Le présent document contient les conclusions du Jury afférent à  la Session de Barcelone du Tribunal Russell sur la Palestine.  Toutefois, le contenu des conclusions du Tribunal Russell sur la  Palestine sera soumis à un processus d’édition et de correction avant  qu’une version définitive ne soit rendue publique.         
         
  Barcelone, 1-3 mars 2010
 
Cette session du Tribunal Russell a été  organisée par :
 
Le Comité Organisateur International  (COI) : Ken Coates, Pierre Galand, Stéphane Hessel, Marcel-Francis Kahn,  Robert Kissous, François Maspero, Paulette Pierson-Mathy, Bernard  Ravenel, Brahim Senouci, Gianni Tognoni et son secrétariat  international : Frank Barat et Virginie Vanhaeverbeke. Contact : 
 
Le Comité National d’Appui d’Espagne et  de Catalogne. Contacts : Giorgio Mosangini et Marti Olivella 
 
Les Comités Nationaux d’Appui Irlandais,  Français, Italien, Belge, Luxembourgeois, Allemand, Britannique,  Portugais et Suisse.
 
Le Comité Organisateur International du  Tribunal Russel sur la Palestine remercie la Mairie de Barcelone et la  Generalitat de Catalunya pour leur appui, ainsi que toutes les personnes  et Organisations qui ont permis la réalisation de cette première  session de Barcelone du Tribunal Russell sur la Palestine.
 
« Le danger de l’accoutumance à  l’inacceptable » (Fr. Wurtz)
 
« Puisse ce tribunal briser le mur du  silence » (B. Russell)
 
Editeur responsable : Pierre Galand
 
1.              Réuni à Barcelone du 1er au 3 mars 2010,  le Tribunal Russell sur la Palestine (ci-après dénommé « le TRP »)  composé des membres suivants :
 
·        Mairead Corrigan Maguire, Prix Nobel de la Paix  en 1976, Irlande du Nord ;
 
·        Gisèle Halimi, avocate, ancienne ambassadrice  auprès de l’UNESCO,  France ;
 
·        Ronald Kasrils, auteur et activiste, Afrique du  Sud ;
 
·        Michael Mansfield, avocat, Président de Haldane  Society of Socialist Lawyers, Grande-Bretagne ;
 
·        José Antonio Martin Pallin, Magistrado Emérito  Sala II, Cour Suprême,  Espagne ;
 
·        Cynthia McKinney, ancienne membre du Congrès  Américain, candidate a la présidence en 2008, Green Party, USA ;
·        Alberto San Juan, Acteur, Espagne ;
·        Aminata Traoré, Auteur, ancienne ministre de la  culture du Mali.
a adopté les présentes conclusions. Celles-ci porteront  sur les points suivants :

  Création du TRP (I.)

  Mandat du TRP (II.)

  Procédure (III.)

  Recevabilité (IV.)

  Fond (V.)

  Suite de la procédure  (VI.)
I.                 Création du  Tribunal
2.              Le TRP est un Tribunal de conscience  internationale purement citoyen qui répond à des demandes de la société  civile. Tout au long des dernières années, à partir surtout de l’absence  de mise en œuvre de l’avis du 9 juillet 2004 de la Cour internationale  de Justice, concernant l’édification par Israël d’un mur en territoire  palestinien occupé, et de la Résolution ES-10/15 de l’Assemblée générale  des Nations Unies, adoptée le 20 juillet 2004, relative à l’application  de cet avis et avec une intensification importante après l’agression à  Gaza (décembre 2008 - janvier 2009) des comités ont surgi dans  différents pays pour promouvoir et soutenir une initiative citoyenne en  faveur des droits du peuple palestinien.
 
3.              .Le TRP s’inscrit, avec le même esprit  et selon les mêmes règles de rigueur, dans la lignée du Tribunal mis sur  pied par l’éminent savant et philosophe Bertrand Russell sur le Vietnam  (1966-1967) et du tribunal Russell II sur l’Amérique latine (1974-1976)  organisé par la Fondation Internationale Lelio Basso pour le droit et  la libération des peuples.
 
4.              Son comité international de parrainage  rassemble des personnalités représentant près de quarante pays  différents. Parmi ses membres figurent des prix Nobel, un ancien  Secrétaire général des Nations Unies, un ancien Sous-secrétaire général  des Nations Unies, deux anciens présidents de la République, d’autres  personnes ayant exercé de hautes fonctions politique et de très nombreux  représentants de la société civile, écrivains, journalistes, poètes,  acteurs, réalisateurs, scientifiques, professeurs, avocats, magistrats  (annexe...).
 
5.              Le système de référence juridique dans  lequel se place le TRP est celui du droit international public.
 
6.              Les travaux du TRP comportent plusieurs  sessions. Le TRP s’est réuni pour sa première session les 1, 2 et 3 mars  à Barcelone, accueilli et appuyé par le Comité national d’appui et la  mairie de Barcelone, sous la présidence d’honneur de Stéphane Hessel.
 
II.              Le mandat du TRP
 
7.              Le TRP tient pour acquis que certains  comportements d’Israël ont été qualifiés de violations du droit  international par diverses instances internationales dont le Conseil de  sécurité, l’AGNU et la CIJ (infra § 17). La question soumise au TRP par  le Comité Organisateur International est de savoir si les relations de  l’UE et de ses Etats membres avec Israël sont des faits illicites au  sens du droit international, et dans ce cas quelles sont les  implications pratiques et les moyens qui permettent d’y remédier.
 
8.              À cette session, le TRP examinera plus  particulièrement six questions :
 

  le principe du  respect du droit du peuple palestinien à disposer de lui-même ;
 

  les colonies de  peuplement et le pillage des ressources naturelles ;
 

  l’annexion de  Jérusalem-Est ;
 

  le blocus de Gaza et  l’opération « Plomb durci » ;
 

  la construction du  Mur dans le territoire palestinien ;
 

  l’accord  d’association Union européenne/Israël.
 
III.              Procédure
 
9.              Le Comité organisateur a soumis les six  questions précitées à des experts qui ont été choisis pour leurs  connaissances factuelles de la situation.
 
Dans le respect des principes de la contradiction des  débats, ces questions ont également été soumises à l’UE et ses Etats  membres  afin qu’ils expriment leur point de vue.
 
Les experts ont remis des rapports écrits au Tribunal.
 
10.              En ce qui concerne l’UE, le Président  de la Commission, M. Barroso a écrit au TRP une lettre qui est arrivée  pendant la 1e session du Tribunal. Le Président Barroso s’est référé aux  conclusions adoptées par le Conseil des ministres des Affaires  étrangères le 8 décembre 2009. (annexe A)
 
11.              En ce qui concerne les Etats membres de  l’UE, un seul Etat a répondu à la requête du Tribunal. Dans une lettre  datée du 15 février 2010, l’Allemagne a rappelé, comme le Président  Barroso (ci-dessus), les conclusions du Conseil de décembre 2009.  (annexe B)
 
12.              Le TRP prend note de ces lettres, mais  il regrette que les autres pays membres de l’UE et l’UE ne se soient pas  manifestés davantage pour développer leurs arguments sur les questions  traitées lors de cette première session et que le TRP n’ait pas  bénéficié de l’aide que l’exposé de leurs arguments et toute preuve  fournie à l’appui de ceux-ci auraient pu lui apporter.
13.              La phase écrite de la procédure a été  suivie d’une phase orale au cours de laquelle les neufs experts  présentés par le Comité organisateur ont été auditionnés par les membres  du Tribunal. Les experts suivants ont été entendus :
 
Madjid Benchikh (Algérie) - Professeur en droit  international public à l’Université de Cergy-Pontoise et ancien doyen de  la faculté de droit d’Alger.
 
Agnes Bertrand (Belgique) - Chercheuse et spécialiste du  Moyen-Orient chez APRODEV.
 
David Bondia (Espagne) -  Professeur en droit  international public et relations internationales à l’Université de  Barcelone.
 
Patrice Bouveret (France) - Président de l’Observatoire  des Armements.
 
François Dubuisson (Belgique) - Professeur de droit à  l’Université Libre de Bruxelles.
 
James Phillips (Irlande) - Avocat.
 
Michael Sfard (Israël) - Avocat.
 
Phil Shiner (Royaume Uni) - Avocat.
 
Derek Summerfield (Royaume-Uni)  - Maître de Conférence  Honoraire à l’Institut de Londres de Psychiatrie.
 
14.              A la suite de ces rapports, le Tribunal  a entendu les témoins suivants, également désignés par le Comité  organisateur :
 
Veronique DeKeyser (Belgique) - Membre du Parlement  Européen.
 
Ewa Jasiewicz (Royaume Uni) - Journaliste et témoin de  l’opération « Plomb Durci ».
 
Ghada Karmi (Palestine) - Auteur et  docteur en  médecine.
 
Meir Margalit (Israël) - Comité israélien contre la  démolition de maisons et membre du Conseil Communal de Jérusalem.
 
Daragh Murray (Irlande) - Conseiller juridique PCHR au  nom de Raji Sourani (Palestine) - Vice-président de la Fédération  Internationale des Droits de l’Homme, qui n’a pu être présent en raison  du blocus général de Gaza et de la fermeture des frontières de Erez et  Rafah, il n a pas été autorisé à quitter la bande de Gaza ni par Israël,  ni par l’Egypte.
 
Raul Romeva (Espagne) - Parlementaire européen.
 
Clare Short (Royaume Uni) - Parlementaire et ancienne  Secrétaire d’Etat pour le développement international.
 
Desmond Travers (Irlande) - Colonel retraité et membre  de la mission d’enquête des Nations Unies qui a rédigé le Rapport  Goldstone.
 
Francis Wurtz (France) - Ancien membre du Parlement  Européen.
 
15.              Le TRP a suivi une procédure qui n’est  ni celle de la CIJ, ni celle d’une juridiction pénale interne ou  internationale, mais qui s’inspire de la méthodologie propre à toute  instance judiciaire en termes d’indépendance et d’impartialité de ses  membres.
IV.           Recevabilité
16.              Dans l’examen des relations de l’UE et  de ses Etats membres avec Israël, le TRP se prononcera sur un certain  nombre de violations du droit international imputées à Israël. L’absence  d’Israël à la présente procédure n’est pas un obstacle à la  recevabilité des rapports d’experts relatifs à ces violations. En se  prononçant sur des violations du droit international imputées à un Etat  absent à la présente instance, le TRP ne porte pas atteinte la règle du  consensualisme en vigueur devant les juridictions internationales  chargées de trancher les différends interétatiques (cfr. aff. Or  monétaire et Timor Oriental, CIJ, Rec. 1954 et 1995). En effet, la  présente procédure ne se confond pas avec un différend porté , par  exemple, devant la CIJ : les faits présentés comme des violations du  droit international commises par Israël dans les territoires  palestiniens ont été qualifiés de cette manière par l’Assemblée générale  et le Conseil de sécurité des Nations Unies ainsi que dans divers  rapports, notamment dans ceux du Comité spécial chargé d’enquêter sur  les pratiques israéliennes affectant les droits de l’Homme de la  population des territoires occupés. Le Tribunal se borne, donc, à ce  stade, à rappeler une réalité largement admise par la communauté  internationale.
 
V.               Fond
 
17.              Dans les présentes conclusions, le TRP a  utilisé selon les contextes, les expressions : Palestine, territoires  palestiniens, territoire palestinien, territoires palestiniens occupés  et peuple palestinien, sans préjudice du jugement qui sera rendu lors de  la dernière session.
 
18.              Les conclusions du TRP porteront  successivement sur :
 

  les violations du  droit international commises par Israël (A.)
 

  les manquements de  l’UE et de ses Etats membres à certaines règles spécifiques de droit  international (B.)
 

  les manquements de  l’UE et de ses Etats membres à certaines règles générales de droit  international (C.)
 

  les manquements de  l’UE et de ses Etats membres à l’interdiction de contribuer aux  violations du droit international commises par Israël et les moyens de  remédier à ces violations (D.)
              A.              Les  violations du droit international commises par Israël
19.              Ayant pris connaissance des rapports  des experts et ayant entendu les témoins cités par ceux-ci, le TRP  constate qu’Israël viole et continue à violer gravement le droit  international au préjudice du peuple palestinien. Pour le TRP, les  comportements suivants d’Israël violent le droit international :
 
19.1.              en maintenant le peuple palestinien  sous une domination et une subjugation qui empêchent ce peuple de  déterminer librement son statut politique, Israël viole le droit du  peuple palestinien à disposer de lui-même puisqu’il ne peut exercer sa  souveraineté sur le territoire qui lui revient ; ce fait viole la  Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples  coloniaux (A/Rés. 1514 (XV), 14 déc. 1960) et toutes les résolutions de  l’AGNU qui affirment le droit à l’autodétermination du peuple  palestinien depuis 1969 (A/Rés. 2535 B (XXIV), 10 déc. 1969, et e.a.,  A/Rés. 3236 (XXIX), 22 nov. 1974, 52/114, 12 déc. 1997, etc) ;
19.2              occupant depuis juin 1967 des  territoires palestiniens qu’il refuse de quitter, Israël viole les  décisions du Conseil de sécurité qui l’obligent à se retirer de ces  territoires (S/Rés. 242, 22 nov. 1967 ; 338, 22 oct. 1973) ;
 
19.3              en pratiquant à l’égard des  Palestiniens se trouvant en territoire israélien ou dans les territoires  occupés une politique systématique de discrimination, Israël commet des  faits que l’on peut qualifier d’apartheid ; ces faits consistent  notamment à
 

  fermer des frontières  de la bande de Gaza et limiter les déplacements de ses habitants,
 

  empêcher le retour  des réfugiés palestiniens dans leur maison ou sur leur terre d’origine,
 

  interdire aux  Palestiniens d’utiliser librement certaines ressources naturelles telles  que l’eau de leurs terrains ;
 
19.4              étant donné le caractère  discriminatoire de ces mesures puisqu’elles sont fondées notamment sur  la nationalité de leurs destinataires, le TRP constate que ces mesures  présentent des similitudes avec l’apartheid, même si elles ne sont pas  l’expression d’un régime politique identique à celui pratiqué en Afrique  du Sud avant 1994 et incriminés par la Convention sur la répression du  crime d’apartheid du 18 juillet 1976 qui ne lie pas Israël mais qui  n’exonère pas Israël de ses responsabilités dans ce domaine ;
 
19.5              en annexant Jérusalem en juillet 1980  et en poursuivant cette annexion, Israël viole l’interdiction d’acquérir  un territoire par la force ainsi que l’a dit le Conseil de sécurité  (S/Rés. 478, 20 août 1980)).
 
19.6              en construisant un mur en Cisjordanie  sur des territoires palestiniens qu’il occupe, Israël prive des  Palestiniens d’accès à leurs propres terrains, porte atteinte à leur  droit de propriété et entrave gravement la liberté de circulation de la  population Palestinienne  en violation de l’art. 12 du Pacte relatif aux  droits civils et politiques  qui lie Israël depuis le 3 octobre 1991 ;  l’illégalité de la construction de ce mur a été reconnue par la CIJ dans  son avis consultatif du 9 juillet 2004, avis entériné par l’AGNU dans  sa résolution ES-10/15 ;
 
19.7              en implantant systématiquement des  colonies de peuplement à Jérusalem et en Cisjordanie, Israël viole les  règles du droit international humanitaire régissant l’occupation, et  notamment, l’art. 49 de la 4e CG du 12 août 1949 qui lie Israël depuis  le 6 juillet 1951. Ce point a été reconnu par la CIJ dans l’avis  précité ;
 
19.8              en menant une politique d’attentats  ciblés contre des Palestiniens qu’il présente comme des « terroristes »  sans tenter de les arrêter au préalable, Israël viole le droit à la vie  de ces personnes, droit consacré par l’art. 6 du Pacte relatif aux  droits civils et politiques ;
 
19.9              en maintenant la bande de Gaza sous  blocus contrairement aux dispositions de la 4e CG du 12 août 1949 (art.  33) qui prohibe les châtiments collectifs ;
 
19.10              en portant des dommages étendus et  graves, notamment, à des personnes et à des biens civils et en utilisant  des méthodes de combat prohibées lors de l’opération « plomb durci » à  Gaza (décembre 2008 - janvier 2009).
 
20.              Si l’UE et ses Etats membres ne sont  pas les auteurs directs de ces comportements, ils commettent néanmoins  des violations du droit international, soit, en ne prenant pas les  mesures que les comportements d’Israël l’obligent à prendre, soit en  contribuant directement ou indirectement à ces comportements. Les  dispositions pertinentes du Traité de Lisbonne de l’UE entré en vigueur  en Décembre 2009, disposent que :
 
« PREAMBULE
 
CONFIRMANT leur attachement aux principes de la liberté,  de la démocratie et du respect des droits de l’Homme et des libertés  fondamentales et de l’État de droit,
Article 2
L’Union est fondée sur les valeurs de respect de la  dignité humaine, de liberté, de démocratie, d’égalité, de l’État de  droit, ainsi que de respect des droits de l’homme, y compris des droits  des personnes appartenant à des minorités. Ces valeurs sont communes aux  États membres dans une société caractérisée par le pluralisme, la  non-discrimination, la tolérance, la justice, la solidarité et l’égalité  entre les femmes et les hommes.
 
Article 3
 
[...]
 
5. Dans ses relations avec le reste du monde, l’Union  affirme et promeut ses valeurs et ses intérêts et contribue à la  protection de ses citoyens. Elle contribue à la paix, à la sécurité, au  développement durable de la planète, à la solidarité et au respect  mutuel entre les peuples, au commerce libre et équitable, à  l’élimination de la pauvreté et à la protection des droits de l’Homme,  en particulier ceux de l’enfant, ainsi qu’au strict respect et au  développement du droit international, notamment au respect des principes  de la charte des Nations unies.
Article 17
1. La Commission promeut l’intérêt général de l’Union et  prend les initiatives appropriées à cette fin. Elle veille à  l’application des traités ainsi que des mesures adoptées par les  institutions en vertu de ceux-ci. Elle surveille l’application du droit  de l’Union sous le contrôle de la Cour de justice de l’Union européenne.  Elle exécute le budget et gère les programmes. Elle exerce des  fonctions de coordination, d’exécution et de gestion conformément aux  conditions prévues par les traités. À l’exception de la politique  étrangère et de sécurité commune et des autres cas prévus par les  traités, elle assure la représentation extérieure de l’Union. Elle prend  les initiatives de la programmation annuelle et pluriannuelle de  l’Union pour parvenir à des accords interinstitutionnels.
 
TITRE V
 
 
 
DISPOSITIONS GÉNÉRALES RELATIVES À L’ACTION EXTÉRIEURE  DE L’UNION ET DISPOSITIONS SPÉCIFIQUES CONCERNANT LA POLITIQUE  ÉTRANGÈRE ET DE SÉCURITÉ COMMUNE
 
CHAPITRE 1
 
DISPOSITIONS GÉNÉRALES RELATIVES À L’ACTION EXTÉRIEURE  DE L’UNION
Article 21
1. L’action de l’Union sur la scène internationale  repose sur les principes qui ont présidé à sa création, à son  développement et à son élargissement et qu’elle vise à promouvoir dans  le reste du monde : la démocratie, l’État de droit, l’universalité et  l’indivisibilité des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, le  respect de la dignité humaine, les principes d’égalité et de solidarité  et le respect des principes de la charte des Nations unies et du droit  international. L’Union s’efforce de développer des relations et de  construire des partenariats avec les pays tiers et avec les  organisations internationales, régionales ou mondiales qui partagent les  principes visés au premier alinéa. Elle favorise des solutions  multilatérales aux problèmes communs, en particulier dans le cadre des  Nations unies.
 
2. L’Union définit et mène des politiques communes et  des actions et œuvre pour assurer un haut degré de coopération dans tous  les domaines des relations internationales afin :
 
a) de sauvegarder ses valeurs, ses intérêts  fondamentaux, sa sécurité, son indépendance et son intégrité ; C 115/28  FR Journal officiel de l’Union européenne 9.5.2008
 
b) de consolider et de soutenir la démocratie, l’État de  droit, les droits de l’Homme et les principes du droit international ;
c) de préserver la paix, de prévenir les conflits et de  renforcer la sécurité internationale, conformément aux buts et aux  principes de la charte des Nations unies, ainsi qu’aux principes de  l’acte final d’Helsinki et aux objectifs de la charte de Paris, y  compris ceux relatifs aux frontières extérieures ;
 
d) de soutenir le développement durable sur le plan  économique, social et environnemental des pays en développement dans le  but essentiel d’éradiquer la pauvreté ;
 
e) d’encourager l’intégration de tous les pays dans  l’économie mondiale, y compris par la suppression progressive des  obstacles au commerce international ;
 
f) de contribuer à l’élaboration de mesures  internationales pour préserver et améliorer la qualité de  l’environnement et la gestion durable des ressources naturelles  mondiales, afin d’assurer un développement durable ;
 
g) d’aider les populations, les pays et les régions  confrontés à des catastrophes naturelles ou d’origine humaine ; et
h) de promouvoir un système international fondé sur une  coopération multilatérale renforcée et une bonne gouvernance mondiale.
 
3. L’Union respecte les principes et poursuit les  objectifs visés aux paragraphes 1 et 2 dans l’élaboration et la mise en  œuvre de son action extérieure dans les différents domaines couverts par  le présent titre et par la cinquième partie du traité sur le  fonctionnement de l’Union européenne, ainsi que de ses autres politiques  dans leurs aspects extérieurs.
 
L’Union veille à la cohérence entre les différents  domaines de son action extérieure et entre ceux-ci et ses autres  politiques. Le Conseil et la Commission, assistés par le haut  représentant de l’Union pour les Affaires étrangères et la politique de  Sécurité, assurent cette cohérence et coopèrent à cet effet. »
 
B.              Les  manquements de l’UE et de ses Etats membres à des règles spécifiques de  droit international qui obligent l’UE et ses Etats membres à réagir aux  violations du droit international commises par Israël
 
21.              Certaines règles de droit international  obligent l’UE et ses Etats membres à agir pour empêcher certaines  violations spécifiques du droit international commises par Israël.  Ainsi,
 

  en ce qui concerne le  droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, la Déclaration de l’AGNU sur  les relations amicales (A/Rés. 2625 (XXV), 24 oct. 1970) affirme, en son  4e principe (2e al.) :
 
« Tout Etat a le devoir de favoriser, conjointement avec  d’autres Etats ou séparément, la réalisation du principe de l’égalité  de droits des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes [...] et  d’aider l’ONU à s’acquitter des responsabilités que lui a conférées la  Charte en ce qui concerne l’application de ce principe [...] » ; (CIJ,  Rec. 2004, § 156)
 
de même, le Pacte de 1966 relatif aux droits civils et  politiques prévoit que
 
« Les Etats parties [...] sont tenus de faciliter la  réalisation du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes »
 

  en ce qui concerne  les droits humains, la même Déclaration affirme au même endroit (4e  principe, 3e al.) :
 
« Tout Etat a le devoir de favoriser, conjointement avec  d’autres Etats ou séparément, le respect universel et effectif des  droits de l’Homme et des libertés fondamentales, conformément à la  Charte » (voy. aussi, 5e principe, 2e al) ;
 

  en outre, l’accord  d’association euro-méditerranéen du 20 novembre 1995 (JOCE L 147/1 du 21  juin 2000), dispose que les relations entre les parties
« sont fondées sur le respect des droits de l’Homme et  des principes démocratiques qui guident leur politique intérieure et  internationale et constituent un élément essentiel du présent accord »  (art. 2) ;
 
cette disposition oblige l’UE et ses Etats membres à  veiller au respect des droits et libertés fondamentaux par Israël, et  réciproquement ; en s’en abstenant, l’UE et ses Etats membres violent  l’accord ; ainsi que la CJCE l’a démontré dans l’aff. Brita (CJCE, 25  février 2010) le droit de l’UE s’applique également aux relations de  l’UE avec Israël ; certes, l’accord d’association prévoit aussi que  celui-ci n’empêche pas :
 
« une partie de prendre les mesures [...] c) qu’elle  estime essentielles pour assurer sa propre sécurité en cas de troubles  intérieurs graves affectant le maintien de l’ordre public, en temps de  guerre ou de graves tensions internationales constituant une menace de  guerre ou en vue de mener à bien les obligations qu’elle a acceptées en  vue du maintien de la paix et de la sécurité internationales » (art.  76) ;
 
le TRP ne voit cependant pas en quoi cette possibilité  reconnue aux parties contractantes pourrait justifier l’abstention de  l’UE et de ses Etats membres à remplir leur obligation de vigilance pour  assurer le respect des droits humains par l’autre partie ; c’est au  contraire, le respect de cette obligation qui peut contribuer à  maintenir « la paix et la sécurité internationales » ;
 

  en ce qui concerne le  droit international humanitaire, l’art. 1 commun aux 4 CG de 1949  dispose que « Les Hautes Parties contractantes s’engagent à respecter et  faire respecter » ces conventions ; comme la CIJ l’a dit dans l’aff. du  Mur,
 
« Il résulte de cette disposition l’obligation de chaque  Etat partie à cette convention [la 4e CG], qu’il soit partie ou non à  un conflit déterminé, de faire respecter les prescriptions des  instruments concernés » (CIJ, Rec. 2004, § 158) ;
 
Le commentaire officiel du CICR a mis l’accent sur la  signification de l’article premier, en disant ceci :
 
Il s’agit “d’une série d’engagements unilatéraux,  solennellement assumés à la face du monde représenté par les autres  Parties contractantes. Chaque Etat s’oblige aussi bien vis-à-vis de  lui-même que vis-à-vis des autres. Le motif de la Convention est  tellement supérieur, il est si universellement reconnu comme un  impératif de la civilisation, qu’on éprouve le besoin de le proclamer,  autant et même plus pour le respect qu’on lui porte que pour celui que  l’on attend de l’adversaire.
 
Les Parties contractantes ne s’engagent pas seulement à  respecter la Convention, mais encore à la ’ faire respecter ’. La  formule peut sembler pléonastique : lorsqu’un Etat s’engage à quelque  chose, il oblige par là-même tous ceux sur qui il a autorité ou qui  représentent son autorité ; il s’oblige à donner les ordres nécessaires.  Cependant, c’est à dessein que, dans les quatre Conventions, on a  employé cette formule, destinée à renforcer la responsabilité des  Parties contractantes
[...]
Compte tenu de ce qui précède et du fait que les  dispositions relatives à la répression des violations sont  considérablement renforcées (2), on doit bien constater que l’article  premier  loin d’être une simple clause de style, a été volontairement  revêtu d’un caractère impératif. Il doit être pris à la lettre.”
 
le fait que l’UE ne soit pas partie aux CG n’empêche pas  l’applicabilité de leurs règles à l’UE ; ainsi, dans l’aff. précitée du  Mur, la CIJ a considéré qu’une organisation internationale comme l’ONU,  qui n’était pas non plus partie aux CG, devait agir pour assurer le  respect de ces conventions ; pour la Cour,
 
« Spécialement l’Assemblée générale et le Conseil de  sécurité, doivent, en tenant dûment compte du présent avis consultatif,  examiner quelles nouvelles mesures doivent être prises afin de mettre un  terme à la situation illicite découlant de la construction du mur et du  régime qui lui est associé » (CIJ, Rec. 2004, § 160) ;
 
D’ailleurs, l’étude du CICR sur le droit international  humanitaire coutumier dispose que les Etats
 
« doivent dans la mesure du possible exercer leur  influence pour faire cesser les violations du droit international  humanitaire » (règle 144) ;
 
Comme il s’agit d’une règle coutumière, elle est aussi  applicable aux organisations internationales.
 
De plus, conformément au DIH, et au-delà de l’article 1  commun aux quatre Conventions de Genève, les Etats membres de l’Union  européenne ont l’obligation de mettre en oeuvre les obligations  spécifiques visant à appliquer la compétence universelle  (CG art. 147)  comme le rappelle la Mission d’établissement des faits sur le conflit de  Gaza, établie par le Conseil des Droits de l’Homme en Septembre 2009  (Doc.ONU A/HRC/12/48, 12 Septembre 2009, para. 1857 et 1975).
 
En outre, l’article 146 de la 4ème Convention dispose  que chaque Etat “prendra les mesures nécessaires pour faire cesser” les  violations de la Convention autre que les infractions graves prévues à  l’article 147.
Art 146
Les Hautes Parties contractantes s’engagent à prendre  toute mesure législative nécessaire pour fixer les sanctions pénales  adéquates à appliquer aux personnes ayant commis, ou donné l’ordre de  commettre, l’une ou l’autre des infractions graves à la présente  Convention définies à l’article suivant.
 
Chaque Partie contractante aura l’obligation de  rechercher les personnes prévenues d’avoir commis, ou d’avoir ordonné de  commettre, l’une ou l’autre de ces infractions graves, et elle devra  les déférer à ses propres tribunaux, quelle que soit leur nationalité.  Elle pourra aussi, si elle le préfère, et selon les conditions prévues  par sa propre législation, les remettre pour jugement à une autre Partie  contractante intéressée à la poursuite, pour autant que cette Partie  contractante ait retenu contre lesdites personnes des charges  suffisantes.
 
Chaque Partie contractante prendra les mesures  nécessaires pour faire cesser les actes contraires aux dispositions de  la présente Convention, autres que les infractions graves définies à  l’article suivant.
 
En toutes circonstances, les inculpés bénéficieront de  garanties de procédure et de libre défense qui ne seront pas inférieures  à celles prévues par les articles 105 et suivants de la Convention de  Genève relative au traitement des prisonniers de guerre du 12 août 1949.
 
Art 147  
 
Les infractions graves visées à l’article précédent sont  celles qui comportent l’un ou l’autre des actes suivants, s’ils sont  commis contre des personnes ou des biens protégés par la Convention :  l’homicide intentionnel, la torture ou les traitements inhumains, y  compris les expériences biologiques, le fait de causer  intentionnellement de grandes souffrances ou de porter des atteintes  graves à l’intégrité physique ou à la santé, la déportation ou le  transfert illégaux, la détention illégale, le fait de contraindre une  personne protégée à servir dans les forces armées de la Puissance  ennemie, ou celui de la priver de son droit d’être jugée régulièrement  et impartialement selon les prescriptions de la présente Convention, la  prise d’otages, la destruction et l’appropriation de biens, non  justifiées par des nécessités militaires et exécutées sur une grande  échelle de façon illicite et arbitraire.
 
Il faut noter que l’Autriche, la France, la Grèce et  l’Italie sont quatre pays membres de l’UE qui ne se sont  pas conformes à  l’article 146 (1) de par le fait que leur législation interne ne permet  pas l’exercice de la juridiction universelle envers les personnes  suspectées de violations des crimes listés à l’article 147.
 
Une attention particulière est mise sur le fait que  l’article 146 demande non seulement l’application de la compétence  universelle aux personnes suspectées d’être responsables d’infractions  graves, mais aussi que, conformément à l’article 146 (3) les Etats sont  obligés de prendre des mesures efficaces pour réprimer les violations  non graves également, ce qui est expliqué comme suit dans le commentaire  officiel du CICR relatif à la Convention.
 
« ... en vertu du présent paragraphe, les Puissances  contractantes doivent également réprimer les « autres actes contraires à  la présente Convention ».
La formule n’est pas, à vrai dire, très précise.  L’expression « faire cesser », employée dans le texte français, peut  donner lieu à différentes interprétations. Elle couvre, à notre avis,  tout ce qui peut être fait par un Etat pour éviter que des actes  contraires à la Convention ne soient commis ou ne se répètent (...)  Cependant, il est hors de doute qu’il s’agit en premier lieu de la ’ répression ’ des infractions autres que  les infractions graves et, en second lieu seulement, des mesures qui  peuvent être prises, dans le domaine administratif, pour assurer le  respect des dispositions de la Convention. ».
 
C.              Les  manquements de l’UE et de ses Etats membres à des règles générales de  droit international qui obligent l’UE et ses Etats membres à réagir aux  violations du droit international commises par Israël
 
22              Les violations du droit international  commises par Israël sont, fréquemment, des violations de « normes  impératives » du droit international (jus cogens) :  attentats ciblés qui violent le droit à la vie, privation de liberté de  Palestiniens dans des conditions qui violent l’interdiction de la  torture, violation du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes,  conditions de sujétion d’un peuple qui constituent une forme  d’apartheid.
 
23              Le caractère impératif de ces normes  découlent de leur caractère indérogeable (voy. pour le droit à la vie et  l’interdiction de la torture, Pacte relatif aux droits civils et  politiques, art. 4, § 2, et Convention du 10 décembre 1984 contre la  torture, art. 2, §§ 2-3) ou de leur assimilation explicite à des  « normes impératives » par la doctrine la plus éminente, à savoir, la  Commission du droit international (CDI) (voy. pour l’interdiction de  l’apartheid et le respect du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes,  projet CDI sur la responsabilité des Etats, commentaire de l’art. 40,  Rapport CDI, 2001, pp. 305-307). (a véfrifier partie en gras)
 
24              Lorsqu’ils sont des témoins même  éloignés de la violation de ces normes, les Etats et les organisations  internationales ne peuvent pas rester passifs et indifférents : la CDI, à  l’art. 41 de son projet sur la responsabilité des Etats, a adopté une  disposition déclarant que
 
« 1. Les Etats doivent coopérer pour mettre fin, par des  moyens licites, à toute violation grave au sens de l’art. 40 [violation  d’une norme impérative du droit international]. »
 
              Dans son commentaire, la CDI précise que
 
« l’obligation de coopérer s’applique à tous les Etats,  qu’ils aient été ou non directement touchés par la violation grave. Face  à des violations graves, un effort concerté et coordonné de tous les  Etats s’impose pour en contrecarrer les effets. » (Rapport CDI, 2001, p.  308).
 
25              L’UE et ses Etats membres sont donc  obligés de réagir, dans le respect du droit international, pour empêcher  les violations des normes impératives du droit international et enrayer  leurs conséquences. En ne prenant pas de mesures appropriées à cet  effet, l’UE et ses Etats membres manquent à une obligation élémentaire  de vigilance du respect des normes les plus fondamentales du droit  international.
 
26              Le TRP estime que cette obligation de  réaction implique, en raison des règles de bonne foi et de diligence  l’obligation de veiller à ce que la réaction contre des violations des  normes impératives du droit international satisfasse un principe  d’efficacité raisonnable. A cette fin, l’UE et ses Etats membres doivent  utiliser toute voie de droit disponible pour assurer le respect du  droit international par Israël. Elle suppose donc des comportements qui  vont au-delà de simples déclarations condamnant les violations du droit  international commises par Israël. Certes, le TRP prend acte de ces  déclarations mais celles-ci ne sont qu’un début d’application des  obligations internationales de l’UE et de ses Etats membres ; elles  n’épuisent pas le devoir de réaction que les règles de droit  international leur imposent.
27              Enfin, le TRP tient à souligner que  l’obligation de réagir contre des violations des normes impératives du  droit international devrait être soumise à une règle de  non-discrimination et d’exclusion du double standard : le TRP est  parfaitement conscient du fait que les Etats n’ont pas codifié une règle  d’équidistance dans l’obligation de réaction, mais il pense que les  principes de bonne foi et d’interprétation raisonnable du droit  international conduisent inévitablement à une telle règle : ne pas  l’admettre ne peut que mener à « un résultat qui est manifestement  absurde ou déraisonnable », ce que le droit des traités exclut  (Convention de 1969 sur le droit des traités, art. 31, b). Dans ces  conditions, le TRP juge inacceptable et contraire à la logique juridique  précitée que l’UE suspende, de facto, ses relations avec la Palestine  lorsque le Hamas est élu à Gaza et maintienne celles-ci avec un Etat qui  viole le droit international sur une bien plus grande échelle que le  Hamas.
 
D.              Les  manquements de l’UE et de ses Etats membres à l’interdiction de  contribuer aux violations du droit international commises par Israël
 
28              Le TRP constate que les rapports  d’experts mettent en évidence des formes d’assistance passive et active  de l’UE et de ses Etats membres aux violations du droit international  commises par Israël. Ont ainsi été, notamment, mises en évidence :
 

  des exportations  d’armes et de composants d’armes d’Etats de l’UE vers Israël, certaines  de ces armes ayant été utilisées lors du conflit de Gaza en décembre  2008-janvier 2009 ;
 

  des exportations de  produits en provenance des colonies de peuplement se trouvant dans les  territoires occupés vers l’UE ;
 

  la participation de  ces colonies à des programmes européens de recherche ;
 

  l’absence de  réclamation de l’UE pour la destruction d’infrastructures à Gaza par  Israël lors de l’opération « plomb durci » ;
 

  l’abstention de l’UE à  exiger d’Israël le respect des clauses relatives au respect des droits  humains figurant dans divers accords d’association conclu par l’UE avec  Israël ;

  la décision de l’UE  d’approfondir ses relations dans le cadre du Partenariat  euro-méditerranéen  avec Israël ;
 

  les tolérances de  l’UE et de ses Etats membres à l’égard de certaines relations  économiques d’entreprises européennes avec Israël pour des projets  commerciaux dans les territoires occupés tels que la gestion de la  décharge de Tovlan dans la vallée du Jourdain et la construction d’une  ligne de tramway à Jerusalem-Est
 
29              Pour que ces faits puissent apparaître  comme une assistance ou une aide illicite à Israël, deux conditions  doivent être remplies : l’Etat qui apporte son assistance doit le faire  dans l’intention de faciliter le fait illicite imputable à Israël et il  doit agir en connaissance de cause ; l’art. 16 du projet de la  Commission de Droit International (CDI) de l’ONU sur la responsabilité  des Etats dispose :
 
« L’Etat qui aide ou assiste un autre Etat dans la  commission du fait internationalement illicite par ce dernier est  internationalement responsable pour avoir agi de la sorte dans le cas où
 
a)               ledit Etat agit en connaissance des  circonstances du fait internationalement illicite, et
 
b)               le fait serait internationalement  illicite s’il était commis par cet Etat. »
 
Dans son commentaire, la CDI précise que l’Etat qui  assiste l’auteur du fait illicite entend faciliter l’adoption du  comportement illicite et l’Etat assisté adopte effectivement ce  comportement ; la responsabilité de l’Etat aidant est engagée même si  cette assistance n’est pas une condition essentielle du comportement  illicite pourvu que cette assistance « y ait contribué de façon  significative » (Rapport CDI, 2001, p. 166). Il faut donc que l’Etat  aidant soit conscient du fait qu’Israël viole le droit international et  que l’aide apportée à Israël était destinée à faciliter ces violations.
 
30.              In casu, l’UE et ses Etats membres ne  pouvaient ignorer que certaines formes d’assistance apportées à Israël  contribuaient ou contribueraient nécessairement à certains faits  illicites commis par Israël. Tel est le cas
 

  d’exportations  d’équipements militaires vers un Etat qui maintient depuis plus de 40  ans une occupation illégale ;
 

  d’importations de  produits provenant des colonies de peuplement se trouvant dans les  territoires occupés, sans véritable contrôle par les autorités  douanières des Etats membres de l’UE de l’origine de ces produits,  sinon, de manière exceptionnelle (CJCE, 25 février 2010, Brita), alors  que l’exception devrait devenir la règle .
 

  de preuves contenues  dans un rapport publié 2005 et réitérées dans des rapports internes par  des représentants officiels de l’UE aux organes de l’UE, énumérant des  violations de façon détaillée et qui ne sont qu’ignorées par ces  organes.
Dans les deux cas, ces comportements contribuaient « de  façon significative » aux faits illicites commis par Israël même s’ils  n’étaient pas une cause directe de ces faits, et il était  raisonnablement impossible que l’UE et ses Etats membres eussent pu  l’ignorer. D’ailleurs, ils disposaient des rapports concordants de leurs  représentants en poste à Jerusalem Est et à Ramallah, rapports qui leur  étaient adressés chaque année depuis 2005 et qui allaient  systématiquement dans le même sens. Dans ces conditions, il n’est pas  douteux qu’une complicité dans les faits illicites précités commis par  Israël est imputable à l’UE et à ses Etats membres et qu’elle engage  leur responsabilité.
 
31              La participation des colonies de  peuplement à des programmes européens de recherche, l’absence de  protestation de l’UE, lors de l’opération « plomb durci », pour la  destruction par Israël d’infrastructures que l’UE avait financées à  Gaza, ou encore la proposition de rehaussement des relations bilatérales  entre l’UE et Israël, sont des faits qui sont présentés par plusieurs  experts comme une assistance à Israël dans les violations du droit  international qui lui sont imputées. La CDI estime que dans des cas de  ce genre, il faut vérifier « soigneusement » si l’Etat accusé  d’assistance illicite savait qu’il facilitait un fait illicite. La CDI  écrit :
 
« Dans les cas où un Etat est accusé d’avoir, par son  aide, facilité des atteintes aux droits de l’homme commises par un autre  Etat, les circonstances de chaque espèce doivent être examinées  soigneusement en vue de déterminer si l’Etat concerné, en apportant son  aide, savait qu’il facilitait la commission d’un fait internationalement  illicite et entendait la faciliter » (Rapport CDI 2001, p. 168)
 
Si les faits de l’UE et de ses Etats membres ne  contribuent pas directement aux violations du droit international  commises par Israël, ils apportent une forme de caution à la politique  d’Israël et l’encouragent à violer le droit international, car ils  placent l’UE et ses Etats membres dans un rôle de spectateurs  approbateurs. Comme l’a dit le TPIY,
 
"Alors que l’on peut dire de tout spectateur qu’il  encourage un spectacle, le public étant l’élément indispensable de tout  spectacle, le spectateur a été dans ces affaires [des affaires  allemandes citées par la Chambre] déclaré complice uniquement lorsque sa  position d’autorité était telle que sa présence avait pour effet  d’encourager ou de légitimer notablement les actes des auteurs." (TPIY,  aff. IT-95-17/1-T, Furundzija, 10 déc. 1998, § 232).
 
Ainsi que l’a précisé un expert, le silence de l’UE et  de ses Etats membres apparaît comme une approbation tacite ou un signal  d’acceptation des violations du droit international par Israël. Etant  donné qu’il est impossible que l’UE et ses Etats membres eussent ignoré  les violations du droit international commises par Israël, le TRP  conclut que les faits en cause sont constitutifs d’assistance illicite à  Israël au sens de l’art. 16 précité du projet CDI sur la responsabilité  des Etats.
 
A ce stade de la procédure, le TRP  appelle :
 
(i) l’UE et ses Etats membres à  remplir immédiatement leurs obligations en mettant fin aux  infractions  spécifiées à la section C et aux manquements spécifiés dans la section D  du présent document.
 
(ii) l’UE en particulier à mettre  en œuvre la résolution du parlement européen demandant la suspension de  l’accord d’association UE-Israël et par là-même mettre fin à l’impunité  dont Israël bénéficie jusqu’à aujourd’hui
 
(iii) les Etats membres à mettre en  œuvre les recommandations définies au paragraphe 1975 (a) du rapport de  la mission de l’ONU sur le conflit à Gaza (rapport Goldstone) eut égard  à la collecte de preuves et à l’exercice de la compétence universelle  contre des suspects israéliens et palestiniens ; et
 
(iv) les Etats membres de l’UE  d’abroger la condition, au sein d’Etats membres, qu’un suspect soit  résident de cet Etat, ou toute autre restriction qui empêche d’être  conforme à l’obligation de poursuivre ou d’extrader tout criminel de  guerre suspecté et recherché par les Etats membres
 
(v) les Etats membres de l’UE à  assurer que les lois et les procédures relevant de la compétence  universelle soient rendues en pratique les plus efficaces possible, y  compris par la coordination et la mise en œuvre d’accords de coopération  mutuelle entre Etats en matière criminelle, par le biais des points de  contacts de l’UE sur le crime transfrontalier et international :EUROPOL  et INTERPOL, etc.
 
(vi) les Etats membres à ne pas  effectuer de modifications qui limiteraient les effets des lois de  compétence universelle existantes, de façon à s’assurer qu’aucun Etat  membre ne puisse devenir un refuge pour les  personnes suspectées de  crimes de guerre,
 
(vii) Les Parlements d’Autriche, de  France, de Grèce et d’Italie à promulguer des lois en conformité avec  l’article 146 de la IV Convention de Genève pour permettre l’exercice de  la compétence universelle dans ces Etats,
 
(viii) les individus, groupes et  organisations à prendre toutes les mesures qui leur sont offertes afin  d’amener  l’UE et ses Etats membres à respecter leurs obligations  ci-dessus mentionnées, telles que l’utilisation de la compétence  universelle contre des individus suspectés de crimes, l’exercice de  poursuites au civil, au niveau national, contre des gouvernements et/ou  contre leurs différents départements, agences et compagnies privées.  Pour ce faire, c’est l’intention du TRP de soutenir ou de faire soutenir  par d’autres des recherches visant à définir dans quels pays et  juridictions ces crimes pourront être poursuivis de manière effective
 
(ix) à ce que les actions légales  actuellement en cours dans le cadre du BDS soit renforcées et élargies  au sein de l’UE et plus globalement.
Le TRP appelle l’Union européenne  et chacun de ses Etats membres à imposer les sanctions nécessaires à son  partenaire - Israël - par des mesures diplomatiques, commerciales et  culturelles, afin de mettre un terme à l’impunité dont il bénéficie  depuis des décennies. Au cas où l’UE et les Etats membres n’en  montreraient pas le courage, le Tribunal compte sur les citoyennes et  les citoyens de l’Europe pour exercer les pressions nécessaires par tous  les moyens appropriés.
VI.           Suite de la procédure
32.              Ces conclusions clôturent la 1e session  du TRP à Barcelone. Ainsi que le Tribunal l’a dit, ces conclusions sont  provisoires : elles procèdent d’une évaluation prima facie des faits  portés à sa connaissance et sans préjudice du jugement final que le TRP  prononcera lors de sa dernière session. A cet effet, il espère que l’UE  et ses Etats membres participeront plus activement à la suite de la  procédure en faisant valoir leur point de vue afin d’éviter que le TRP  ne tire des conclusions erronées du fait de leur silence et de leur  absence.
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