mardi 1 juin 2010

La spécialité d’Israël : cibler les civils

lundi 31 mai 2010 - 19h:41
Stephen Lendman 
Où est l’amour au milieu de telles souffrances et injustices ? Dans la volonté de survivre, dans une solidarité mondiale accrue ; dans la « Flottille de la Liberté » qui défie le blocus pour apporter de l’aide.
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Abordage à l’aube du 31 mai, par l’armée israélienne, du ’Mavi Marmara’, de la ’Flottille de la Liberté’, qui fera 19 morts et une trentaine de blessés parmi les pacifistes.
Le Professeur Jeremy Salt enseigne les sciences politiques à l’université Bilkent de Turquie, à Ankara. Il est également l’auteur du livre Le démembrement du Moyen-Orient : une histoire de désordre dans les territoires arabes. Le 9 janvier 2009, pendant la guerre d’Israël contre Gaza, il adressait un « Message aux courageux aviateurs de l’armée israélienne », leur demandant :
Qu’est-ce que ça vous fait de tirer des missiles sur des gens que vous ne voyez pas ?
Est-ce que cela vous aide de ne pas voir qui vous êtes en train de tuer ?
Est-ce que cela soulage votre conscience de ne pas cibler des civils délibérément, même si en réalité, vous agissez selon la doctrine Dahiya d’Israël c’est-à-dire que vous utilisez ce qu’il faut de « force disproportionnée (pour infliger) des dommages et un châtiment » à des infrastructures civiles, « des intérêts économiques et les centres de pouvoir civils, » massacrant sciemment des non-combattants, des hommes, des femmes et des enfants ;
Comment votre conscience va-t-elle s’en arranger ?
Avez-vous bien dormi la nuit qui a suivi, ou avez-vous revus en cauchemar les femmes et les enfants que vous aviez tués dans leurs maisons, leurs lits, leurs cuisines et salons, dans leurs écoles et mosquées ?
Croyez-vous vraiment qu’ils menaçaient votre sécurité, ces agriculteurs dans leurs champs, ces mères avec leurs enfants, ces enseignants dans leurs salles de classe, ces imams dans les mosquées, ces enfants qui jouaient, ces vieillards, ces personnes fragiles ou handicapées ?
Vous êtes-vous jamais demandé ce que vous aviez fait, et pourquoi ? Ne ressentez-vous aucune honte, aucune pudeur, aucune idée de la différence entre le bien et le mal ? Allez-vous suivre aveuglément ces ordres, et les exécuter encore et encore, inconscients des crimes de guerre et contre l’humanité dont vous, vos supérieurs, et vos représentants au gouvernement, vous rendez coupables selon le droit international fondamental ?
Pour vous, « braves » aviateurs, soldats, marins israéliens et tout le personnel des forces de sécurité, pour vous qui agissez sans foi ni loi depuis des décennies, y compris en commettant des crimes révoltants contre les droits des êtres humains : voici un instantané sur certaines de vos victimes. »
Persécution de Mazin Qumsiyeh
Qumsiyeh enseigne et travaille à des recherches dans les universités de Bethléhem et de Birzeit, en Cisjordanie. Auparavant, il a enseigné à Yale, Duke et à l’université du Tennessee. Impliqué plus spécialement dans le militantisme de communication et l’enseignement public, il a été membre de comités administrateur, directeur et exécutif de nombreuses organisations militantes, et il est le président du Centre palestinien pour le rapprochement des peuples et le coordinateur du Comité populaire contre le mur d’apartheid et les colonies à Beit Sahour. Son dernier livre, La Résistance populaire en Palestine : une histoire d’espoir et d’émancipation.
Le matin du 6 mai, Qumsiyeh et trois autres personnes sont arrêtés, menottés et emmenés vers une destination inconnue. Il explique ce qui s’est passé.
A Al-Wallaja, son « épreuve de dix heures » a commencé à 8 h du matin. Le village se trouve près de la Ligne verte. Le mur de séparation d’Israël va finir par l’encercler. Il a perdu la plus grande partie de sa terre et les habitants craignent de perdre le reste, alors pour l’empêcher, ils résistent.
Les bulldozers y ont démoli de nombreuses maisons. Mais ces villageois héroïques en ont motivé d’autres, « notamment des internationaux et des Israéliens qui sont venus se joindre à eux dans la résistance populaire... Le jour se levait alors que, venus à travers bois, nous nous tenions face aux bulldozers.
« Comme les soldats se rassemblaient autour de nous, on pouvait deviner qu’ils se préparaient à un assaut. Nous sommes restés calmes et pacifiques. Ils ont tiré l’un de nous, par la force, hors des terres passées aux bulldozers. Ils en ont pris quatre autres pour les arrêter sans autre raison » ; Qumsiyeh, deux frères palestiniens, et un militant canadien.
Ils tabassent, matraquent, cognent à coups de crosses des fusils, et aspergent de poivre les deux frères. Tous les quatre sont emmenés à un check-point militaire où on leur dit de s’asseoir et d’attendre, alors ils leur ordonnent « de signer un document qui prétendait... que nous n’avions pas été frappés ni maltraités ».
Ils refusent, puis sont emmenés au « service des enquêtes près de Qubbit Raheel (la Tombe de Rachel), (et) enfermés dans un conteneur métallique ». Quelques heures plus tard, ils sont interrogés séparément et il leur est demandé, mais ils refusent - de signer d’autres documents. Les poignets douloureux à cause des menottes, ils retournent dans le conteneur.
Ils sont conduits ensuite au commissariat de police de Talpiot afin qu’on prenne leurs empreintes et qu’on les photographie. « Il était près de 5 h 30 et nous avions faim... Enfin, ils nous ont apporté du pain, un petit morceau de fromage pour chacun, et un petit sachet de confiture ». Ils nous « ont conduits tous ensemble devant un nouvel enquêteur qui nous a demandé de signer un formulaire de libération qui indiquait que nous devions nous tenir à distance du mur... pendant 15 jours, et que sinon, nous aurions à payer (chacun) une amende » d’environ 1 200 dollars. Ils signèrent et furent libérés, mais on ne leur a pas rendu leurs cartes d’identité. Simplement par la suite. « La vie continue sur la terre de l’apartheid. Restez à l’écoute ! »
En tant que coordinateur du Comité populaire contre le mur d’apartheid et les colonies à Beit Sahour, Qumsiyeh dirige la résistance populaire palestinienne contre « l’occupation et la colonisation israéliennes », et pour « l’arrêt et le démantèlement » du mur que la Cour de justice internationale a qualifié d’illégal et ordonné qu’il soit démoli et à Israël, « de réparer tous les dommages causés par sa construction... y compris dans et autour de Jérusalem-Est. »
« Principal groupe populaire national mobilisant et organisant la résistance » contre le mur, la Campagne « coordonne l’activité de 54 comités populaires dans des communautés » destinées (ou sur le point de l’être) à être détruites à cause de la construction du mur.
Les stratégies anti-mur comprennent : intensifier la prise de conscience internationale ; résister au niveau national et des communautés ; mobiliser la solidarité entre toutes les communautés concernées, le monde arabe, la société civile et les syndicats ; appeler à un boycott global, aux désinvestissements et à des sanctions ; et enrôler le soutien populaire international pour la justice.

Ciblage des Palestiniens handicapés à Gaza
En plus de l’occupation, du siège, des incursions courantes et du règne de la terreur contre le un million et demi de personnes de Gaza, Israël cible les handicapés, comme l’a expliqué le Centre palestinien pour les Droits de l’homme (PCHR) en décembre 2009 dans son rapport, Israël agresse les personnes handicapées palestiniennes dans la bande de Gaza, 1er septembre 2003/30 novembre 2009.
L’article relève les agressions intentionnelles contre des civils handicapés et autres invalides. Le plus préoccupant fut l’opération Plomb durci, agression de 23 jours (27 décembre 2009/18 janvier 2009), qui infligea un nombre important de tués et de blessés, et d’immenses destructions, spécialement contre les civils, contre leurs maisons, les mosquées, les entreprises, les industries, les exploitations agricoles, les écoles et les hôpitaux, c’est-à-dire des cibles manifestement non militaires. Les conséquences du siège sur la santé, l’enseignement et les autres services fondamentaux sont également invoquées dans le rapport du PCHR.
Au cours de cette période de 23 jours, 31 Palestiniens handicapés ont été tués, dont 4 femmes et 6 enfants. 600 autres souffrent de troubles permanents, la plupart physiques. De plus, en raison d’une insuffisance, voir d’un manque total, de nourriture, médicaments, matériels médicaux, carburant, eau potable, sanitaires, et de l’impossibilité de sortir et entrer librement, l’impact négatif est énorme.
« Dans le même temps, le personnel médical et technique étranger n’a pas été pu entrer (dans Gaza) pour aider les personnes handicapées, et leur fournir les services médicaux et de réadaptation dont ils avaient besoin. » S’agissant des conséquences globales du siège, plus il se poursuit et inflige des dommages à ces personnes, moins elles sont en mesure de s’en sortir. C’est précisément l’objectif d’Israël : étrangler et étouffer tous les vieillards, les infirmes et les handicapés les plus vulnérables dans la bande de Gaza.

Amnesty International, sur les crimes de guerre israéliens
Dans son rapport annuel de 2010, Amnesty International accuse les nations occidentales de soustraire Israël à ses responsabilités dans la guerre de Gaza et dans son siège de près de trois ans, qui prive la population de l’essentiel vital pour survivre et durer. En même temps, le rapport félicite la Commission Goldstone pour avoir héroïquement révélé la vérité.
Dans son information sur les crimes de guerre et contre l’humanité israéliens, Amnesty international indique :
« Entre autre choses, (Israël) a commis des agressions indiscriminées et disproportionnées contre des civils, ciblé et tué des personnels médicaux, utilisé des civils palestiniens comme "boucliers humains" et (utilisé) sans discernement du phosphore blanc (et d’autres armes illégales) dans des zones résidentielles densément peuplées. » Par conséquent, les ravages de l’agression furent dévastateurs.
En réponse, le Département d’Etat US a voulu minimiser ces accusations, disant, « soutenir la nécessité de fixer les responsabilités de toutes les violations commises à l’occasion du conflit de Gaza par toutes les parties », mais sans évoquer l’agression préméditée d’Israël, les attaques délibérées contre les civils et la perpétration de crimes de guerres effroyables.
Amnesty International condamne également les violations des droits de l’homme par les Etats-Unis :
Dans le contexte de la lutte contre le terrorisme, la mise en responsabilité pour les violations passées des droits de l’homme par les Etats-Unis reste largement absente, particulièrement en relation avec le programme de la CIA (sic) des détentions secrètes. Lors de litiges, l’Administration US continue de bloquer tout recours pour les victimes contre de telles violations des droits humains. 181 détenus sont toujours à Guantanamo, en dépit de l’engagement du Président Obama de fermer ce centre de détention avant janvier 2010. Un nouveau manuel pour les Commissions militaires, publié par le Pentagone en avril, confirme que même si un détenu était acquitté (ou déclaré non coupable) par une commission militaire, l’administration US se réserve le droit de poursuivre sa détention pour un temps illimité.

Le manque éhonté de respect des lois de l’Administration Obama
Dernière révélation en exemple : une directive secrète de septembre 2009 pour l’extension de l’activité militaire clandestine US au Moyen-Orient, en Asie centrale, sur la Corne de l’Afrique, ou partout ailleurs dans le monde, pour contrer de prétendues menaces. Autrement dit, l’Administration Obama se réserve le droit d’envoyer des forces US partout, clandestinement, avec ou sans l’accord de la nation d’ « accueil », pour « pénétrer, perturber, écraser ou détruire » des cibles désignées, et cela par le terrorisme d’Etat, par la guerre ou tout autre moyen, au prétexte de défendre la sécurité nationale - une justification que seuls, des gredins peuvent avancer.
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Massacres de civils, d’enfants, au phosphore blanc durant la guerre israélienne contre Gaza, du 27 décembre 2008 au 18 janvier 2009
(PCHR)

Le Comité italien de recherches sur les armes nouvelles (NWRC) accuse Israël de contaminer le sol de Gaza
Dans son communiqué de presse du 11 mai, le NWRC (groupe de scientifiques et médecins indépendants) signale que les bombardements israéliens de 2006 et 2009 ont laissé une forte concentration de résidus métalliques toxiques et cancérigènes dans le sol et le tissu humain, résidus susceptibles de provoquer des tumeurs, des problèmes de fécondité et de graves dommages aux nouveaux-nés, notamment des difformités et de mutations génétiques.
Le Comité s’inquiète particulièrement de « blessures provoquées par des armes ne laissant aucun éclat dans le corps des victimes, une particularité qui fut soulignée à plusieurs reprises par les médecins à Gaza. Ceci établit que des armes expérimentales, dont les effets restent à déterminer, furent utilisées. »
Certains éléments trouvés sont cancérigènes, notamment le mercure, l’arsenic, le cadmium, le chrome, le nickel et l’uranium (venant d’armes à uranium appauvri). D’autres sont potentiellement cancérigènes, dont le cobalt et le vanadium, et plus encore sont foetotoxiques (nocifs pour les fœtus), dont l’aluminium, le cuivre, le baryum, le plomb et le manganèse. Tous sont présents en quantité largement suffisante pour produire des mutations génériques, tout comme des effets pathogéniques sur les organes respiratoires humains, les reins, la peau, le développement neurologique, et d’autres fonctions corporelles.
La combinaison de la contamination environnementale, des blessures ou inhalations directes, aggravée par des conditions de vie désastreuses, présente un risque sérieux pour une grande partie de la population, multiplié encore par les incursions armées répétées. Selon Paola Manduca, porte-parole de NWRC : « Notre étude fait apparaître une présence anormale d’éléments toxiques dans le sol (et dans le tissu humain). Il est essentiel d’intervenir immédiatement pour limiter les effets de la contamination sur la population, les animaux et les cultures. »
Jusqu’à présent, les collaborateurs israélo-occidentaux ont toujours empêché le un million et demi de Gazaouis de recevoir l’aide essentielle dont ils ont besoin, tandis que Moshe Kantor, président du Congrès juif européen, comparait les recherches du NWRC aux « diffamations sanglantes d’autrefois contre le peuple juif, lorsque des rumeurs étaient propagées à propos de juifs qui empoisonnaient des puits. Aujourd’hui, nous assistons à une répétition de tous les pires excès d’antisémitisme et de diatribes que, peut-être naïvement, nous avons crus restés au Haut Moyen Age. »
Gerald Steinberg, de NGO Monitor, proisraélien, a dit des accusations « qu’elles visaient à stigmatiser Israël et à rayer le contexte du terrorisme de masse, (semble à l’autre), que c’était des allégations fausses et invérifiables ». Il s’agit là des réponses habituelles de canailles et de leurs partisans pris en flagrant délit.
Mais les preuves évidentes qu’ils contestent ne peuvent être cachées. Ni le désenchantement croissant des jeunes juifs des Etats-Unis, phénomène que Steven Rosenthal évoque dans son livre, Différences irréconciliables : le déclin de l’histoire d’amour entre les juifs états-uniens avec Israël (2001), en citant les politiques qui ont transformé la relation de l’« Israélâtrie » (idolâtrie à l’égard d’Israël) inconditionnelle en une désapprobation et un désarroi. L’invasion du Liban en 1982, l’occupation répressive, l’Intifada, les incursions régulières, et une plus grande préoccupation sur les questions nationales ont rompu l’unanimité juive américaine, diluant le soutien à Israël pour la prochaine génération.
Le 10 mai 2009, le Professeur de l’université Forward and Brandeis, Jonathan D. Sarna, s’interrogeait sur la raison d’ « une différence cruciale entre le soutien à Israël d’hier et celui d’aujourd’hui. Pendant la plus grande partie du 20è siècle, l’Israël des juifs états-uniens - la Sion qu’ils imaginaient dans leur esprit, sur laquelle ils écrivaient et qu’ils oeuvraient à réaliser - était une Sion mythique, une extension utopique du rêve américain. »
Ils l’imaginaient comme un « commonwealth social », un « avant-poste de la démocratie, propageant les idéaux de l’Amérique vers l’Orient, dans un refuge juif où les libertés individuelles et collectives, et la justice sociale régneraient un jour. » Les utopies, bien sûr, sont illusions, des illusions aujourd’hui dissipées et qui laissent la place à « une verrue, et la plus impopulaire ». Aujourd’hui, une ombre passe sur la rose, pas étonnant, étant donné les raisons persuasives de la couper.

Un dernier commentaire
Le 26 mai, le Prix Nobel de la Paix, Mairead Maguire, « rendait hommage à la population de Gaza », disant :
« Je ne cesse jamais d’être étonnée par la force de l’esprit humain à survivre... Dans un triomphe d’espoir sur l’adversité et d’énormes souffrances, l’amour demeure... La population de Gaza souffre de l’occupation israélienne depuis plus de 40 ans, » subissant des guerres et le siège actuel qui est un siège médiéval.
Des vies ont été brisées, des récoltes détruites, des sols empoisonnés, et cela dure, alors « Où est l’espoir ? Où est l’amour au milieu de telles souffrances et injustices ? ». Dans la volonté de survivre, dans une solidarité mondiale accrue ; dans la « Flottille de la Liberté » qui défie le blocus pour apporter de l’aide. Maguire se dit « inspirée par la population de Gaza dont le courage, l’amour et la joie dans son accueil, même au milieu de telles souffrances, nous transmettent tout espoir. Ils représentent le meilleur de l’humanité, » non, aucune responsabilité de la répression israélienne ne peut être effacée, ni la redoutable « lutte non violente pour la dignité humaine et la liberté » des habitants de Gaza.

(JPG) * Stefen Lendman, aujourd’hui en retraite, consacre son temps à des causes progressistes et des sujets nationaux, comme la guerre et la paix, l’impérialisme américain, la position dominante des entreprises, les persécutions politiques, et toute une série d’autres questions sociales, économiques et politiques.
Son adresse courriel : lendmanstephen@sbcglobal.net.
27 mai 2010 - S. Lendman - et Dissident Voice - traduction : JPP
http://info-palestine.net/article.php3?id_article=8812