élu [20] qui n’hésite pas à fermer les bureaux d’al-Jazeera, à traquer, enfermer, voire assassiner ses opposants, quand il ne les livre pas à Israël au cours d’opérations conjointes.

Depuis la fin du Congrès se succèdent les démissions, les accusations de fraude, les déclarations de non-reconnaissance des résultats du congrès et les affrontements physiques. Les événements en cours ne sont que les plus récents symptômes de l’irréversible agonie. Mais la mort du Fatah tel qu’il s’est constitué il y a 50 ans ne signifie pas la mort du peuple palestinien et de ses aspirations, ne préjuge en aucun cas des évolutions à venir et n’empêchera pas, comme chacun s’en rendra compte assez tôt, les explosions futures.

[1] Antonio Gramsci, Selections from the Prison Notebooks, Quintin Hoare et Geoffrey Nowell Smith (eds), International Publishers, New York, 1971, p.276 (traduction J.S.)..

[2] Voir, entre autres, Khalil Shikaki, Old Guard, Young Guard : the Palestinian Authority and the Peace Process at Cross Roads (novembre 2001), sur http://www.ipcri.org/files/oldyoung..., et Palestinians divided (février 2002), sur http://www.foreignaffairs.com/artic...

[3] Shikaki, Palestinians divided, op. cit..

[4] On pourra se référer utilement à Jean-François Legrain, « Le fantôme d’Arafat », Critique Internationale n°16, janvier 2002, pp. 40-48, sur http://www.gremmo.mom.fr/legrain/cr....

[5] Voir mon article Comment les Etats-Unis ont organisé une tentative de putsch contre le Hamas sur http://juliensalingue.over-blog.com...

[6] Laetitia Bucaille, « L’économie à l’ombre des services de sécurité », dans A. Gresh, D. Billion et al., Actualités de l’Etat palestinien, Paris, Editions Complexe, 2000, p. 53.

[7] Eli Halahmi, ancien PDG de la compagnie pétrolière Pedasco, cité par Ronen Bergman et David Ratner, « The Man who Swallowed Gaza », dans Ha’aretz, supplément week-end du 4 avril 1997.

[8] A Jénine, le Hamas est sous contrôle. Entretien avec Hisham Rohr, responsable de la Sécurité Préventive à Jénine (mai 2008), sur http://juliensalingue.over-blog.com....

[9] Salingue, Comment les Etats-Unis ont organisé une tentative de putsch contre le Hamas, op. cit.

[10] Ce qui a valu à Dahlan le surnom de « Pinochet palestinien » chez certains commentateurs et analystes… Voir par exemple Joseph Massad, Pinochet in Palestine ? (novembre 2006) surhttp://weekly.ahram.org.eg/2006/819... et Tony Karon, Palestinian Pinochet Making His Move ? (mai 2007) sur http://tonykaron.com/2007/05/15/pal...

[11] Laetitia Bucaille, Générations Intifada, Paris, Hachette Littérature, 2002, pp. 65-66.

[12] Voir le texte et les signataires sur http://www.france-palestine.org/art...

[13] Ils avaient alors menacé de déposer une liste concurrente à la liste officielle du Fatah.

[14] Voir entre autres Robert Michels, Les partis politiques, essai sur le tendances oligarchiques des démocraties, Flammarion, Collection « Champs », Paris, 1971 (Première édition française : 1914), notamment le chapitre « La stabilité des chefs ».

[15] Voir par exemple Angry Fatah members to deliver rejection memo to Abbas over elections surhttp://maannews.net/eng/ViewDetails...

[16] Qaddoumi rejects Fatah elections sur http://www.maannews.net/eng/ViewDet...

[17] Voir notamment Jean-François Legrain, « Autonomie palestinienne : la politique des néo-notables », dans Revue du Monde Musulmanet de la Méditerranée (REMMM), 81-82, 1996, pp. 153-206, sur http://www.gremmo.mom.fr/legrain/ne...

[18] C’est ainsi que dans le district d’Hébron plus de 100 candidats se sont présentés lors des primaires du Fatah (pour 9 places)… Certains des battus se sont néanmoins portés candidats aux élections législatives, divisant encore un peu plus le « socle électoral » du Fatah…

[19] Voir mon article L’échec programmé du plan « Silence contre Nourriture » : où va le gouvernement de Salam Fayyad ? (juin 2008) sur http://juliensalingue.over-blog.com...

[20] Le mandat présidentiel d’Abu Mazen a pris fin le 9 janvier dernier, tandis que le Premier Ministre Salam Fayyad n’a obtenu que 2.4 des voix lors des législatives de 2006…

Quand Netanyahou fait un bras d’honneur à Sarkozy

publié le mardi 18 août 2009

Pierre Barbancey
Le président français, qui avait demandé, en catimini, une « mesure de clémence » envers Salah Hamouri, essuie un arrogant refus du premier ministre.

Le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, a répondu avec mépris à la France : il a rejeté, jeudi, la demande de Nicolas Sarkozy de libérer notre compatriote Salah Hamouri. Un rejet motivé comme suit : « Le premier ministre a décidé de rejeter la demande de libération de ce Palestinien à la suite de la recommandation de la commission de libération du ministère de la Justice, qui a repoussé sa demande car il n’a jamais exprimé de regret. » Le conseiller juridique du gouvernement israélien, qui fait office de procureur général, Menahem Mazouz, a estimé, dans un avis, que Salah Hamouri continuait à « représenter un danger pour la sécurité du pays ».

C’est une véritable claque pour l’Élysée qui, jusqu’à présent, avait traité ce dossier sans trop de considération. Vérité à Tel-Aviv, erreur à Téhéran ? Il a fallu la pression du comité pour la libération de Salah, des articles de presse, pour que les autorités françaises commencent à s’inquiéter. Or, contrairement à d’autres cas, le Quai d’Orsay recommandait la « diplomatie silencieuse ». Comme si, en l’occurrence, il ne fallait pas gêner Tel-Aviv. Nicolas Sarkozy n’a ainsi jamais prononcé publiquement le nom de Salah Hamouri. Il n’a pas non plus reçu sa famille, laissant ce soin, il y a seulement quelques semaines, à l’un de ses conseillers. En revanche, il a reçu et même écrit aux parents de Gilad Shalit, ce soldat israélien possédant également la nationalité française, capturé dans la bande de Gaza.

Sarkozy a rencontré les parents de Florence Cassez, incarcérée au Mexique, et il est intervenu auprès de son homologue mexicain pour la libération de la jeune femme. Ces derniers jours, on a entendu le président français et son ministre des Affaires étrangères exiger la libération de Clotilde Reiss, cette universitaire française arrêtée en Iran, où elle était lectrice. La France a dénoncé une arrestation arbitraire de la part de Téhéran, des accusations « dénuées de tout fondement » et a annoncé être prête à tout mettre en oeuvre pour la libération de Clotilde. Le Figaro de samedi révèle même que « le chef de l’État gère en direct l’affaire Clotilde Reiss » [1].

Le refus de Netanyahou doit amener les autorités françaises à changer d’attitude. La France doit se faire plus pressante, mettre tout en oeuvre pour obtenir la libération de Salah Hamouri parce que les accusations portées contre lui sont « dénuées de tout fondement », sauf à penser qu’un tribunal militaire d’occupation, parce qu’il est israélien, aurait plus de valeur qu’un tribunal iranien. Sauf à penser que le « plaider-coupable » de Salah Hamouri - ce qui lui permettait d’être condamné à une peine bien inférieure à celle qu’il aurait reçue s’il niait - a valeur d’aveux. Salah pas plus que Clotilde ne peuvent être condamnés dans de telles conditions.

Dans la lettre qu’il avait fait parvenir à Netanyahou, mais jamais rendue publique comme si, là encore, on avait peur d’indisposer Israël, Nicolas Sarkozy demande une « mesure de clémence ». Ce qui laisse entendre que le président français, pourtant avocat de formation, prêterait un quelconque crédit à un tribunal militaire illégal. Le général de Gaulle était donc coupable, en son temps, jugé sous occupation de notre pays ? Netanyahou motiverait son refus par une absence de « regrets » de la part de Salah ! Mais Salah est innocent, tout comme Clotilde Reiss. Exprime-t-on des regrets pour un acte qu’on n’a pas commis ?

Ce qui est plus grave, c’est que la discrétion dont font preuve les autorités françaises s’agissant du cas de Salah Hamouri est bien l’expression d’un soutien à la politique israélienne. Paris, comme Bruxelles, serait bien inspiré de prendre enfin des mesures de nature à ramener Tel-Aviv dans le chemin du droit international, celui qui condamne l’occupation des territoires palestiniens, la destruction de maisons palestiniennes ou le blocus imposé à la population de la bande de Gaza. Soutenir la libération de Salah Hamouri, c’est rejeter l’arbitraire colonial qui fait de tout Palestinien un « terroriste » en puissance.

[1] C. Reiss a été libérée le 16 août, sous caution. 200 000 € auraient été versés par l’Etat français, ce que confirme B. Kouchner. Voir sur cette affaire le Temps

Sarkozy paie cher la libération de Clotilde Reiss

http://www.letemps.ch/Page/Uuid/891...

et le NouvelObs

Affaire Reiss : les intérêts bien compris d’un rapprochement Damas-Paris

http://tempsreel.nouvelobs.com/spec...

publié par l’Humanité le 17 août

http://www.humanite.fr/2009-08-17_I...

Note : CL, Afps