28-07-2011 
Pourquoi la France, cette  malheureuse est-elle embarquée militairement en Libye et  diplomatiquement en Syrie dans d’infernales galères prétendument au  service des droits humains ? Car est-ce bien là le fond de la question ?  Un doute raisonnable est en effet permis en ce domaine. 
Chacun peut constater avec quelle  fougue Paris enfourche ces temps-ci le blanc destrier des indignations  vertueuses contre des hommes avec lesquels Paris avait affiché hier  d’éclatantes réconciliations. 
 
D’abord avec Bachar el Assad, le  maudit accusé d’avoir commandité le meurtre de Rafic Hariri en 2005, cet  ex Premier ministre libanais et grand ami de l’ex président Chirac. Les  accusations ayant fait long feu, certains témoins ayant été convaincus  de mensonges et d’affabulations, il a bien fallu se résoudre à désigner  un autre coupable politiquement incorrect, en l’occurrence le Hezbollah,  le « Parti de Dieu »… accessoirement acteur fondamental de la vie  publique libanaise.
 
Bachar le paria revenu  temporairement en grâce, assiste au défilé du 14 juillet 2008, en  compagnie il est vrai d’une cinquantaine de chefs d’État invités pour  une grand-messe euro-méditerranéenne. 
 
Le 28 mars précédent Bachar  el-Assad recevait à Damas le libyen Mouammar Kadhafi qui de son côté  avait décliné l’invitation du président Sarkozy, lui ayant opposé une  verte fin de non-recevoir au motif que l’« idée » même d’une Union pour  la Méditerranée n’était à ses yeux qu’un « appât » et pour tout dire «  une sorte d’humiliation » : « Nous ne sommes ni affamés, ni des chiens pour qu’ils nous jettent des os  » ! Ce mauvais état d’esprit n’était peut-être pas si sot que cela  comme l’avenir le prouvera ? Pourtant à la mi-décembre 2007, le  bouillant Colonel allait être reçu à Paris, mais en invité d’honneur  cette fois et en grande pompe… jusqu’à être autorisé de planter sa tente  bédouine sur la pelouse de l’Hôtel Marigny afin que le Guide de la  Jamahiriya libyenne puisse y recevoir ses invités « conformément à la  tradition du désert, qu’il respecte à la lettre ». 
 
Ah mais ! Paris valait bien une  messe et le premier client miraculeux décidé à acquérir une poignée de  Rafales (invendables) valait bien d’avaler quelques couleuvres voire des  anacondas ! Oubliés les infirmières bulgares et tant d’autres sujets  mineurs de fâcheries (le malheureux vol d’UTA ?)...
 
Autre temps, autres mœurs, les deux  hommes hier salués pour leur retour d’enfants prodigues dans le giron  démocratique de la Communauté des croyants dans les insignes vertus du  libre Marché - à l’instar du libre renard dans le libre poulailler –  sont aujourd’hui les bêtes noires de la communauté internationale  réduite aux acquêts : É-U + UE (France, Royaume-Uni, l’Italie en proie à  la vindicte de ses Marchands de Venise, ses Shylock intimes, ayant fait  piteuse défection) + Israël, 28e États de l’UE et 51e état de l’Union  américaine... 
 
Une belle brochette parlant haut et  fort au nom de la planète entière. À ceci prêt que si Russie et Chine  se sont, volens nolens, laissées forcer la main en votant la Résolution  1973 relative à la protection des civils dans la Libye en guerre civile,  chacun sait que réitérer la même manœuvre – et nul ne s’y risque – au  détriment de la Syrie se verrait immédiatement sanctionné au Conseil de  Sécurité par un veto catégorique des deux membres permanents précités  (sur cinq : É-U, France, GB).
 
En Libye l’échec de l’Otan devient  chaque jour de plus en plus patent, les arsenaux sont vides et il ne  suffit plus (en dépit d’une guerre des communiqués triomphalistes), aux «  oppositions » (les tribus et le lumpenprolétariat islamiste de la  Cyrénaïque en rébellion contre à l’État central et la Tripolitaine) de  recevoir in situ les exhortations enflammées du triste sire BH Lévy,  lequel tisse l’étoffe de sa médiocre gloire parisianiste avec la vie des  autres ! 
 
Mais faire couler des flots de sang  dans des guerres atroces (Yougoslavie, Irak, Soudan…) n’a jamais  vraiment perturbé nos petits marquis si joliment autoproclamés «  nouveaux philosophes » ! En vérité mieux vaudrait les nommer brandons de  discorde à l’instar du mauvais dieu Loki, des gens dont la science  infuse se réduit à manier le verbe comme un fouet pour faire se battre  les montagnes… Revenons aux dissidents libyens armés et désormais  encadrés par les forces spéciales de l’Otan (R-U et France rappelons-le  exclusivement), mais qui marquent désespérément le pas, et ce malgré les  roulements de tambours de la grande presse qui ne manque pas une  occasion d’exalter leur bravoure et de stigmatiser les exactions réelles  et supposées des forces loyalistes.
 
Ne parlons pas plus du décompte  macabre des morts dans les manifestations qui se succèdent en Syrie  comme vagues sur la grève… Or nous avons connu cette même presse plus  fine bouche lorsque l’aviation de Tsahal bombardait en 2006 les  infrastructures et la population libanaises, lorsque les israéliens en  guise d’adieu disséminèrent des centaines de milliers de micro mines au  moyen de bombes à fragmentation sur le Sud Liban ou encore lorsqu’ils  allumèrent délibérément (assortissant leur vilenie de sempiternelles  excuses a posteriori) un poste d’observation des Nations Unies liquidant  d’un seul coup au but cinq casques bleus… Une presse résolument modérée  lorsqu’il s’est agi de faire le (lourd) bilan de l’Opération Plomb  durci en janvier 2009, treize cents morts civils passées par pertes et  profits…
 
Bref, une presse partiale et  amnésique impuissante à chercher les vraies causes – pas forcément  cachées d’ailleurs – des malheurs frappant les Nations souveraines  méritant (« on » le dit) d’être classées parmi les États voyous et à ce  titre, traitées comme tels. Parce qu’enfin les crises ne tombent pas du  ciel sans crier gare, elles s’annoncent de longues années à l’avance,  elles naissent, grandissent, prennent corps sous nos yeux, encore  faut-il savoir et vouloir les voir : la crise financière de septembre  2008 était annoncée à cor et à cris deux ans auparavant… or personne,  surtout pas les politiques, n’avaient tenu compte des signaux d’alarme !  Et à ce propos, si l’on se donne la peine de remonter le temps sur une  courte décennie, l’on commencera à entendre d’une tout autre oreille les  commentaires vengeurs annonçant dans nos lucarnes domestiques la fin  imminente des deux dictateurs, autrement dit d’hommes qui ne se sont pas  totalement pliés, et assez vite, aux impérieux diktats de la Communauté  internationale (… réduite aux acquêts).
 
En 2002, le 6 mai, John Bolton  Sous-Secrétaire d’État de GW Bush donnait une conférence à l’Heritage  Foundation 1 dans laquelle Cuba, la Syrie et la Libye venaient rejoindre  l’Iran, l’Irak et la Corée du Nord sur la Liste noire de l’Axe du Mal.  Il y dénonçait notamment la Syrie pour sa possession « de réserves de  gaz neurotoxique sarin 2… laquelle poursuivrait le développement de  l’agent VX, plus dangereux encore et plus puissant ». 
 
Simultanément, le Secrétaire à la  Défense, M. Rumsfeld rappelait que la Syrie figurait toujours sur la  Liste noire des États soutenant le terrorisme international (nous sommes  un an et demi après le 11 sept.) et qui « s’est associée au [mouvement  extrémiste] Hezbollah en acheminant des terroristes, du matériel  terroriste, des équipements et des explosifs à travers la vallée de la  Bekaa ». 
 
Un an et une guerre plus tard, le  commentateur de Radio France Internationale Elio Comarin, le 14 avril  2003, plus lucide que la moyenne, n’hésitait pas à en déduire que « ces  prises de positions semblent indiquer que Washington a [déjà] choisi sa  prochaine cible ».
 
Le 10 mai 2002, le même Bolton, un  homme prévoyant envoyait une lettre au Secrétariat général des Nations  Unies pour annuler la décision du Président Clinton de participer à la  création d’une Cour Pénale Internationale. L’Amérique n’entendait en  effet, en vue des guerres imminentes (un an après fer et feu s’abattront  sur l’Irak), exposer, ne serait-ce que d’un poil, ses militaires à une  justice qui ne doit s’appliquer qu’aux vaincus… et non à des soldats  auxquels la bride serait bientôt lâchée avec le beau résultat que l’on  sait : six cent mille, un million de morts en Irak pour 9 ans  d’occupation ?!
 
En fait, le principe d’une attaque  simultanée de la Libye et de la Syrie avait été adopté à Washington  quelques jours seulement après les attentats du 11 Septembre. Le général  Wesley Clark ancien commandant en chef de l’Otan avait, le 2 mars 2007 à  l’occasion d’un entretien télévisé 3, en témoignait sans aucune  ambiguïté et livrait le palmarès gagnant des sept États devant être  détruits « dans les cinq ans » par les États-Unis d’Amérique : Irak,  Syrie, Liban, Lybie, la somalie, Soudan et in fine, l’Iran. Alors  aujourd’hui qu’en est-il ? L’Irak, c’est fait ; le Soudan est en bonne  voie de décomposition ; la Libye, c’est en cours ; quant aux autres ils  sont plus que jamais dans le collimateur d’Israël et des É-U, et pour  tout dire, en ce qui concerne la Syrie, le ton monte graduellement… Le  Liban et l’Iran ne perdent, eux, certainement rien pour attendre.
 
Maintenant en ce qui concerne  Paris, contrairement à ce que le lecteur pourrait imaginer le tournant  n’a pas été pris en 2007, mais depuis belle lurette, mais ceci est une  autre histoire…