L’Autorité palestinienne doit se dissoudre, mais seulement dans  le cadre d’une stratégie de résistance qui commence par mettre fin à la  coopération avec Israël.         
         

Abbas [à g.] et Fayyad lors d’une visite papale en 
Palestine  occupée. On imagine efffectivement mal Abbas et ses acolytes renonçant  aux multiples (petits et grands ?) privilèges concédés par l’occupant  israélien.
  
Dans diverses interviews et déclarations, ainsi que dans des réunions privées, Mahmoud Abbas,  le président palestinien [de l’Autorité de Ramallah - N.d.T], a fait  savoir qu’il présidait une autorité sans autorité et que l’existence  même de l’Autorité palestinienne [AP] a rendu l’occupation israélienne  « la moins coûteuse qu’elle ne l’a jamais été [pour les Israéliens] ».
 
Abbas est tout simplement arrivé à la même conclusion  que de nombreux Palestiniens depuis longtemps : les négociations, dans  les conditions actuelles, ne conduiront pas à la fin de l’occupation  israélienne, sans parler de la création d’un Etat palestinien  indépendant.
 
Dans une récente interview à la télévision d’Etat  palestinienne, Abbas a averti que si tous les efforts pour établir un  Etat palestinien échouaient, il dissoudrait l’Autorité palestinienne et  demanderait à Israël d’assumer la responsabilité de l’occupation. Ses  menaces ne sont ni une manœuvre ni une stratégie clairement planifiée.  Elles sont plutôt une expression de désespoir et un reflet de l’état  d’esprit du peuple palestinien - qui considère l’AP uniquement comme un  moyen de faciliter la poursuite de l’occupation israélienne, tout en  évitant à celle-ci l’obligation de payer pour ses agissements.
 
La dissolution de l’Autorité palestinienne signifierait  un retour à l’occupation israélienne directe et pourrait être utilisée  par Israël comme un prétexte pour une 
escalade dans son agression  contre le peuple palestinien. Mais les Palestiniens ont atteint un  point de rupture. Dix-sept ans de pourparlers n’ont interrompu ni le vol  des terres par Israël, ni le déplacement forcé des Palestiniens.
 
Une bataille de volontés
 
L’idée de dissoudre l’Autorité palestinienne a de  nombreux adeptes - tant à l’intérieur des territoires palestiniens que  parmi la diaspora palestinienne. Mais cela ne doit pas être un saut dans  l’inconnu : les Palestiniens doivent être préparés aux conséquences  d’une telle décision et celle-ci doit être prise dans le cadre d’une  stratégie de résistance clairement définie.
 
Ni Abbas, ni même ses adversaires, n’ont cependant  indiqué qu’ils étaient en train de développer une telle stratégie - car  tandis qu’Abbas exprimait son désespoir, le 
Hamas  montrait un degré élevé de flexibilité à l’égard d’éventuels résultats  de négociations israélo-palestiniennes, actuellement au point mort. Dans  un discours prononcé la semaine dernière, Ismail Haniyeh, le Premier ministre du Hamas,  a déclaré que son mouvement était prêt à accepter les résultats d’un  référendum si les négociations parvenaient à un compromis historique qui  comprenait la création d’un Etat palestinien dans les territoires  occupés pendant la guerre de 1967.
 
Ce n’est pas la première fois que le Hamas manifestait  sa volonté d’accepter une solution à deux Etats, mais le moment choisi -  alors que les négociations sont effectivement gelées et il qu’il n’y a  aucune perspective de reprise - est surprenant. La déclaration d’Haniyeh  suggère que les deux directions politiques, à Ramallah et à Gaza, n’ont  aucune idée de comment reprendre l’initiative nécessaire pour extraire  le peuple palestinien de la stagnation qui est la sienne aujourd’hui.
 
Abbas a évoqué quelques possibilités. Tout d’abord, il a suggéré de se tourner vers le Conseil de sécurité des 
Nations unies  pour une reconnaissance d’un Etat palestinien. Ceci est principalement  destiné à affirmer le statut « d’occupés » des territoires palestiniens  et à bloquer l’annexion par Israël des colonies juives. Deuxièmement, il  a fait allusion à la remise aux Nations Unies de la responsabilité des  territoires palestiniens. Mais ces deux options seraient certainement  bloquées par un veto américain au Conseil de sécurité.
 
Mais toute autre option que choisiraient les  Palestiniens  ne pourra aboutir sans d’abord le rétablissement de  l’unité nationale et la mobilisation de la résistance populaire. Une  sérieuse bataille des volontés s’ensuivra, et les Palestiniens doivent y  être préparés.
 
Une bataille pour la reconnaissance internationale d’un  Etat palestinien doit être fondée sur une vision claire et sur une  préparation à affronter les actions israéliennes. Le soutien  international seul ne mènera pas à la création d’un Etat palestinien.  Indépendamment du fait que les Palestiniens optent pour une solution à  un ou à deux Etat(s), ils ne pourront éviter une bataille pour mettre  fin à l’occupation sous laquelle ils vivent actuellement.
 
L’AP est-elle prête ?
 
Les options dont parle Abbas placerait l’AP face-à-face  avec l’occupation israélienne, de sorte que la question demeure : est-ce  que l’AP est prête à 
cela ? La réponse semble être non.
 
L’Autorité palestinienne ne peut pas être prise au  sérieux tant qu’elle cédera aux exigences israéliennes. Israël continue  d’empêcher la circulation des biens et des personnes, conduit des raids  et des arrestations en Cisjordanie et dans Jérusalem-Est, frappe la  bande de Gaza. Ainsi, un préalable à toute avancée significative du côté  palestinien doit être l’arrêt immédiat de la coordination sécuritaire  entre Israël et l’Autorité palestinienne.
 
La justification donnée par Abbas pour une telle  coordination est que si les Palestiniens « se comportent bien » Israël  ne pourra avancer aucun prétexte pour poursuivre l’occupation. Mais le  seul résultat à ce jour a été l’affaiblissement de la résistance  palestinienne, tandis qu’Israël a eu les mains libres pour lancer des  incursions militaires dans les territoires palestiniens, confisquer plus  de terres et tuer plus de personnes.
 
La prochaine étape pour le Hamas et l’Autorité palestinienne doit être une véritable unité (sans cela,  la dissolution de l’Autorité palestinienne pourrait se traduire par une  lutte de pouvoir très destructrice) fondée par un accord commun sur une  alternative à des négociations aujourd’hui disparues. La dissolution de  l’Autorité palestinienne doit être une élément très important dans ce  plan, mais seulement après qu’une stratégie politique et économique 
ait été formulée.
 
L’Autorité palestinienne verse actuellement les salaires  de 150 000 personnes. Par conséquent une dissolution [de l’AP] aurait  un impact énorme sur l’économie. Avant que l’AP n’ait été créée, l’Organisation de Libération de la 
Palestine [OLP] finançait  une aide aux Palestiniens pour qu’ils puissent résister aux  conséquences économiques de l’occupation. Un plan similaire, impliquant  tous les Palestiniens, doit maintenant être mis au point - en supposant  que les Etats arabes, comme cela est prévisible, ne fourniront pas le soutien financier nécessaire aux Palestiniens.
 
Il est bien sûr facile pour les Palestiniens en exil,  disposant d’un travail, d’appeler à la dissolution immédiate de  l’Autorité palestinienne. Mais cet appel est aussi très compréhensible,  car Israël ne sera soumis à aucune pression pour mettre fin à son  occupation aussi longtemps que cette occupation sera bon marché ou même  sans frais pour l’occupant. Mais si les dirigeants palestiniens doivent  proposer une nouvelle stratégie de résistance, tous les Palestiniens  doivent être prêts à assumer leur responsabilité. Il incombe maintenant à  l’Autorité palestinienne d’entamer ce processus et la seule façon de le  faire est de mettre fin à toute coordination et coopération avec  Israël.
 
 
* Lamis Andoni est une analyste et une commentatrice des questions du Moyen-Orient et de la Palestine.