Par Adam Wolf 
Adam Wolf est un journaliste indépendant installé en Palestine. On peut suivre ses tweets à  @adamwolf3000. 
27.03.2014 - Suite à la récente flambée de meurtres perpétrés par 
l'armée israélienne dans les territoires occupés, les réfugiés du camp 
d'Aida, à Bethléem, ont réactivé une campagne de résistance contre le 
mur d'apartheid qui encercle la plus grande partie du camp. Le mur 
israélien domine la vie dans le camp de réfugiés d'Aida. Le seul espace 
vert qui existait dans le camp est situé juste derrière le mur. Avant sa
 construction, les réfugiés y organisaient des barbecues et récoltaient 
les olives. En outre, à une courte distance du camp se trouve un site 
qui se compose de la Tombe de Rachel, considérée comme le lieu de 
sépulture du personnage biblique, une école rabbinique [yeshiva] et une base militaire israélienne. 
Des soldats et des policiers des frontières israéliens devant le mur, dans le camp de réfugiés d'Aida (Photo: Adam Wolf) 
Le site comprend des tours de tirs et de multiples barrières qui 
permettent à l'armée un accès direct au camp d'Aida et à Bethléem. 
Lorsque la grille est ouverte, souvent les visiteurs de la Tombe de 
Rachel se mettent derrière les soldats pour jeter un coup d’œil dans le 
camp.
Avant le lever du soleil le vendredi 21 mars, des jeunes d'Aida ont 
percé un trou dans une section déjà endommagée du mur. Les jours 
suivants, l'armée israélienne a essayé de réparer le mur par divers 
moyens. Au cours de ces opérations, elle a utilisé un large éventail 
d'armes et de tactiques. Les soldats ont tiré des gaz lacrymogènes, des 
grenades incapacitantes, des balles recouvertes de caoutchouc, des 
balles recouvertes de plastique, et des balles réelles, ils ont occupé 
des maisons palestiniennes et placé des tireurs à la gâchette facile sur
 les toits. Les jeunes du camp de réfugiés d'Aida ont résisté à chaque 
assaut militaire, seulement armés de pierres et de morceaux de briques.
Alors que l'armée israélienne interdisait l'accès au mur samedi 
après-midi, des entrepreneurs ont d'abord installé un morceau de tôle, 
apparemment comme solution temporaire. 30 minutes à peine après le 
départ de l'armée, les jeunes du camp extirpaient la feuille de métal, 
laissant un trou qui donnait sur les champs dont ils profitaient jadis. 
L'armée n'a pas tardé à revenir et a lancé un autre assaut qui a duré 
jusqu'au soir.

Un policier israélien des frontières examine les dégâts (Photo: Adam Wolf)
Le dimanche a vu une autre opération militaire israélienne, qui a duré 
toute la journée. Les seules blessures infligées à l'armée ont eu lieu 
ce matin-là, quand deux policiers israéliens des frontières ont été 
modérément blessés, l'un à la tête par la chute d'une brique et l'autre 
par un pétard.
En réponse aux blessures des policiers des frontières, l'armée a arrêté 
neuf hommes chez Abu Akar et les a emmenés au poste de police pour les 
interroger. Mustafa Abu Akar, 57 ans, a été accusé d'avoir laissé tomber
 la brique sur le policier, bien qu'il clame son innocence. Après 5 
heures d'interrogatoire et 36 heures de garde à vue, Mustafa a été 
libéré. Tous les autres membres de la famille ont été libérés depuis.
Dimache soir, l'attention du camp s'est détournée du mur pour se 
concentrer sur le match de football Real Madrid/Barcelone. La capacité 
des réfugiés à endurer une attaque militaire et à célébrer un événement 
sportif le soir même montre la résilience collective d'Aida face à la 
violence d'Etat quotidienne.

Un policier des frontières pointe son fusil dans une ruelle du camp 
(Photo: Mohammed Al-Azza)
L'armée israélienne a ré-envahi le camp tôt lundi matin. Des 
entrepreneurs israéliens ont enlevé les fondations en béton du mur avec 
une excavatrice. Ils ont ensuite remplacé toute la section endommagée du
 mur, et rempli les fondations de plusieurs centimètres de béton.
Avec des soldats et des policiers des frontières postés dans des 
endroits stratégiques du camp, le secteur à proximité du mur endommagé a
 été relativement calme. Tout au long de la journée, des véhicules de la
 police des frontières ont livré des fruits et des repas. On pouvait 
voir des soldats assis par terre et sur les toits, pendant que d'autres 
tiraient des grenades lacrymogènes et des coups de fusil sur les 
réfugiés.

Des soldats israéliens se détendent sur la terrasse d'une maison occupée 
(Photo: Mohammed Al-Azza)
Blessures et arrestations
Vendredi soir, une journaliste italienne a été blessée au visage par une
 balle caoutchouc-acier. alors qu'elle tentait de fuir. La balle a 
manqué de peu son globe oculaire. Elle a été opérée le lendemain et elle
 est en convalescence.
Au moins 4 jeunes réfugiés ont été blessés entre dimanche 23 et lundi 24
 mars. Ahmed Daajneh, 15 ans, affirme qu'il se tenait près de la mosquée
 du camp, à observer ce qui se passait, quand il a reçu une balle 
caoutchouc-acier dans la tempe gauche, manquant de peu son œil. Son père
 a décrit l'état d'esprit des jeunes : "En 2000, les avions ont tiré deux missiles sur ma maison. Ceci n'est rien. Les gamins pensent que c'est un jeu." 
Lundi après-midi, 2 jeunes réfugiés palestiniens affirment avoir été 
visés par des snipers israéliens. Mohamed, 17 ans, dit que des grenades 
lacrymogènes ont atterri de chaque côté de lui. Il a essayé de courir 
mais il était aveuglé par les gaz et les soldats lui ont tiré une balle 
réelle dans la cuisse gauche. Plusieurs personnes ont aidé Mohamed à 
monter dans une voiture et on l'a conduit à l'hôpital. Le médecin a 
retiré la balle de sa cuisse, et il la porte maintenant dans sa poche. 
Il n'a pas pu me montrer sa blessure, l’œdème à sa jambe l'empêchant 
d'enlever son pantalon. Les médecins ne lui ont pas donné de calendrier 
de récupération.

Blessure provoquée par balle tirée par un sniper (Photo: Mohammed Al-Azza)
Ibrahim, 22 ans, affirme qu'il était assis sur le sol dans le camp quand
 la balle caoutchouc-acier tirée par un sniper l'a blessé à la joue. "
Je ne l'ai pas sentie tout de suite, puis mon visage a gonflé comme un ballon." Plusieurs jeunes l'ont aidé à monter en voiture pour l'emmener à l'hôpital.
Un homme a été blessé par balle à la jambe. Il n'a pas souhaité témoigner.
Lundi soir, il semble que l'armée soit partie vers 20h. Vers 21h, des 
forces spéciales en civil ont agressé Mutassim Al-Surefee, 20 ans. 
D'après des témoins, ces forces l'ont frappé et battu à coups de pied 
contre le mur jusqu'à ce qu'il perde connaissance. Le frère de Mutassim 
affirme que des soldats l'ont frappé avec la crosse d'un fusil. 
Al-Surefee a ensuite été arrêté et placé en garde à vue. L'armée est à 
nouveau entrée dans le camp en même temps, se postant de manière à 
empêcher l'accès aux fondations en béton qui séchaient. La mère de 
Mutassim a exigé de savoir pourquoi son fils était détenu. Après avoir 
d'abord refusé de lui parler, le commandant l'a informée qu'il était 
soupçonné d'avoir touché au béton et que si ses mains et ses vêtements 
s'avéraient propres, il serait relâché. Le commandant a également 
déclaré qu'un médecin avait examiné Al-Surefee et qu'il n'était pas 
blessé. De nombreux témoins ont dit que les coups avaient été 
extrêmement violents, faisant douter de l'affirmation du commandant sur 
le diagnostic du médecin. Le frère de Mutassim a indiqué qu'il a été 
enfermé à la prison d'Ofer et qu'il parlera à un avocat.
Mohammed Al-Azraq, un militant du camp bien connu, a été arrêté par les 
soldats israéliens tôt mercredi matin. Ils ont forcé l'entrée de son 
domicile et détruit ses affaires personnelles. Personne ne sait où il a 
été emmené, ni sur quelles accusations, ni quand il sera libéré.
Vidéo prise le 9 juin 2012 à Dundee (Ecosse) lors d'une 
action de soutien à la lutte des Palestiniens. Mohammed Al-Azraq parle 
du camp d'Aida
Gaz lacrymogènes

Les soldats israéliens tirent des grenades lacrymogènes partout dans le camp 
(Photo: Adam Wolf)
Avec une centaine de grenades lacrymogènes tirées dans tout le camp 
chaque jour, pratiquement chaque maison a été touchée. Plusieurs vitres 
ont été brisées et les grenades brulantes ont déclenché des incendies. 
Un militant local et résident d'Aida, Mohammed Lutfi, s'est cassé un 
pied en venant au secours de 3 enfants asphyxiés par les gaz qu'un 
soldat israélien a tirés à l'intérieur de leur maison.

Les enfants secourus par Mohammed Lufti (Photo: Adam Wolf)
La famille Al-Azza a indiqué qu'une grenades lacrymogène a brisé la 
fenêtre d'une chambre. Ayad Al-Azza et ses trois filles de 9, 4 et 2 ans
 se sont réfugiées dans la cuisine. Il a fermé la porte de la chambre et
 a disposé des serviettes de toilettes en bas de la porte pour empêcher 
les gaz de passer.
La maison Malash est située juste en face de la partie endommagée du mur
 et de la tour militaire israélienne. Le plus jeune membre de la famille
 est Bissan, une petite fille née le 12 mars, juste 9 jours avant le 
début du dernier assaut sur Aida. La famille a tenté de colmater 
complètement la maison pour empêcher les gaz lacrymogènes de 
s'infiltrer, mais il y a une fuite dans la cuisine. La famille a aspergé
 du parfum dans un vain effort de lutter contre les gaz lacrymogènes.
Sana, la tante de Bissan, a dit, "Il y avait du parfum et des gaz lacrymogènes, mais pas d'oxygène. Ça m'a rendu nerveuse et je me suis mise à crier."
 Bissan était dans son berceau dans une chambre et elle a subi les 
effets des gaz. Sana a expliqué que la peau de Bissan a pâli et elle 
s'est mise à vomir. La famille a appelé un médecin qui lui a administré 
de l'oxygène.
Samedi les gaz se sont à nouveau infiltré depuis la cuisine dans la 
maison Malash. La grand-mère est sortie, hors d'elle, criant aux 
médecins de venir. Le bébé Bissan, 10 jours, souffrait à nouveau de 
l'inhalation des gaz. Les médecins lui ont donné un médicament et de 
l'oxygène. Le lendemain, un médecin a examiné Bissan et a dit à la 
famille qu'il fallait l'hospitaliser à la clinique pédiatrique Caritas. 
Sana Malash a dit que Bissan a développé une bronchite aiguë qui 
l'empêche parfois de dormir. La famille espère qu'elle rentrera bientôt à
 la maison.
Avec nulle part où aller, la famille Malash s'inquiète pour l'avenir. "
Si
 Bissan est à la maison et qu'ils lancent à nouveau des gaz, nous ne 
savons pas ce qui va arriver. Je pense qu'il faudra qu'elle aille dans 
une autre famille," a dit Sana Malash.
Munther Amira, habitant d'Aida et militant, affirme avoir dit à un 
soldat que des enfants en bas âges souffraient des gaz lacrymogènes 
tirés à l'intérieur de leur maison, ce à quoi le soldat a répondu, "
Ce n'est pas mon problème."
 

Un policier des frontières tirent des grenades lacrymogènes dans le camp 
(Photo: Adam Wolf)
La Résistance s'intensifie
Après le calme relatif de mardi, les réfugiés ont envoyé, mercredi soir,
 un message clair pour tous ceux qui le voyait. Des dizaines de pneus 
ont été incendiés, provoquant d'importants dommages à la tour militaire 
et à la section de mur remplacée. Une épaisse fumée noire s'est élevée 
dans l'air frais pendant des heures. Alors que le feu s'éteignait, des 
soldats sont à nouveau entrés dans Aida et ils ont tiré des grenades 
lacrymogènes pour éloigner les jeunes de l'incendie. Environ 30 minutes 
plus tard, ils repartaient.
Les dégâts étaient visibles jeudi matin. Le feu avait détruit des morceaux de béton de la tour et on en voyait l'armature.

Des pneus en flammes lancés contre la tour de tirs (Photo: Adam Wolf)

Un gamin jette une pierre contre la tour en feu  (Photo: Adam Wolf) 

Un autre alimente la pile de pneus (Photo: Adam Wolf)
 
Des journalistes utilisés comme boucliers humains
Au cours de l'attaque initiale de samedi, l'armée israélienne a tenté de
 m'utiliser, moi et deux autres journalistes, comme boucliers humains. 
Sous menace d'arrestation, le commandant nous a enjoint de descendre à 
pied une ruelle étroite entre des jeunes qui jetaient des pierres et où 
les soldats tiraient des grenades lacrymogènes et des balles 
caoutchouc-acier. Nous avons refusé et, sans explication, le commandant a
 confisqué nos cartes de presse pendant environ 90 minutes avant de nous
 les rendre.
Ce soir-là, alors que les soldats se retiraient du camp, ils m'ont 
retenu sous la menace d'un fusil. Alors qu'ils levaient leur arme sur 
moi, je me suis identifié en tant que journaliste, j'ai levé les mains 
et je me suis tourné contre le mur. Ils ont crié en hébreu, en arabe et 
finalement en anglais, "Va-t-en !" et tandis que je partais dans 
la direction qu'ils indiquaient, un soldat a lancé une grenade 
incapacitante à un mètre de moi et d'un autre journaliste américain. Le 
flash lumineux nous a aveuglés et la puissante détonation a retenti dans
 nos oreilles pendant plusieurs heures. Les soldats sont partis en 
riant, comme on l'entend sur la vidéo filmée par le journaliste 
américain.
Couverture médiatique israélienne

Une épaisse fumée monte de l'incendie de la tour de contrôle (Photo: Adam Wolf)
A l'exception d'une visite à Aida par deux journalistes du 
Ha'aretz,
 les médias israéliens ont ignoré les incidents jusqu'à ce que les deux 
policiers des frontières soient blessés. Trois médias israéliens parmi 
les plus lus ont rapporté faussement que l'incident a eu lieu à la Tombe
 de Rachel, qui est située à l'intérieur de la base militaire fortifiée à
 laquelle les Palestiniens n'ont pas accès, plutôt qu'à l'intérieur du 
camp de réfugiés d'Aida. Ceci fait écho aux affirmations d'un 
tweet des forces armées israéliennes.
Plus remarquable, l'article affirmait qu'une source militaire avait dit 
que le mur de 9m de haut entourant le site s'était révélé insuffisant 
pour garantir la sécurité et qu'un toit pourrait être construit 
au-dessus de la Tombe de Rachel.
Israël Hayom semble avoir rapporté deux fois le 
même incident, l'une avec une localisation incorrecte et l'autre à 
l'intérieur du camp d'Aida. L'article affirme que "des dizaines de 
Palestiniens ont commencé à lancer des pierres et des cocktails Molotov 
sur les forces de sécurité stationnées près de la Tombe de Rachel, à la 
périphérie de Bethléem. Une émeute similaire a été observée à proximité 
du camp de réfugiés d'Al-Aida."
Même si les médias ont fermé les yeux, l'épaisse fumée noire qui a 
rempli le ciel a envoyé un message clair. Un réfugié et militant d'Aida 
qui a souhaité gardé l'anonymat, a résumé l'état d'esprit des 
Palestiniens d'Aida : "Nous voulons revenir à toute la Palestine,
 nous ne voulons pas vivre sous occupation et dans des camps. Nous 
voulons envoyer le message que nous n'accepterons jamais de vivre sous 
occupation. En fin de compte, ils peuvent prendre nos vies, mais jamais 
ils ne pourront prendre nos libertés !"
Les photos additionnelles de cette article ont été fournies par 
Mohammed Al-Azza, le responsable médias du Centre Lajee, dans le camp de
 réfugiés d'Aida : http://www.lajee.org/