vendredi 30 septembre 2011

Un petit clip de Ahmad Dari "en attendant le vote de l’ONU"...

vendredi 30 septembre 2011 
Oui, s’il faut attendre la bonne volonté de l’ONU, cela risque d’être long... et pas forcément décisif pour l’ensemble des Palestiniens....
CAPJPO-EuroPalestine

Des colons sionistes attaquent l'est de Salfit et le sud de Naplouse

[ 30/09/2011 - 12:50 ]
Cisjordanie – CPI
Des dizaines de colons sionistes protégés par les forces de l'occupation sioniste, ont attaqué le village de Yassouf à l’est de Salfit, et ont ouvert le feu dans l'air, dans une tentative de terroriser les habitants et les agriculteurs dans le nord-est du village.
Des sources locales ont rapporté que des dizaines de colons sionistes qui habitent dans la colonie sioniste "Tafouh" se sont dirigés vers le côté nord du village, le jeudi soir 29/9, et ont ouvert le feu de leurs armes lourdes pour terroriser les fermiers et les obliger à quitter leurs terres agricoles.
Il est à noter que de violents affrontements ont éclaté avec les habitants du village, blessant trois Palestiniens.
Les sources ont ajouté que l'attaque a eu lieu au vu et au su des soldats sionistes qui ne font rien pour arrêter le terrorisme des colons sionistes.
D'autre part, un certain nombre de colons sionistes qui résident dans la colonie "Yitzhar" ont détruit les canalisations d'eau du village de Madma dans le sud de Naplouse.
Le président par intérim du conseil villageois de Madma, Ihab el-Kat, a déclaré qu'environ 30 colons sionistes se sont rassemblés près de la source d'eau appartenant au village et ont détruit les canalisations d'eau.

Israël enterre l’espoir d’une reprise des négociations

29 septembre 2011
Mardi dernier, le ministère israélien de l’Intérieur annonçait la construction de 1 100 nouveaux logements dans le quartier de colonisation juive de Gilo à Jérusalem-Est. Cette annonce a entraîné une condamnation unanime, tant du côté palestinien que de celui de la communauté internationale.
Cinq jours. C’est le temps qu’aura duré l’espoir suscité par la proposition de reprise des négociations du Quartette pour le Proche-Orient, composé des Etats-Unis, de la Russie, de l’Union Européenne et des Nations-Unies. Le fait qu’aucun des deux camps n’ait rejeté la proposition avait laissé entrevoir un déblocage de la situation. Mais tout semble s’écrouler avec cette décision de création de nouvelles colonies israéliennes qualifiée de « profonde déception » par les Etats-Unis et de « provocation » par la France et l’Union Européenne. Les palestiniens, étaient pourtant prêts à se rallier au plan proposé par le Quartette en passant outre le fait que ce plan soit très vague sur la question des colonisations en Cisjordanie et à Jérusalem-Est en dépit des exigences palestiniennes sur ce point.
Israël se replie encore plus sur lui-même en tournant le dos à ses alliés occidentaux tous enclins à une reprise des négociations. Et, d’après une interview accordée par le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu au Jérusalem Post et rendu public mardi, un revirement de sa politique coloniale n’est pas à l’ordre du jour. Les dernières statistiques officielles israéliennes, également publiées mardi, ont révélé que la population des colonies juives en Cisjordanie est passée de 3 500 personnes en 2010 à 312 000 aujourd’hui.
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Un comité égypto-palestinien pour soutenir les détenus dans les prisons sionistes

[ 30/09/2011 - 09:29 ]
Gaza/le Caire – CPI
Le comité palestino-égyptien commun a été lancé dans la Bande de Gaza et dans la capitale égyptienne, le Caire, pour soutenir les détenus dans les prisons sionistes.
Dans son premier communiqué publié le jeudi 29/9, et dont le CPI a obtenu une copie, le comité a déclaré : "Nous nous lançons avec notre ferme conviction pour les causes de notre nation arabe et islamique, et pour inaugurer une nouvelle phase intitulée "Le printemps arabes fleuri" dans lequel persiste une jeunesse révolutionnaire, qui refuse l'injustice et la tyrannie et met fin à une étape arabe avec les longues nuits de l'occupation et ses alliés".
"Nous sommes un comité arabe comprenant un certain nombre de jeunes de la révolution égyptienne et les élites intellectuelles, les partis et plusieurs côtés palestiniens, nous annonçons notre soutien continu et illimité à la cause des détenus dans les prisons sionistes en ce moment difficile et sensible, est révolu le temps où ils étaient oubliés et abandonnés à eux-mêmes face à l'arrogance (israélienne)", a ajouté le communiqué.
Plus de 6000 détenus palestiniens et des dizaines de prisonniers arabes croupissent dans les prisons sionistes où ils souffrent d'oubli et de marginalisation presque délibérées.

Gantz : Les changements dans la région créent de nouveaux défis de sécurité contre "Israël"

[ 30/09/2011 - 10:10 ]
El-Nassera – CPI
Le chef d'etat-major de l'armée sioniste, Benny Gantz, a exprimé son inquiétude face aux conséquences des changements politiques qui se déroulent dans le monde arabe contre l'entité sioniste et sa sécurité.
Dans un discours télévisé à l'occasion du Nouvel an juif, le jeudi 29/9, Gantz a déclaré que "les transformations qui ont lieu au Moyen-Orient créent l'espoir en des changements positifs, mais lancent de nouveaux défis de sécurité à "Israël".
"L'armée sioniste est entièrement prête à affronter tout défi qui pourrait être créé après les révolutions populaires arabes", a-t-il confirmé.
Des documents politiques préparés par le ministère sioniste des Affaires étrangères et les services de sécurité en Entité sioniste avaient confirmé que la vague des révolutions populaires qui ont lieu dans la région représentent une menace contre "Israël", mais elles comportent dans le même temps des occasions qui pourraient être exploitées par l'Etat hébreu afin d'améliorer sa position politique, selon les documents.

Mechaal en visite privée en Jordanie

[ 30/09/2011 - 09:54 ]
Amman – CPI
Khaled Mechaal, président du bureau politique du Hamas, est arrivé jeudi aprèd-midi à Amman, capitale jordanienne, pour visiter sa mère malade.
L'Agence officielle de presse en Jordanie "Petra" a déclaré jeudi après-midi, que le ministre jordanien de l'Intérieur, Mazan el-Saket, a approuvé une demande de Khaled Mechaal, pour entrer en Jordanie et rendre visite à sa mère malade.
Il est à noter que Khaled Mechaal qui a été expulsé de la Jordanie avec les membres du bureau politique du Hamas en 1999, s'est rendu en Amman le 29 août 2009 en raison de la mort de son père. Les autorités jordaniennes lui avaient permis d'entrer pour participer à l'enterrement et aux funérailles de son père.

Maariv : La Turquie taxe les commerçants juifs en faveur des victimes de la Flottille

[ 30/09/2011 - 10:18 ]
El-Qods occupée – CPI
Selon le journal hébreu Maariv, une nouvelle taxe a été imposée en Turquie sur les marchands juifs et servira à indemniser les familles des citoyens tucs tués lors de l'attaque militaire des pirates de la marine sioniste sur le navire turc "Mavi Marmara" qui conduit "La Flottille de la Liberté" en destination vers la Bande de Gaza, le 31 mai 2010.
Le journal a déclaré qu'un groupe de commerçants juifs en Turquie ont déposé au président du comité de l'immigration et de l'assimilation, le député à la Knesset sioniste, Danny Danon, une plainte pour harcèlements qu'ils subissent par les autorités turques, qui les obligent à payer la "taxe de Gaza".
Selon les informations publiées sur le site Web du journal sioniste "Maariv", les commerçants turcs donnent une petite partie seulement des sommes d'argents dûes aux Juifs, et en font don aux victimes de l'agression sioniste contre la Flottille de la Liberté, le 31 mai 2010.
Pour sa part, Danon a adressé une lettre au Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, en lui demandant d'arrêter ce qu'il qualifie de "chantage" contre les Juifs à Ankara.

Toulkarem : Avis de démolition à Ezbat de Shofa

[ 30/09/2011 - 10:52 ]
Toulkarem – CPI
Les forces de l'occupation sioniste ont remis jeudi 29/9, à 8 citoyens palestiniens du village d'Ezbat de Shofa dans le sud-est de Toulkarem, des avis de démolition de leurs maisons en construction sous une semaine, et d'évacuer les lieux sous prétexte qu'elles se situent dans la zone (C).
Des sources locales ont déclaré que les propriétaires de ces maisons sont: Abou Nidhal, Abou Hamra, Fuad Kamal Moustafa Ismaïl, Mouawia Moussa Amein, Raed Mohamed Hassan Youssef, et un citoyen de la famille de Chaar.
Le citoyen Hassan Chaar, du village de Kherbat de Shofa, a rapporté à notre correspondant que les décisions de démolition ont été prises alors que les citoyens possèdent des documents et de plans d'identification. Ils ont souligné qu'ils se rendront du côté "israélien" avec ces papiers pour prouver la légalité de la construction, précisant que ces maisons attendent la finition.
Il a déclaré que le village de Shofa situé au sud-est de la ville de Toulkarem est encerclé par des colonies sionistes de tous les côtés.
Il a également attiré l'attention sur le fait que les agriculteurs dans ce villages sont interdits d'accéder avec des véhicules à leurs terres agricoles limitrophes aux colonies sionistes .

L'entreprise vaine d'un Etat palestinien - un Etat, deux Etats, pas d'Etat

Palestine - 30 septembre 2011
Par Esam al-Amin
Le 23 septembre, le président de l'Autorité palestinienne a soumis aux Nations Unies la candidature d'un Etat palestinien dans les territoires palestiniens occupés par Israël depuis 1967. Quelles sont les implications de cette initiative ? Sert-elle la cause palestinienne ? Et pourquoi Israël et les Etats-Unis s'y opposent-ils ? Quelle est l'alternative ? Paradoxalement, ce mois marque le dix-huitième anniversaire de la cérémonie qui célébrait la signature des Accords d'Oslo, au cours de laquelle Abbas se tenait à côté de Bill Clinton, de Yasser Arafat et d'Yitzhak Rabin, sur la pelouse de la Maison Blanche. En tant qu'un de ses architectes, Abbas a vendu l'accord d'Oslo au peuple palestinien comme le moyen d'établir un Etat palestinien indépendant et de restaurer les droits du peuple palestinien.
L'entreprise vaine d'un Etat palestinien - un Etat, deux Etats, pas d'Etat
13 septembre 1993 à Washington, Mahmoud Abbas paraphe les Accords d'Oslo. De gauche à droite : Shimon Peres, Andrei Kozyrev, Yitzhak Rabin, Bill Clinton, Yasser Arafat, Warren Christopher.
Mais tout au long des deux décennies passées, on a fait aux Palestiniens des promesses mirifiques, tandis qu'avaient lieu, à travers tous les continents, entre Israël et l'Autorité palestinienne, des négociations sans fin qu'Abbas a conduites depuis la mort d'Arafat en 2004 : Madrid (1991), Oslo (1993), Wye River (1997), Camp David (2000), Taba (2001), la feuille de route du Quartet (2002), Annapolis (2007), des négociations bilatérales (2008), les promesses d'Obama pour le gel des colonies au Caire (2009) et sa déclaration d'un Etat d'ici un an aux Nations Unies (2010).
Mais malgré le fait que le droit international et l'opinion publique mondiale soient en grande majorité du côté des Palestiniens, toutes ces tentatives d'établir un Etat palestinien indépendant ont été vaines car elles se heurtaient à la dure réalité de l'occupation militaire brutale sur le terrain, et de l'intransigeance israélienne à la table des négociations.
Alors que des millions de réfugiés palestiniens dans la diaspora ont été écartés de ce processus depuis Oslo, le peuple palestinien vivant dans les territoires occupés a été témoin de l'expansion continue des colonies israéliennes sur ses terres, ainsi que du nettoyage ethnique de Jérusalem et de la confiscation de ses lieux saints.
Passons brièvement en revue quelques-uns des faits de la seule décennie passée, au cours de laquelle Abbas s'est fait le champion des négociations sous les auspices du soi-disant "intermédiaire honnête", les Etats-Unis.
Près de 6.500 civils palestiniens ont été tués depuis septembre 2000, dont plus de 1.500 enfants. Sur ce chiffre, les deux-tiers (plus de 4.400) ont été tués depuis la Feuille de Route, en 2003. Pendant la même période, plus de 45.000 Palestiniens ont été blessés, certains handicapés à vie, 24.000 depuis 2003.
Il y a plus de 6.000 Palestiniens dans les prisons israéliennes, dont plus de 250 femmes et enfants de moins de 16 ans. La moitié d'entre eux ont été arrêtés après 2003, beaucoup sans charges et en détention administrative (depuis 1967, plus de 650.000 Palestiniens ont été détenus et emprisonnés - soit le chiffre stupéfiant de 20% de la population totale ; pratiquement 1 homme sur 2 a été détenu, à un moment de sa vie sous occupation).
Selon le Comité israélien contre les démolitions de maisons (ICAHD), plus de 25.000 maisons palestiniennes ont été démolies depuis 1967 - plus de la moitié depuis 2003, dont plus de 4.300 pendant l'attaque israélienne contre Gaza en 2008-2009.
Il y a 236 colonies israéliennes illégales en Cisjordanie et à l'Est de Jérusalem, avec plus de 650.000 colons qui confisquent la terre palestinienne et déplacent des milliers de Palestiniens. Les colons israéliens ont plus que doublé au cours des dix dernières années, contrôlant 43% de la terre en Cisjordanie et à Jérusalem Est avec plus de 400 checkpoints et routes réservées aux Juifs, ainsi que le mur de séparation qui serpente à travers les territoires palestiniens.
Depuis le durcissement du siège sur Gaza en 2007, 95% des usines et ateliers à Gaza ont fermé, le secteur agricole et l'industrie de la pêche ont été ravagés, entraînant un taux de plus de 40% de chômage (le double du taux de 2003). La siège a également empêché la reconstruction de milliers de maisons détruites par l'attaque d'Israël sur Gaza en 2009. En conséquence de la détérioration continue du réseau d'eau à Gaza, au moins 95% de l'eau du réseau n'est pas potable. Le taux de chômage en Cisjordanie est de 17%. Dans n'importe quelle économie, de tels chiffres conduisent à une dépression sévère et à une pauvreté sordide. Depuis trois ans, plus de la moitié de la population de Gaza et un quart de celle de Cisjordanie ne survivent que grâce à l'aide d'institutions caritatives.
Si ces faits prouvent quelque chose, ils conduisent à la conclusion qu'Abbas et ses acolytes se sont embarqués depuis vingt ans sur une voie désastreuse dont on constate aujourd'hui l'implosion. La candidature actuelle d'un Etat palestinien à l'ONU par la direction palestinienne est une tentative de camoufler l'échec de son approche, qui a consisté à faire des concessions majeures sur les droits palestiniens fondamentaux pour des promesses jamais tenues.
Les Documents Palestine par exemple, divulgués au début de cette année par Al-Jazeera, ont montré le degré effrayant auquel l'actuelle direction palestinienne et ses négociateurs étaient prêts à aller dans les concessions, en coulisses, sur les questions fondamentales comme le droit au retour des réfugiés palestiniens, Jérusalem, les colonies, les frontières, la sécurité et la souveraineté, pour se voir systématiquement rabroués par les Israéliens pour davantage de concessions.
En bref, toute la prémisse du processus d'Oslo fut qu'en échange de la reconnaissance historique de l'Etat sioniste sur 78% de la Palestine historique par les dirigeants palestiniens, Israël reconnaîtrait en échange "l'Etat de Palestine" sur 22% de la terre, à savoir la Cisjordanie , Gaza et Jérusalem Est. Mais le problème avec cette approche fut qu'une des deux parties a été autorisée à recevoir tous les bénéfices et à dicter toutes les conditions, pendant que l'autre devait mendier ses droits tout en étant dépouillée de toutes ses cartes.
Pendant des dizaines d'années, le monde a su que les contours de tout règlement politique à ce problème séculaire insoluble hésitaient entre une solution à deux Etats (la formule 78-22), un Etat (bi-national, un homme-un vote), ou l'apartheid (un peuple contrôlant le sort d'un l'autre).
Beaucoup dans le monde, dont les Nations Unies, les Etats Unis, l'Union Européenne et même des sionistes libéraux (espérant préserver la majorité juive et la nature sioniste de l'Etat) ont embrassé la solution à deux Etats. Mais les gouvernements israéliens successifs se sont acharnés à fermer cette option dans l'espoir qu'Israël pourrait garder Jérusalem Est et le plus possible de territoire cisjordanien et de nappes phréatiques), tout en rendant la vie des Palestiniens si difficile que soit ils renonceraient et partiraient, soit ils accepteraient les dures réalités du statu quo.
Que ce soit Shamir, Rabin, Barak, Sharon, Olmert ou Netanyahu-Lieberman, tous les dirigeants israéliens ont étendu les colonies et édifié un système de ségrégation en Cisjordanie et à Jérusalem qui, en lui-même, excluait la solution de deux Etats.
En même temps, des millions de gens dans le monde en ont assez des injustices de la politique impérialiste, raciste ou colonialiste. Ils soutiennent la notion d'égalité raciale, une personne-un vote en Palestine historique, qui réparerait les injustice historiques faites aux réfugiés palestiniens.
Abbas, qui était dans une impasse, essaie de sauver le fiasco de son approche en revendiquant une victoire diplomatique creuse. Mais le problème, c'est que cela fournira à Israël le prétexte parfait pour nier le droit des réfugiés palestiniens au retour sur leur terre historique inscrit dans le droit international et la résolution 194 des Nations Unies.
Cette démarche permettra aussi à Israël de justifier son refus de la solution d'un Etat qui garantit l'égalité réelle, la démocratie, la justice et une paix véritable dès qu'elle ne permet pas de soumettre les Palestiniens ou de les expulser de leur terre.
Ainsi, avec cette initiative, les Palestiniens abandonnent librement la seule carte qui leur restait à jouer pour tout règlement futur : la dissolution de l'Autorité palestinienne et la quête d'un Etat.
L'administration Obama, quant à elle, est désarçonnée. D'un côté, le Président Obama a lui-même appelé l'an dernier à l'établissement de l'Etat de Palestine dans un an. Il a déclaré que la solution de deux Etats était impérative et un intérêt sécuritaire national vital des Etats-Unis. Mais de l'autre, son administration a fait tout ce qui était en son pouvoir pour la faire dérailler.
La seule explication de ce comportement myope est la profondeur et l'ampleur de l'influence du lobby israélien, en particulier au Congrès et au parti républicain. Un article récent du New York Times décrit comment la secrétaire d'Etat Hillary Clinton appelle fréquemment les hommes politiques israéliens pour faire pression sur les membres républicains du Congrès sur les questions du Moyen-Orient.
Dans un cas, l'article cite un membre républicain au Congrès, qui dit que, "Netanyahu a plus de crédibilité au Congrès qu'Obama." Cette déclaration, qui soutient que la majorité au Congrès préfère croire un dirigeant étranger que son propre président en ce qui concerne les intérêts de la sécurité nationale du pays, est incroyable et éventuellement une trahison.
Beaucoup parmi les dirigeants palestiniens, y compris les conseillers d'Abbas Saeb Erekat, Nabeel Shaath et Yaser Abed Rabbo, disent publiquement que cet demande d'Etat est une manœuvre tactique pour obliger Israël à revenir à la table des négociations avec quelque influence et soutien internationaux. Il semble qu'ils n'aient aucune intention de modifier leur entreprise de liquidation - en coulisses - des droits palestiniens fondamentaux et de poursuite de la "coopération sécuritaire" contre d'autres Palestiniens en Cisjordanie .
Si Abbas était réellement sérieux au sujet de cette initiative, il n'aurait pas attendu jusqu'à maintenant pour soumettre la demande d'adhésion d'Etat, alors que les Etats-Unis peuvent exiger le report du vote du Conseil de Sécurité (pour éviter un veto dévastateur qui nuirait à leur crédibilité) en ayant recours à une loi qui autorise des retards allant jusqu'à cinq semaines. S'il avait fait la demande plus tôt, il aurait pu obliger les Etats-Unis à opposer leur veto à la résolution cette semaine et exposer leur hypocrisie, tout en exigeant la mise en œuvre des précédentes résolutions de l'ONU qui appellent à un Etat palestinien, au droit au retour et rejettent toutes les colonies israéliennes sur les territoires palestiniens ainsi que l'annexion de Jérusalem Est.
En bref, la lutte pour la justice pour le peuple palestinien n'est pas correctement positionnée et ne devrait pas être réduite à la question d'un Etat sur 22% de leur terre historique. Toute solution concernant le problème palestinien doit traiter la cause principale de cette situation tragique.
Ainsi, toute résolution durable et authentique du conflit israélo-palestinien doit être fondée sur les principes suivants :
1) Le rejet d'un système politique et d'une idéologie du dix-neuvième siècle qui confèrent des droits politiques et civiques basés sur l'appartenance ethnique ou religieuse. Pendant plus d'un siècle, le sionisme a appelé au rassemblement des Juifs du monde entier en Palestine et à l'expulsion et à l'exclusion des Palestiniens de leur patrie.
Pendant des décennies, Israël a empêché l'application de la résolution 194 des Nations Unies qui appelle au retour des réfugiés palestiniens expulsés de leurs villes et villages en 1948, en même temps qu'il garantissait des droits automatiques à la citoyenneté et des logements à des millions de Juifs européens et américains dans les territoires palestiniens, à plus d'un million de Juifs de l'ex-Union Soviétique dans les années 1990.
De la même manière que l'Amérique a aboli l'esclavage, et l'Afrique du Sud l'apartheid, le monde doit démanteler les institutions du sionisme (droits réservés aux Juifs, immigration, emploi, logement, routes, avantages, etc.), non seulement parce que c'est la racine du problème, mais, plus important, parce que c'est la seule chose à faire qui soit juste et morale. Mais on ne doit pas laisser la lutte contre une idéologie raciste être exploitée par des groupes antisémites pour attaquer ou nuire au judaïsme et à ses disciples, une religion et une culture qui enrichit le monde depuis des millénaires.
2) La terre historique de Palestine (Israël, la Cisjordanie et Gaza) est une terre qui appartient à tous ses habitants, y compris aux réfugiés palestiniens expulsés en 1948 et à leurs descendants. Ils doivent être autorisés à revenir sur leurs terres si tel est leur choix ainsi qu'être indemnisés pour leurs souffrances injustes. Chaque citoyen de cette terre doit jouir de droits égaux dans un Etat démocratique, laïque et civil. Par exemple, l'Union Européenne ne devrait jamais inviter une démocratie réservée aux Juifs à la rejoindre. Pour être admissible à une telle adhésion au 21ème siècle, un tel pays doit être une démocratie pluriethnique garantissant l'égalité des droits à tous ses citoyens.
3) Toute puissance qui refuse une résolution juste enracinée dans l'égalité raciale et religieuse doit être dénoncée et rejetée. La voie pour cette lutte doit être fondée sur l'unité du peuple palestinien et de leurs supporters à travers le globe, y compris les Juifs du monde. Il est également impératif que cette approche embrasse la lutte de la résistance non violente, la désobéissance civile, les protestations de masse et les boycotts économiques.
John Mearsheimer et Stephen Walt ont détaillé, dans leur ouvrage "The Israël Lobby", les raisons du soutien sans précédent que les Etats-Unis ont fourni à Israël au cours des années, au détriment des intérêts nationaux vitaux de l'Amérique.
En un mot, l'argent des contribuables états-uniens a subventionné l'occupation, la répression et la brutalité israéliennes contre les Palestiniens, et ce pendant des dizaines d'années. Plus de 170 milliards de dollars ont été donnés à Israël (dont un quart depuis 2003) avec les armes les plus sophistiquées de l'arsenal US. Les Etats-Unis ont utilisé leur véto 42 fois pour protéger Israël, au plan diplomatique, de toute condamnation de son occupation illégale et de ses crimes de guerre.
C'est pourquoi toute stratégie de résistance non violente contre la cruelle réalité de l'occupation militaire et l’assujettissement du peuple doit englober la résistance populaire et comprendre un volet qui conteste l'énorme soutien US, en particulier par un Congrès aveugle.
C'est après tout la politique US qui permet l'injustice, l'oppression, la souffrance et l'intransigeance israélienne. Jusqu'à ce que les hommes politiques des Etats-Unis, les courtiers du pouvoir, les chefs militaires, les dirigeants d'entreprises, les empires médiatiques et les faiseurs d'opinion soient obligés d'être aux côtés de ce qui est moralement juste, il faut, par les urnes, les sanctions et le boycott leur faire payer cher leur soutien et leur faire honte en public.
En outre, alors que les masses courageuses qui conduisent les soulèvements arabes continuent de destituer leurs dictateurs et de défier l'hégémonie israélienne et américaine dans la région, la cause palestinienne va enfin retrouver son statut, au centre de la politique régionale et au cœur des passions des peuples en recherche de justice. Tandis que des réformes démocratiques profondes balaient le monde arabe au bénéfice d'une société pluraliste et plus égalitaire, le projet sioniste commence à ressembler plus à une relique d'une époque médiévale qu'à une entreprise éclairée.
Finalement, un Etat qui représente tous ses habitants sur la base de l'égalité, du respect et de la dignité pour tous ses citoyens est celui que le monde célèbrera un jour, et pas une déclaration bidon qui légitime la nature oppressive de l'un et donne de faux espoirs à l'autre.
Traduction : MR pour ISM

PALESTINE. Quelles solutions, après la demande d'adhésion à l'Onu ?

28-09-11
Le philosophe palestinien Sari Nusseibeh et le professeur de sciences politiques israélien Menachem Klein proposent deux visions différentes pour l'avenir des Palestiniens. Interviews.

LE POINT DE VUE DE SARI NUSSEIBEH * : "La solution : une fédération"
Les Israéliens et les Palestiniens peuvent-ils encore parvenir à un accord ?
- C'est peu probable. Sauf s'il y a un changement de gouvernement en Israël et si les Palestiniens se révèlent capables de se montrer unis.
Des pressions étrangères peuvent-elles infléchir la position israélienne ?
- Je n'y crois pas. Il est question aujourd'hui de l'implication de la Russie, des Nations unies dans la négociation, mais je ne vois pas Israël infléchir sa position. D'autre part, même si les deux parties recommençaient à dialoguer, elles devraient tenir compte du fait que l'heure de la solution à deux Etats est passée et qu'une forme de fédération est désormais dans l'intérêt des Israéliens comme des Palestiniens. La résolution 181 de 1947 sur le partage de la Palestine évoquait, d'une certaine façon, cette idée.
C'est la solution que vous préconisez ?
- Oui. Je suis personnellement favorable aujourd'hui à une solution à mi-chemin entre un Etat et deux Etats sous la forme d'une fédération israélo-palestinienne.
Propos recueillis par René Backmann
(*) Philosophe, fondateur de l'université Al-Qods à Jérusalem, Sari Nusseibeh, partisan résolu du dialogue et de la non-violence, vient de publier "What Is a Palestinian State Worth ?", dans lequel il propose la création d'un Etat binational.

LE POINT DE VUE DE MENACHEM KLEIN** : "L'indépendance se prend, elle ne se donne pas"
Qu'avez-vous pensé des discours de Mahmoud Abbas et de Benyamin Netanyahou aux Nations unies ?
- Une galaxie sépare l'OLP d'Israël. Et Obama, mû par la seule recherche de gains politiques à très court terme, est devenu un satellite du cosmos israélien. Le Quartette est incapable de s'unir sur un objectif qui irait au-delà de l'adoption d'un calendrier de négociations.
Comment sortir de l'impasse ?
- La clé est dans les mains des Palestiniens. Aucun occupant n'a retiré ses troupes, aucun colonisateur n'a plié bagage vaincu par des arguments moraux. Aucune nation n'a reçu l'indépendance sur un plateau d'argent. L'indépendance se prend, elle ne se donne pas. Abbas est allé au bout des négociations possibles dans le cadre de l'accord d'Oslo. Ou bien il obtient de nouveaux pouvoirs et un nouveau cadre de négociation - sur le fond, et pas seulement en termes de calendrier - ou bien il doit partir. Une nouvelle direction, de nouvelles générations de dirigeants palestiniens sont prêtes.
L'Europe peut-elle contribuer à fournir ce nouveau cadre de négociation ?
- Oui. La société civile européenne a un rôle à jouer en soutenant ce changement de cadre de négociations. Si les négociations continuent avec le rapport de force actuel, comme le veut Netanyahou, Israël imposera sa solution.
Propos recueillis par René Backmann
(**) Professeur de sciences politiques, ancien conseiller du ministre des affaires étrangère Shlomo Ben ami et du premier ministre Ehoud Barak lors des négociations avec l'OLP, Menachem Klein a été l'un des animateurs de l'initiative de Genève en 2003. Il analyse dans son dernier livre ("The Shift") la transformation de l'affrontement israélo-palestinien sur les frontières en confit ethnique.
Ces deux interviews sont à retrouver dans Le Nouvel Observateur du 29 septembre 2011, où elles accompagnent un article de René Backmann sur la demande palestinienne d'adhésion d'un Etat palestinien à l'ONU. 

Le double jeu de Tony Blair au Proche-Orient

Par Catherine Gouëset 29/09/2011
Le double jeu de Tony Blair au Proche-Orient
Les Palestiniens dénoncent le manque de neutralité de Tony Blair -ici au côté du Premier ministre Salam Fayyad au siège de l'ONU, le 18 septembre-, envoyé spécial du Quartet pour le Proche-Orient.
REUTERS/Allison Joyce

Parti pris pro-israélien, maigre bilan... L'envoyé spécial du Quartet pour le Proche-Orient suscite la méfiance des Palestiniens. D'autant qu'il est soupçonné de travailler un peu trop pour ses intérêts personnels. 

Hué lors du congrès du Parti travailliste mardi quand le chef de l'opposition Ed Miliband a cité son nom ("Je ne suis pas Tony Blair"), l'ex-Premier ministre britannique voit à présent son étoile pâlir pour son rôle au Proche-Orient, où il est envoyé spécial du Quartet (Etats-Unis, UE, ONU et Russie). Et il fait l'objet de nombreuses attaques dans la presse d'outre-Manche. 
Bien sûr, dans cette région, la crédibilité du plus fidèle allié de George Bush pendant la guerre d'Irak en 2003, qui a soutenu l'invasion israélienne du Liban trois ans plus tard, n'a jamais été très élevée, rappelle le Telegraph. Mais l'animosité qu'il suscite depuis sa nomination en 2007 est telle qu'il est en passe d'être récusé comme médiateur par les Palestiniens, qui estiment que ses prises de position le disqualifient.  
Les jeunes des principaux partis palestiniens ont officieusement déclaré Tony Blair persona non grata en Cisjordanie et refusent de le rencontrer, selon un officiel de l'OLP cité par The Independent. "On s'attend à ce que ces jeunes fassent une déclaration formelle au sujet de Tony Blair", précise le quotidien, qui ajoute que les principaux dirigeants politiques palestiniens suivraient alors cette ligne. 
Lobbying contre l'Etat palestinien...
En cause, une série de prises de positions considérées comme hostiles aux Palestiniens, dont, récemment, son lobbying auprès des dirigeants européens pour les convaincre de ne pas soutenir la demande d'adhésion d'un Etat palestinien à l'ONU. Autre grief, son initiative, ces derniers jours, pour relancer les négociations qui omet d'évoquer la question de la colonisation en Cisjordanie, principal point d'achoppement pour les Palestiniens. 
Pour ces derniers, au lieu d'adopter la neutralité attendue d'un médiateur, Tony Blair agit tout bonnement comme un émissaire des Etats-Unis. "Il a pris la place de l'envoyé spécial américain George Mitchell, qui a démissionné en mai dernier", juge le Telegraph.  
Le bilan de Tony Blair comme envoyé spécial du Quartet n'est de toute façon pas très reluisant, soulignent les médias britanniques. Il n'a affronté aucun des problèmes de fond et s'est contenté d'interventions humanitaires. Il n'aurait réussi qu'à "persuader Israël d'ouvrir certains des checkpoints" qui bloquent l'entrée des villes de Cisjordanie, et à encourager l'Etat hébreu à alléger son blocus de Gaza" selon le Telegraph
Mais d'autres observateurs mettent même en doute ces maigres réussites. Une blague circule à son sujet en Cisjordanie, rapporte Alex Brummer du Daily Mail : "la plus grande réussite de Tony Blair a été de faire passer le nombre de checkpoints de 600 à 601. Israël a en effet dû installer un nouveau barrage devant l'American colony", l'hôtel de Jérusalem où il occupe une suite luxueuse lors de ses séjours sur place. 
... et pour la "marque Tony Blair"
Plus grave,Tony Blair est accusé d'avoir plus fait pour ses propres intérêts que pour la cause de la paix au Proche-Orient.  
Il aurait facilité la conclusion de contrats qui ont bénéficié à des clients de JP Morgan, la banque d'affaire qui le rémunère 2 millions de livres (2,3 millions d'euros) par an comme conseiller, rapporte le Guardian. En Cisjordanie, alors qu'il était en mission pour le Quartet, il aurait ainsi persuadé le gouvernement israélien d'ouvrir des fréquences de radio pour la compagnie de téléphonie mobile Watanya, propriété de Qtel, une société qatarie fondée grâce à un prêt arrangé par JP Morgan.  
De même, l'ancien Premier ministre britannique s'est fait le champion de l'exploitation d'un champ de gaz au large de Gaza qu'il a décrit comme "prioritaire" pour le territoire... Or, la société BG Group, qui a obtenu le droit d'opérer sur ce gisement, est aussi un client de JP Morgan.  
"Il apparaît de plus en plus évident que les activités commerciales de Tony Blair au Proche Orient sont incompatibles avec son rôle de négociateur", relève Robert Palmer de Global Witness, ONG spécialisée dans le combat contre la corruption.  
Tony Blair n'est rien d'autre qu'un "opportuniste talentueux" tranche Alex Brummel. Dans ses interventions médiatiques, "il donne l'impression d'être très impliqué dans les négociations de paix", mais ceux qui le connaissent bien voient dans chacune d'elle une occasion "de promouvoir la marque Blair", assène le chroniqueur du Daily Mail
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Les Palestiniens revendiquent huit voix sur 15 au Conseil de sécurité

29.09.2011
Les Palestiniens ont revendiqué jeudi les voix de huit des quinze membres du Conseil de sécurité de l'ONU en faveur de leur demande d'adhésion d'un Etat de Palestine.
Ce soutien est encore insuffisant car il leur faut obtenir au moins neuf voix pour que leur requête puisse faire l'objet d'une "recommandation" du Conseil de sécurité puis d'un vote de l'Assemblée générale de l'ONU.
"Nous avons huit Etats qui voteront pour la Palestine au Conseil de sécurité. Et nous travaillons d'arrache-pied pour en avoir un neuvième et un dixième", a déclaré aux journalistes le ministre palestinien des Affaires étrangères Riyad al-Malki.
Six membres du Conseil de sécurité, permanents ou non, ont déjà dit qu'ils approuvaient la demande palestinienne: Chine, Russie, Brésil, Inde, Liban et Afrique du Sud.
M. al-Malki a indiqué qu'il avait reçu des assurances du Nigeria et du Gabon qu'ils voteraient en faveur d'un Etat palestinien.
"Nous sommes en train de travailler sur la Bosnie, la Colombie e le Portugal", a-t-il ajouté.
Plusieurs membres du Conseil de sécurité sont indécis ou n'ont pas révélé leur position: la Grande-Bretagne, la France, l'Allemagne, le Nigeria, le Gabon, la Bosnie et le Portugal. La Colombie a fait savoir qu'elle s'abstiendrait.
Le président Mahmoud Abbas a présenté vendredi la demande historique d'adhésion d'un Etat de Palestine comme membre à part entière de l'ONU sur la base des lignes du 4 juin 1967 avec Jérusalem-Est pour capitale.
Cette candidature a été transférée mercredi au Comité des adhésions du Conseil de sécurité qui doit se réunir une première fois vendredi.
Les tractations au Conseil de sécurité risquent de durer des semaines, voir plus, selon des diplomates à New York.
Les Etats-Unis, membre permanent du Conseil, ont d'ores et déjà promis d'opposer leur veto si nécessaire à la démarche palestinienne, mais espèrent pouvoir l'éviter car une telle démarche ternirait encore davantage leur image déjà mauvaise au Moyen-Orient.
Les Palestiniens espèrent obtenir au moins neuf voix sur quinze au Conseil, minimum requis pour que leur demande puisse faire l'objet d'une "recommandation" du Conseil à l'Assemblée générale de l'ONU, passage obligé pour que celle-ci se prononce par un vote à son tour.
La direction palestinienne a fait savoir qu'en cas d'échec au Conseil, elle pourrait user de l'option d'un vote direct à l'Assemblée générale où une majorité leur est acquise et qui pourra leur conférer un statut amélioré "d'Etat observateur non membre".
Leur statut actuel est celui d'une "entité observatrice".

Sarkozy et Obama : de fidèles alliés d’Israël

La demande faite à l’ONU par les représentants de l’Autorité palestinienne a fait surgir de nombreux commentaires1 en Palestine et dans le mouvement de solidarité. Critiques portant tant sur la stratégie employée que sur les objectifs de la démarche qui aura au moins eu le mérite de rappeler ce que défendaient l’Union européenne et les États-Unis.
Il semble déjà loin le temps où Obama représentait un espoir pour certainEs. Le discours du Caire, qui appelait à la fin de la colonisation et à l’établissement d’un État palestinien en 2011 ne date pourtant que d’un an et demi. Les promesses n’engagent que ceux qui y croient et, la semaine dernière, le discours d’Obama devant l’ONU a été une véritable gifle envoyée aux peuples arabes et aux Palestiniens en particulier. La presse israélienne, le saluant unanimement, ne s’y est d’ailleurs pas trompée. Ainsi, le journal populaire Yediot parle d’un discours « comme s’il avait été envoyé par fax du bureau de Netanyahou... [et] qu’il [Obama] a adopté à la lettre le récit narratif d’Israël ». Selon le conseiller de Netanyahou, Ron Dermer, Obama est devenu « l’ambassadeur d’Israël aux Nations unies ». Est-ce à dire que le discours du Caire n’était que pure illusion ?
Obama a voulu incarner une rupture avec l’administration Bush et sa politique de « guerre des civilisations » pour asseoir la domination US sur la région. Avant même 2008, et la fin du second mandat de Bush, des voix au Pentagone constataient l’échec de la politique US au Moyen-Orient et critiquaient le coût, militaire mais surtout politique, de l’alliance stratégique avec un État israélien toujours plus guerrier. L’absence d’alternative à ce partenariat, certes couteux mais solide, n’a pas modifié fondamentalement les relations US-Israël depuis l’arrivée d’Obama à la Maison Blanche.
La seconde raison du discours ultra sioniste d’Obama devant l’ONU tient à des enjeux plus conjoncturels et internes. Le puissant lobby sioniste aux États-Unis, l’AIPAC a les capacités politiques de mener un travail de sape rendant la vie impossible à une administration américaine se préparant à une année électorale.
L’absence d’alternative pour l’impérialisme US dans une région traversée par les révolutions et les enjeux électoraux à venir ne pouvaient laisser espérer un autre positionnement de l’administration Obama qu’un soutien indéfectible à Israël.

L’équilibre selon Sarkozy
Les commentaires de la presse française relatifs à Sarkozy pourraient laisser croire à une position dite « équilibrée », entendue par certains journalistes comme plus favorable aux Palestiniens que celle d’Obama. Si l’équilibre consiste à mettre sur le même plan l’occupé et l’occupant, l’analyse est juste...
Le discours de Sarkozy appelle à des négociations sans préa­lables, au cours desquelles chaque camp devrait faire des compromis. Comment croire que des « négociations » puissent se faire d’égal à égal dans un rapport colonial ? Quel compromis pourraient encore faire les Palestiniens, si ce n’est encore et toujours renoncer à leurs droits ? Le discours de Sarkozy s’inscrit dans l’idéologie d’Oslo, dont l’échec est patent, et permet depuis 20 ans la poursuite de la colonisation. Il appelle de ses vœux une place plus importante pour l’Europe (et la France) dans le processus de négociation. Comme si cela pouvait changer quoi que ce soit ! L’UE et la France, en favorisant l’approfondissement des relations UE-Israël, son adhésion à l’OCDE et récemment au Centre d’études et de recherche nucléaire, alors même que le programme nucléaire israélien est militaire, donnent à Israël le signal attendu pour poursuivre l’extension coloniale.
Les positions des puissances occidentales sont de fait une gifle pour la stratégie de la direction palestinienne actuelle qui pendant 20 ans s’est tournée vers les puissances occidentales, États-Unis en premier lieu, en espérant ré­équilibrer ainsi un rapport de forces défavorable. L’échec est patent.
Dans le contexte des révolutions arabes, le mouvement palestinien de libération nationale, en associant l’ensemble de ses composantes (réfugiés et Palestiniens de 1948 vivant en Israël) doit pouvoir s’appuyer sur les forces qui dans la région mènent de front un combat contre leur propre régime et l’impérialisme.
Julien Rivoire
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Des organisations des droits de l’homme demandent à l’OLP et à la communauté internationale de faire respecter les droits des victimes

jeudi 29 septembre 2011 - 14h:28
PCHR - FIDH - Al Haq
Il incombe à l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) la responsabilité de rédiger les résolutions appropriées, pour lancer les procédures recommandées par la 16è session du Conseil des Droits de l’homme. Tous les efforts doivent être entrepris pour garantir la justice pour toutes les victimes.
(JPG)
Lors de la 66è Assemblée générale des Nations-Unies, l’attention du monde a été focalisée sur les questions entourant la reconnaissance d’un État palestinien. Cependant, en tant qu’organisations des droits de l’homme, nous croyons que la véritable question n’est pas seulement celle d’un État en soi ; elle concerne plutôt la reconnaissance des droits, et l’importance fondamentale de la primauté du droit.
l’Assemblée générale doit agir pour faire appliquer le droit international, et s’assurer que le processus de mise en responsabilité déclenché il y a plus de deux ans par le rapport de la mission d’enquête des Nations-Unies sur le conflit de Gaza arrive à son application juridique totale.
La mission d’enquête a apporté des preuves abondantes de la perpétration de crimes au regard du droit international par tous les côtés lors de l’offensive d’Israël du 27 décembre 2008 au 18 janvier 2009 contre la bande de Gaza. Conformément aux exigences du droit international coutumier, un processus de responsabilisation à deux niveaux a été lancé. Premièrement, chaque côté devait chez lui examiner les allégations qui le concernaient. Deuxièmement, dans le cas où ces enquêtes ne répondraient pas aux normes internationales, il devenait alors nécessaire d’avoir recours aux mécanismes de la justice internationale - et particulièrement de la Cour pénale internationale.
Deux ans plus tard, comme le confirment des organisations des droits de l’homme nationales et internationales et la Commission d’experts indépendants des Nations-Unies créée par le Conseil des Droits de l’homme, tous les côtés ont, sans ambiguïté, failli à leur obligation de conduire des enquêtes intérieures qui devaient être diligentes, indépendantes et conformes au droit international. De même qu’ils ont failli à celle de poursuivre les auteurs présumés des crimes au regard du droit international.
En conséquence, le recours passe maintenant impérativement par les mécanismes de la justice internationale. En effet, la 16è session du Conseil des Droits de l’homme a recommandé que cette 66è session de l’Assemblée générale soumette le rapport d’enquête des Nations-Unies sur le conflit de Gaza au Conseil de Sécurité, avec la recommandation que le Conseil de Sécurité défère la situation en Israël et dans les Territoires palestiniens occupés au procureur de la Cour pénale internationale, en application de l’article 13 (b) du Statut de Rome.
Pour l’intérêt de la justice, l’Assemblée générale doit soumettre cette requête au Conseil de Sécurité, lequel Conseil de Sécurité doit reprendre le précédent créé pour le Soudan et la Libye et agir en faveur de la responsabilisation et de la justice pour toutes les victimes.
Il incombe à l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) la responsabilité de rédiger les résolutions appropriées, pour lancer les procédures recommandées par la 16è session du Conseil des Droits de l’homme. Tous les efforts doivent être entrepris pour garantir la justice pour toutes les victimes.
Si l’OLP ne devait pas faire le choix de poursuivre le processus de mise en responsabilité initié par le rapport de la mission d’enquête des Nations-Unies - au dépens même de l’initiative pour un État -, cela équivaudrait à faire prévaloir les processus politiques sur les droits fondamentaux des victimes ; indiquant son acceptation de l’impunité omniprésente qui caractérise la situation en Israël et dans les Territoires palestiniens occupés.
A l’heure actuelle, il est impératif que la communauté internationale envoie un message clair et sans équivoque : les droits humains sont universels, et tous ceux qui sont présumés avoir commis des crimes au regard du droit international doivent être poursuivis, indépendant de toutes considérations politiques.
Jeudi 29 septembre 2011 - PCHR - traduction : JPP
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Les massacres de Sabra et Chatila

vendredi 30 septembre 2011 - 07h:42
Layla Shahid Barrada - REP n°6 Hiver 1983
Les six témoignages qui suivent sont extraits d’une large enquête menée auprès des survivants du massacre des camps palestiniens de Sabra et de Châtia par Layla Shahi Barada.
Ils sont accompagnés d’une chronologie détaillée des événements survenus à l’intérieur des camps entre les 15 et 19 septembre [1982], établie à partir de témoignages recueillis sur place.
(JPG)
Place des Martyrs - Beyrouth - Septembre 1982
TÉMOIGNAGES
La famille F. vivait auparavant à Tall el Zaatar. Après la destruction de ce camp en 1976 et la mort du père et de l’un des fils, la femme et les autres enfants sont venus s’installer à Chatila. Aujourd’hui Sobhia F. vit à Chatila avec ce qui reste de ses enfants : sa fille aînée Wasfia qui a 3 enfants, ses 3 autres filles, Khadija 22 ans, Sawsan 12 ans, Zeinab 11 ans, et le seul garçon qui n’ait pas été tué, Adel 1 ans. Sa belle-mère était présente pendant l’entretien. Trois générations de femmes témoignent.
Q. - Raconte-moi ce qui s’est passé.
R. - « Jeudi soir, nous étions assis à la maison lorsqu’il y a eu les fusées éclairantes au-dessus du camp. Un homme est entré brusquement et nous a dit : « Les Phalangistes sont en train de massacrer les gens". Nous ne l’avons pas cru et nous nous sommes couchés. Le lendemain, quelqu’un d’autre est arrivé en criant : « Les Phalangistes massacrent les habitants du camp !" Mon beau-frère Sobhi F., qui habite à côté de chez nous, s’habille à toute vitesse et sort voir ce qui se passe, Il trouve des dizaines de cadavres dans les ruelles voisines et plusieurs blessés, H. décide de les transporter à l’hôpital Akka qui n’est pas loin. En allant chercher ma voiture, il voit pour la première fois les hommes armés près de l’Ambassade du Koweït. Il revient en courant et nous dit : 4’Levez-vous, levez-vous, il ne faut pas rester ici, il faut partir". Au même moment, nous entendons les haut-parleurs appeler les gens à se regrouper à la Cité Sportive. Ils disaient ’. ’4Rendez-vous et vous serez saufs". A peine sortis de la maison, trois hommes armés nous surprennent et nous arrêtent en disant : "N’ayez pas peur, nous sommes des Phalangistes. Vous êtes Palestiniens ?" Nous leur avons dit que nous étions libanais et ils nous ont dit qu’ils ne "touchaient" pas aux libanais. Puis l’un d’eux, qui était adossé au mur et portait un pantalon kaki s’est approché et a demandé son identité à l’un d’entre nous. Il lui a répondu : "Par la vie de Cheikh Bachir, je suis palestinien".
Alors l’autre a dit : "Vous êtes donc tous Palestiniens. Suivez-moi". Après avoir rassemblé tous les hommes, c’est-à-dire mes deux fils Khaled et Amr, mon beau- frère Sobhi et nos deux voisins Abou Farid et Abou Chihab, ils nous ont ordonné de marcher. Nous étions cinq familles dans ce quartier, celui de Horch Tabet, face à l’hôpital Akka. Et nous avons marché, les hommes d’un côté, les femmes et les enfants de l’autre. Ils avaient ouvert un chemin à travers le camp en ouvrant de grandes brèches dans les murs et nous passions ainsi de maison en maison. Nous avons marché avec eux comme ça pendant assez longtemps. Soudain, ils ont dit aux hommes de s’arrêter et nous ont ordonné à nous de continuer. Nous nous sommes mises à crier et à pleurer. Ils ont dit : "Si vous continuez à crier, nous vous tuerons vous aussi". A peine les avions-nous dépassés de quelques mètres que nous avons entendu les coups de feu, et nous avons compris que nous étions perdus. Alors on a crié de plus belle. L’un d’eux disait : "Alors, qu’est-ce que vous croyez ? Que c’est le désordre ? Nous ne tuons pas les gens. Nous les interrogeons puis nous les jugeons." On les suppliait, on leur disait : "Pour l’amour d’Allah, pour l’amour du Prophète Mohammad, ne les tuez pas". Et eux disaient : "Vous avez tué Cheikh Bachir". On leur jurait que nous n’avions rien à faire avec cet assassinat. On leur disait même : "Que Dieu tue celui qui l’a tué... Nous sommes pacifiques, nous n’avons pas d’armes, nous nous rendons sans résistance... Pourquoi faites vous cela." L’un d’entre eux a dit : "Il n’y a pas d’Allah, il n’y a pas de Mohammad, c’est nous Allah et Mohammad, allez avancez, filles de..." et ils nous insultaient. Nous avons continué à marcher jusqu’à une maison où il y avait un grand trou. J’ai vu là-bas un char avec des Israéliens. Ils étaient à l’intérieur du camp, en face de l’ambassade du Koweït. Ils ont dit : "Emmenez-les à la Cité Sportive. Mais j’ai eu le temps de voir, et tous ceux qui étaient avec moi aussi, une fosse profonde et pleine de cadavres. Ils tuaient les gens et jetaient les cadavres dans la fosse. Cette fosse est près de l’ambassade du Koweït, le long de la route. Avant qu’ils ne nous permettent de repartir, ils nous ont alignées et l’un des hommes armés a dit à un autre en lui clignant de l’œil : "Choisis-en une, laquelle mérite d’être égorgée ?" L’autre a répondu : "Non, nous ne voulons pas les tuer maintenant". Et ils nous ont fait marcher jusqu’à la Cité Sportive. Là, 3 éléments armés dans une jeep nous ont sommés de rebrousser chemin. Alors nous nous sommes plaintes en leur disant qu’ils nous donnaient des ordres contradictoires. Nous avons dû faire ainsi la navette par deux fois entre l’Ambassade du Koweït et la Cité Sportive. A un moment donné, une mine ou une bombe à fragmentation a sauté sur notre chemin. Des blessés sont tombés et ils nous ont tiré dessus. Tout le monde courait dans tous les sens. Nous, on a couru vers l’Université Arabe. Nous avons rencontré sur la route une voiture et nous l’avons arrêtée. C’était des journalistes étrangers mais il y en avait un qui parlait l’arabe. Ils nous ont photographiés et nous ont demandé ce qui se passait. Nous leur avons dit qu’il y avait un massacre mais ils ne voulaient pas nous croire. Nous leur avons expliqué que nous étions les premiers survivants à sortir du camp. C’était vendredi matin. Il devait être 6 heures du matin. »
Q. - Comment savez-vous que vos enfants ont été tués ? Seulement par les coups de feu ?
R. - « Mon cousin a été le lendemain chercher les enfants et leur oncle. Il ne les a pas trouvés. Il était plutôt rassuré de ne pas trouver leurs cadavres. Mais comme il a entendu des sifflets, il a eu peur et il est parti en courant. Plus tard, je lui ai décrit l’endroit exact où on avait été séparés. Il y est allé le lendemain dimanche et il a retrouvé tous leurs cadavres. Ils étaient un peu plus loin de l’endroit où nous les avions quittés, près d’une maison rose. Ils les avaient alignés tous les six contre le mur. Six hommes... et ils les avaient abattus. Mon fils Amr, ils lui ont tiré une balle dans la figure et ils lui ont donné un coup de hache. Son oncle Soubhi a eu le même sort. Mon autre fils Khaled est resté appuyé au mur les bras ouverts comme s’il avait essayé de résister. Leur cousin ne les a pas reconnus tellement ils étaient défigurés. C’est par leurs vêtements qu’il les a identifiés. »
Q. - Combien d’enfants avait ton beau-frère ?
R. - « Six filles et trois garçons. L’aîné avait 17 ans. Lui en avait 43 et travaillait comme maçon. »
Q. - Et tes enfants ?
R. - « Khaled avait 19 ans et Amr 15. Ils étaient soudeurs tous les deux. »
Q. - Quel âge avait ton premier fils quand il est mort à Tall el Zaatar ?
R. - « Il avait 16 ans à l’époque. Il en aurait 22 aujourd’hui. Après Tall el Zaatar nous avons habité Damour quelque temps puis nous sommes venus ici, à Chatila. Nous y habitons depuis 4 ans maintenant. » Interrogé, Adel, le petit garçon de 7 ans, qui est présent à l’entretien, refuse de répondre. Collé à sa mère, il reste muet. Il était avec sa famille le jour où les miliciens sont venus les chercher. Il y a également la belle-mère de Sobhia, la grand- mère des enfants. Elle a 70 ans et c’est elle qui les a recueillis. Je m’adresse à elle : Q. - Quand êtes-vous venus à Chatila ?
R. - « En 1948, nous venions de Yaffa. Il y avait des mûriers ici. Nous nous sommes installés chez un cousin à moi. Puis le directeur du camp a refusé de nous accorder l’autorisation de rester à Chatila. Quelqu’un a dit alors à mon mari : "Ne restez pas ici, ils sont en train d’installer un nouveau camp à Tall el Zaatar". Il nous y a emmenés et nous l’a montré. Qu’est-ce que tu veux que je te dise ? Il n’y avait que des ronces et des serpents à Tall el Zaatar. J’ai pleuré en voyant l’état des lieux. J’ai dit à mon pauvre mari : "Tu me fais quitter ma maison pour m’installer ici, avec les serpents !" A Chatila, il y avait au moins des tentes, à Tall el Zaatar il n’y avait rien. Le directeur du camp s’appelait Abou Youssef. Nous nous sommes installés là bas avec nos enfants : Salim, le mari de Sobhia qui a été tué là bas, mon fils Sobhi, qui a été tué ici, mon fils Arafeh, mon fils Abed et mon fils Awad, le benjamin, qui avait trois mois à l’époque. J’avais aussi une fille, Mala­bée, que j’ai mariée depuis. J’avais donc cinq garçons el une fille en arrivant à Tall el Zaatar. Puis l’UNRWA a construit des maisons, que veux-tu que je te dise ? Des maisons, sauf ton respect, qui ressemblent plus à des écuries qu’à de véritables maisons. Mais comme on n’avait pas le choix, on était obligé d’y vivre. C’était comme dans un four en été, et en hiver, l’inondation. On s’y est installé. On nous a donné une seule pièce au début. Nous étions huit. Et nous avons passé trois ans comme ça, les huit dans une seule pièce. Puis ils ont commencé à agrandir les maisons, et on nous a donné deux pièces. Mon mari construisit une petite enceinte et nous avons vécu là-bas 25 ans, jusqu’au massacre de 1976. J’ai marié mes enfants dans ce deux-pièces. Sélim, Arafeh et Sobhi. Puis ils se sont installés avec leurs familles. Mes fils ont fait de bons choix, je m’entends bien avec leurs femmes. Mon mari est mort d’une mort naturelle. Il avait un café pour routiers à Mkallès, près du camp. Après sa mort, on a fermé le café. »
Q. - Qu’est-ce qu’il faisait en Palestine avant l’exode de 1948 ?
R. - « Il était pêcheur. Nous habitions Yaffa, quartier Ajami, dans la vieille ville. Il avait une barque et c’est d’ailleurs dans sa barque que nous avons fui Yaffa au moment de la guerre. Ils bombardaient la ville à partir du village d’Al-Bireh. Nous avons eu peur et nous avons quitté Yaffa juste avant l’entrée des sionistes. »
Q. - Sobhia, comment sont morts ton mari et ton fils aîné à Tall et Zaatar ?
R. - « Après les 54 jours de siège du camp par les phalangistes, la population s’est rendue. Ils nous disaient : "Rendez-vous et votre vie sera sauve". Comme ici. Mon mari et mon fils ont été tués devant la Croix Rouge Internationale qui se chargeait de notre évacuation. Mon fils Mohammad avait 16 ans. Il était blessé à la cuisse et je l’emportais au cinéma Studio Fawzi qui est à Dekouaneh, à quelques kilomètres du camp. En cours de route, ils ont pris son père et ils l’ont fusillé devant moi. Il est tombé face contre terre. J’ai lâché mon fils et j’ai couru vers lui, je l’ai trouvé mort. Je suis retournée pour porter mon fils blessé et je ne l’ai plus retrouvé. J’avais dix enfants avec moi. Mohammad, le blessé, était l’aîné. Je l’ai perdu là, au moment où ils abattaient son père. Je me suis mise à rassembler les autres. Il y en avait un à chaque coin de rue. Adel avait 7 mois à l’époque. Je l’ai posé sur le trottoir et j’ai couru après les autres. Sa sœur l’a ramassé et moi j’ai trouvé un jeune homme blessé. Je l’ai porté. Allah m’a aidé à le porter. Ils ont pris son père, ils l’ont fusillé et ils l’ont jeté dans la rivière. J’ai réussi à retrouver mes enfants et nous nous sommes installés à Damour avec les autres survivants de Tall et Zaatar. Mais nous n’y sommes restés qu’un an et nous sommes venus nous installer à Chatila. Mes fils qui viennent d’être assassinés étaient mon seul soutien. Maintenant je n’ai plus qu’un fils de 7 ans et 4 filles. L’aînée est mariée et doit s’occuper de ses trois enfants, la seconde est épileptique. Les deux autres ont 12 et 11 ans. »
Q. - Quand les Israéliens ont envahi Beyrouth, vous n’avez pas eu peur ?
R. - « Le jour où Bachir Gemayel a été tué, on a eu le sentiment que quelque chose de terrible allait se passer. On a été Hamra passer la nuit chez des parents Mes fils étaient encore vivants à ce moment-là, ils étaient avec nous. Le lendemain matin, l’armée israélienne a envahi la ville. Ils ont recherché les combattants mai ils n’ont rien dit aux civils. Alors on s’est dit qu’on pouvait rentrer chez nous. On est rentré à Chatila jeudi et vendredi matin les hommes armés sont venus non.« chercher, à 6 heures du matin. »
Khalil Ahmad est Libanais. Le jour du massacre, il passait la nuit chez sa mère, qui habite à Sabra. Il a été emmené, comme la plupart des hommes, à la Cité Sportive et libéré ultérieurement. Les stades de la Cité Sportive servaient de lieux d’interrogatoire et de détention.
Q. - : Où étais-tu quand les éléments armés ont envahi le camp ?
R. - : « J’étais chez ma mère, à Sabra, en face de l’hôpital Gazza. Moi, ma maison est près du cimetière des Martyrs, à Ghobeyreh ; quand les bombardements sont devenus plus violents, j’ai fait fuir ma femme et mon beau-père vers un quartier plus calme, et moi, je suis venu chez ma mère, à Sabra, et j’allais voir de temps en temps si ma maison était touchée ou pas. Quelques jours plus tôt, l’armée libanaise avait établi un poste pas loin de la maison. J’ai pris l’initiative d’aller, avec des voisins, leur demander protection. On leur a dit : " Pourquoi n’entrez-vous pas dans le camp pour empêcher les éléments armés étrangers d’y entrer ? " Ils nous ont dit qu’ils avaient reçu l’ordre de se retirer. Et effectivement le lendemain ils n’étaient plus là. C’était le mercredi 15 septembre. Le jeudi 16, je passais la nuit chez ma mère : Des rumeurs épouvantables circulaient, disant qu’on massacrait les gens dans le camp. Mais nous ne les avons pas crues. Le quartier était plein de gens qui venaient avec les mêmes nouvelles. »
Q. - : Qui étaient ces gens ?
R. - : « Des Palestiniens du camp de Chatila. Ils fuyaient leurs quartiers. On en a abrité autant que l’on pouvait dans le sous-sol de l’immeuble. La plupart sont repartis à l’aube. C’était des femmes, des enfants, des civils. Cette nuit-là, on a vu des centaines de fusées éclairantes au-dessus du camp. Nous nous sommes couchés quand même, ne sachant pas très bien ce qui se passait. Samedi matin, vers 6 h 30, mon neveu me dit : "Mon oncle, les Israéliens sont arrivés, ils sont là dehors !" Je me suis levé en toute hâte pour aller leur parler, leur expliquer qu’il n’y avait que des civils, que nous n’étions pas armés. Je voulais leur parler gentiment, poliment, pensant qu’après tout c’était une armée régulière, qui ne voulait donc pas de mal aux civils. A l’entrée de l’immeuble, un des soldats nous crie : "Sortez, sortez tous dehors, sortez de l’immeuble." J’ai alors dit à nos voisins : "Venez, venez, ce sont les Israéliens. Ils ne vont rien nous faire." En approchant d’eux, nous avons vu sur leurs uniformes le cèdre libanais et l’inscription en arabe : « Les Forces Libanaises". Dès lors, on n’a plus discuté. Ils nous ont dit d’avancer vers la place. Croyant qu’il s’agissait de la place de Sabra, on y est resté. Mais ils criaient : « Pas ici, l’autre place, plus bas." Ils étaient très grossiers, très violents. Ils nous insultaient en nous faisant avancer. Comme on protestait qu’on était Libanais, ils disaient : « Que faites-vous parmi les Palestiniens ?" On leur a expliqué que nous habitions le quartier, que c’était nos maisons. Ils nous ont dit : « C’est votre faute, vous n’aviez qu’à chasser les Palestiniens." On leur a répondu : « Et comment voulez- vous qu’on les chasse ? Ils habitent ici. Et où voulez-vous qu’on les chasse ?" Ils nous ont rassemblés sur la place avant de nous ordonner de nous mettre de nouveau en marche. Il y avait des vieux, des femmes, des enfants. Certains vieux ne pouvaient pas marcher, il a fallu les porter. Ceux qui ne marchaient pas assez vite recevaient des coups de crosses. Certaines femmes portaient deux gosses à la fois. Des Palestiniennes ont essayé de refiler leur bébé à des Libanais. Mais des soldats les ont aperçus et ont arraché le bébé.
En traversant le camp nous avons vu les cadavres éparpillés, des morts partout... Alors seulement on a compris que les rumeurs de la veille étaient vraies. On les a crues enfin, parce qu’on a vu de nos propres yeux les cadavres, les cadavres de vieux surtout, des hommes de plus de cinquante ans. On a vu des bulldozers au travail. Il y avait encore des membres humains qui pendaient accrochés aux dents du bulldozer, des jambes, des entrailles, et les bulldozers déblayaient des monceaux de cadavres. On a continué à marcher jusqu’à la sortie du camp. Là, les soldats ont dit : « Les femmes d’un côté et les hommes de l’autre." Alors on s’est mis à crier : « Que voulez-vous faire de nous ? Nous sommes Libanais !" Que voulez-vous faire de nous ?" Ils répondaient avec des injures : « Allez, fils de ..., vous en avez assez fait contre nous !" Je leur disais : « Mais nous sommes Libanais !" Ils répliquaient : « Alors comment se fait-il que vous habitiez parmi eux ? Tu es devenu Libanais, maintenant ? Fils de ..." Ils nous ont mis en rangs et ils nous ont fait marcher vers l’ambassade du Koweït. En cours de route, ils attrapaient l’un ou l’autre d’entre nous et le jetaient par terre. Ils l’obligeaient à mettre son visage dans le sable et les mains sur la tête. Puis un gros type très costaud courait et venait sauter sur le dos du type étendu. Le type hurlait de douleur. Puis ils recommençaient avec un autre. »
Q. - : Est-ce que quelqu’un désignait la personne qu’on sortait du rang ?
R. - : « Non, pas du tout, ils choisissaient dans le tas. Un jeune homme que je connaissais avait eu le malheur de dire qu’il ne connaissait pas de combattants parmi nous. Ils lui sont tombés dessus de plus belle : « Alors, fils de ... tu ne connais personne maintenant ?" Le malheureux avait une chaîne en or et un porte-clefs. Ils les lui ont arrachés. Devant moi, un vieux avait du mal à avancer. Un des soldats m’a donné un coup de poing en me disant : « Bouge !" Je n’ai pas réagi. Je ne l’ai même pas regardé, de peur qu’il ne me jette par terre et ne me piétine comme les autres. J’en ai vu une quarantaine comme ça. Ils leur sautaient sur le dos en répétant qu’ils leur briseraient la colonne vertébrale... Tout le long de la route il y avait des soldats des ’Forces Libanaises’ dans des jeeps. Ils nous injuriaient et nous criaient après comme à un troupeau de moutons ou de vaches. Nous, on était morts de peur, on avait peur qu’ils nous tirent dessus à la moindre protestation. Alors on n’ouvrait pas la bouche. Arrivés à l’ambassade du Koweït, ils nous ont livrés aux Israéliens. »
Q. - : Les soldats Israéliens voyaient ce qui se passait ?
R. - : « Bien sûr puisque l’armée israélienne occupait l’ambassade du Koweït qui surplombe le camp et d’où l’on voit parfaitement toute l’entrée du camp et en particulier la route qu’on nous a fait prendre pour y arriver. A partir de l’ambassade du Koweït ce sont les Israéliens qui nous ont pris en charge. Ils nous ont fait marcher en rang. On leur a demandé où ils nous emmenaient, ils ont dit : « Vous allez voir« et ils nous insultaient eux aussi. Sur la route qui mène à la Cité Sportive, une bombe a explosé. Une mine ou une bombe, je ne sais pas. Une dizaine d’entre nous sont tombés. Trois ne se sont pas relevés, les autres étaient blessés. Les soldats libanais nous ont crié de nous mettre à plat ventre. Les blessés qui saignaient couraient dans tous les sens. Les soldats tiraient et ils continuaient à courir. Nous, on était à plat ventre. Puis on nous a dit de nous lever et de continuer. On leur a dit : « Mais il y a de mines, on ne veut pas sauter sur les mines.« Et les soldats ont crié : « Alors, fils d ... vous savez qu’il y a des mines ici." "Non, on ne sait pas, mais on vient d’en voir une sauter." Des soldats israéliens qui étaient stationnés pas loin nous ont vus et ont voulu secourir les blessés. Les soldats des ’Forces Libanaises’ ont essayé de les empêcher et leur ont crié de partir. Mais ils ont quand même emmené les plus mal en point, les mourants. Les autres ont dû marcher avec nous. »
Q. - : Combien étiez-vous ?
R. - : « A peu près deux mille au départ. Mais arrivés au stade on n’était plus que mille trois cents à peu près. Les autres ont été ou bien tués ou bien emmenés je ne sais où dans des camions. Et puis il y a ceux qui ont sauté sur la mine. A la hauteur du Club d’équitation, avant la Cité Sportive, il y en a qui ont essayé de s’échapper derrière les dunes de sable. Alors les Israéliens leur ont crié dans un mégaphone "Ne fuyez pas maintenant, les hommes de Saad Haddad vont vous attraper et vous tuer. Restez ici, on va tamponner vos papiers." On avait soif, on avait faim, on était debout depuis des heures. Il était 10 h 30. Ils nous ont promis à boire et à manger une fois arrivés à la Cité Sportive et ils nous disaient qu’il valait mieux rester avec eux, sinon ils ne répondaient pas de nos vies à cause des éléments armés libanais. On a finalement accepté de les suivre. Et à l’intérieur du stade, ils nous on apporté de l’eau dans une citerne. Les soldats israéliens regardaient le résultat des bombardements, de leurs bombardements. Ils admiraient leur travail. Puis ils nous ont donné du pain sucré. Il n’y en avait pas assez. Un pain pour vingt personnes à peu près. Ils ont ensuite demandé aux vieux d’aller ramener les jeunes qui restaient au camp. Une centaine ont été ainsi ramenés. Ils venaient dans l’espoir qu’une fois leur carte tamponnée, on ne les arrêterait plus.
Ils se sont mis alors à prendre les hommes un à un à l’interrogatoire. Moi, l’officier qui m’a interrogé était barbu et portait des lunettes. Il m’a demandé mon nom, ma nationalité, ma profession. C’était un officier israélien, mais il parlait l’arabe avec l’accent palestinien. Comme j’étais Libanais, il m’a laissé tranquille. Les Palestiniens, eux, étaient davantage questionnés, et s’ils étaient jeunes et costauds, on les emmenait je ne sais pas où. Puis ils en ont ramené un qui s’est mis à dénoncer ceux qui étaient en rapport avec les fédayins ou qui avaient porté des armes. Ceux qu’il dénonçait, vingt-cinq ou trente à peu près, ont été emmenés et je ne sais pas ce qu’ils en ont fait. Vers 14 h 10, ils ont dit qu’ils allaient nous relâcher et qu’ils nous abandonneraient même si on était des « terroristes". Et ils nous ont relâchés sans tamponner nos papiers. Moi j’ai retrouvé ma femme qui m’attendait dehors en pleurant. On est rentré à la maison par Fakhani pour ne pas passer devant l’ambassade du Koweït. »
Q. - : Et les autres ?
R. - : « Ça dépend. Mon voisin l’épicier, qui était sorti du camp avec moi, m’a raconté qu’ils avaient été jetés par terre et battus, lui et son fils. Je lui ai demandé comment il s’en était sorti. Il m’a dit qu’on avait voulu les emmener dans un camion. Ils étaient en train de remplir deux camions, mais il n’y avait pas de place pur tout le monde. Alors, ceux qui restaient de trop, on leur a dit de rejoindre les autres à la Cité Sportive (*). Un autre m’a dit qu’ils l’avaient emmené dans une des pièces, sous les gradins du stade, et qu’ils l’avaient battu avec une cravache.
Q. - : Et ta femme ?
R. - : « Elle était venue avec une soixantaine de femmes nous chercher à la Cité Sportive. Elles ont attendu longtemps à l’entrée. Les soldats leur interdisaient l’accès du stade. Elles pleuraient parce qu’elles ne savaient pas si on était vivants ou pas, A un moment, un officier israélien est arrivé en jeep et leur a dit : "Celles j’entre vous qui nous amènent la reddition d’un combattant de votre quartier, nous libérons leur mari." Elles ont bien sûr dit qu’il n’y avait plus de combattants dans le camp. Alors l’officier leur a dit d’attendre.
Oum Ahmed Farhat est la mère de dix enfants. Quatre d’entre eux, âgés de 1, 2, 6 et 13 ans ont été tués, ainsi que son mari. Sa fille aînée de 18 ans est paralysée à vie. Elle-même a reçu deux balles dans le dos, mais elle a repris son travail à la maison dès le lendemain du massacre. Elle fait un grand effort pour parler et n’arrive pas à retenir ses larmes.
Q. - Qu’est-ce qui s’est passé, Oum Ahmed ?
R. - « On dormait dans la chambre, mon mari, huit de mes enfants et moi. Il y avait aussi notre voisin qui était venu dormir chez nous à cause des bombardements de la veille. Vers cinq heures du matin, un groupe d’hommes armés est arrivé et ils nous ont donné l’ordre de sortir. Nous sommes sortis en pyjamas, cha­cun portant l’enfant qu’il trouvait près de lui. J’ai des enfants en bas âge, de 1 et 2 ans. Une fois dehors, ils ont demandé à mon mari sa nationalité. Il a dit qu’il était Palestinien de 48 et qu’il était réparateur de téléphone. Il a dit aussi qu’il était infirme d’un bras. Le type a levé la mitraillette pour le frapper en l’insultant et en disant qu’il était un "terroriste". Puis il nous a donné l’ordre de nous mettre face au mur sans regarder ni à droite ni à gauche. Puis ils ont tiré sur nous plusieurs rafales. Moi je portais mon fils de deux ans. Je l’ai entendu crier "Yaba" ("Père !") juste avant que son crâne n’éclate. Moi j’ai reçu deux balles dans l’épaule. Les traces de son cerveau sont encore sur le mur. Et de sa petite sœur aussi, qui était sur l’épaule de sa grande sœur et qui a aussi reçu une balle dans la tête. »
Q. - Quel âge avaient les enfants ?
R. - « Leyla était la plus petite. Elle avait un an. Puis Sami deux ans, et puis Farid six ans, et puis Bassem 13 ans. Mon mari aussi a été tué, il avait 47 ans. Les autres étaient blessés, comme moi. J’ai perdu connaissance. Quand je me suis réveillée, les hommes armés étaient partis. Ma blessure saignait beaucoup. Ma fille aînée était gravement blessée et ne pouvait pas marcher. L’autre, Salwa, était blessée à l’épaule mais elle pouvait marcher. Tous les autres étaient morts. Alors on s’est mises debout, Salwa et moi, et on a réussi à grand peine à marcher en direction de l’hôpital. En chemin, le bon Dieu a fait que nous rencontrions une jeune fille. Elle nous a aidées à rejoindre l’hôpital, en prenant les petites ruelles pour éviter de tomber sur les hommes armés. A l’hôpital Gazza on nous a donné les premiers soins, puis il y a eu des rumeurs sur l’arrivée des hommes de Saad Haddad ou des Phalangistes au café qui n’est pas loin de l’hôpital. J’ai décidé alors de quitter l’hôpital coûte que coûte. Je me suis souvenue de ma nièce à Saïda qui s’était réfugiée dans un hôpital que les Israéliens ont détruit sur ses occupants. Alors j’ai pris la fuite avec ma fille. Je la portais sur mon dos et je saignais mais j’étais décidée à ne pas rester là à les attendre. Nous nous sommes réfugiées dans l’entrée d’un immeuble. Et pendant que j’attendais que l’hémorragie se calme, un jeune homme qui connaissait mon fils m’a reconnue et il nous a secourues. »
Q. - Et les autres ?
R. - « Souad, ma fille aînée, qui était gravement blessée, est restée par terre devant la maison jusqu’à ce que les secouristes viennent samedi matin et l’emmènent en civière. Elle est restée toute la journée de vendredi et toute une nuit à saigner par terre. Personne ne pouvait aller la secourir, parce qu’ils étaient encore en train de massacrer, Elle est toujours à l’hôpital. La plupart des balles ont atteint la colonne vertébrale et les médecins disent qu’elle va rester... paralysée... »
La voix d’Oum Ahmed se brise et ses larmes coulent lentement.
« Souad est très active, elle faisait tout à la maison. Je n’ose pas aller la voir, je n’ose pas la regarder en face et lui mentir. »
Q. - As-tu d’autres enfants ?
R. - « Oui, deux jeunes gens de 19 et 20 ans, et deux garçons plus jeunes de 8 et 12 ans. »
Q. - Où étaient-ils au moment du massacre ?
R. - « Les deux grands étaient à la maison jeudi après-midi et ils ont aperçu à partir de la terrasse des groupes d’hommes armés qui descendaient la colline surplombant le camp. Ils sont venus nous apprendre la nouvelle en courant. Leur père leur a dit alors d’aller dormir chez quelqu’un en ville, parce que les Israéliens accusent toujours les jeunes gens d’être des combattants. Quant à nous, nous pensions qu’étant des civils, des femmes et des enfants, les Israéliens ne s’attaqueraient pas à nous. Les deux petits, eux, étaient restés avec nous, mais ils ont réussi à se cacher dans les toilettes. Quand ils sont sortis, ils ont trouvé leur père et leurs frères morts. Puis les hommes armés les ont attrapés. »
Q. - (M’adressant au garçon de huit ans.) Où vous a-t-on emmenés ? R. - « Ils nous ont emmenés à l’Ambassade du Koweït puis à la Cité Sportive. Là, ils ont séparé les Libanais et les Palestiniens. Ils ont pris les jeunes gens et ils les ont tués. Ils ont tué des Libanais aussi. Et ils nous ont dit que si on ouvrait la bouche, ils nous tueraient un à un. »
Q. - Qui était-ce ? Des soldats libanais ou israéliens ?
R. - « Les deux ».
Q. - Et après ?
R. - « Après, ils nous ont laissé partir et j’ai été chez des parents, près du camp, où j’ai retrouvé ma mère. »
Oum Ahmed. - « Il se réveille encore toutes les nuits et il demande son père. »
Q. - Comment allez-vous faire pour vivre ?
R. - « Nous avions des économies. Sept mille livres (à peu près 10 000 FF). On les avait cachées parmi les langes du bébé jeudi soir en pensant que s’il fallait fuir, on les emporterait. »
Q. - Vous n’aviez rien entendu la veille ?
R. - « Oui, des gémissements la nuit. Les enfants regardaient la télévision chez les voisins. Je leur ai dit de rentrer à la maison. Il y avait beaucoup de fusées éclairantes dans le ciel. On avait peur d’aller voir ce qui se passait. On a eu tort de faire confiance à l’armée israélienne. Ils ont réussi à cacher les atrocités qu’ils ont commises dans les camps du Sud, à Rachidieh, à Aïn-el-Heloué et à Borj Chémali. Là-bas aussi ils ont massacré les gens. Nous on ne le savait pas encore. Depuis, nos parents sont venus de là-bas, et ils nous ont raconté. J’ai de la famille à Borj Ché­mali. Ils ont enterré les gens vivants dans les abris, ils ont employé des gaz mortels aussi. Mais tout ça ils ont réussi à le cacher à l’opinion mondiale. »
Ibrahim Moussa a 30 ans. Il vivait à Chatila avec sa jeune femme et ses trois enfants. Sa famille a péri dans le massacre et lui-même n’est encore vivant que par miracle. Il a reçu une dizaine de balles dans le corps, dont certaines n’ont toujours pas pu être retirées. L’entretien a eu lieu à l’hôpital où il est actuellement soigné.
Q. - De quoi te souviens-tu exactement ?
R. - « Je me suis réveillé mercredi matin au bruit des avions qui déchiraient le ciel. J’ai pensé qu’ils se dirigeaient vers la Békaa. J’ai été à mon travail qui n’est pas loin du camp. Là, les nouvelles commençaient à affluer : "Les Israéliens sont au rond-point Cola" - "Ils sont arrivés à l’Université Arabe". Je suis alors immédiatement rentré à la maison. J’y suis resté toute la journée avec ma femme et mes enfants. Le soir, les Israéliens avaient assiégé le camp. Jeudi matin, l’aviation a de nouveau survolé la ville à basse altitude, terrorisant la population. J’ai décidé de ne pas aller au travail. Il y avait des tirs sporadiques sur le camp à partir des positions israéliennes. A quatre heures de l’après-midi, le bombardement a commencé. J’ai pris ma femme et mes enfants et je les ai emmenés à l’abri qui est à quelques mètres de la maison. Tu sais, à Chatila les maisons ne sont pas solides alors je me suis dit qu’on serait plus en sécurité dans l’abri qu’à la maison. Plusieurs familles du quartier avaient eu la même idée. On a mis les femmes et les enfants en bas, les hommes et les vieux sont restés en haut. Il y avait un mouvement de "marée" dans l’abri, un va-et-vient continu. Les gens venaient et, voyant le surnombre, repartaient vers un autre abri. Il y avait à peu près 150 personnes dans cet abri de 3 mètres sur 4. En majorité des femmes et des enfants.
Vers 5 heures de l’après-midi, un obus est tombé tout près et notre voisine, qui était enceinte, a été touchée. Ils l’ont transportée à l’hôpital Gazza. Nous avons alors commencé à entendre parler de l’avance israélienne. Nous nous disions que nous nous rendrions et que nous serions des prisonniers civils. Il y avait les rumeurs sur un massacre dans le camp. Nous on écoutait la radio et on n’y disait rien. Vers 7 heures et quart, on a entendu des cris, mais on est resté prudemment dans l’abri. Mes enfants dormaient. Vers 7 heures et demie le propriétaire de ma maison appelle les hommes et leur dit de sortir de l’abri. Sur le seuil, je vois un homme en uniforme israélien et un autre qui m’interpelle : "Qui es-tu ?" je réponds : "Je suis plombier". Il me dit : "Je te demande quelle est la nationalité ?" Je lui réponds : "Je suis palestinien." Alors l’un d’eux me dit : "Sors, sors dehors". J’ai obéi et j’ai trouvé dans la rue des dizaines de jeunes et de vieux couchés à plat ventre et les mains sur la tête. A peu près une cinquantaine. II m’ordonne d’en faire autant. Je me couche par terre, la face contre le sol. Puis j’entends une dispute entre les femmes et les hommes armés, suivie de rafales en l’air et de menaces de mort. Puis j’entends un des hommes armés dire : « Prends les femmes au siège de la Croix Rouge". Je savais qu’il n’y avait pas de Croix Rouge dans le camp mais j’avais espoir qu’ils les épargneraient, je voulais croire qu’ils les épargneraient.
Une fois les femmes et les enfants partis, ils nous ont ordonné de nous mettre debout et ils ont vidé nos poches. Moi ils m’ont pris mon portefeuille et ma carte d’identité qu’ils ont ensuite jetés par terre. Puis ils nous ont alignés contre le mur et se sont mis à tirer. A ce moment, à 25 mètres de là, des hommes armés de notre camp ont surgi et il y a eu un accrochage. Profitant de la minute de panique, j’ai regardé autour de moi et j’ai vu que j’étais le dernier de la file alignée au mur et que les autres étaient par terre, morts ou blessés. Pendant un instant j’ai été pris de panique, je ne savais s’il fallait fuir ou rester. J’ai senti une grande chaleur qui montait de ma jambe et de mon bras. A ce moment une grenade a explosé et je me suis jeté par terre. Je pensais que j’étais mort ou plutôt en train de mourir. J’ai regardé tout autour, il n’y avait plus d’hommes armés. Par contre, il y avait beaucoup de blessés et de morts. J’entendais des gémissements. Un garçon de 13 ans, le dos au mur, saignait de la poitrine. Il étouffait à cause du sang qui lui montait à la gorge. Il toussait. Un autre blessé m’appela. Il me dit : "Aide-moi... Ils sont partis ?" J’ai fait un grand effort pour déplacer ma jambe blessée qui le coinçait et il est parti en me laissant là avec les autres. Un autre blessé qui me connaissait m’appelle par mon nom et me demande de l’aider. Je lui réponds que je suis blessé et que je n’arrive pas à me mettre debout. Je lui demande où est sa blessure et il me dit : "Au dos". Alors je lui dis : "Parlons au moins ensemble et on verra, ou bien je meurs avant toi ou bien toi avant moi." On a parlé un peu. Il a essayé de se redresser et de s’adosser au mur. Il a crié de douleur puis il a vomi beaucoup de sang et son corps s’est affaissé. Il devait être mort.
Moi je me retenais pour ne pas crier. La nuit commençait à tomber et j’étais entouré de cadavres. Près du mur où ils nous ont abattus il y avait une porte ouverte. Je me suis traîné et je suis entré dans la maison. J’ai trouvé un matelas sur lequel je me suis couché et j’ai couvert mon corps de couvertures. J’étais persuadé que j’allais mourir et je ne voulais pas que les rats dévorent mon cadavre. Je me rappelle qu’il y avait beaucoup de fusées éclairantes mais je ne voyais pas bien d’où elles venaient. J’essayais de ne pas trop bouger pour ne pas saigner davantage. J’ai entendu des voix dehors. Ils disaient qu’il y avait plein de morts à terre puis une femme a dit : "Partons avant qu’ils ne nous tuent". J’ai crié à l’aide mais personne ne m’a répondu. J’ai vu une cruche dans un coin de la pièce. J’ai rampé jusqu’à la cruche et j’ai bu. C’était presque un suicide car je savais que les blessés graves ne doivent pas boire. Mais je me suis dit "on verra bien si je survis". Je suis resté là toute la nuit. J’ai enlevé ma chemise et j’en ai fait un garrot au-dessus de ma blessure pour arrêter le sang, et je trempais un tissu et je le posais sur mon front et sur mes lèvres. A l’aube, j’étais exténué. J’avais perdu beaucoup de sang. Soudain, j’entends des pas très proches. Je pense alors que les miliciens ont occupé tout le camp et qu’ils achèvent les blessés. J’ai peur qu’on ne me torture, qu’on ne s’amuse avec mon corps. Je rampe jusqu’au coin le plus sombre et je me couvre avec tout ce que je trouve. Puis quelqu’un dit : "Entrons dans cette maison voir s’il y a quelqu’un, je vois du sang par terre". Je me suis mis à trembler, j’étais persuadé qu’ils allaient m’achever. Les pas se sont rapprochés et j’ai senti une main soulever les couvertures. J’ai ouvert les yeux et j’ai vu un visage familier. Un vieux que je connaissais de vue. J’ai respiré et je l’ai supplié de m’aider en lui expliquant que je ne pouvais pas bouger. Il m’a dit de patienter et de l’attendre parce que les hommes armés étaient encore dans les parages. Il est revenu un peu plus tard avec trois autres. Ils m’ont demandé s’il y avait d’autres blessés. J’ai répondu que je ne savais pas. Ils m’ont mis dans une couverture et m’ont transporté par les ruelles du camp. 11 y avait des francs-tireurs et on faisait très attention. Et j’ai été transporté de mains en mains jusqu’à l’hôpital Gazza. Là, j’ai raconté ce qui s’était passé. Après m’avoir donné les premiers soins, on m’a dit qu’on allait m’envoyer en ville parce que les hommes armés pouvaient attaquer l’hôpital. »
Q. - Et ta femme et tes enfants ?
R. - « Ma mère est venue me voir à l’hôpital. Je lui ai demandé des nouvelles de ma femme et de mes enfants. Je lui ai dit que je les avais entendus parler de Croix Rouge. Elle m’a répondu qu’il n’y avait pas de Croix Rouge dans le camp et qu’elle ne savait pas où ils étaient. Quand ma belle-mère est venue, elle m’a dit "Ta femme et tes enfants vont bien. Ils sont à la montagne et ils se reposent", le ne l’ai pas crue et je lui ai dit que s’ils étaient vivants ils seraient venus me voir à l’hôpital et que si sa fille ne venait pas d’ici 48 heures, je saurais qu’elle avait menti. Le lendemain j’ai vu sur une des photos du journal ma mère et ma belle mère en train de chercher parmi les cadavres . Quand elle est revenue me voir, |e l’ai insultée en lui disant qu’elle mentait, que j’avais vu sa photo dans le journal. Elle éclata en sanglots et m’avoua qu’il n’y avait pas de traces de ma femme et de mes enfants. Ma mère me demanda quels vêtements ils portaient le jour du massacre. Ma femme portait un jean et ma fille une robe rouge. Elle me dit alors qu’on a retrouvé un corps de femme difficile à identifier à cause des coups mais dont les vêtements pouvaient correspondre à ceux de ma femme. On a pourtant retrouvé les corps de plusieurs de nos voisins qui étaient avec ma femme et mes enfant« , mais pas les corps des miens. Il y a beaucoup de corps qu’on n’a pas encore trouvés. Ils doivent être dans les fosses communes qu’on n’a pas encore ouvertes. »
Q. - Quel âge avaient tes enfants ?
R. - « Rana l’aînée avait 5 ans, Moustapha 4 ans et le bébé Marwan 10 mois. Ma femme avait 23 ans. Les deux grands allaient à l’école et j’ai avec moi leurs carnets de notes. Ils étaient très appliqués et moi je les aidais à la maison le soir, je taquinais Moustapha en lui disant qu’il ne savait pas lire sans les illustrations. Alors il redoublait d’efforts pour m’impressionner. Marwan le dernier était très tendre, tous les matins il me réveillait en me caressant les cheveux. J’ai du mal à croire que je ne les reverrai pas. J’étais heureux avec ma femme. »
Q. - Que vas-tu faire maintenant ?
R. - « Je ne sais pas. J’ai toujours vécu à Chatila, j’ai grandi ici, je me suis marié à Chatila et j’ai tout perdu à Chatila. »
Q. - Quelles sont tes blessures ?
R. - « J’ai reçu 5 balles dans la main. Ce sont des balles explosives qui ont mis l’os à nu. J’ai une blessure à la taille et une autre au poumon. D’ailleurs la balle y est encore, ils ne peuvent pas la retirer. J’ai eu une autre balle dans le pied et encore une dans la cuisse. Une dizaine de balles dans le côté droit du corps de l’épaule jusqu’au talon. Ce qui m’a sauvé c’est que j’étais le dernier dans la file, et les rafales n’ont atteint que la moitié droite de mon corps. »
Q. - Tu es resté à Chatila pendant la guerre ?
R. - « Je m’étais réfugié ailleurs et je suis revenu il n’y a pas longtemps, pensant que tout était rentré dans l’ordre. Je ne pensais pas que les Israéliens entreraient à Beyrouth-Ouest et qu’ils y amèneraient ces hommes au cœur si plein de haine qu’ils massacrent les enfants. Nous n’imaginions pas que les Israéliens rentreraient dans le camp. Il y avait des garanties américaines, arabes, libanaises. L’armée libanaise avait le contrôle de la ville. Nous ne pensions pas qu’ils entreraient. »
Q. - Qui sont les auteurs du massacre, à ton avis ?
R. - « Tout ce que je sais c’est que c’est l’armée israélienne qui les a amenés, qu’ils avaient l’accent libanais et qu’ils portaient des uniformes militaires. » Mounir a 13 ans. Seul survivant de sa famille, il raconte : « Jeudi après-midi, il y avait beaucoup de bombardements, on est descendu dans l’abri. J’étais avec ma famille, et il y avait aussi mon oncle maternel et ses dix enfants, et notre voisin et ses enfants. Il y avait beaucoup de monde, surtout des femmes et des enfants. Les hommes armés sont arrivés et nous ont forcés à sortir. Ils ont aligné les hommes contre le mur et ils les ont abattus puis ils nous ont emmenés, nous, les femmes et les enfants, à Doulchi. Là, il y a eu un accrochage. L’un d’eux est devenu fou, il criait : "Ils ont tué mon frère, mon frère est touché !" Et il s’est mis à tirer sur nous. Ma mère, mon frère et mes sœurs ont été touchés. Moi, j’ai été touché à la jambe et une balle a effleuré ma tête sans me blesser. »
Q. - Combien y avait-il de personnes de ta famille ?
R. - « Il y avait mon père, ma mère et mes trois sœurs, l’aînée de mes sœurs avait 6 ans, mon oncle, sa femme et ses dix enfants. »
Q. - Que leur est-il arrivé ?
R. - « Mon père a été fusillé. Ma mère a été blessée près de moi et de mes sœurs. Puis les hommes armés ont dit : "Les blessés, levez-vous, on va vous emmener à l’hôpital." Moi, j’étais blessé, ma mère aussi. Je lui ai dit à voix basse de ne pas les croire, de rester couchée. Mais quand elle a vu les autres se lever, elle s’est levée elle aussi. Ils les ont mis contre un mur et ils les ont fusillés. »
Q. - Et tes sœurs ?
R. - « L’une d’elles portait des boucles d’oreilles. Ils lui ont dit : « est ce que c’est de l’or ou du cuivre ? » Elle leur a répondu que c’était du cuivre. Alors ils se sont fâchés et ils lui ont dit : "Fille de p... c’est du cuivre, ça ?" Puis ils lui ont ordonné de fermer les yeux, ils lui ont arraché les boucles d’oreilles et ils l’ont abattue sur-le-champ. Mes cousins, ils les ont abattus aussi avec d’autres enfants qui étaient avec nous. Je les ai entendus dire : "Ceux-là, quand ils grandiront, deviendront des combattants, il faut les tuer." Et ils les ont tués. »
Q. - Et toi ?
R. - « Moi ? J’ai fait semblant d’être mort. Puis ils sont partis et je me suis endormi. Puis ils sont revenus et l’un d’eux avait une torche électrique. Il a vu que je continuais de respirer alors il m’a de nouveau tiré dessus. Il a visé ma tête. J’avais la main sur la joue, alors la balle m’a coupé un doigt mais ne m’a pas touché la tête. Toute la nuit je suis resté là, dans la flaque de sang. Le lendemain matin, ils sont revenus et l’un d’eux a dit : "Regardez celui-là, il est encore vivant, il tremble." Alors ils ont tiré sur moi. Une balle a touché le sol et l’autre a touché mon bras. J’ai fait semblant d’être mort. Il y en avait un qui voulait tirer sur mol une troisième fois mais son ami lui a dit : "Ça y est, il est mort." Quand ils sont partis, j’ai été me réfugier dans une maison vide. J’ai enlevé mes habits qui étaient pleins de sang et j’en ai mis d’autres que j’ai trouvés là-bas. Eux, ils ont été à côté voler des voitures. Je suis resté dans la maison en attendant que la douleur se calme et que le sang s’arrête de couler. Ils ont fait soudain irruption dans la maison où je me cachais et ils m’ont dit : "Tu es encore là ? On va te tuer." Ils ont pris leurs fusils mais l’un d’eux a dit : "Laissez-moi lui poser une question. Tu en libanais ou palestinien ?" J’ai répondu que j’étais libanais. Alors il m’a dit d’aller m’asseoir dans la chambre. Dès qu’ils sont partis j’ai pris la fuite par les petites ruelles. Je connais les ruelles et je savais qu’elles menaient près de la maison de mon oncle. Là, j’ai rencontré un garçon qui me connaissait. Il m’a porté jusqu’au cinéma Al-Chark et de là une voiture m’a emmené à l’hôpital Gazza. »
Q. - Tu as remarqué ou entendu quelque chose pendant que tu te cachais ?
R. - « Oui, je les ai entendu dire : "Quelle mauvaise odeur, c’est l’odeur des cadavres..." Et j’ai entendu des bruits de tanks ou de bulldozers, je ne sais pas Du côté de l’Ambassade du Koweït. »
Mounir est très faible. Il a perdu beaucoup de sang et souffre de ses blessures. Su voix est difficilement perceptible et je préfère ne pas le fatiguer davantage.
Oum Hussein, un bébé chétif de deux mois dans les bras, est installée avec ses enfants dans une salle de classe d’une école secondaire de Beyrouth Ouest. Des centaines de familles de Chatila et Sabra vivent ainsi dans des écoles aménagées d’urgence en centres de secours. Oum Hussein a perdu son mari et deux de ses fils dans le massacre. Sa maison a été détruite au bulldozer.
Q. - : Tu es Palestinienne ?
R. - : « Je suis Palestinienne de 48. J’habitais Chatila depuis cinq ans. Avant, j’habitais près de la Cité Sportive. »
Q. - : Quand as-tu quitté Chatila ?
R. - : « Jeudi, les avions israéliens survolaient Beyrouth en faisant un bruit terrible. Ils ont encerclé le camp et leurs chars ont commencé à nous bombarder. Vers 6 heures, les bombardements se sont intensifiés. On a été se réfugier dans l’abri avec nos voisins. Plus tard, une trentaine d’hommes armés sont arrivés et se sont mis à tuer les gens. On a couru se cacher. Au moment de fermer la porte, ils ont fait irruption en disant : "Pourquoi vous nous fermez la porte au nez ? Où pensez-vous pouvoir vous cacher ?" Puis ils nous ont alignés contre le mur en séparant les hommes des femmes et des enfants. Et ils ont abattu les hommes devant nous. Il y avait mon mari Hamid Moustapha qui n’avait que quarante-sept ans. Mon fils Hussein de quinze ans et mon fils Hassan de quatorze ans. Il y avait aussi le fils et le frère de notre voisine, et d’autres aussi. En tout sept hommes qu’ils ont abattus et mis les uns sur les autres devant la maison. Puis ils ont vidé leurs poches, volé leurs montres et tout ce qu’ils portaient. Puis ils ont creusé une fosse et les ont enterrés. »
Q. - : Avec quoi ont-ils creusé la fosse ?
R. - : « Avec des bulldozers. Les Israéliens leur ont donné des bulldozers. Ils leur ont illuminé le camp toute la nuit et leur ont apporté à manger aussi. »
Q. - : Et vous, les femmes et les enfants, qu’ont-ils fait de vous ?
R. - : « Ils nous ont emmenés près de la Cité Sportive. Ils nous ont obligés à passer la nuit là-bas, sur le sable, sans couvertures. Il y avait des phalangistes et des Israéliens. Ils nous interrogeaient de temps en temps : « Que fait ton mari ? Où est ton mari ?" Je leur répondais qu’on venait de le tuer à la maison avec les autres. « Et tes enfants ?" Mes enfants aussi ont été tués. Il ne reste que mes trois filles et les quatre petits. Le plus jeune, le voilà, il a deux mois, vous ne voulez pas le tuer lui aussi ? »
Q. - : Vous n’aviez pas d’armes dans le camp pour vous défendre ?
R. - : « Les armes, on les a sorties du camp, et les combattants ont été évacués. On nous a laissés désarmés et sans défense. Il y avait soi-disant des garanties que personne ne nous attaquerait. Mais ils ont menti. »
Q. - : Qui ça, ils ?
R. - : « Les Américains, les Européens, les Arabes. »
Q. - : Pourquoi n’êtes-vous pas partis ailleurs, pourquoi n’avez-vous pas fui quand l’armée israélienne est arrivée ?
R. - : « Quand on a annoncé la mort de Bachir Gemayel, certains ont préféré fuir le camp. Ils avaient peur que quelque chose n’arrive. Nous, on venait à peine de se réinstaller dans le camp. Une semaine plus tôt. On avait passé les trois mois du siège de Beyrouth dans cette même école. D’ailleurs, mon bébé est né ici, dans cette classe, où il n’y a ni eau, ni cuisine, ni salle de bains. On était tellement heureux d’être de nouveau chez nous, à Chatila, après l’arrêt des bombardements. On n’était pas disposés à errer de nouveau dans les rues de Beyrouth pour y chercher refuge. Alors on est restés, croyant que du moment qu’on était sans armes et qu’il n’y avait plus de combattants, l’armée israélienne ne nous ferait pas de mal. Et puis on a pas du tout pensé qu’on nous ferait payer pour l’assassinat de Bachir Gemayel. Après tout, ce ne sont pas les Palestiniens qui l’ont tué. C’est une affaire entre eux. Ils se sont disputés et ils l’ont tué. En quoi sommes-nous responsables ? On a rendu nos armes, on a fait confiance aux autorités libanaises, Abou Ammar a signé un accord avec le gouvernement pour que personne ne touche aux camps après le départ des combat tants. On a fait confiance. Résultat ? On est trahi. Ils tuent même les femmes et les enfants. J’ai vu de mes propres yeux un bébé de moins d’un an dans les bras de sa mère. Elle était morte et il pleurait sans arrêt. Alors ils lui ont tiré dessus mais il n’est pas mort. Alors un des hommes armés s’est énervé, il l’a arraché à sa mère morte en disant qu’il le prenait à l’hôpital. Plus loin, il l’a étranglé et l’a jeté sur le sable, je l’ai vu par terre en passant. J’ai vu aussi sur le chemin une femme qui avait les mains ligotées et qui avait peut-être été violée. Ses vêtements étaient déchirés et elle avait dû être traînée longtemps avec la corde avant d’être tuée par un coup de hache. C’était un spectacle insoutenable. »
Q. - : Comment es-tu sortie finalement ?
R. - : « Après une nuit passée près de la Cité Sportive, ils nous ont donné l’ordre de marcher sur la route. Ils savaient qu’elle était minée et ils voulaient qu’en marchant nous les fassions sauter. Mais nous, on faisait attention à ne pas marcher sur les fils. Puis ils nous ont laissés partir. On a d’abord essayé de se cacher dans un immeuble à Falkani, mais les habitants libanais ont eu peur et nous ont suppliés d’aller ailleurs. Alors on est partis, et sur la route on a arrêté une voiture qui noua "emmenés au jardin public de Sanayeh d’où la Croix-Rouge Internationale nous a pris pour nous ramener ici, dans cette école, où nous nous étions déjà réfugiés pendant le bombardement de Beyrouth en juillet.
Et voilà ma vie, d’exode en exode. Mais aujourd’hui je suis ici, sans mon mari et sans mes fils. J’ai huit enfants. Que vais-je faire d’eux. Je n’ai personne pour m’aider. Ma maison a été détruite. Où vais-je aller ? C’est ça que veut l’Amérique ? C’est ça que veut Israël ? Et les pays arabes sont d’accord ? Ils ont éloigné nos combattants, ils ont tué nos hommes, que veulent-ils encore de nous ? »
Q. - : D’où es-tu originaire ? As-tu de la famille au Liban ?
R. - : « Je suis de Ablin, dans la région de Haïfa. J’ai quitté mon village en 48. J’ai un frère au Liban, mais il est porté disparu depuis le début de la guerre, lui et sa famille, et je suis sans nouvelles d’eux. Ils habitaient Jiyeh. »
Q. - : Ton bébé est très pâle...
R. - : « Comment veux-tu qu’il ne le soit pas. Il est né ici pendant le siège Beyrouth et depuis il n’a pas eu de vie normale. Quant à moi, avec toutes ces émotions, je n’ai pas assez de lait et je n’ai pas les moyens de le prendre chez le médecin. » En partant, je lui souhaite une meilleure santé pour son enfant ; elle me répond : « Et pourquoi veux-tu qu’il vive ? Pour qu’on vienne me le tuer quand il aura vingt ans ? ».
A SABRA ET CHATILA
DU MERCREDI 15 AU SAMEDI 19 SEPTEMBRE 1982
Mercredi 15 septembre
5 h : Les phantoms israéliens franchissent le mur du son au-dessus de Beyrouth et préludent à grand fracas à la violation des accords Habib qui garantissaient que l’armée israélienne ne rentrerait pas à Beyrouth Ouest. 7 h : L’armée israélienne avance sur quatre axes :
-  De l’aéroport vers le rond-point Chatila.
-  De l’ambassade du Koweït vers Fakhani.
-  Du port vers l’hôtel Normandie
-  Du musée vers la corniche Mazraa.
Le prétexte invoqué par les Israéliens : protéger la population de Beyrouth Ouest contre d’éventuelles représailles des milices chrétiennes à l’assassinat de Bachir Gemayel.
18 h : Les chars israéliens prennent position aux principaux carrefours. Ils encerclent les camps de Sabra et Chatila au sud, à l’ouest et à l’est. Le quatrième côté est celui du quartier Fakhani. L’armée israélienne installe son Q.G. dans un immeuble de huit étages à cinquante mètres du camp.
Jeudi 16 septembre
5 h : Les avions israéliens survolent de nouveau Beyrouth Ouest, terrorisant la population.
7 h : Les chars israéliens avancent dans Ras Beyrouth, Hamra et Mazraa. Des combattants du Mouvement National opposent, dans certains points, une résistance farouche à leur progression. Dans les camps de Sabra et de Chatila, encerclés depuis la veille, les premiers obus commencent à tomber. Ils sont tirés par les tanks qui tiennent les hauteurs environnantes. Au Q.G. israélien, du haut de l’immeuble de huit étages, voisin de l’ambassade du Koweït, on observe le camp qui s’étale en contrebas.
La population des camps se terre chez elle. Un conseil se tient réunissant les personnes âgées et respectées par l’ensemble des habitants du camp. Ce conseil des « sages » décide d’envoyer une délégation aux responsables militaires israéliens chargée de leur expliquer qu’il n’y avait plus de combattants dans les camps, que les soldats Israéliens pouvaient rentrer vérifier eux-mêmes et qu’il ne restait que des civils, en majorité des vieux, des femmes et des enfants. La délégation désignée, comprenant quatre hommes d’un âge respectable, se dirige vers l’ambassade du Koweït. On ne les reverra plus jamais. On retrouvera leurs corps quelques jours plus tard près de l’ambassade. Il s’agit de : Abou Ahmad Saïd, 65 ans, Abou Soueid, 62 ans.
15 h : Les bombardements sur les camps s’intensifient. Les habitants préfèrent se réfugier dans les abris. Plus de trois cents personnes se retrouvent parfois dans un seul abri. D’autres se réfugient à l’hôpital Akka.
17 h : Les bombardements redoublent. A l’hôpital Akka, quelqu’un avance l’idée d’envoyer une délégation de femmes et d’enfants. Ils ne sont pas au courant de l’initiative précédente, et encore moins du sort de l’autre délégation. C’est Saïd, l’employé égyptien de la station d’essence, qui conduit celle-là. Avec lui, une cinquantaine de femmes et d’enfants portant des drapeaux blancs se dirigent vers le Q.G. israélien. Eux non plus ne reviendront pas.
17h 30 : Des camions et des jeeps remplis d’hommes armés en uniformes militaires passent devant les baraquements de la caserne Henri-Chéhab occupée par l’armée libanaise. Ils se dirigent vers les camps et sont tout de suite remarqués par des réfugiés Palestiniens habitant Bir Hassan. Ces derniers, terrorisés, vont demander des explications au poste israélien. On leur répond qu’il n’y a rien à craindre et qu’ils doivent rentrer chez eux. Peu rassurés, ils préfèrent aller dor­mir dans un immeuble désaffecté non loin de là.
17 h : Les premiers éléments armés s’infiltrent dans le quartier Arsal au sud de la Cité Sportive. Armés de haches et de couteaux, ils rentrent dans les maisons et massacrent ceux qui s’y trouvent. Il n’y a pas de coups de feu. Les habitants n’osent pas sortir des maisons ou des abris à cause des tirs sporadiques et des bombardements. Les éléments armés avancent lentement, laissant un sillage de mort sur leur passage. Ils traversent la rue principale du camp et pénètrent dans Horch Tabet. Ils obligent les gens à sortir des abris, séparent les hommes des femmes et des enfants. Alignées contre les murs les victimes sont abattues à bout portant.
20 h : La nuit est tombée, le ciel est blanc de lumière, des centaines de fusées éclairantes illuminent le camp (trois par minute affirmera plus tard un Israélien). On entend vaguement des rafales de coups de feu, mais personne n’ose sortir, les francs-tireurs tirent sur tout ce qui bouge. Seuls les blessés se traînent jusqu’à l’hôpital Akka, en face de Horch Tabet.
Les blessés arrivent dans le courant de la nuit. Ils racontent qu’il y a un massacre dans le camp. La plupart sont atteints par des balles tirées à bout portant. Pendant ce temps, à l’hôpital Gazza, les blessés affluent par dizaines. Ils racontent que des éléments armés libanais assassinent les civils, hommes, femmes et enfants. Le docteur Swee Chai Khoo Any, chirurgien de nationalité britannique, dit qu’une trentaine de blessés graves sont morts avant d’avoir pu être secourus. Plus d’une centaine furent soignés, ou même opérés sur place. D’autres envoyés à l’hôpital Makassed. Toute la nuit, sans relâche, l’équipe médicale de l’hôpital de Gazza soigne les blessés qui arrivent par vague successive. D’autre part, l’hôpital s’emplit de réfugiés qui fuient les massacres. Il y en a bientôt plus de deux milles entassés dans les corridors, dans le sous-sol, dans l’entrée.
Vendredi 17 septembre
5 h : A l’aube, quelques-unes des femmes qui faisaient partie de la délégation de la veille, reviennent à l’hôpital Akka, les cheveux défaits, les habits en lambeaux ; elles ont été violées, le plus grand nombre a été tué devant l’ambassade du Koweït par des hommes armés libanais. En quelques instants, l’hôpital se vide, ceux qui s’y étaient réfugiés prennent la fuite. Restent les médecins, les infirmiers et quelques blessés.
8 h 30 : Trois personnes sont abattues devant l’hôpital Akka. L’une d’entre elles se traîne jusqu’à l’hôpital et les infirmiers, sous une pluie de balles, vont récupérer les corps dans la rue.
11 h : Une assistante sociale norvégienne, Anru Sunde, est interpelée par deux miliciens qui se disent phalangistes. Ils lui intiment l’ordre de faire sortir tous les étrangers qui travaillent à l’hôpital Akka. Toute l’équipe médicale étrangère : deux Français, une Philippine, une Norvégienne, un Égyptien, une Finlandaise, une Srilankaise, est rassemblée manu militari et reçoit l’ordre de marcher jusqu’à l’entrée de Chatila. Un pédiatre palestinien, docteur Sami Khatib, fait ainsi partie du groupe. Deux infirmières, l’une Norvégienne et l’autre Australienne restent à l’hôpital pour s’occuper des blessés et de cinq nourrissons paraplégiques. A l’entrée du camp de Chatila, le chargé d’affaires norvégien les attend, il emmène dans sa voiture les ressortissants norvégiens et va jusqu’à l’hôpital prendre les nourrissons malades. Les autres membres du personnel sont libérés, le docteur Sami Khatib, quant à lui, est ramené à l’hôpital pour y être abattu, ainsi que le docteur Ali Osman, autre médecin palestinien qui était resté sur place. Autres victimes : une infirmière palestinienne de vingt ans, Intissar Ismaïl, violée et tuée, le cuisinier égyptien, tué avec plusieurs autres employés.
Après le départ des médecins, les miliciens entrent dans l’hôpital et interrogent les blessés. Un jeune blessé de quinze ans, Moufid Assad est emmené â l’extérieur, on lui tire une balle dans le cou et on lui assène un coup de hache. Les blessés libanais sont épargnés.
Pendant ce temps, le massacre à l’intérieur du camp continue. Des familles entières sont exterminées, sans distinction. Plusieurs familles libanaises sont du nombre. La famille Mokdad, famille libanaise du Nord, perd trente-neuf de ses membres, en majorité des femmes et des enfants. Entre autres des femmes enceintes : Zeinab Mokdad, enceinte de huit mois, llham Mokdad (neuf mois), Wafa Mokdad (sept mois), trois jeunes femmes de moins de trente ans ont été retrouvées mutilées, le ventre ouvert et le fœtus arraché jeté près d’elles. Zeinab avait six enfants, Wafa quatre, la fille de Ilham, âgée de sept ans, a été violée avant d’être assassinée.
Les occupants de certains abris contenant de cent à deux cents personnes sont sauvagement exécutés et détroussés du contenu de leurs poches, et de leurs montres, bracelets, colliers et boucles d’oreilles.
Des bulldozers sont déjà à l’œuvre. Ils ramassent les corps pour les jeter dans les fosses communes préparées à cet effet. Ou bien ils démolissent les constructions sur les corps pour les ensevelir sous les décombres.
12 h  : L’administrateur du Croissant Rouge Palestinien réussit à joindre le centre de la Croix-Rouge Internationale à Hamra et demande une protection pour l’hôpital Gazza et les civils qui s’y étaient réfugiés ainsi qu’une relève pour l’équipe médicale exténuée par un travail ininterrompu de plus de vingt-quatre heures. Ni le C.I.C.R. ni l’hôpital Makassed également contacté n’accèdent à sa demande, par crainte des obus que les Israéliens continuent à tirer sur cette route. Le Croissant Rouge revient seul à l’hôpital et décide d’évacuer les réfugiés et le personnel palestinien. N’y restent que les blessés et le personnel étranger, soit une vingtaine de médecins et infirmiers.
14 h : Averti par l’équipe médicale étrangère de l’hôpital Akka, le C.I.C.R. se rend sur les lieux et trouve les cadavres des membres du personnel et des blessés abattus. Ils évacuent les blessés restants vers d’autres hôpitaux de Beyrouth.
17 h : Les ambulances du C.I.C.R. pénètrent dans Chatila et amènent de l’aide à l’équipe de l’hôpital Gazza (deux médecins et deux infirmiers) ainsi que des vivres et des couvertures. Elles ramènent avec elles les blessés graves. Des femmes essayent de leur con­fier leurs bébés. En vain, seuls les blessés sont évacués.
20 h : La nuit tombe. Les fusées éclairantes illuminent de nouveau le ciel. Beyrouth Ouest est entièrement sous contrôle israélien. Les voitures civiles des Services de Renseignement Israéliens sillonnent la ville et des dizaines d’arrestations sont opérées. Les communications entre la banlieue Sud où se situent les camps et le reste de la ville sont presque inexistantes. Les barrages israéliens dissuadent les quelques téméraires qui s’aventurent de ce côté. Les nouvelles des massacres commencent à parvenir mais il est impossible de les vérifier.
Samedi 18 septembre
6 h 30 : Les miliciens font irruption dans l’hôpital Gazza et somment l’équipe médicale étrangère de sortir. Tous les médecins et infirmiers (deux Suédois, un Finlandais, un Danois, quatre Allemands, trois Hollandais, quatre Anglais, deux Américains, une Irlandaise et une Française) sont emmenés jusqu’à la sortie de Chatila. Un technicien de laboratoire palestinien essaie de partir avec eux. Il est arrêté et emmené derrière un mur. Un coup de feu est entendu quelques instants plus tard. On retrouvera son corps à cet endroit le lendemain. Le Dr. Pier Michlumshagen, orthopédiste norvégien, affirme : « nous avons vu des bulldozers démolir des maisons et ensevelir les cadavres sous les décombres ».
Dr. Paul Morris, chirurgien britannique, dit qu’il était impossible de ne pas voir ce qui se passait dans le camp à partir du Q.G. Israélien.
Tout le groupe est amené au Centre des Forces assaillantes situé dans les locaux de l’immeuble des Nations Unies voisin de l’ambassade du Koweït. Ils y subissent un interrogatoire avant d’être livrés aux Israéliens. Ces derniers se comportent avec correction et assurent ne pas être au courant de ce qui se passe. Les médecins en profitent pour exiger de retourner à l’hôpital y retrouver leurs malades. On leur donne un laissez-passer écrit en hébreu. Comme ils s’étonnaient, l’officier israélien leur garantit la validité de ce laissez-passer pour les milices libanaises. Un médecin et un infirmier reprennent le chemin de l’hôpital. Les autres sont déposés en jeeps à l’ambassade des États-Unis.
7 h : Les miliciens entreprennent de vider les camps de tous ceux qui y restaient encore. La veille, un groupe d’hommes s’était désespérément défendu à l’entrée de Sabra près du cinéma Al-Shark et avait stoppé l’avance des assaillants à la hauteur du marché. Les haut-parleurs invitent les familles à sortir de chez elles et à se rassembler dans la rue principale. Pensant avoir affaire à l’armée israélienne, la plupart des civils de ce dernier quartier sortent avec des drapeaux blancs. Deux à trois mille personnes arrivent ainsi dans la rue principale qui traverse le camp. Ils réalisent alors qu’ils ont affaire à des miliciens libanais arborant les insignes des Phalanges ou ceux de Saad Haddad. Ils aperçoivent aussi les innombrables cadavres qui jonchent les rues. Mais il est trop tard pour faire marche arrière. Parmi eux, beaucoup de familles libanaises qui protestent. On les fait taire brutalement. Puis on les fait tous avancer en rangs vers l’entrée Sud du camp de Chatila. Ils découvrent les charniers tout le long de la rue principale et dans les ruelles perpendiculaires. A mi-chemin, on sépare les hommes des femmes et des enfants. Les femmes se mettent à hurler. Quelques rafales les font taire. La marche continue, et de temps en temps, quelques hommes sont placés devant un mur et abattus. Les bulldozers sont à l’œuvre. D’un coup sec, les piliers de chaque habitation cèdent et le tout s’effondre, camouflant un entassement de cadavres. A proximité de l’ambassade du Koweït, près du Q.G. israélien, il n’y a plus de maisons, mais deux grandes fosses communes de part et d’autre de la rue.
A partir de là, l’ordre est d’avancer en direction de la Cité Sportive. Pas pour tous, des hommes, choisis dans le tas, sont entassés dans deux camions stationnés devant l’ambassade du Koweït. Il n’y a pas assez de place pour tous. Le surplus est sommé de se coucher face contre terre et de ne pas regarder la direction prise par les camions. Puis ils doivent rejoindre les autres à la Cité Sportive, non sans subir, en cours de route, coups et vexations de toutes sortes.
Des mines (ou des bombes à fragmentation) explosent en chemin, blessant ou tuant certains, et donnant à d’autres l’occasion de fuir. A partir du rond point qui se trouve après l’ambassade du Koweït, ce sont les soldats israéliens qui prennent en charge les prisonniers. Ils les emmènent à la Cité Sportive où est entrepris le « triage » entre Libanais et Palestiniens. Les jeunes Palestiniens sont emmenés dans des niches situées sous les gradins. On ne sait pas ce qui est advenu de la plupart d’entre eux. Des secouristes ont retrouvé, quelques jours après, des corps méconnaissables, pieds et poings liés, dans un état de décomposition avancé. Quelques identifications sont possibles grâce aux habits. Les médecins de l’hôpital Gazza reconnaissent le corps d’un enfant qui était à l’hôpital jusqu’au vendredi 17 septembre entre 10 et 11 heures. Le Stade était alors sous le contrôle exclusif de l’armée israélienne. Quant à ceux qui ont été emmenés par les camions, leur sort est toujours inconnu.
Journée du samedi
Les journalistes et les photographes affluent. Horrifiés, ils filment des images de massacre collectif, des monticules de cadavres gonflés et qui sifflent en grillant sous un soleil de plomb. Les traces de mutilations, les cordes liant les membres, les vêtements déchirés, les scalps, les éborgnements témoignent des sévices et des tortures qui ont accompagné le massacre. Même des chevaux ont été abattus. Une odeur insupportable submerge tout le monde. Des femmes hagardes errent parmi les cadavres, à la recherche d’un fils, d’un mari, d’un enfant. Certains corps sont là depuis trois jours. Il faut les enterrer au plus vite. On n’a pas le temps ni pour les décompter ni pour les identifier. Les équipes de secouristes du C.I.C.R., de la Croix-Rouge Libanaise, de la Défense Civile, des Scouts Musulmans, de l’armée libanaise, se mettent au travail. On creuse une énorme fosse. On lit à la hâte la « Fatiha », la première sourate du Coran, courte prière sur des amas de chair non identifiables, des cadavres mutilés qui resteront à jamais sans noms. Combien y en avait-il ? On ne le saura jamais. Il n’y a eu aucune coordination entre les différentes équipes de secours. L’horreur et la peur ont fait s’effectuer le travail le plus hâtivement possible. Le spectacle était insoutenable.
D’autre part, il y a tous ceux qu’on n’a pas déterrés, ceux qui ont été ensevelis sous les maisons détruites et déblayés avec les décombres par les bulldozers qui ratissaient le camp, ceux qui avaient déjà été jetés dans les fosses communes (trois au moins) creusées par les auteurs du massacre. Déjà, vendredi après- midi, un journaliste norvégien s’était trouvé nez à nez avec un bulldozer qui portait dans sa benne une charge de cadavres emmêlés. Les fosses où ces corps ont été entassés n’ont pas été ouvertes. Elles risquent même d’être définitivement enfouies sous les nouveaux immeubles qui sont actuellement en construction au sud du camp. Il y a enfin tous ceux qui ont été emmenés en camions et dont on a trouvé en partie les corps entre Beyrouth et Damour, à Ouzaï, Khaldé, Naameh, Haret el Naameh, Jiyeh et Damour... lieux où les secouristes n’ont pas osé s’aventurer à cause de la présence de l’armée israélienne.
Les habitants des camps de Sabra et de Chatila sont certains que le chiffre réel des victimes s’élève à cinq mille personnes, sept mille avec les disparus.
Voudra-t-on seulement les croire ?
Revue d’études Palestiniennes n°6 Hiver 1983
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