lundi 16 novembre 2009

Journal de Palestine (1)

samedi 14 novembre 2009 - 11h:13

Jocelyne - AFPS

C’est mon amie Nina qui travaille en Palestine depuis 18 mois, qui m’avait demandé : « Viens-tu encore cette année pour la cueillette des olives ? ». Pourquoi pas, mais pas aux olives, plutôt pour vivre le quotidien des gens. Le gîte étant assuré, me voilà partie.

Du dimanche 25 octobre
au
vendredi 6 novembre 2009

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La Palestine : c’est Gaza à l’ouest au bord de la mer, actuellement fermée : rien ne rentre, rien de sort, même pas le ciment pour reconstruire les maisons bombardées en décembre 2008/janvier 2009, prison à ciel ouvert, et la Cisjordanie, à l’est, territoire occupé par les Israéliens. Voir carte suivante.

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En vert foncé, la Palestine en 1946, puis en 1947 avec la partition de l’ONU. Guerre des 6 jours en 1967 et depuis grignotage perpétuel de la Palestine par les colonies israéliennes. La Palestine n’est plus qu’une suite d’aquariums côte à côte, et tout Palestinien doit demander à Israël pour passer d’un aquarium à l’autre. Il doit aussi avoir une raison valable.

1ère semaine

Lundi 26 octobre

Nazareth Jénine Tulkarem Naplouse Qalquilia Ramallah Jérusalem Bethléem Hébron

Bonjour à tous.

Ce soir lundi, on a eu un bonheur que ni les Français, ni les Allemands ne connaissent : nous sommes arrivées à la maison sans problèmes ! Juste 10 minutes de bouchon* et un détour de 15 km, enfin on a mis 1h10 pour faire les 15 km entre Jérusalem et Ramallah... Ici le temps s’étire et tout prend des proportions hors normes.

* bouchon dû au check-point de Qualandia + au match de foot qui se joue à Ramallah : Palestine contre Jordanie. Y’a de quoi faire tourner en bourrique tout Israélien : tant d’ennemis réunis d’un coup !

Je résume les 2 jours passés :

A l’aéroport, samedi 24 octobre : aucun problème, j’ai dit que j’allais chez une amie et hop, je passe. J’ai bien remarqué dès Amsterdam 2 groupes de françaises qui avaient le look AFPS mais je n’ai rien dit. On a la consigne de ne pas se parler, pour n’éveiller aucun soupçon. Et hier dans le souk de Jérusalem, je les revois, les 2 groupes avaient fusionné et je leur ai parlé. Ce sont des filles d’un groupe de l’Ouest de la France et nous prenons en partie le même vol au retour. La terre est petite.

Dimanche 25, j’ai traîné dans la vieille ville. Le St-Sépulcre est archi-plein de touristes. J’ai remarqué beaucoup de nouveaux "magasins" russes et beaucoup entendu « Spaciba » (merci) ; j’ai vu aussi Jawad, un marchand du souk et lui en ai parlé, il est également de cet avis. Dimanche matin, il y a eu du grabuge sur l’esplanade des mosquées car les Israéliens ont voulu y aller, ou y sont allés, mais l’après midi, je suis allée devant le mur et si je n’avais pas vu l’info à la télé le matin (BBC), je n’aurais rien remarqué. Beaucoup de soldats, c’est vrai, mais on s’habitue... Ils savent effacer les traces.

Avec Jawad j’ai fait une pause dans le souk, sur mon tabouret comme tout bon marchand du souk et regardé les passants passer en sirotant un verre de thé. « Peu de Français, beaucoup d’anglophones et de Russes, et j’ai quand même fait une vente ! »

Je trouve que le souk ressemble de plus en plus aux souks d’ailleurs : beaucoup d’importations de Chine et d’Inde.

18h : rendez-vous avec Nina, mon amie allemande. Elle habite à Ramallah et travaille ici depuis 18 mois et elle aide les collègues d’allemand en Palestine et aussi depuis peu en Israël. En Israël, ce sont les écoles arabophones qui enseignent l’allemand.

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Ramallah derrière le mur

Ramallah est entièrement entourée par le mur pour empêcher les Palestiniens d’aller à Jérusalem.

Aujourd’hui lundi 26, on a passé le temps à ne pas faire grand-chose. Nina devait rendre à Jérusalem une clé connexion Internet, on y va. Elle donne la clé mais ils doivent faxer au chef le non fonctionnement de ladite clé et on doit revenir dans une demi-heure. 40 min plus tard, pas encore de réponse du chef. La réponse arrive : annulation du contrat entièrement en alphabet hébreu, elle râle et demande une traduction en anglais, le vendeur dit : « Là il y a votre nom et là c’est écrit "annulation". » « Ok, alors écrivez-moi une traduction sur ce papier. » « Non, je n’ai pas le droit mais je vous assure... bla bla bla » et rien à faire. Tout en arrogance comme beaucoup d’Israéliens. Alors on va dans le magasin suivant (marchand d’oiseaux) et elle demande au vendeur de lire la feuille pour avoir confirmation et tout était vrai. Mais comme elle a déjà eu des déboires avec les Israéliens, elle est devenue méfiante.

Je suis aussi allée au centre culturel français pour avoir des tuyaux pour aller à Gaza, mais comme c’est une Israélienne qui était là, elle ne pouvait pas me renseigner. Les Israéliens n’ont pas le droit d’aller à Gaza. Elle m’a donné le numéro de téléphone du consulat. J’ai appelé et là c’est la même chose : il faut écrire aux autorités compétentes, et j’aurais déjà dû le faire. J’ai dit que je leur avais écrit il y a 3 semaines et que je n’avais reçu aucune réponse. Mais elle n’était au courant de rien. Je vais frapper à une autre porte.

J’ai aussi vu en passant en voiture sur le trottoir un petit stand pour récolter des fonds ou des signatures avec un agrandissement de la photo de Gilat Shalit. Ce devait être dans la partie israélienne de Jérusalem (Nina a une "carte blanche" qui lui permet d’aller partout).

Sinon la limonade de l’hôtel... est toujours aussi bonne, le ciel toujours aussi bleu, j’ai ressorti tee-shirt et sandalettes.

Voilà pour aujourd’hui. Pardon pour les fautes qui sont en partie dues au clavier qwerty, je vais m’habituer.


Mardi 27 octobre

Aujourd’hui, mardi, journée encore chargée. Dès 8 h nous étions en classe à Ramallah. C’est une école de filles qui va jusqu’à la 3ème. Là, on a eu 2 cours : avec la classe 4 (elles ont 9 ans) et avec la 5 (elles ont 10 ans). La classe 4 débute l’allemand mais a déjà 2 ans d’anglais ! C’est-à-dire qu’à 9 ans, beaucoup d’enfants peuvent déjà lire dans 2 alphabets ! Mais il y a aussi des enfants qui ne savent pas lire et Nina regrette ce système, que nous avons aussi en France, où tous les enfants quelque soit leur niveau sont ensemble, ce qui n’est pas le cas en Allemagne. Il y avait 39 et 36 élèves par cours mais elles sont calmes, sans stress. Le cours est fait à 2 voix : Nina et Zora, une jeune femme de 26 ans qui parle parfaitement allemand et arabe, que Nina a formée car elle n’était pas prof. Mais compétente !

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Elèves de la classe 4 (CM1)

Puis nous avons changé d’école et été dans une plus grande qui accueille jusqu’au bac. J’ai salué la directrice. Là encore 2 cours (filles) classe 4 et 5, les mêmes cours. Le cours est fait à 99% en allemand avec gestes et chansons et jeux... Mais le programme est fait pour l’international et ils doivent tous ingurgiter les mots "vers de terre" et "porc-épic" qui sont très utiles en Palestine certainement... A ce moment-là, c’était la fin de la matinée, et comme chez nous, les élèves étaient bien fatiguées. Nina m’a raconté que parfois aussi, une ou l’autre a mal dormi car les soldats ont fait irruption en pleine nuit dans la maison, ont tout fouillé et déchiré quelques cahiers...

Puis direction le centre culturel français qui est aussi le Goethe Institut, donc maison de la culture franco-allemande. On y donne des cours et il y a une grande médiathèque et des expos... on avait rendez-vous avec une jeune fille du consulat français qui fait la même chose que Nina mais pour la langue française. Aurélie, elle a la trentaine, diplômée de Science Po, impressionnante de maturité. Elle était avec une autre de son âge qui fait le suivi des profs de français ici, également d’un grand professionnalisme ! La réunion s’est passée au restau et j’y ai appris qu’il y a 5 800 élèves (= 38 écoles) qui apprennent le français ici, en Cisjordanie et à Gaza. La France a lancé le projet en 1995 et maintenant, cela roule. La France paie les livres et les cahiers ainsi que les salaires d’Aurélie et des 2 personnes qui font le suivi des profs palestiniens. Nina avait besoin de billes car elle reçoit des huiles la semaine prochaine et elle, elle doit tout faire et en plus donner des cours ! Les visions aussi sont différentes : la France ne recherche pas une élite, ce que cherchent les Allemands et contre quoi lutte Nina. Maintenant, France et Allemagne vont travailler ensemble sur plusieurs projets ici.

J’en ai profité pour parler de Gaza, elles voient cela mal aussi. Il faut appartenir à un organisme bien reconnu. J’en ai parlé aussi au monsieur de l’entrée du CCF, trilingue ou plus : allemand, français, arabe, d’une simplicité remarquable avec en plus de l’humour, lui, pense qu’il faudrait avoir un ami israélien...

Aurélie m’a aussi soumis un projet de petit partenariat avec un quartier de Jérusalem qui ne voudrait pas disparaître, les Israéliens ont déjà pris 2 maisons. Et je me demande si ce n’est pas auprès de chez Jawad, car il m’en a parlé aussi. A creuser.

Puis on a marché dans Ramallah, grouillant de vie, de couleurs et d’odeurs, beaucoup d’hommes dehors car ici 70% de chômage. Nous cherchions une montre avec des chiffres arabes (ou indiens car ce sont nos chiffres qui sont arabes !) car Nina en a une et elle me plaît bien. Pas moyen d’en trouver une ! Elles ont toutes nos chiffres ou des chiffres romains alors qu’ils ne s’en servent pas. Bizarre, non ?

A 17h30 il faisait nuit noire, car le temps était couvert mais encore très chaud.

A +

Mercredi 28 octobre

Encore une journée riche de riens mais de pleins ! Rien ne se passe comme prévu.

J’appelle Ziad à Gaza, il est chez lui, il me dit d’appeler Mme G. au consulat à Jérusalem, je fais. Elle n’est pas encore arrivée. Comme je vais à Jérusalem, je décide que je prendrai un taxi et irai la voir.

Voyage en bus de Ramallah à Jérusalem. Nina, m’avait tout expliqué et tout se passa comme prévu. On monte dans le bus. Le bus part quand il est plein. Ma voisine, une femme d’une 60aine d’année, ne me parle pas, elle lit le Coran. On traverse Ramallah jusqu’au check-point de Qualandia à la sortie de Ramallah, sur la route de Jérusalem.

Là tout le monde descend, je repère le numéro de la plaque minéralogique du bus et suis les voyageurs, en repérant ma voisine pour phare. Tout le monde se cale dans des enclos couverts avec un tourniquet au bout. Tout d’un coup, l’enclos de droite doit dégager, ils viennent avec nous en râlant. Le tourniquet est fermé. 5 ou 6 min plus tard, il s’ouvre et laisse passer 3 personnes, puis 2 ou 1 puis 3 et à chaque fois il y a quelqu’un qui reste coincé dans le tourniquet ! Ouf, c’est pas moi, je suis 2ème. On doit mettre le sac à dos sur le tapis roulant pour être scanné et plus loin, présenter ses papiers. La soldate me crie « Stamp » que je lui fais répéter car je n’avais pas compris, alors je feuillette mon passeport et trouve le tampon de l’aéroport. C’est ce qu’elle veut, je passe. Couloir puis tourniquet et re-tourniquet.

Puis commence le petit jeu : retrouver son bus parmi la 10aine qui attend. Chacun reprend sa place. Ma voisine me demande en anglais si je suis touriste, « Yes », et elle me dit : « Il faut raconter, dire ce que les Juifs nous font, qu’ils nous traitent comme des animaux ». « Yes I do ». Puis elle caresse son Coran et dit « Holy Coran » et elle reprend sa lecture jusqu’à Jérusalem.

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Check-Point de Qualandia, quand on passe en voiture : attente, puis inspection du coffre.

A Jérusalem, je cherche tout de suite un taxi pour le consulat. Je sais que ce n’est pas loin mais ça grimpe. Embrouille avec le chauffeur qui me demande trop cher, je ne suis pas d’humeur à marchander, je descends, il avait déjà fait 15 mètres ! J’en prends un autre moins gourmand. Non mais des fois ! Au consulat je demande Mme G. Toujours pas arrivée, je vais voir Aurélie, rencontrée hier mardi et elle me dit que Mme G. est malade aujourd’hui et ne le sera peut-être pas demain. Alors...

Je reviens en ville à pied et cherche l’hôtel où j’ai rendez-vous à midi pour faire le tour des colonies, un circuit alternatif. Presque arrivée, je demande mon chemin et là j’ai fait la connaissance de la gentillesse palestinienne ! Un Palestinien veut rendre service et quand on lui demande son chemin, il répond et accompagne un petit bout. Il ne dira jamais : « Je ne sais pas ». Et moi, je vous dis, heureusement qu’il n’y a que 4 points cardinaux car je les ai tous faits ! Tout droit, à gauche, à droite, demi-tour... Et au lieu de mettre une demi-heure comme nécessaire, j’ai marché une heure, raté le rendez-vous, suis arrivée rouge comme une tomate, de plus il faisait entre 25 et 30 degrés à l’ombre et à midi il n’y a pas d’ombre ! Sans rancune ! C’est vraiment dommage que nous, les femmes, soyons nées sans le sens de l’orientation ! Enfin j’ai bien apprécié le verre de limonade et le houmous de l’hôtel !

J’ai passé l’après-midi dans la vieille ville : devant le mur des lamentations, beaucoup de touristes, puis j’ai visité sans encombres tout le quartier juif. Petit cours succinct pour ceux qui ne connaissent pas : la vieille ville est divisée en 4 quartiers : musulman, juif, chrétien et arménien. Le quartier juif est très beau, tout de pierre ocre, comme toute la ville, tout rénové comme un sou neuf, tout en courbes, en arches, arcs, escaliers, très très vide, très minéral, seul un Juif en redingote passe furtivement (il y a même une expression toute faite en allemand : mit jüdischer Hast = mot à mot : avec hâte juive) et quelques chats très propres eux aussi, contrairement aux chats des autres quartiers. Puis j’ai revu le Saint-Sépulcre et me suis même retrouvée coincée dans un embouteillage de pèlerins, un groupe récitant le Je vous salue Marie et l’autre chantant un cantique en anglais, chaque groupe avec sa casquette. Il faut de tout pour faire un monde. Puis + tard (hors souk) j’ai vu un défilé de franciscains qui accompagnait un corbillard. Dans le souk, j’ai trouvé une montre avec chiffres arabes, mais pas 2 ! C’était la seule parmi au moins 300 montres.

17h30 : nuit noire malgré le ciel bleu.

18h Nina passe me prendre et nous retournons à Ramallah par le long détour. Contrôle au check-point, 1 voiture sur 10 et bingo, c’est nous. On passe, évidemment. Et nous allons dîner au Pronto, resto italien, Edith Piaf à tue-tête toute la soirée. L’an dernier, il y avait pendant le Ramadan 4 restos ouverts dans la journée à Ramallah, cette année le Pronto est resté le seul ouvert.

Je passe à aujourd’hui, jeudi, 29 octobre

Ce matin repos pour moi. Je vais lire car cette nuit : insomnie, alors j’ai lu un livre que Nina m’a prêté. D’une auteure palestinienne (pacifiste, qui a longtemps travaillé avec des femmes israéliennes jusqu’à ce que cela soit interdit) des environs de Ramallah, qui parle allemand et écrit en allemand. C’est un journal qu’elle a tenu du 11 juin 2006 au 15 mars 2007. Elle y parle, sans animosité ni rancoeur, de l’enlèvement de Gilat Shalit par le Hamas qui va encore compliquer sa vie, des hommes qui reviennent souvent stériles des prisons israéliennes, des enfants ou adolescents palestiniens mis en prison en Israël et qui suite aux « traitements » deviennent collaborateurs, de ses difficultés pour se déplacer : 11 à 14 heures pour aller à Amman, 70 km...

Cette nuit, j’ai regardé la ville par la fenêtre. Imaginez-vous : ce quartier est aussi peuplé que Sarcelles, et bien : pas un bruit, silence absolument total. Seuls, deux coqs au loin se répondaient. A 4h12, le muezzin a chanté.

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Vues de Ramallah

Cet après-midi, on va marcher, j’avais un peu peur car le ciel est gris et menaçant. Mais pas de problème, on va dans le désert ! C’est ça qui est bien ici, on a tout - ils avaient tout - à portée de main : désert, montagne, mer, ville, campagne et ils ne peuvent pas faire plus de 20 km autour de chez eux !


Jeudi 29 octobre

C’est à pleurer.

Cet après-midi nous sommes allées marcher dans le désert qui ici est fait de collines rocailleuses, vertes au printemps, dorées maintenant. D’une beauté à couper le souffle. C’est entre Ramallah et Jéricho, à gauche à mi-chemin. Nina y était allée au printemps cette année. Et bien depuis : une nouvelle barrière est arrivée, mais encore sans gardien. On descend dans la vallée et en bas il y a de l’eau qui coule, avec des poissons quand il y a une retenue d’eau alors qu’il n’a pas plu depuis le printemps.

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Dans le désert...

A l’entrée de la vallée, il y a une sorte de construction/préau, avec une retenue d’eau et dedans un bassin rond qui ressemble à un bassin de baptême. On est bien sûr en pleine Cisjordanie. Et bien, là, il y avait un groupe d’ados sans doute pour la journée, et sur la construction : le drapeau israélien flottait !

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Le préau devenu israélien

In-cro-ya-ble. Un des derniers endroits où les Palestiniens venaient pour se rafraîchir, Nina ne décolérait pas. On a longé le ruisseau (1 m de large), vu des poissons et des marmottes, croisé deux couples de jeunes hommes, puis nous sommes rentrées à la nuit. Sur chaque colline, on voyait des lumières : des colonies, ILS SONT PARTOUT !!!

Et je me rappelle ma 1ère conversation avec Nina dans la voiture dimanche : moi optimiste, les Palestiniens vont bientôt voir le bout du tunnel, et elle : « moi je crois que les Israéliens ont déjà gagné ». Oh là le choc ! Je ne veux pas le croire, mais après tout, c’est elle qui vit ici, pas moi... On va voir. Vraiment aujourd’hui, je vois que c’est une course contre la montre. Les uns sont libres et vont partout à leur guise, avec armes et arrogance, ou sans armes mais avec plein de bébés, et les autres sont enfermés chez eux. Car hier, les gens qui étaient dans le bus avec moi avaient tous demandé une autorisation à Israël pour aller à Jérusalem (15 km). Pas question pour un Palestinien de Ramallah de dire, « tiens on va prendre un pot à Jérusalem. »

Alors petit à petit : des idées, on n’en a plus, cela ne sert à rien d’avoir des envies, des projets, rien ne verra le jour, alors on reste chez soi, on regarde la télé, joue à l’ordinateur ou lit le Coran. Et c’est cela qui est triste, plus personne ne réagit d’autant plus et je viens de le lire ce matin, le rôle des collaborateurs n’est pas moindre. Israël a très bien su mettre en place un réseau d’observation très efficace : ce sont souvent des enfants mis en prison à 12-14 ans, plus ou moins torturés voire violés et hop, ils observent famille et amis, renseignent les Israéliens et les tirs ciblés atteignent leur but. La résistance en Inde avec Gandhi ou la résistance des Allemands de l’Est étaient autre. Il y avait une unité des gens et l’occupant respectait un minimum le droit international. Ici pas d’unité, ou unité brisée par l’occupant, on bidouille dans son coin, on trouve toujours un truc pour déjouer l’occupation, les internationaux filent un coup de main pour rendre la vie plus vivable mais Israël continue ses constructions et fait « fleurir » le désert, je n’ai pas vu de fleurs, certes, mais beaucoup d’arbres en haut des collines alors que ce n’est que caillasses. C’est vrai, ce soir je suis bien pessimiste et je me demande si on n’assiste pas à une fin programmée. Le monde entier regarde et compatit et pendant ce temps, Israël continue à grignoter le terrain.

... Bonne nuit quand même.


Vendredi 30/Samedi 31 octobre

Bon, par quoi commencer ? Que d’impressions accumulées, souvent négatives ...

Vendredi 30, j’ai d’abord téléphoné à Mme G. au consulat de France. Je l’ai enfin eue après 2 essais (et 4 hier) : je lui ai parlé de Gaza et sa réponse a été on ne peut plus claire : « Oubliez cela tout de suite, personne ne rentre et personne ne sort : j’ai eu beaucoup de mal à faire rentrer Ziad chez lui. Ce sera peut-être possible dans un mois, mais pas en ce moment... » Bon, voilà, je sais à quoi m’en tenir maintenant.

Puis Nina m’a emmenée à Bethlehem chez un collègue palestinien, Qusay (prononcez : cou-sa-i) professeur d’allemand chez qui je suis restée les 2 jours. Arrivée vers 11h30, Nina repart, nous allons chez lui boire un verre. Il a 30/35 ans, est marié avec Lali et a un bébé de 4 mois. Sa femme est en jeans et tee-shirt manches longues, petite brunette bien souriante. Ils vivent dans une vieille maison rénovée qui lui vient de sa famille. Une maison toute en voûtes, fenêtres en ogives, des fauteuils partout, vue sur tout le sud de la ville, superbe.

Puis Qusay me propose d’aller faire un tour dans un camp de réfugiés, chez le frère de Lali. Le camp s’appelle Do Aicha, il est peuplé de 7 000 personnes environ, ce sont des petites maisons auxquelles on a rajouté des étages. C’est très serré et le chemin n’est pas toujours goudronné. Au départ, il y a 60 ans, c’était des tentes puis, petit à petit, ils ont construit en dur. Ils restent là car sinon, ils perdraient leur statut de réfugiés et avec cela leur droit au retour. Mais Qusay lui-même ne croit pas en leur retour dans ce qui est maintenant Israël. Puis on a vu les fosses ou cuves (pool) de Salomon qui recueillaient l’eau venant de Hébron, allant à Jérusalem. Et là, on a pris une sage décision : rentrer à la maison en taxi car on était trempés comme des soupes ! Et oui, il pleuvait depuis qu’on avait fait 100 mètres ! Il était 14h, on a déjeuné, Lali cuisine très bien, dixit son mari, elle avait préparé le plat typiquement palestinien, du poulet au riz, avec des épices, vraiment très bon. Puis sieste et télé. Nous ne sommes ressortis qu’à la nuit vers 18h30, Bethléem by night quand les touristes sont partis. Les touristes de toutes façons ne voient rien de Bethléem : ils descendent du car, vont visiter l’église de la Nativité, font la queue à l’intérieur pour toucher l’étoile sensée figurer l’endroit où Jésus est né, ils remontent dans leur car et regagnent Israël, car les tour-opérateurs sont toujours israéliens.

Ici à Bethléem, la vie est simple pour un Palestinien : sans check-point, il peut faire 5 km dans un sens et 3 ou 2 dans l’autre. Il lui est absolument interdit d’aller à Jérusalem, à 8 km de là. Il voit sa terre grignotée petit à petit. Près des cuves de Salomon, le dernier petit bosquet vient d’être confisqué et ils s’attendent à voir fleurir une nouvelle colonie juive sous leur nez, avec ce qui va avec : route privée et no man’s land sécurisé. Où qu’il regarde, il voit le mur ou une colonie. Qusay raconte avec humour (noir) : « En Allemagne, je m’ennuie, personne ne m’arrête pour me demander où je vais, pourquoi j’y vais... » Mais aussi, il n’arrête pas de dire : « Ce n’est pas juste, c’est une injustice. » C’est vrai : tout n’est qu’injustice ici.


Samedi 31 octobre

Lever comme presque tous les jours à 6h30 (quelles vacances) pour aller à l’école ou plutôt aux écoles de Qusay car ce doit être le sort des profs d’allemand du monde entier d’enseigner dans plusieurs écoles. On va à pied dans la 1ère, il fait beau, ciel bleu ou presque, même pas frisquet. L’école commence à 8h mais il faut y être au moins à 8h moins 25. Il se passe des tas de choses : une femme parle dans un micro, les 350 élèves sont devant elle, rangées par classe, 2 par 2, sages ou presque. Puis, il y a quelques mouvements de gymnastique (j’ai filmé) : mains devant, en haut, on frappe des mains et on recommence, on sautille... Puis 2 élèves apportent le drapeau et tout le monde entonne l’hymne national. Je dirai plutôt hurle l’hymne national. Moi, cela me serre le cœur de les voir croire si fort en la Palestine.

Puis les cours commencent. Ils durent 40 minutes. Ici, il y a une jeune allemande, donc elle et Qusay prennent la moitié de chaque classe, ce qui fait des groupes de 15 à 18 élèves quand même. Et c’est bien agréable de voir chez les élèves cet enthousiasme, cette attention, cette écoute, cette volonté d’apprendre, de bien répondre tout en étant complètement décontractées, souvent debout à coté de la chaise.

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Elèves attentives

Dans cette école. Il n’y a que les classes 4, 5 et 6 (compter 1 pour le CP, classe 2 = CE1 etc.).

A 11h, nous avons changé d’école (c’est aussi une école de filles) pour aller dans celle à qui nous payons Internet. Pour y aller Qusay prend un taxi, c’est toujours le même qui connaît ses horaires et vient le chercher. Dans cette école, ils ont classe 7, 8, 9 et 10. Le bac se fait ailleurs, classe 12, comme chez nous. La directrice nous attendaient pour une petite collation : du pain, des olives et des falafels (boulettes frites de purée de pois chiche), une tasse de thé. Puis je suis présentée salle des profs. Ensuite, la directrice m’offre dans son bureau un cadeau : une enveloppe de coussin et un porte-monnaie brodé typiquement palestinien.

Dans le 2ème cours, les élèves écrivaient un poème pour répondre à un concours du CCFA, (centre culturel franco-allemand de Ramallah, très actif). Je ne connais pas la consigne exacte mais c’était sur le mur et tous les poèmes avaient : « à cause du mur, je... malgré le mur, je... » et elles mettaient leurs idées. Les poèmes étaient en allemand et c’était assez poignant : « malgré le mur je danse et je chante, je nage... à cause du mur, je ne peux pas aller voir ma tante Zia à Jérusalem, je ne peux pas aller prier à la mosquée Al-Aqsa, je ne peux pas aller voir la mer... ».

A 13h45 : fin des cours. Le taxi arrive et nous allons à la gare routière pour prendre un mini bus pour Ramallah où Qusay donne des cours au CCFA. Plein de minibus, tous ont 7 passagers, donc en 10 minutes il est plein. Le taxi est palestinien et ne doit prendre que des routes autorisées aux Palestiniens. Donc énorme détour autour de Jérusalem, à vol d’oiseau il y a 25 km et nous mettons 1h20 par la montagne. Ce sont de toutes petites routes, avec parfois une pente si raide que certainement c’est interdit en France. Il y a 2 check-points sur le trajet, mais les soldats nous laissent passer aujourd’hui sans problème. Il y a aussi un stop avec un bouchon : notre route croise un route qui va à une colonie, et cette route, entièrement vide, a priorité et le Palestinien doit s’arrêter. Colère de Qusay.

Nous arrivons à temps au CCFA, puis je rentre à pied chez Nina, mon sens de l’orientation ayant fonctionné cette fois.


Dimanche 1er novembre

Petit déjeuner et Zora, la jeune Palestinienne qui fait cours avec Nina, arrive pour préparer les cours de la semaine. J’en ai appris un peu plus sur elle. Je m’étonnais de son allemand parfait, volubile (qui me faisait rougir du mien !), j’ai l’explication : ses grands-parents sont partis en 1960 en Allemagne, son père avait 17 ans. Il s’est marié à 35 ans avec une Palestinienne et Zora est née en Allemagne (1983), à Munich où elle a vécu 24 ans. Elle a un passeport allemand et un palestinien par son mariage. Elle est parfaitement bilingue. En 1968, les grands-parents sont revenus en Jordanie. Pendant 30 ans son père (il vit maintenant en Jordanie) n’a pas pu venir en Palestine, puis il a eu une autorisation pour les vacances : 3 semaines. Et cela fait maintenant 14 ans qu’il n’est pas revenu : il essaie mais depuis 7 ou 8 ans, les Israéliens ne donnent plus d’autorisation de séjour aux Palestiniens qui veulent venir voir leur famille ou passer des vacances ici. Qui va à la chasse... Quand on raconte à Zora ce qu’on a vu dans le désert : le préau avec les Israéliens et le drapeau israélien, elle dit : « Pour moi, c’est clair, là où flotte un drapeau israélien, cela veut dire, interdit aux Palestiniens. »

2 oublis qui me reviennent.

Samedi sur la route entre Bethlehem et Ramallah, nous avons traversé Abu Dis, ville palestinienne coincée entre Jérusalem (avec le mur, vu que les Palestiniens ne peuvent pas aller à Jérusalem) et la colonie israélienne de Ma’ale Adummim : or les Israéliens veulent réunir Ma’ale Adummim et Jérusalem, donc les jours d’Abu Dis sont comptés : mais si cela se réalise, cela ne se fera pas sans morts...

Autre problème ici : les poubelles. Nous devons sans arrêt fermer les fenêtres de l’appartement car cela sent mauvais. Les gens amassent leurs ordures sur un terrain vague ou un container en métal, puis y mettent le feu. Imaginez les gaz qui se dégagent... car ils brûlent tout : plastiques, cartons, caoutchouc, épluchures... mais ils ont les plans et l’argent pour faire mieux, mais Israël ne délivre aucun permis de construire pour cela... Pareil pour les eaux usées. Petit à petit, les Palestiniens vont soit étouffer soit sortir du pays et ne plus avoir le droit de revenir. Ils peuvent aussi être tués sans sommation chez eux. Qusay est resté une fois plusieurs jours coincé chez lui (c’est Nina qui m’a raconté), avec seulement 2h une fois pour aller se ravitailler. Lui et sa femme n’osaient même pas aller aux toilettes, ou seulement en rampant car les Israéliens tiraient sut tout ce qu’ils voyaient. Un nombre impressionnant de gens meurent ainsi, chez eux, abattus comme des lapins quand ils passent devant une fenêtre. Il ne faut surtout pas se mettre à la fenêtre avec un drapeau blanc !

Dimanche après-midi.

Visite culturo-religieuse : le Mont des Oliviers, puis descente à pied vers la vieille ville, halte au jardin de Gethsémani où il y a des oliviers si vieux qu’ils ont peut être vu Jésus-Christ. Puis on va sur la colline de Zion avec le roi David... Mais je ne connais pas assez la Bible pour tout reconnaître. On fait aussi un tour dans le grand cinéma de Jérusalem (coté Israël) et je vois qu’il projette le film israélien Eyes wide open qui traite de l’homosexualité masculine en Israël.

A suivre

Témoignage de Jocelyne, AFPS

Journal de Palestine (2)

dimanche 15 novembre 2009 - 07h:04

Jocelyne - AFPS

C’est mon amie Nina qui travaille en Palestine depuis 18 mois, qui m’avait demandé : « Viens-tu encore cette année pour la cueillette des olives ? ». Pourquoi pas, mais pas aux olives, plutôt pour vivre le quotidien des gens. Le gîte étant assuré, me voilà partie.

Du dimanche 25 octobre
au
vendredi 6 novembre 2009



Deuxième semaine

Pour voir la première semaine


Lundi, 2 novembre

Ce matin, parties de bonne heure (7h15) pour Nazareth. Nazareth est en Israël. A l’aller nous prenons l’autoroute israélienne pour arriver à l’heure, Nina doit se présenter dans 2 écoles arabes* qui enseignent l’allemand. On n’a pas fait 20 km que la pluie se met à tomber. Depuis 2 jours l’hiver s’installe tout doucement. Le long de la route, nous longeons le mur de Qalquilya : il est bien caché derrière des eucalyptus, les Israéliens ne le voient pas. Puis c’est Tulkarem : là c’est un talus qui cache le mur.

* écoles où on lui a parlé de discrimination des arabes israéliens qui ne peuvent aller à l’université ... alors quand on parle d’une solution à 1 Etat : quel Etat ? Un Etat avec les bons Israéliens et les mauvais Israéliens arabes ?

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Principales villes du séjour, soulignées en rouge.
Extrait d’une carte du Monde diplomatique

A Nazareth, je vais voir l’église de l’annonciation comme il se doit (là, Gabriel a annoncé à Marie qu’elle était enceinte). Il pleut à verse. Puis je marche dans les alentours, très beaux mais dès qu`on s’éloigne, les trottoirs ne sont plus pavés de pierres ocres mais vaguement cimentés, les maisons sont de guingois... Il pleut toujours. Mes pieds font floc floc, j’achète des chaussettes sèches !

A 15 h nous rentrons et décidons de prendre la route directe, route qui traverse toute la Palestine : Jénine, Naplouse, Ramallah mais tout compte fait il y a tellement de virages que cela fait 137 à 130 km ! Nous savons qu’il y a un gros check-point entre Israël et Jénine. L’affaire se présente mal : nous voyons les Palestiniens qui travaillent en Israël descendre de leur bus, traverser à pied leur passage (corridor) réservé, grillagé, encagé... mais aucune voiture n’est là. Puis on voit une barrière à 1/2 ouverte : ouverte pour ceux qui viennent de Jénine mais fermée pour nous. Nous prenons le sens interdit et aussitôt un jeune soldat vient à notre rencontre. Et alors voilà à peu près le dialogue entre Nina et le jeune :

- Nous voudrions passer pour aller à Jénine.
- C’est fermé, on ne peut pas passer. Vous êtes touristes ?
- Non, je travaille ici, vous voyez, j’ai un passeport rouge
(Nina a un passeport de service, le même que le passeport diplomatique, mais les soldats ne savent pas faire la différence). Il faut que j’aille à Jénine.
- C’est fermé.
- Alors ouvrez, Open the door.
- Non, je ne peux pas, je vais téléphoner à mon chef. (Il téléphone 30 secondes). Mon chef a dit non, on ne peut pas passer.
- Alors appelez votre chef, je veux le voir, je dois aller à Jénine, j’ai un passeport rouge, nous venons d’Europe, je dois passer.

Il rappelle et effectivement le chef vient, même pas en uniforme. Et cela recommence.

- Je dois aller à Jénine puis à Naplouse, c’est la route directe, je viens de Nazareth.
- Vous ne pouvez pas passer, la route ferme à midi.
- Comment cela, la route ferme à midi, je vois des voitures qui viennent de Jénine.
- On peut venir de Jénine mais la route ferme à midi pour y entrer.
- Comment ça, la route ferme à midi ?
- C’est comme ça, la route est fermée à midi. Tout le monde le sait.
- Ah mais pas du tout !
- Vous n’avez qu’à téléphoner avant de partir.
- Mais ce n’est pas normal. Qui décide cela ?
- Il faut en parler à notre gouvernement.
- Mais je dois absolument aller à l’université de Jénine, puis à Naplouse.
- Impossible, c’est fermé.

...J’en passe car c’était en anglais et je n’ai pas tout compris, mais Nina a encore et encore insisté, et je l’ai vraiment félicitée car cela a fini par :

- Bon, je vais vous ouvrir, pour cette fois !!!

On n’en croyait pas nos oreilles !!! Nina a avancé la voiture devant une immense barrière jaune qui s’est ouverte tout doucement. On aurait dit qu’on nous laissait entrer dans la cage aux lions ! Jénine n’était qu’à 7 km.

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Barrière jaune et passage piéton...

L’entrée dans Jénine est lugubre : aucune voiture, personne. Puis arrivé dans le centre ville, un peu d’animation, on se gare pour aller boire un café et fêter notre victoire (euh... surtout la sienne car moi ... enfin elle dit que toute seule, elle ne l’aurait pas fait, c’est vrai qu’en chemin, elle a failli changer d’idée : « Et si on allait à la mer ? » « Non, non, j’ai dit, on va à Jénine ! »)

A Jénine, on se gare devant une boutique, méfiance du commerçant car nous avons une plaque minéralogique jaune = israélienne. Tout de suite Nina va lui parler en arabe et la méfiance disparaît. Le centre ville est vraiment très animé, beaucoup de magasins, tous ouverts, des gens (95% hommes) partout, et là Nina décide d`aller voir le cinéma que le Goethe Institut est en train de rénover...

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Extérieur du théatre de Jénine

Et alors commence une autre histoire : comment grâce au hasard surtout et aussi à notre culot, on a rencontré l’architecte allemand puis le metteur en scène aussi allemand du film The Heart of Jenin (il vendait le DVD que j’ai acheté). Incroyable.

Et ensuite, le retour sur Naplouse sous une pluie battante, dans le noir complet, sur une petite route sans bande blanche sur les bords, encombrées de cailloux gros comme des balles de tennis que la pluie torrentielle a amenés des collines, absolument sans aucun panneau pour dire où nous étions... Mais nous étions rassurées : il y a le mur tout autour, alors, on ne peut pas se perdre beaucoup !

A propos, c’est encore plus grave que je ne pensais : ils sont vraiment PARTOUT ! C’est effrayant ... Mais ce soir Nina pense qu’Israël peut être en faillite et alors les choses iraient vite... ( ?)

A suivre, car il est tard et demain sera un autre jour qui commence tôt !


Mardi 3 novembre

(JPG)Ce matin Bethlehem de nouveau : nous avons mis 2 heures pour y aller (35 km), beaucoup de circulation, de la pluie, des bouchons, 3 check points... et c’est tous les jours !

J’ai revu l’église de la Nativité, bondée de touristes, et la Chapelle où la Vierge en fuyant vers l’Egypte a laissé tomber une goutte de lait... puis ai fait un tour dans le marché, toujours aussi bruyant et coloré et odorant... mais il a encore plu, puis plus, puis encore. Je suis rentrée à l’appartement, trempée comme une soupe. Et me suis jetée sur « Yahoo météo Jérusalem » et cela doit s’arranger à partir de demain, ouf !

Donc hier, on arrive devant le cinéma de Jénine qui, en gros, n’est qu’une façade et un vaste hangar derrière, toit neuf, comme il n’y a pas de porte, nous entrons et tout de suite on est accueilli par un Palestinien qui nous fait visiter ce hangar. Un homme vient vers nous et demande si on parle allemand... et donc, c’est l’architecte des travaux ici, il vient de temps en temps, il a aussi restauré une grande maison à coté, « Vous voulez voir ? » « Oui... » Là il nous présente à un autre homme et avec Nina, ils parlent en anglais jusqu’à ce qu’ils s’aperçoivent qu`ils sont allemands tous les deux. Lui, c’est le metteur en scène du documentaire The Heart of Jenin(l’histoire est sur Internet), ce documentaire a eu un gros succès en Allemagne, alors il s’est dit, on va le montrer à Jénine et comme cela est née l’idée de remonter ce cinéma en ruine depuis 20 ans. Et la maison.

C’est une grande maison, sur 3 étages, elle sert d’accueil aux volontaires qui travaillent mais servira aussi pour les touristes. L’Allemagne finance et le travail est fait par des bénévoles, beaucoup de Palestiniens. Vu le taux de chômage, la main d’œuvre est partout. Ils ont mis 3 mois pour la maison ! Et le cinéma sera terminé fin février ! En août aura lieu un festival et il espère faire venir des vedettes internationales, et aussi des Israéliens. Puis toute la gestion reviendra aux Palestiniens.

Nous repartons vers 17h45, nuit noire. On demande la route à suivre : dobré-dobré, tout droit, facile à dire mais pas toujours évident. Aucun panneau, une petite route, de temps en temps on croise un taxi, alors on se dit qu’on est sur une grande route. Il pleut. L’eau a raviné les collines et il faut sans arrêt freiner pour éviter les cailloux ou les grosses flaques d’eau. On voit des lumières : une ville, ce doit être Naplouse, une station service, nous demandons où nous sommes : à mi-chemin entre Jénine et Naplouse ! dobré-dobré. On repart. Un peu avant Naplouse, on longe un haut mur, tiens qu’est ce qu’il fait là ce mur en plein milieu ? Puis un check-point. Pourquoi pas ? Il ne faudrait pas oublier qu’ils sont partout ! Nous traversons Naplouse et ensuite la route est beaucoup plus belle. Il fait nuit noire, il pleut toujours mais on voit bien toutes les collines environnantes car sur chaque colline, une belle guirlande de lampadaires, lumière orange, dessine le paysage. Parfois on aperçoit un village à la lumière blanche blafarde, c’est un village palestinien. Tout le reste, n’est que colonies. Elles se suivent depuis Naplouse jusqu’à Ramallah sans interruption.

Alors soyons réalistes : il y a des Palestiniens, oui, mais où est la Palestine ? Il y a des villes où les Palestiniens vivent mais :

- ils doivent demander un permis de construire à Israël qui le refuse toujours, alors ils construisent sans permis et tôt ou tard, les Israéliens viennent raser la maison car elle est illégale ;
- leur maison peut être réquisitionnée à tout moment pour des besoins « militaires » et hop, dehors tout le monde. Il y a des chanceux à qui l’on laisse disposer d’une pièce dans leur propre maison...
- à toute heure du jour mais souvent de la nuit, les soldats peuvent enfoncer la porte pour un contrôle ou une arrestation ;
- ils ont de l’eau quand Israël décident d’en donner, de toute façon en quantité insuffisante. Qusay (de Bethléem) a eu une coupure d’eau de 14 jours cet été puis de l’eau pendant 2 jours, puis re-coupure pendant 14 jours. Ils ont tous des réserves sur le toit, mais il faut économiser l’eau, donc pas de lessives ni de douches ... pendant ce temps les Israéliens pataugent dans leur piscine dans les colonies ;
- ils ne peuvent pas se déplacer sans une autorisation d’Israël. S’ils veulent voir la mer, ils vont en Jordanie, mais le trajet Ramallah/Ammam, dans les 70 km, prend entre 11 et 14 heures : et de là, ils vont à Aquaba ou bien prennent l’avion pour l’Egypte. La mer est, rappelons le, à 70 km de Ramallah, mais en Israël. Donc ils ne vont pas à la mer. D’ailleurs, ils vont nulle part, donc pas besoin de panneaux sur les routes ...
- ils n’ont pas le droit d’aller à Jérusalem et cela, vraiment, c’est ce qui leur manque le plus.
- Donc qu’est-ce que la Palestine ? Comment font-ils pour vivre dans cette permanente humiliation ? L’autre soir, on a été arrêtées à Ramallah par un check-point volant palestinien ! Ils avaient sûrement repéré la plaque jaune, mais Nina a sorti quelques mots d’arabe et on est reparties. Tout le monde rigolait !

A suivre ...

Je ne sais pas si mes courriers Internet sont « surveillés » ou pas mais c’est probable car G. me dit qu’il n’y avait rien dans mon 2eme mail l’autre jour : 2 oublis. Et après ce mail, « laposte.net » a refusé toutes mes adresses et je n’ai rien pu envoyer ! Or ceci est déjà arrivé à Nina.


Mercredi matin, 4 novembre

Dès le réveil, mauvaise nouvelle. Martina a enfin donné de ses nouvelles. Martina a été contactée par Nina il y a déjà plusieurs jours pour faire le remplacement de Zora qui va partir en congé de maternité. Elles savent qu’elle attend ce poste et s’étonnent de n’avoir aucune réponse. La réponse est tombée ce matin. Martina vit depuis 25 ans en Palestine, elle est mariée avec un Palestinien mais elle habite du coté israélien, de l’autre coté du mur de Ramallah. Mais avant, il n’y avait pas de mur. Elle vit donc ici avec un permis de séjour (la vie n’est pas facile pour les Palestiniens qui ont un passeport étranger - contrairement à ce qu’on pourrait penser - car s’ils sortent du pays, ils ne sont pas sûr de pouvoir y revenir) : Donc A : pour les Israéliens, Martina est allemande. Maintenant il faut ajouter B : un fait que nous avons bien remarqué Nina et moi : les Israéliens sont en train de construire quelque chose à Qualandia (sortie de Ramallah vers Jérusalem), une sorte de corridor grillagé comme ils savent le faire. Et si on fait A + B cela donne que sous peu tout Israélien (ou tout autre ?) qui franchira Qualandia sera enregistré, (c’est Martina qui en a entendu parlé) et s’il le fait trop souvent comme devrait le faire Martina pour travailler ici, ce sera suspect (amitié / collaboration avec l’ennemi) et elle perdra son permis de séjour et sera renvoyée en Allemagne. Alors, elle préfère ne pas prendre le poste et rester dans son coin.

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Nouvelle construction à Qalandya,
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Le mur à Qalandya

Avec Nina on a même pensé ceci : combien de temps cela va-t-il prendre jusqu’à ce que les villes palestiniennes soient entièrement bouclées et totalement interdites aux étrangers et aux Palestiniens comme l’est Gaza actuellement ? Tout se passe en douceur, pas à pas, mais les plans sont déjà depuis longtemps dans les cartons et personne ne réagit. Déjà les étrangers n’ont plus le droit ou n’auront plus le droit d’aller aider à la cueillette des olives avec les Palestiniens, alors ... ça + ça ...

Ce matin, le ciel est bleu, le soleil brille, c’est une petite consolation.

Mercredi soir

J’espère avoir atteint la dernière marche de l’horreur : avec Jawad, le marchand du souk, nous allons derrière chez lui dans Shekh Jarah. C’est un quartier entièrement peuplé de musulmans (m’a dit Jawad), dans Jérusalem Nord-est, hors la vielle ville, entre la vieille ville et les consulats dont celui de France. Il y a 2 ou 3 mois, les Israéliens ont confisqué 3 maisons et y ont installé des colons juifs sous protection de l’armée. Un petit groupe d’hommes juifs orthodoxes en habit noir est là aussi. Sur les toits flottent des drapeaux israéliens. Les gens expulsés des maisons ont décidé de rester là et vivent maintenant sous une bâche tendue aux branches d’un figuier, en face de leur maison.

Qu’ont-ils fait ces derniers jours sous la pluie ? Car comme partout, la rue est en pente et ils devaient recevoir toute l’eau qui dévalait. C’est une grande maison où vivaient plusieurs familles palestiniennes, et maintenant, ils vivent là sur le trottoir en face de leur maison, matelas empilés, soutenus par des internationaux et des Israéliens pacifistes. Ce soir il y a au moins 200 manifestants, à chaque fois qu’un colon ou une famille de colons entrent dans la maison, il y a des sifflets de protestation. Jawad me dit que la moitié des Israéliens est là pour espionner les gens. Et il ajoute : « Mais où sont les Palestiniens ? Nous devrions être 2 000 chaque soir ici. Nous devrions être 5 000 ou 10 000 à marcher sur Bethléem pour faire ouvrir le check point. Ils ne peuvent pas tuer 2 000 personnes » et je dis « Comme les Indiens avec Gandhi ? » « Oui » « Et vous n’avez pas votre Gandhi. » « Non ». D’un autre côté, il faut trouver assez de volontaires pour se mettre aux premiers rangs... Mais si Jawad pense cela, d’autres Palestiniens sont prêts à partir, et dès qu’il y aura l’étincelle, il y aura la 3ème Intifada, et là.... oh la la , il y aura des morts.

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2 maisons saisies
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La tente où vit maintenant la famille chassée de sa maison, en face.


Jeudi, 5 novembre

Souk, promenade : toute la Via Dolorosa qui part du Mont des Oliviers et va jusqu’à l’église du Saint Sépulcre, c’est intéressant, est-ce que tout est vérité historique ??? Prison de Jésus, lieu de naissance de la Vierge, les stations du chemin de croix...

Le soir je repars en bus pour Ramallah. Tout de suite le chauffeur me dit « No Ramallah, the Check point is closed. To Qualandia ? » « Yes » et on avisera là-bas ! Qualandia est entre Jérusalem et Ramalah.

Voilà, c’est jeudi, veille du week-end musulman, beaucoup de monde sur la route, alors ils ferment le passage. Les piétons peuvent passer, mais pas les voitures. A Qualandia, avant le mur, tout le monde descend et je demande à mes 2 jeunes voisines (16/17 ans) si elle parlent anglais et si elle vont à Ramallah, Manara Place ? Elles disent oui et la dame derrière me dit : « no Problem, follow me ! » et ben voilà, je les suis. En chemin elles discutent en arabe et moi derrière. On marche 5 bonnes minutes en se faufilant entre les voitures car il y a un embouteillage monstre, on ne respire que des gaz d’échappement. Et je demande à ma voisine où elle va à Ramallah, elle me dit au Goethe ! Je demande si elle sait où c’est, non qu’elle dit. Alors là, c’est moi qui dit « no problem » je sais où c’est. Elles viennent pour recevoir leur prix car elles ont gagné au concours de poèmes organisés par le Goethe institut ! La dame chope un taxi et on va à Ramallah, centre ville ; je dis que le Goethe est près de « Place of watch » et la dame marmonne « de l’horloge », elle parle français ! Elle est palestinienne et a appris le français avec les Sœurs de St-Joseph et les pèlerins. Un français impeccable. C’est elle qui tient à payer le taxi.

Puis nous allons au Goethe institut qui est aussi le centre culturel français. Les filles ont 2 heures de retard à cause du check-point et de leur directeur qui avait donné une mauvaise heure. Le pire, c’est qu’elles veulent retourner chez elles à Jérusalem... et qu’on ne peut décemment pas les laisser tomber. Personne ne s’en soucie. Nina décide de les emmener à l’autre check-point (autorisé seulement pour les Israéliens/voitures à plaques jaunes) et par téléphone, elles joignent leur père qui les attendra de l’autre bord. Facile à dire, les 6 derniers km nous ont pris 2 heures dans un brouillard de gaz d’échappement ! Nina enrage contre leur directeur (un Allemand, c’est une école privée, chrétienne luthérienne) qui les a laissées partir sans aucun accompagnateur adulte. Et voilà comment on passe ses soirées...


Vendredi, 6 novembre

Je vais faire le ‘political tour’ à 13h30. Donc j’ai le temps d’aller ce matin chez Zora, la jeune Palestinienne prof d’allemand qui habite à Ramallah qui m’a invitée. C’est un appartement de 160 m2 qu’elle me fait visité, beaucoup d’espace pour la réception : un salon (occidental) - salle à manger, un autre salon oriental : coussin/ matelas par terre qui sert aussi de chambre d’amis, une grande cuisine, une grande chambre pour eux et une petite pour le petit. Des rideaux partout. Zora est belle comme un cœur, noirs cheveux longs bouclés, hyper féminine. Son mari est absent, en déplacement depuis une semaine.

Je repars en taxi jusqu’au centre ville puis en bus jusqu’à Jérusalem. Re-check-point à Qualandia, mais là, cela a perdu l’attrait de la nouveauté et je me sens bien coincée dans cet enclos en fer à attendre que les soldats israéliens aient bien l’amabilité d’ouvrir le tourniquet en nous beuglant dessus. Devant moi, un monsieur de 70 ans environ avec son fils. Et je vois bien que le vieux monsieur est là pour la 1ère fois, il essaie de passer dans le tourniquet en même temps que son fils, alors il faut reculer, on l’aide ...Quelle humiliation !

Devant l’hôtel prévu, j’attends pour le ‘Political tour’ et voilà les 3 filles de l’Ouest qui arrivent et me disent à ce soir... et là je comprends que mon cerveau a fait des nœuds : je pars ce soir alors que je pensais partir demain soir, samedi, alors que je sais que je voyage samedi... enfin ouf, j’ai un ange gardien !

Le ‘political tour’ : cela m’a permis de joindre quelques pièces de puzzle, mais je n’ai pas appris grand chose. 2 choses : le guide est de mon avis, bientôt Ramallah, Naplouse et Jénine vont être totalement enfermés, comme Gaza. Nina pense même qu’ils n’ouvriront le check-point que de 6 à 18 h par exemple ! Deuxième chose : nous étions 3 Allemands dans le minibus et 7 Français, 3 couples de la bonne 50aine et moi. Le monsieur à côté de moi était très curieux, prenait des notes... mais ne comprenait rien, alors il me demande « C’est quoi les colonies palestiniennes ? » oh la la, le gouffre est profond pensé-je et je lui explique : « Mais il n’y a pas de colonies palestiniennes. » Il comprend encore moins. « C’est quoi alors la Palestine ? » ; moi : « La Palestine, c’est ce qui est restée aux Palestiniens une fois qu’on a eu donné une terre (la Palestine) aux Juifs ». Alors là il comprend encore moins « Mais alors qu’est ce que font les Israéliens ici ? » « Et ben, voilà, ce sont ça les colonies israéliennes ! » Choc, il a compris. Ces 3 couples passent leurs vacances à Jérusalem-Ouest (Israël) et avaient décidé de comprendre, c’est louable. Ils ont fait d’autres visites guidées en Israël, l’une leur a appris qu’il y avait de bons arabes qui avaient décidé de prendre la nationalité israélienne et avec ceux-là, il n’y avait pas de problèmes. Sauf, que je dis, que les élèves arabes ont très peu de chance d’aller à l’université ... « Ah, ce n’est pas ce qu’on nous a dit en Israël. »

Fin de la visite 17h. Et le marathon commence. Aller chercher les keffiehs dans le souk (pour vendre au marché de Noël) keffiehs fabriqués à Hébron et non en Chine. Essayer de joindre Nina, mais son téléphone est sur répondeur ; Je décide de prendre le bus ; elle réussi à me joindre, elle me prend à la sortie du bus, un peu après car la place des Lions (centre ville) est toujours encombrée et particulièrement ce soir : des jeunes barrent les rues avec des voitures pleines de drapeaux et de photos de Mahmoud Abbas qui, je l’apprends plus tard, a décidé de ne pas se représenter aux élections. On dîne, je fais ma valise et on retourne sur Jérusalem. Mais trop tard, les 3 filles sont déjà parties... Je prends un taxi, le chauffeur à l’air louche, j’ai grand peur : sa voiture ralentit sans arrêt, j’ai l’impression qu’on perd une roue et quand il y a une ligne droite, il décélère et ferme les yeux....

A l’aéroport, je retrouve les Angevines qui dorment dans un coin et on attend pour passer au contrôle, en faisant semblant de ne pas se connaître, évidemment.

A 2h40 j’y vais. Une jeune soldate de 18/20 ans m’interroge en anglais :

- Pourquoi êtes-vous venus en Israël ?
- Je suis venue chez une amie.
- Comment s’appelle-t-elle ?
- Nina F.
- Que fait-elle ?
- Professeur d’allemand
- Où ?
- A Jérusalem
- A Jérusalem-Est ?
- Non à Jérusalem-Ouest (c’est la partie Israélienne.)
- Comment s’appelle l’école ?
- Je ne sais pas, elle travaille dans plusieurs écoles.

Alors là, cela lui a semblé louche, attendez un peu ici, et elle s’en va avec mon passeport. Je me dis que cela se corse. Je cherche dans mon sac une feuille sur laquelle j’avais imprimé les coordonnées de Nina et ses titres. Le chef arrive, jeune, petit, teigneux. Je lui montre tout de suite la feuille. Il ne comprend rien. Il dit :

- Où c’est écrit ‘allemand’ ?
- Là, vous voyez ‘deutsch’.
- Est-ce que vous pouvez tout traduire ?
- Non, mais là c’est écrit ‘deutsch’ et ça veut dire ‘german’.

Alors il prend la feuille et la montre à une 3ème soldate qui traduit et c’est OK. Ouf !

Reste le contrôle du gros sac, qui passe dans le scanner. Ok. Puis je le présente à une autre jeune soldate qui doit l’ouvrir pour le fouiller mais elle me dit, le sac est OK, « Vous pouvez passer ». Je donne le sac pour qu’il soit embarqué et vais à la vérification des passeports et contrôle du petit sac à dos. Tout est OK, ils ne voient même pas que j’ai une bouteille pleine d’eau. J’attends les filles de l’Ouest dans la salle d’attente, mais je ne les vois pas. Elles passent seulement quand je suis assise dans l’avion. A l’arrivée à Amsterdam, on se parle, l’une d’elles (nom arabisant ou presque) a été interrogée pendant une heure, le sac entièrement fouillé. Mais on n’a pas le temps de parler davantage, mon avion part tout de suite pour Paris et pas le leur.

Arrivée à la maison sans problèmes.


Conclusion

Qu’est-ce que la Palestine aujourd’hui et que peuvent faire les Palestiniens ? J’en ai parlé à Zora qui m’a dit que, quand les Palestiniens avaient un travail, une maison, et de quoi nourrir la famille, ils étaient contents et n’avaient plus d’énergie pour le reste.

J’ai vu beaucoup d’hommes, d’adolescents et d’enfants dans les rues de Ramallah désœuvrés. Les enfants (garçons) essaient de vendre des chewing-gums dans les embouteillages au check point. Nina entend beaucoup parlé de 3ème Intifada. Combien de temps vont-ils encore subir l’humiliation quotidienne, l’enfermement, la diminution de leur territoire, l’arbitraire des Israéliens qui ouvrent, qui ferment, qui beuglent ?

C’est insupportable et c’est pour le respect des droits de l’homme que l’on doit se battre et de la dignité humaine.

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Bethléhem

Témoignage Jocelyne, AFPS