Un membre fondateur de la campagne pour le boycott 
universitaire et culturel d’Israël explique la motivation à l’origine du
 mouvement.
        
        
Auteur et enseignant en Histoire, Mark LeVine interroge 
ici la sociologue Lisa Taraki, une co-fondatrice de la campagne 
Palestinienne pour le Boycott universitaire et culturel d’Israël.

Des
 militants français manifestent leur solidarité avec les Palestiniens, 
en appelant à un boycott international de l’état sioniste - Photo : EPA
 
Mark LeVine : Qu’est donc 
le mouvement pour « le Boycott, le Désinvestissement et les Sanctions » 
[BDS] et comment est-il relié au mouvement pour le boycott universitaire
 et culturel ? Comment les deux mouvements ont-ils évolué au cours des 
dernières années dans leurs buts et leurs méthodes ?
Lisa Taraki : Le mouvement
 BDS peut se résumer en une lutte contre la colonisation, l’occupation 
et l’apartheid israéliens. Le BDS est une stratégie basée sur le droit 
et qui sera poursuivie jusqu’à ce qu’Israël respecte son obligation de 
reconnaître le droit inaliénable du peuple palestinien à 
l’autodétermination, et qu’il se conforme aux obligations du droit 
international. 
Dans ce cadre, le boycott universitaire et culturel d’Israël a gagné un 
terrain considérable au cours des sept ans depuis le lancement de la 
Campagne Palestinienne pour le Boycott Universitaire et Culturel d’Israël (PACBI) en 2004. Les buts de l’appel au boycott universitaire et culturel de boycott, comme les objectifs de 
l’Appel de la Société Civile de Palestine pour le Boycott, le Désinvestissement et les Sanctions 
publiés en 2005, sont restés cohérents : en finir avec la 
colonisation des terres palestiniennes occupées en 1967 ; assurer la 
pleine égalité des droits pour les citoyens palestiniens en Israël et 
abolir le système de discrimination raciale ; et faire appliquer le 
droit des réfugiés palestiniens à recouvrer leurs maisons et propriétés 
comme stipulé dans la Résolution 194 des Nations Unies.
 
La logique du mouvement BDS est également demeurée 
cohérente. La logique de base de la campagne BDS est la logique de la 
pression, pas de la diplomatie, ni de la persuasion ni du dialogue. La 
diplomatie comme stratégie pour réaliser des droits des Palestiniens 
s’est révélée futile, en raison de la protection et de l’immunité dont 
bénéficie Israël de la part des puissances mondiales hégémoniques et de 
celles qui sont dans leur orbite.
En second lieu, la logique de la persuasion a également 
fait la preuve de sa faillite, puisque tous les efforts  « d’éducation »
 des Israéliens au sujet des horreurs de l’occupation et des autres 
formes d’oppression ne semblent pas avoir inversé le courant. Le 
dialogue entre Palestiniens et Israéliens, qui reste très populaire 
parmi les libéraux israéliens et les fondations et gouvernements 
occidentaux qui financent ces activités, a également misérablement 
échoué. Le dialogue est souvent engagé dans un cadre où il est question 
de « deux côtés », dans le sens où chaque côté doit comprendre la 
douleur, l’angoisse et la souffrance de l’autre, et accepter le récit de
 l’autre.
Cette approche présente les « deux côtés » comme s’ils 
étaient également responsables, et évite délibérément la reconnaissance 
des relations à la base de colonisateur à colonisé. Le dialogue ne 
favorise pas le changement, mais renforce plutôt le statu quo
 et sert en réalité principalement les intérêt du côté israélien 
puisqu’il incite les Israéliens à estimer qu’ils s’impliquent dans 
quelque chose alors qu’en fait ils ne font rien. La logique de BDS est 
la logique de la pression. Et cette pression s’est amplifiée.
Pression internationale
Le mouvement palestinien pour le boycott universitaire 
et culturel est un boycott institutionnel, ce qui signifie qu’il ne vise
 pas des chercheurs ou artistes au niveau individuel. Ce point est 
demeuré également identique depuis le lancement du mouvement du BDS. 
Pourtant il est important d’énoncer ici que toutes les universités 
israéliennes et pratiquement l’éventail complet des établissements 
culturels israéliens sont complices des politiques étatiques, et de ce 
fait elles sont des cibles légitimes du boycott. Des directives et des 
critères pour le boycott ont été élaborés depuis la fondation du 
mouvement, après que plus d’expérience a été acquise sur le terrain, et 
en réponse aux préoccupations de conseils universitaires de conscience 
et des travailleurs du domaine culturel souhaitant appliquer l’appel 
Palestinien pour le boycott. Le PACBI consacre en particulier beaucoup 
d’efforts à guider et conseiller les militants internationaux du 
mouvement de solidarité. La nécessaire cohérence est garantie par 
l’adhésion aux directives élaborées par le PACBI, en coopération avec 
d’autres intervenants dans le mouvement palestinien du BDS.
Des intellectuels publics de renommée mondiale, des 
universitaires, des auteurs, des artistes, des musiciens et d’autres 
travailleurs du domaine culturel ont maintenant repris à leur compte 
l’appel pour le boycott universitaire et culturel ; leurs noms sont en 
trop grand nombre pour pouvoir être cités ici, mais le lecteur intéressé
 peut consulter le 
site internet du PACBI.
 En outre, plusieurs campagnes pour le boycott universitaire et culturel
 ont été lancées autour du monde : au Royaume-Uni, aux Etats-Unis, en 
France, au Pakistan, au Liban, en Allemagne, en Norvège, en Inde, en 
Espagne, en Afrique du Sud, en Australie, et dans beaucoup d’autres 
pays. La nouvellement établie Plate-forme Européenne pour le Boycott 
Universitaire et Culturel d’Israël (EPACBI) représente une importante 
coordination en Europe.
L’assaut israélien meurtrier contre la Bande de Gaza 
pendant l’hiver de 2008 à 2009 et l’assassinat des militants turcs du 
mouvement de solidarité à bord du Mavi Marmara en mai 2010, ont servi de
 nouveaux catalyseurs dans l’énorme propagation des actions de BDS 
autour du monde, qui incluent des annulations d’interprétations 
artistiques en Israël, des protestations contre les représentations  à 
l’étranger d’organismes israéliens complices (comme les protestations 
passées et présentes autour des concerts de l’Orchestre Philharmonique 
d’Israël), et bien davantage de formes créatives de protestation et de 
boycott des projets et institutions portant la marque israélienne.
La répression israélienne contre la dissidence
ML : Les Israéliens ont 
récemment passé une prétendue « loi anti-Boycott », qui ouvre la 
possibilité pour les Israéliens qui soutiennent n’importe quelle forme 
de boycott - même si elle est limitée aux produits des colonies - d’être
 frappés d’amendes et de procès civils pour les forcer à cesser leurs 
actions. Quelles sont vos observations sur ce fait, particulièrement sur
 les commentaires dans la presse israélienne critique à ce sujet, qui 
disent que cette loi représente une évolution anti-démocratique, voire 
une évolution vers le fascisme, et des commentaires approchant qui 
suggèrent qu’il s’agit d’une mesure sans précédent ? 
LT : Le mouvement palestinien BDS est 
encouragé par l’adoption de la logique du BDS et du boycott en 
particulier, par des sections de la gauche israélienne, et notre 
impression est que nous avons eu raison en argumentant que la pression -
 et non la persuasion - est la meilleure façon de faire en sorte que les
 Israéliens comprennent que le système de l’occupation, de l’apartheid 
et du colonialisme doit prendre fin. Ayant dit cela, je dois noter qu’il
 y a au moins deux aspects inquiétants dans la nouvelle flambée 
d’activité autour de la nouvelle loi anti-boycott votée récemment par la
 Knesset israélienne.
Tout d’abord, le boycott qui est défendu par les 
Israéliens de gauche ou libéraux ne cible que les institutions (comme le
 Centre de l’Université de Samarie et le centre culturel à Ariel) et les
 produits des colonies israéliennes en Cisjordanie. Ce boycott reste 
alors silencieux sur la complicité de la plupart des institutions 
d’Israël - avec comme exemple de nombreuses entreprises de l’industrie 
des armes - dans le maintien et la légitimation des structures 
d’oppression.
Deuxièmement, ce boycott est souvent présenté en termes 
de « démocratie israélienne à sauver. » Comme tel, il est centré sur le 
discours et le projet israélien, et le point de référence n’est ni les 
droits des Palestiniens comme stipulé par le droit international, ni une
 reconnaissance du fait qu’ils répondent à l’appel des Palestiniens. Une
 exception notable est le groupe israélien « 
Boycott from Within »,
 qui approuve explicitement l’appel palestinien BDS et considère qu’il 
est le point de référence de base pour son programme de militantisme - 
comme exhorter les artistes et musiciens à pas se produire en Israël, 
soutenir un embargo militaire d’Israël, plaider pour différentes 
campagnes de désinvestissement, et beaucoup d’autres activités qui 
ciblent toutes les institutions israéliennes complices [de 
l’occupation].
D’autres groupes israéliens, tels que la Coalition des 
Femmes pour la Paix, l’ICAHD, et d’autres encore ont également approuvé 
et appelé publiquement à soutenir l’appel palestinien pour le BDS.
ML : Quelle est votre impression sur ce 
qui s’est passé avec la dernière flottille pour Gaza ? Certains 
commentateurs ont fait valoir que le « succès » de l’utilisation de 
soi-disant stratégies « non-violentes » par le gouvernement israélien 
pour faire pression sur d’autres gouvernements afin qu’ils stoppent la 
flottille avant qu’elle n’arrive près de Gaza, représente une défaite 
pour le mouvement montant de résistance non-violente, montrant que les 
Israéliens ont tiré les leçons du passé et sont maintenant en mesure de 
battre les militants à leur propre jeu.
LT :  Je ne suis pas 
d’accord avec cette évaluation. Je pense que le principal objectif de la
 flottille, qui a été de dénoncer, de résister, et de protester contre 
le siège illégal d’Israël sur la bande de Gaza, a été réalisé, malgré 
les efforts israéliens pour imposer des pressions extrêmes contre les 
gouvernements afin que ceux-ci empêchent les bateaux de prendre la mer. 
La réponse israéliennne ridicule à la récente campagne « Bienvenue en 
Palestine » a plus contribuer à faire connaître la campagne que si cette
 réponse n’avait pas existé.
Vous avez raison dintégrer le mouvement de la flotille 
comme une partie du mouvement international pour isoler, dénoncer, et 
mettre la pression sur Israël pour qu’il respecte le droit international
 et mette fin à son système de colonisation, d’occupation et 
d’apartheid. Que ce mouvement - encore à ses débuts - ait gagné 
l’audience du monde entier  est attesté par l’état de désarroi dans les 
cercles officiels israéliens et sionistes. Déjà, plusieurs conférences 
et documents stratégiques ont été lancés en Israël et à l’étranger pour 
contrer ce qui est vendu sous la « menace de délégitimation ». Si le 
BDS, les manifestations annuelles et qui se renforcent pour la Semaine 
contre l’apartheid israélien, et d’autres actions de résistance comme 
les vagues de flottilles étaient de simples nuisances, je doute que tant
 d’efforts soient dépensés juste pour un intérêt « académique » à leur 
égard. Les pratiques musclées de certains gouvernements peuvent avoir 
empêché les flottilles d’arriver à Gaza, mais la force du mouvement BDS -
 comme celle d’autres actions de solidarité - est qu’elle est construite
 sur des initiatives populaires ; celles-ci ne peuvent être aisément 
supprimées, malgré l’intimidation, les menaces et poursuites 
judiciaires, et les tactiques pour imposer le silence.
Un mouvement qui grandit 
ML : : Il semble que de 
plus en plus de juifs de la diaspora et en Israël soutiennent le BDS, du
 moins son principe, même si, comme vous l’évoquiez, il peut y avoir une
 sérieuse différence entre ce qu’ils imaginent et ce que signifie 
réellement le BDS. Comment ce soutien croissant affecte-t-il le succès 
du BDS ? Pensez-vous qu’il pénètre davantage dans la société israélienne
  Et avez-vous remarqué des changements dans la manière dont le 
gouvernement israélien gère les manifestations non-violentes, l’an 
dernier par exemple, face au succès du mouvement ?
LT : Mes commentaires sur 
le boycott israélien des colonies en Cisjordanie sont également valables
 dans ce contexte-ci. Je pense que la plupart des Israéliens sont bien 
loin d’être convaincus que le BDS est une stratégie efficace pour 
changer radicalement le statu quo, pour la bonne raison que la société 
israélienne n’est pas motivée pour changer le statu quo. Seule la 
pression, sous forme de diverses mesures BDS, peut faire bouger le corps
 politique israélien. Après tout, c’est la logique du BDS. Quant au 
traitement des protestations par le gouvernement et les militaires 
israéliens, il est évident qu’ils continuent à réaffirmer leurs 
tactiques sur le terrain face à l’escalade continue des protestations, 
émanant tant des partisans palestiniens et internationaux que des 
partisans israéliens. Le recours à la force est une constante depuis 
plusieurs décennies, cela n’a rien de nouveau. Pendant le première 
intifada, qui était une forme de résistance et de désobéissance civile, 
la réponse des militaires israéliens fut violente et meurtrière, tout 
comme elle l’est aujourd’hui. Le langage de la force ne sera pas 
abandonné. Après tout, c’est la logique d’une puissance coloniale.
ML : : Pouvez-vous 
expliciter un peu plus ce que veulent les initiateurs du mouvement BDS 
lorsqu’ils décrivent les institutions ou les artistes/universitaires qui
 « servent Brand Israel ». Qu’est-ce que « Brand Israel » et quels 
intérêts sert cette campagne ?
LT : « Brand Israel » est 
une campagne internationale lancée en 2005 par des agences 
gouvernementales israéliennes et par de grands groupes pro-israéliens 
dans le monde, avant tout aux Etats-Unis. C’est un effort vaste et 
diversifié, mais l’idée principale est de dépeindre et de promouvoir 
Israël sous les traits d’un pays normal pour le tourisme, la culture 
jeune, les plaisirs artistiques, les sports et tous les autres objectifs
 « normaux » et « civilisés ». Des agences de relations publiques ont 
joué un rôle important dans l’élaboration de l’image de marque 
israélienne. En outre, des consulats et ambassades ainsi que des 
organisations juives et sionistes (comme Hillel aux USA) sont activement
 engagés à l’étranger dans la promotion de l’art, des avancées 
scientifiques et d’autres « réussites » israéliennes. Les activités de 
promotion soulignent la modernité, la diversité et la vitalité de la 
« marque de fabrique » Israël.
Je puis ajouter que l’écrivain israélien  Yitzhak Laor a
 prouvé le parrainage officiel par Israël des activités de type « Brand 
Israël », et dévoilé une étiquette de prix : dans 
un article publié en 2008,
 il révélait que tout artiste israélien ou travailleur culturel 
acceptant un soutien financier du ministère des Affaires étrangères pour
 exposer ou se produire à l’étranger était obligé de signer un contrat 
stipulant qu’il ou elle « s’engage à agir loyalement, de manière 
responsable et sans relâche pour fournir au Ministère les services les 
plus hautement professionnels. Le fournisseur de services est conscient 
que l’objectif des services qui lui sont demandés est de promouvoir les 
intérêts politiques de l’Etat d’Israël via l’art et la culture, 
notamment en créant une image positive pour Israël ».
Ceci révèle qu’à la lumière de la mauvaise presse faite à
 Israël ces dernières années, on a jugé nécessaire de s’assurer que les 
artistes et autres travailleurs culturels - sans doute à cause de leur 
réputation d’individualistes voire d’excentriques - sachent ce qu’on 
attend d’eux lorsqu’ils acceptent un soutien financier public pour leurs
 tournées à l’étranger. Ils sont supposés agir en tant qu’ambassadeurs 
culturels d’Israël, ce qui, en gros, veut dire qu’ils doivent faire 
l’apologie des politiques et des pratiques israéliennes qui oppriment 
les Palestiniens.
ML : En ce qui concerne le
 boycott académique, si j’ai un étudiant qui a besoin de venir en Israël
 pour développer son hébreu afin de mieux comprendre la dynamique de 
l’occupation et ne peut y arriver que via divers programmes tels que 
Erasmus ou Education Abroad Program qui incluent des
 rapports avec des universités israéliennes, ou qui veut faire une 
recherche dans les archives israéliennes sur l’histoire de la région, ce
 qui implique d’être inscrit dans des universités israéliennes pour 
obtenir des accréditations, quelle est la position officielle de la 
PACBI à son égard ?
LT : Les directives de la 
PACBI
 pour l’application du boycott académique qui s’appliquent aux 
universitaires et étudiants du monde entier sont claires : toute 
interaction avec les universités israéliennes, indépendamment du contenu
 ou de la forme (étudier sur place, accéder aux archives, donner cours, 
suivre une conférence, mener une recherche ...) viole le boycott 
académique si la dite interaction exige un contact officiel avec 
l’institution. 
Cela peut inclure : accepter une invitation à suivre une conférence, 
s’inscrire à un cours, accepter un emploi ou accepter de diriger des 
séminaires ou de mener une recherche en étant affilié à ces 
institutions. Utiliser un service universitaire tel qu’une bibliothèque 
ne viole pas le boycott à proprement parler, sauf si on le fait dans le 
cadre d’une affiliation à l’université. 
Des schémas d’études institutionnelles à l’étranger, des activités de 
recherche menées dans le cadre d’accords de coopération institutionnelle
 - comme les différents programmes subventionnés par l’UE, tel Erasmus 
Mundus - violent le boycott. En ce qui concerne l’étude de l’hébreu je 
pense que les options internationales sont très larges ; la plupart des 
universités occidentales offrent des cours d’hébreu.
 
De manière générale, on encourage les universitaires et 
étudiants consciencieux à se familiariser avec la logique et les 
objectifs du boycott et à respecter son esprit s’ils font face à des 
situations autres que celles évoquées ci-dessus. Depuis que des 
Palestiniens, notamment des universitaires et leur organe représentatif,
 la Fédération palestinienne des syndicats d’employés universitaires, 
ont appelé à un boycott académique, il est de la responsabilité des 
universitaires et étudiants consciencieux qui envisagent de visiter le 
pays à des fins de recherche ou d’études de se familiariser avec le 
contexte, ce qui implique de réfléchir sérieusement au sens de leur 
affiliation avec des universités israéliennes, à la lumière de l’appel 
au boycott.
ML : Les critiques 
diraient que cette réponse donne explicitement priorité à la politique -
 si valable soit-elle - sur l’avancement des études. Pour des 
historiens, par exemple, il est impossible de produire des connaissances
 réellement nouvelles sans accéder aux archives. Pour des étudiants en 
histoire, leur diplôme dépend de leur accès aux archives. Si les 
archives sont contrôlées par l’Etat, le simple fait de s’en servir 
signifie-t-il qu’on est complice de l’Etat ?
LT : Il ne s’agit pas de 
mettre la politique avant les études. Il s’agit d’appliquer les 
principes de l’éthique à la pratique des études. Aucune activité 
éducative ne se déroule dans le vide, et tout étudiant doit considérer 
les conséquences de ses stratégies de recherche dans le cursus de ses 
études. Le contrôle étatique sur certaines archives n’empêche pas 
nécessairement que l’on s’en serve, comme je l’ai indiqué précédemment ;
 d’habitude il suffit de présenter ses qualifications académiques pour y
 avoir accès. Il en va de même de l’utilisation des services médicaux 
israéliens ou de tout autre service public. La question essentielle est 
l’affiliation institutionnelle.
Une source d’inspiration 
ML : Ces dernières années,
 peut-on tirer des leçons des « Printemps arabes » ou d’autres 
mobilisations de masse contre l’oppression en général, qui puissent 
informer voire aider le mouvement BDS et, plus largement, la résistance 
palestinienne ? Les événements des huit derniers mois sont-ils pour vous
 un motif d’espoir, ou bien la situation en Palestine est-elle trop 
différente - à la fois situation coloniale et lutte intérieure pour la 
démocratie au sein des sociétés israélienne et palestinienne -pour que 
ces autres mobilisations de masse aident vraiment les Palestiniens à 
tenir le coup, sinon comme source d’inspiration ?
LT : L’esprit 
révolutionnaire qui a enflammé les arabes rendra sans doute la question 
palestinienne plus urgente qu’avant, tant dans les pays qui ont entamé 
le processus de transformation révolutionnaire que dans ceux où la lutte
 pour la liberté et la démocratie est toujours en cours. Après la tenue 
d’élections libres et non manipulées pour de nouveaux parlements en 
Egypte et en Tunisie ainsi que dans d’autres pays arabes, les nouveaux 
parlements devront rester attentifs aux vues du peuple - contrairement à
 ce qui a prévalu jusqu’à présent.
On sait que la Palestine est une question arabe, ce qui 
implique un rejet largement étendu du rôle destructeur d’Israël dans la 
région. Les forces de la contre-révolution peuvent tenter de combattre 
le sentiment populaire, et il y aura de la contestation et des combats 
ininterrompus, mais les politiques des pays arabes ne seront pas les 
mêmes à présent que l’esprit révolutionnaire s’est emparé de 
l’imagination du peuple arabe.
ML : Comment selon vous la
 montée du mouvement protestataire en Israël pour la « justice sociale »
 aura-il une incidence sur le mouvement BDS  et plus généralement sur la
 résistance à l’occupation ? Spécialement la coïncidence entre les 
nouvelles manifestations en Israël le mois prochain et l’avancée majeure
 pour la reconnaissance de l’Etat palestinien à l’ONU, y a-t-il un 
espace où les Palestiniens puissent intervenir de manière significative 
dans le discours de protestation en Israël pour aider à le reformuler 
dans le sens d’objectifs plus larges ? Et si oui, quel rôle jouerait le 
BDS ?
LT : Tout indique que le 
mouvement de protestation en Israël n’a rien à dire sur la justice 
envers les Palestiniens, soit en tant que citoyens soit en tant que 
peuple occupé. Le mouvement BDS palestinien ne s’adresse pas directement
 au public israélien pour le persuader ou en appeler à son sens de la 
justice.  Ce n’est pas la logique du BDS. C’est aux forces politiques 
israéliennes de faire cette connexion et d’influencer leur public. Nous 
espérons que les Israéliens pro-BDS, quoique peu nombreux, s’y 
engageront au sein de leur société .