publié le dimanche 23 mai 2010.
Traduction : M.C.
RAMALLAH, 20 mai 2010, IPS  — Les colons israéliens  commencent à souffrir des effets de la campagne de boycott économique  lancée par l’Autorité Palestinienne (AP) contre les marchandises  produites dans les colonies israéliennes illégales dont est parsemée la  Cisjordanie occupée. "C’est du terrorisme économique", s’est plaint le  Yesha Council (YC), puissante organisation qui regroupe les conseils  municipaux de nombreuses colonies juives en Cisjordanie.
Le boycott coïncide avec la 62ème année de la Nakba, ou  ’catastrophe’, qui a vu les Palestiniens fuir ou être expulsés de leurs  maisons par les Israéliens à la création de l’état juif en 1948. Pour  les Palestiniens, ce boycott pourrait bien être enfin la bonne méthode.  Depuis plus de 40 ans qu’ils essaient de mettre fin à l’occupation  israélienne et d’accéder au statut d’état, ni le terrorisme  international ni presque deux décennies de négociations et deux grandes  vagues de révolte de masse n’ont donné de résultats mesurables  permettant de se rapprocher de ces objectifs. Les Palestiniens, qui  estiment que pour au moins $200 millions de produits des colonies sont  vendus chaque année en Cisjordanie, voient dans la réussite de leur  boycott la preuve qu’une campagne axée sur une forme de protestation  pacifique plutôt que sur la lutte violente, pourrait enfin donner des  résultats.
Ce mouvement a pris naissance au niveau populaire mais est de plus en  plus largement adopté par les dirigeants palestiniens. De hauts  fonctionnaires participent aux manifestations anti-colonies menées par  les militants locaux pour tenter d’isoler Israël au plan mondial, en  gros sur le modèle de la lutte anti-apartheid d’Afrique du Sud.  Plusieurs sociétés internationales boycottent déjà les produits des  colonies illégales, qui sont souvent vendus à l’étranger sous  l’étiquette mensongère "Made in Israël".
Lundi, une nouvelle loi du président de l’AP Mahmoud Abbas a interdit  les produits des colonies dans les zones contrôlées par l’AP. La loi  d’Abbas stipule que toute personne commercialisant des marchandises  produites dans les colonies sera emprisonnée 2 à 5 ans et condamnée à  une amende pouvant atteindre $15 000. Les importateurs de produits des  colonies dans les territoires palestiniens risquent 3 à 6 ans, une  amende allant jusqu’à $3 000, et des confiscations de permis et  véhicules.
Mardi, le premier ministre de l’AP Salam Fayyad a lancé une campagne  officielle appelée "maison par maison" pour débarrasser les maisons et  magasins palestiniens de ces marchandises. Les maires de l’AP font du  porte-à-porte pour sensibiliser la population. Et quelque 3 000  bénévoles, pour la plupart étudiants, se sont déployés dans toute la  Cisjordanie pour distribuer dans plus de 400 000 foyers palestiniens une  brochure où sont listés 500 produits que doivent s’abstenir d’acheter  les consommateurs cisjordaniens —conserves, épices, lait, jus de fruit,  chips, huile d’olive, ameublement, matériel électronique et cosmétiques.  Elle contient la description, la marque et la photo de ces marchandises  produites en Cisjordanie, à Jérusalem-Est et sur les Hauteurs du Golan,  et elle expose les dommages causés à l’économie palestinienne, à  l’environnement et à la santé. Les volontaires font également signer  l’Engagement Karama, par lequel on s’engage à ne pas acheter de produits  des colonies. Ils apposent enfin sur la porte des gens qui le veulent  un sticker disant : "J’ai la conscience claire, je n’ai pas de produits  des colonies chez moi". Des volontaires, a indiqué le sous-ministre de  l’économie Abdel Hafez Nofal, iront ensuite dans les écoles et les  mosquées.
La police de l’AP a intercepté de nombreux camions transportant des  produits des colonies, arrêté les chauffeurs et détruit la marchandise.  Jusqu’à présent, pour cinq millions de dollars de marchandises ont été  confisquées et détruites.
C’est un Yesha Council indigné qui a appelé le premier ministre  israélien Benjamin Netanyahu à ne pas engager de négociations de  proximité avec les Palestiniens, qui devraient débuter dans un proche  avenir, peu de temps après l’arrivée dans la région de l’envoyé  américain au Moyen-Orient George Mitchell. Le YC exige en outre  qu’Israël ferme ses ports aux marchandises palestiniennes et que le  gouvernement israélien compense les pertes financières que subissent les  colons en gelant en leur faveur le produit des taxes palestiniennes  qui, normalement, revient à l’AP et est transféré par Israël au  gouvernement de Ramallah.
Selon le Washington Post de dimanche, au moins 17 entreprises de la  colonie israélienne de Ma’aleh Adumim ont fermé depuis le début du  boycott de l’AP, il y a quelques mois. Avi Elkayam, porte-parole de 300  propriétaires d’usines, a déclaré que la zone industrielle de Mishor  Adumim se trouve confrontée à "une situation insoutenable". En plus du  boycott, a-t-il ajouté, les usines ont été durement frappées par une  décision de justice israélienne qui les oblige à payer le salaire  minimum [légal] aux Palestiniens qui travaillent dans la zone  industrielle ; il veut qu’Israël offre aux propriétaires des réductions  d’impôts ou une autre forme de compensation, "sinon ce sera trop tard,  tout le monde fermera."
Une usine de taille de pierres a fermé en mai parce que les  inspecteurs palestiniens interceptent régulièrement les camions  d’approvisionnement, a encore ajouté Elkayam. Beaucoup des carrières de  pierres de Cisjordanie sont dépouillées par des sociétés israéliennes de  leurs pierres et déblais, qui sont ensuite transportés en Israël où ils  se vendent en raison d’une pénurie de matériaux de construction. Les  Palestiniens ne sont pas indemnisés.
Israël a construit des dizaines de colonies pour ½ million  d’Israéliens en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, sur des terres dont il  s’est emparé lors de la guerre de 1967 et que les Palestiniens  revendiquent pour leur [futur] état. Les colonies d’Israël sont  illégales au regard du droit international et de diverses résolutions de  l’ONU. Les colons exproprient non seulement des terres palestiniennes  mais aussi d’autres ressources naturelles de la Cisjordanie, dont l’eau.  Les colonies israéliennes déversent également leurs eaux usées non  traitées dans les sources et les rivières, et les entreprises et usines  qu’elles ont en Cisjordanie ne paient aucune taxe à l’AP.
Sous couvert d’anonymat, un diplomate occidental s’est dit préoccupé  par une autre loi de l’AP interdisant de travailler dans les colonies  aux ouvriers palestiniens, qui s’y embauchent en raison du taux de  chômage élevé de Cisjordanie : selon lui, cette loi pourrait se  retourner contre les Palestiniens, qui en seraient alors les principales  victimes : "Tous ces efforts sont vus par les Israéliens comme une  tentative palestinienne d’isoler Israël. On peut se demander s’ils  seront efficaces ou s’ils pousseront le gouvernement israélien à plus de  mauvaise volonté". Reste à voir si l’AP réussira à appliquer cette loi  et si des compensations financières seront accordées aux milliers de  travailleurs qui grossiront les rangs des chômeurs.
Fayyad reste cependant catégorique : "Nous nous sommes définitivement  engagés sur le chemin de la résistance non-violente et de la rébellion à  l’entreprise de colonisation ; nous exprimons avec force notre droit au  boycott, et je crois que ça marche", a dit Fayyad au Washington Post.  "Nous continuerons de plus belle." Le gouvernement espère que le boycott  accroîtra la demande de produits palestiniens et générera ainsi de  nouveaux emplois.
En outre, Fayyad travaille à l’instauration d’un état palestinien  indépendant en construisant des institutions pour cet état et en faisant  du lobbying pour s’attirer le soutien international. Si le commerce des  produits des colonies est théoriquement illégal depuis 2005, ce n’est  qu’au début de cette année que Fayyad a réussi à en imposer  l’interdiction. Son espoir est que le boycott poussera la communauté  internationale à se prononcer plus fermement contre les colonies, ce qui  aidera à libérer l’économie palestinienne de sa dépendance par rapport à  Israël.
Quant à lui, le gouvernement israélien a condamné le boycott et l’a  même qualifié de violation de l’accord de Paris qui régit les échanges  économiques entre Israël et les territoires palestiniens occupés.
Toutefois, Samir Awad, de l’université de Bir Zeit, conteste ce  point :"Les colonies sont illégales au regard du droit international et  ne sont pas reconnues comme faisant partie d’Israël. En conséquence, ce  que produisent les colonies est illégal, et même travailler dans les  colonies est illégal". De plus, a dit le porte-parole du gouvernement  palestinien Ghassan Khatib, l’accord ne couvre pas les colonies. "Le  boycott est le strict minimum que puisse faire l’AP pour contrer les  colonies. C’est un tout petit pas dans la bonne direction sur un très  long chemin. Je ne peux en déterminer exactement l’efficacité à long  terme, mais même une petite action est mieux que pas d’action du tout, a  dit Awad à IPS.
Le boycott, ainsi que l’interdiction de travailler dans les colonies  qui va entrer en vigueur, a déjà conduit des membres du gouvernement  israélien à s’interroger publiquement sur les motivations de leurs  homologues palestiniens : "Sont-ils pour le partenariat ou la lutte ?", a  demandé lundi l’adjoint au premier ministre Dan Meridor lors d’une  conférence de presse. Alors qu’Israël essaie d’assurer un emploi aux  Palestiniens, a-t-il ajouté, les dirigeants palestiniens "essaient de  faire monter le chômage en les empêchant de travailler".
Si le gouvernement israélien dit trouver le boycott contreproductif  en ces temps où l’on tente d’arriver à un accord de paix, il n’a pas  formulé de menaces de représailles. Pour Israël, la valeur des produits  des colonies vendus sur le marché palestinien ne constitue qu’une petite  fraction de ses $200 milliards de PNB. Cependant, le gouvernement  craint que la campagne n’évolue en un boycott plus large de toutes les  marchandises israéliennes. En plus de forcer les usines des colonies de  Cisjordanie à fermer ou à se relocaliser en Israël, la campagne dissuade  d’autres entreprises israéliennes de s’implanter dans les zones  industrielles de Cisjordanie. Ces zones ont été à l’origine créées pour  être plus proches des travailleurs palestiniens, dont beaucoup  n’arrivent pas à obtenir le permis de travailler en Israël-même.
Parallèlement, la campagne BDS contre Israël continue à se développer  de façon incrémentielle. Et le chanteur et musicien britannique Elvis  Costello, en annonçant qu’il se retirait de plusieurs concerts qu’il  devait donner en Israël en juin, a évoqué "…l’intimidation,  l’humiliation ou bien pire à l’encontre des civils palestiniens au nom  de la sécurité nationale [d’Israël]".
NDT :  "Le boycott économique palestinien frappe les colons israéliens" est  fortement inspiré d’articles récents du Washington Post : -  "Les Palestiniens se tournent vers le boycott d’Israël en  Cisjordanie", (http://www.washingtonpost.com/wp-dyn/content/article/2010/05/15/AR2010051501492.html) par Janine Zacharia 
 "Les Palestiniens  intensifient le boycott des produits des colonies" (http://www.washingtonpost.com/wp-dyn/content/article/2010/05/18/AR2010051801091.html?waporef=obinsite) par Mohammed Daraghmeh, Associated Press
 "Les Palestiniens  intensifient le boycott des produits des colonies" (http://www.washingtonpost.com/wp-dyn/content/article/2010/05/18/AR2010051801091.html?waporef=obinsite) par Mohammed Daraghmeh, Associated Presshttp://www.ipsnews.net/news.asp?idnews=51511 http://www.protection-palestine.org/spip.php?article8860
 
 
 
 
            
            
            
            
            
            
            
            
            
            
            
            
            
           