Par le Dr Ahmed ROUADJIA
Assurément , l’Occident et Israël s’inquiètent et paniquent sur ce  qui s’est passé en Tunisie et sur ce qui se déroule en ce moment en  Egypte. La fuite éperdue de leur « ami » et protégé Zine El Abidine Ben Ali qui les a surprit comme un tonnerre dans un ciel serin,  et les fortes pressions exercées  à présent par des milliers de  manifestants qui se relayent jour et nuit en Egypte  pour exiger le  départ immédiat de Hosni Moubarak du pouvoir, les inquiète encore  davantage et fausse toutes les prévisions et les espoirs qu’ils  pouvaient faire  ou avoir pour garder main-basse sur les pays arabes du  Moyen-Orient, via le régime égyptien considéré comme un allié  stratégique et garant essentiel de la sécurité d’Israël, et par ricochet,  comme un solide rempart contre les mouvements de résistance arabe ( Hamas , Hezbollah…).
 
L’Occident peut-il sauver in extremis le régime de Moubarak ?
 
Ces inquiétudes pointent nettement à travers toutes les déclarations  ayant été faites par les grands dirigeants occidentaux et sionistes.  Depuis le 26 janvier 2011, date du soulèvement en masse du peuple  égyptien contre son Pharaon, sommé de déguerpir sans trop tarder du  pouvoir qu’il occupait depuis trente ans, les puissances occidentales,  au premier chef desquelles, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la  France, se concertaient en conciliabules pour sauver le régime de  Hosni  Moubarak en lequel ils tenaient comme à la prunelle de leurs yeux, tant  il s’est toujours empressé, durant trente ans de pouvoir personnel et  quasi absolu sur l’Egypte, de satisfaire à toutes les demandes et  concessions que ces puissances lui demandaient. 
Les déclarations d’Obama, de sa Ministre des Affaires Etrangères, Mme Clinton, ainsi que celles du porte-parole de la Maison Blanche  le 31 janvier, sont là pour attester de la volonté des Etats-Unis de  tendre des perches au régime pourtant discrédité et disqualifié par le  peuple d’Egypte et de sa jeunesse qui se sont dressés comme un seul  homme pour exiger dans leur langue vernaculaire la chute de Moubarak au cri : « al-chaâb yourid issqât moubarek ! » ( Le peuple veut la chute  de Moubarek ! », « Nourid dihâb du raïs ! »  ( Nous voulons le départ  du raïs ! ), «  Misr djamila bi-doun Moubarak » ( L’Egypte est belle  sans Moubarak ». Tous ces slogans inscrits sur les banderoles déployées  par d’immenses foules sur la place de Maidane At-Tahrir au Caire  n’ont pas été, malgré le message fort et déterminé, qu’ils comportent,  bien enregistrés par les dirigeants occidentaux et le régime égyptien  qui espèrent par des atermoiements, des promesses d’ouverture,  de  nomination d’un –vice président en la personne d’Omar Suleiman,  d’élections transparents et de révision de la Constitution, gagner du  temps avec l’espoir de reconduire, sous une forme édulcorée, le régime  exécrable de Hosni Moubarak. 
 
L’Occident qui a été pris au dépourvu par la chute précipitée de Zine El Abidine peut-il aujourd’hui sauver in extremis  Hosni Moubarak et son régime qui sentent déjà le sol remuer sur leurs  pieds ? Rien n’est moins sûr. Ils savent déjà que le peuple d’Egypte a  signé son « arrêt de mort », et les mots d’ordre chantés en chœur dans les grandes artères du Caire sont décisifs, tranchants et sans retour en arrière : le « Pharaon doit quitter le pouvoir ! » La foule  scandant son nom en le stigmatisant parle de lui non pas au présent,  mais au passé, comme s’il était détrôné depuis belle lurette. Et son  régime que les Occidentaux voudraient reconstituer sous une forme  acceptable pour eux et pour le peuple égyptien ? Là encore, ce dernier  n’est pas dupe et ne veut pas en entendre parler, comme il ne veut pas  entendre parler du maintien de ses figures familières dans un éventuel  gouvernement de coalition nationale. Il sait qu’on ne peut pas faire du «  neuf » à partir des éléments anciens, usés de corruption , entachés  d’un lourd passé fait de trahison, de pactes secrets et de  compromissions honteux avec l’entité sioniste. Le premier février 2001  sera un test, et une leçon mémorable qui restera à jamais gravée dans la  mémoire de ceux qui caressent encore et jusqu’au dernier instant  l’espoir d’une rémission. Le million de  manifestants, voire plus, prévu ce jour là en Egypte scellera le destin  de ce régime et tournera sans nulle doute une nouvelle page dans  l’histoire de l’Egypte moderne.
 
La fausse neutralité des États-Unis
 
Penser que Moubarak et son régime maintiendront le cap,  qu’ils résisteront à la poussée irrésistible de la lame de fond qui la  traverse de part en part, c’est compter sans la détermination du peuple  d’Egypte, décidé plus que jamais d’en finir avec ce régime exécrable,  qui déshonore la nation égyptienne et lui colle l’image peu glorieuse  d’une nation « peureuse », lâche et soumise au diktat sioniste et à l’Occident intéressé et impérialiste. Les Etats-Unis ont beau dire, par la voix de la Maison Blanche,  qu’ils sont « neutres », qu’ils ne prennent parti ni pour un camp ( le  régime) ni pour un autre (le peuple), mais qu’ils se contentent  seulement de suivre de près les évènements sans aucune ingérence dans les affaires  intérieures de l’Egypte, ils ne se penchent pas moins, pourtant, du  côté du régime de Moubarak dont ils s’efforcent de sauver les meubles en  incitant à une « ouverture » politique contrôlée par le régime que la  rue conteste pourtant avec force. En saluant comme une sage solution la  nomination par Moubarak d’un vice-président, et en demandant à celui-ci  d’être un peu plus réceptif  à la colère des foules qui submergent le Caire,  Alexandrie et d’autres grandes métropoles du pays, les Etats-Unis ont  déjà pris leur parti : celui du régime contre le peuple et sa jeunesse  insurgés. Ils ont beau dire et répété qu’ils ne prennent le parti  d’aucun des deux camps en présence, les Etats-Unis travaillent en vérité  secrètement, la mort dans l’âme, pour sauver le régime Moubarak de la  dérive dangereuse dans laquelle il s’est pris comme dans une nasse où il  ne pourra plus désormais trouver d’issue  heureuse. Le peuple d’Egypte et sa jeunesse ont dit  nettement leur  refus catégorique de voir se maintenir ce régime dont ils savent qu’il  n’a jamais été au service de la nation, mais au service de l’oligarchie  politique et militaire locale protégée par les Etats-Unis et Israël qui  joue dans cette région  au gendarme assermenté de l’Occident dominateur  et expansionniste à souhait.
L’Occident et la démocratie à géométrie variable
 
L’Occident a une vision curieuse, paradoxale, de la démocratie. Si  celle-ci est pratiquée chez lui et se trouve relativement  bien  observée, grâce à un apprentissage culturel et politique encadré par des  règles fixées dans les Constitutions, il ne veut pas  cependant que les  bienfaits qui résultent de cette démocratie se répandent de manière  univoque sur tous les pays et les continents. Pour lui, cette démocratie  est une denrée si précieuse qu’elle n’est pas à la portée de n’importe  culture ou air géographique. Ce serait la galvauder que de la confier en  dépôt à des peuples qui ne sauraient pas en  faire un « bon usage ». On  considère de ce fait que des peuples, comme les Arabes, les Noirs  Africains et certains aborigènes de la savane   africaine ou australienne, ne sont pas aptes à pratiquer la démocratie  tant leur niveau culturel, leurs représentations du monde, leurs  héritages ancestral et leurs traditions demeurent au stade « primitif »  que commandent le patriarcat, l’autoritarisme du chef  et de tous le  représentants  de la gens ou de la tribu élargie. Or, un pays comme  l’Egypte, la Tunisie, l’Algérie, etc.,  sont considérées comme des  nations inaptes à pratiquer la démocratie, et seul le mode de  gouvernance autoritaire de type patriarcal leur convient. 
 
L’’Egypte, tout comme la Tunisie, et tous les pays arabes gouvernés  par des régimes autoritaires ou dictatoriaux sont à la fois méprisés in petto  par l’Occident et adulés de manière intéressée. Dans le premier cas, on  les méprise précisément en raison de leur comportement brutal envers  leurs peuples tout en ménageant leur susceptibilité ; dans le second  cas, on se réjouit secrètement  de la manière dont  ils gouvernent avec  dureté leurs populations, jugées elles aussi ignorantes et immatures  pour pratiquer la démocratie. Comment explique-t-on ce double langage,  cette ambigüité ? Par le fait que l’Occident dominateur et  monopolisateur des richesses des nations faibles s’accommode toujours et sans  mauvaise conscience aucune avec les dictatures qui veillent à ses  intérêts ou qui se font les agents conscients et intéressés de ses  visées politiques et stratégiques dans telle ou telle « aire  géographique » considérée comme névralgique ( pétrole, voie de  navigation maritime…). Or, l’Egypte est un pays situé dans une zone  névralgique ( le canal de Suez) par lequel transitent les navires  chargés de pétrole, d’armes et de marchandises. Politiquement, elle joue  un rôle fondamental dans la région et son régime politique a toujours  fonctionné, surtout depuis les Accords du Camp David en 1978, comme un  agent efficace au service de la politique occidentale en général, et de  celle des Etats-Unis en particulier.  
 
Comme allié stratégique de ces derniers, le régime politique égyptien  s’est engagé par divers accords de protéger la sécurité d’Israël aux  frontières, de traquer les « suspects », d’empêcher les infiltrations  des résistants palestiniens et libanais à Gaza et en Israël, et de  fournir à cette entité artificielle tous les renseignements susceptibles  de démanteler et de détruire dans l’œuf les groupes de résistance en  Israël et dans toute la Palestine occupée. Ce  régime fonctionne aussi comme contrepoids à l’influence grandissante et  au prestige dont bénéficie l’Iran auprès de la résistance  libano-palestinienne, mais aussi auprès de larges masses égyptienne,  jordaniennes et libanaises.
 
Les craintes de l’Occident de voir émerger des sociétés civiles autonomes et des régimes démocratiques dans le monde arabe
 
On comprend dans ces conditions qu’un régime véritablement  démocratique, dont les hommes ont le sens du patriotisme et de  l’honneur, même minimal, n’acceptera pas un tel abaissement. Les  Etats-Unis et Israël le savent,  et c’est pourquoi ils redoutent de voir  s’installer en Egypte, ou ailleurs, un régime  véritablement démocratique qui mettrait en cause leurs intérêts. Lorsque  les Etats-Unis et Israël disent redouter l’arrivée des Frères Musulmans  au pouvoir en Egypte, ils passent en fait sous silence leurs craintes  et leurs répugnances secrètes de voir émerger une société civile et un  régime démocratique en phase l’un avec l’autre aussi bien en Egypte que  dans n’importe quel pays arabe. S’il devaient choisir entre un régime  islamiste de type iranien, un régime démocratique de type européen et un  régime néo-laïc de type égyptien, il est clair qu’ils rejetteraient les  deux premiers au profit de ce dernier. Le modèle néo-laïc égyptien et  le modèle wahhabite et néo-fondamentaliste en vigueur en Arabie Saoudite  ont la préférence de l’Occident dans la mesure où les régimes qui les  incarnent se caractérisent par des comportements politiques autoritaires  et conservatrices et en même temps par une dépendance psychologique des  élites gouvernantes envers l’Occident sans le soutien duquel, politique  et militaire, elles ne sauraient perdurer à la tête du pouvoir.
 
La contrepartie du soutien financier américain aux régimes arabes « amis »
 
 Le soutien financier qu’accordent les Etats-Unis à l’Egypte,  soutient évalué à près de deux milliards de dollars annuellement, est la  rançon de la triple aliénation politique, économique et mentale du  régime Moubarak vis-à-vis des Etats-Unis. La  relative stabilité politique de l’Arabie Saoudite ne tient pas seulement  à la manne pétrolière, et aux énormes revenus tirés du pèlerinage à la Mecque,  mais tient également aux appuis politique et militaire que l’Occident,  en particulier les USA, apportent à la monarchie wahhabite considérée  comme un rempart contre les idées séditieuses, qu’elles soient d’origine  patriotiques ( nationalistes et progressistes), soit d’inspiration  islamiste ( extrémiste de type Frère Musulmans, chiites iraniens…), ou  d’inspiration socialiste ( modèle soviétique). 
 
D’ailleurs, l’Arabie Saoudite avait joué un rôle décisif durant la guerre froide dans la lutte  contre les idées communistes, et avait, de concert avec les Etats-Unis,  aider à la mobilisation d’une masse importante de jeunes arabes et  musulmans pour aller combattre les troupes d’occupation soviétiques en Afghanistan  dans les années quatre-vingt. Ce qu’on appellera plus tard sous  diverses dénominations « extrémistes musulmans », « Afghans », « GIA »,  et enfin al-Qaïda, sont en vérité des créations, à l’origine, directes  ou indirectes de l’Arabie Saoudite et des Etats-Unis. Embrigadés et  enrégimentés, des jeunes désœuvrés  venus de bon nombre de pays arabes, y  compris d’Algérie, furent encouragés pour aller combattre, aux cotés  des Talibans les troupes soviétiques qui, une fois boutées dehors, ces  jeunes « moudjahidines » se retrouvèrent soudain en situation de «  chômage », et sans autres perspectives que  d’attendre le moment propice pour combler le vide laissé par le départ  des « impies » soviétiques. Avec l’apparition de Ben Laden qui fut  lui-même une créature des Etats-Unis et de l’Arabie Saoudite avant de  tourner casaque , ces jeunes Afghans découvrirent subitement que la  monarchie wahhabite et bon nombre de pays arabes n’avaient rien à  envier, en matière d’impiété, à la Russie  soviétique, et qu’il leur fallait dorénavant retourner leurs armes  contre ces régimes qui auraient tous tourné le dos à l’islam vrai,  authentique, tel qu’il fut expérimenté à Médine du temps des Premiers Califes orthodoxes.
 
La promotion discriminatoire et raciste de la démocratie et des droits de l’homme
 
Les démocraties occidentales ne favorisent la diffusion  et la  transplantation de la culture démocratique que dans les nations dont ils  sont sûrs qu’elles garantissent sur la durée leurs intérêts culturel,  politique et économique. Parmi celles-ci, figurent les nations ayant en  commun avec l’Occident la culture, la proximité géographique et la «  civilisation chrétienne » par opposition et contraste, notamment avec la  civilisation de l’Islam regardée comme une culture à la fois  concurrente et différente  par ses traits supposés archaïques, «  fanatiques » et « intolérants ». De là s’explique le fait que ce que  l’Occident accepte et admet comme souhaitable et  légitime pour les nations de culture chrétienne, il le refuse aux  nations exogènes : musulmane, africaine et asiatique, au motif que ces  civilisations sont imperméables aux idées du progrès et de la  démocratie. Pétries de culture archaïque ou patriarcale, vouées au  culture de la soumission qu’elles doivent aux souvenirs des Ancêtres,  ces nations seraient étrangères à l’idée de la délibération et à tous  les modes d’expression contradictoires. Irréfléchies et irrationnelles,  elles ne pourraient être gouvernées et contenues que par la force qui  seule pourrait endiguer leurs instincts agressifs de « sauvages ». Ce  qu’elles méritent donc ce sont des régimes autocratiques, et en  l’occurrence des régimes autoritaires comme ceux des pays arabes pouvant  garantir à la fois le maintien de l’ordre,  de « la sécurité »  et de  la « stabilité » internes, ainsi que les intérêts des puissances  occidentales. En échange de ce maintien de l’ordre conservateur interne  par les régimes en place, l’Occident leur fourni l’appui politique,  militaire, financier et logistique pour se prémunir contre des révoltes  éventuelles de leurs peuples.
 
Alors que l’Occident avait encouragé et contribué, par médias  interposés, à l’écroulement des régimes communistes dans l’Europe  centrale et orientale ( La Pologne, La Hongrie, la Tchécoslovaquie…)  ainsi qu’ à l’émergence des sociétés civiles, il s’est interdit en revanche  de faire pareillement dans les pays arabes où les régimes n’ont rien à  envier aux pays satellites de l’ex-Union soviétique. Il est vrai que le  travail d’informations et de diffusion des idées « démocratiques » en  direction de l’ex-bloc soviétique n’a jamais été dénué d’arrière-pensées  et de calculs politiques de la part de l’Occident. En se faisant le  chantre de la démocratie et le défenseur des droits de l’homme bafoués  par les régimes autoritaires de l’Europe soviétisée, l’Occident avait  surtout en vue de faire s’écrouler l’empire soviétique et de lui  soustraire les zones d’influence qu’il avait occupées après la seconde  guerre mondiale. Cependant, l’Occident ne voyait pas, malgré tout, d’un mauvais œil  l’émergence de sociétés démocratiques dans les pays qui étaient alors  en effervescence contre l’emprise du communisme, à condition toutefois  que ces sociétés et ces régimes qui allaient naître de ces  bouleversements et connaitre une aube nouvelle sortent définitivement de  l’orbite soviétique pour basculer définitivement dans  son escarcelle.  Une fois ce but atteint, l’Occident n’aura rien à craindre de la  démocratisation de ces sociétés d’autant plus qu’elles sont de culture  et de valeurs chrétiennes, et pourraient non seulement cohabiter en paix  avec leurs analogues situées à l’Ouest de l’Europe, mais travailler  également de concert  au développement et à l’ « universalité » de la  civilisation chrétienne censée être à la pointe du mouvement du progrès des idées et des techniques de l’humanité.
 
En effet,  pendant près de quarante ans, les médias occidentaux ont  mené des campagnes d’informations en direction des pays de l’Est. En  particulier les radios occidentales avaient joué un rôle fondamental de  contre-information à l’occasion des évènements majeurs survenus dans le  bloc soviétique depuis les années 50. En dépit du brouillage de leurs  émissions, elles avaient constitué l’un des rares vecteurs culturels en  proposant une certaine ouverture à des sociétés que les régimes  communistes entendaient protéger  de « toute contamination occidentale. 
 
Lorsqu’il s’agit des sociétés arabes, comme c’est la cas aujourd’hui  en Tunisie et en Egypte, où les peuples lèvent l’étendard de la révolte  contre des régimes répressifs et violeurs des libertés  fondamentales de leurs peuples, les médias occidentaux qui se targuent  d’indépendance et d’ « objectivité » n’hésitent pourtant pas à donner  une couverture médiatique des évènements d’Egypte fort spécieuse en  mettant tout d’abord en avant la menace que  représenterait pour ce pays les Frères Musulmans ou  « l’intégrisme  musulman », qui pourrait s’engouffrer dans la brèche ainsi ouverte par  des millions de manifestants pour s’emparer du pouvoir. Ce faisant, ils  insinuent à leurs lecteurs et auditeurs que le régime contesté est bien  moins dangereux pour l’Occident qu’un régime islamiste de type iranien.  Reflétant les points de vue de leurs gouvernements, ces médias tendent à  occulter  les aspirations de millions d’égyptiens, toutes obédiences  confondues, à la démocratie, au droit, à la justice sociale et à la  liberté de pensée et d’expression. Tout en faisant mine de promouvoir  partout la démocratie là où règnent des régimes d’arbitraire, comme  l’est la quasi-totalité des pays arabes, l’Occident travaille en fait  secrètement à  perpétuer ces régimes et à empêcher que s’instaure une  véritable démocratie. On peut dire qu’en parole l’Occident est pour  l’ouverture « démocratique «  de ces régimes, manière de donner le change  et d’induire les imaginaires en erreur, mais qu’en pratique il répugne à  ce que cette ouverture véritable prenne corps. Ce qui était souhaitable  et légitime pour l’Europe centrale et d’autres pays éloignés d’Israël,  ne l’est pas pour les Arabes en général, et l’Egypte en particulier,  dont le régime s’avère être l’ allié et le garant essentiel de la «   sécurité d’Israël » et en même temps source de malheur  et d’insécurité  pour le peuple d’Egypte et de Palestine. Telles  sont les vérités les plus triviales de cette discrimination, de cette  politique de deux poids deux mesures,  et de ce racisme aussi bien  manifeste que latent, qu’applique l’Occident de manière différentielle  et selon ses propres intérêts…
Israël à la rescousse du régime Moubarak
 
 L’exemple de l’Egypte insurgée en est la preuve tangible. La lecture  de cette dépêche, choisie au hasard de l’actualité, illustre encore  mieux les collusions évidentes entre ces régimes et l’impérialisme  occidental : « Alors que des milliers de personnes continuent de  manifester sur la Place A-Tahrir au Caire et de  scander des slogans appelant à la démission du président Moubarak, des  avions de combat tournent dans les cieux cairotes. Des forces blindées  ainsi que des camions avec des hommes de troupes font aussi route vers  ce secteur. Des chars de fabrication américaine ont déjà été déployés  dans la capitale égyptienne. » D’autres sources  concordantes vont plus loin et indiquent que les Israéliens, « ennemis  des Arabes », accourent de toutes parts pour secourir le régime de  Moubarak menacé de destitution par « son » peuple . Les témoignages  livrés par deux exilés égyptiens, Omar Afifi, ancien colonel de la  police, et de Loï Dib, militant des Droits de l’Homme, sur la chaine  Al-Jazeera en date du 31 janvier, confirment les connivences instaurées  entre ces régimes foncièrement anti – nationaux et l’Occident. Les deux  témoins cités ont déclaré détenir  des preuves irréfutables démontrant  que « 3 avions israéliens en provenance de Chypre, ont atterri tôt ce matin du dimanche 30 janvier, entre 4h et 5h matin à l’aéroport militaire du Caire  » où ils ont déchargé des armes meurtrières, dont en particulier  «   des pistolets télescopiques sophistiqués, de fabrication israélienne  munis d’un système optique spécialement conçus pour des « snippers » ;   des pistolets pour balles explosives à guidage laser ; des caisses de  munitions ; des conteneurs de bouteilles de gaz lacrymogène étouffant,  internationalement interdits d’usage… ». Les mêmes témoins, qui semblent  détenir des sources fiables, ont rappelé sur la chaine Al-Jazeera que  le chef des renseignements militaire (« mukhabarate » , le général Omar Suleiman,  nommé à la hâte « Vice-Président » par Moubarak, avait toujours passé  plus de temps à Tel-Aviv en compagnie des stratèges de l’armée sioniste  qu’avec ses pairs et subordonnés au Caire….