jeudi 7 août 2014

L'ONU appelle à une aide généreuse et rapide pour reconstruire Gaza

6 août 2014 – Alors que le cessez-le-feu à Gaza continuait d'être respecté mercredi, le Secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-moon, a appelé les Etats membres à apporter une aide généreuse et rapide pour la reconstruction et les besoins humanitaires les plus pressants.
« Il semble que le cessez-le-feu attendu depuis longtemps est respecté. Pour le moment, les tirs de roquettes quasi incessants par le Hamas et de missiles et mortiers par Israël ont cessé. Nous espérons que les parties vont pleinement respecter le cessez-le-feu », a dit le Secrétaire général lors d'une réunion informelle de l'Assemblée générale des Nations Unies sur la situation à Gaza.
« J'appelle les parties à entendre l'appel de la communauté internationale à retourner à la table des négociations afin de mettre fin au conflit entre Israéliens et Palestiniens », a-t-il dit.
Il a remercié ceux qui ont permis d'obtenir ce cessez-le-feu, notamment l'Egypte, les Etats-Unis, le Qatar, la Turquie, la Ligue des Etats arabes, et l'Union européenne.
« Le grand nombre de morts et les importantes destructions à Gaza ont choqué et fait honte au monde », a dit M. Ban. Plus de 1.800 Palestiniens ont été tués, essentiellement des civils. Trois civils israéliens ont été tués et 64 soldats israéliens.
Selon le Secrétaire général, les combats ont soulevé de sérieuses questions sur le respect des principes de proportionnalité inscrits dans le droit international humanitaire. Il a, une nouvelle fois, vivement dénoncé les attaques ayant visé des locaux de l'ONU abritant des civils. « Ces attaques étaient scandaleuses, inacceptables et injustifiables », a-t-il dit.
Le fait que des armes aient été trouvées dans un petit nombre de bâtiments abandonnés et que des roquettes aient été tirées par le Hamas près de bâtiments de l'ONU ne justifient, selon lui, en aucun cas la mise en danger de milliers de civils.
« Le droit humanitaire international réclame clairement la protection par toutes les parties des civils et des bâtiments civils, y compris les employés de l'ONU et les locaux de l'ONU », a-t-il souligné. « Notre drapeau de l'ONU doit être respecté et assurer la protection à ceux qui en ont besoin. »
Le Secrétaire général a remercié les employés de l'ONU à Gaza pour leur bravoure et leur sacrifice. Il a rendu hommage à ceux qui sont morts lors des affrontements. Jeudi, le drapeau de l'ONU sera mis en berne en leur mémoire.
« La tâche immédiate face à nous est de répondre aux besoins humanitaires de la population de Gaza », a souligné le Secrétaire général. « Nous sommes face à un effort de reconstruction énorme. »
« J'appelle tous les Etats membres à répondre rapidement et généreusement aux appels lancés par l'Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) et l'Office des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA) pour répondre aux besoins humanitaires les plus pressants. »
De son côté, la Sous-Secrétaire générale des Nations Unies aux affaires humanitaires, Kyung-Wha Kang, a souligné mercredi que le système de santé publique à Gaza était au bord de l'effondrement et que les dégâts causés au système d'eau et d'assainissement étaient immenses.
« Une implication internationale significative et durable est nécessaire pour réparer les dommages causés à l'infrastructure et pour restaurer les moyens de subsistance », a dit Mme Kang.
Pour sa part, le Coordonnateur spécial des Nations Unies pour le processus de paix au Moyen-Orient, Robert Serry, a estimé qu'il fallait de toute urgence aider les parties en conflit à retrouver le chemin des négociations.
« L'escalade juste derrière nous, ajoutée à la situation tendue en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, est un avertissement concernant la sombre réalité devant nous si nous ne luttons pas contre le glissement vers une réalité à un Etat sur le terrain et si nous ne ravivons pas l'espoir et la perspective d'une solution à deux Etats, Israël et Palestine, vivant côte à côte dans la paix et la sécurité », a-t-il dit. 

Majed Bamya : « les positions européennes face à la tragédie que vivent les palestiniens à Gaza sont incompréhensibles

Majed Bamya, le 6 aout 2014

Majed Bamya est diplomate palestinien. Dans une lettre qu’il a publié sur sa page facebook, il revient sur la position incompréhensible de l’Union européenne face à l’offensive militaire israélienne sur la bande de Gaza. Pour lui, l’Union européenne renonce à son engagement et ses efforts pour la construction de la Palestine tout en encourageant l’impunité d’Israël.
J’ai choisi l’Europe pour faire mes études de droit, la France en particulier. J’ai ensuite vécu six ans à Bruxelles où j’ai travaillé plus d’un an au Parlement européen, pour ensuite rejoindre la Délégation générale de la Palestine en tant que diplomate. Souvent, on m’interroge sur telle ou telle position européenne. Conscient des enjeux et lucide sur les dynamiques de prises de décision de l’Union européenne, je réponds : « les Etats sont divisés et cherchent avant tout à obtenir une position commune. Tout langage est longuement négocié. Chaque déclaration est le résultat d’un fragile équilibre... ». Toutefois, depuis l’agression israélienne contre la bande de Gaza, je ne cherche plus d’explications et reçois les prises de position européennes comme autant de reniement, voire de trahison. Les mots sont durs, n’est-ce pas, mais les miens au moins ne tuent pas.
Mes collègues européens à Bruxelles et dans les capitales me connaissent, ils savent que je crois au rôle et à l’apport de l’Europe et que j’œuvre à ma petite échelle au rapprochement entre l’Europe et la Palestine. Oui, l’Europe a fait beaucoup ces 30 dernières années pour la Palestine et pour son peuple afin que nous ayons notre Etat et que nous puissions vivre dignement, même si paradoxalement, l’Union Européenne n’a pas encore reconnu l’Etat qu’elle nous a aidé à construire. Sur l’essentiel des questions politiques, nos positions et les positions européennes sont quasiment alignées, car basées sur le droit international. C’est bien pour cela que je trouve les positions européennes face à la tragédie que vivent les palestiniens à Gaza incompréhensibles, parce qu’elles viennent anéantir ce que l’Union Européenne a aidé à construire : la Palestine. Dans cette guerre, ce n’est pas le Hamas qui est visé. La cible de la puissance occupante et coloniale israélienne a toujours été la Palestine et son peuple, quel que soit le prétexte utilisé. Après ces décennies d’engagement pour la paix au Proche-Orient, l’Union européenne est-elle réellement incapable de voir cette réalité où préfère-t-elle simplement continuer à la nier ?
Le consensus européen s’est construit immédiatement autour de l’affirmation du droit d’Israël à se défendre et de la condamnation des roquettes. La déclaration du Conseil de l’Union européenne du 22 juillet est sans équivoque et les différentes déclarations de dirigeants européens lui font écho. Aussi, l’Union regrette les morts palestiniens mais refuse d’imputer expressément la responsabilité de ces morts aux attaques israéliennes. J’ai lu et relu les différentes déclarations et la conclusion est sans appel, Israël s’en est servi comme d’un blanc-seing à sa politique criminelle. Est-ce qu’un Etat qui occupe un autre, et qui impose un siège à 1,8 millions de personnes ne crée pas les conditions mêmes de son insécurité et ne peut donc pas se prévaloir de son droit à se défendre ? Depuis quand le droit de se défendre autorise-t-il à commettre des massacres, tuer des civils, y compris des familles entières ? N’avons-nous pas le droit de nous défendre ? N’y-a-t-il pas en droit international un droit à la résistance, y compris militaire ? Fallait-il attendre qu’il y ait plus de 1850 Palestiniens tués par Israël, dont plus de 400 enfants, que les écoles de l’ONU, les hôpitaux, la principale centrale électrique soient bombardées pour commencer à critiquer Israël ?!
Je me souviens alors que je plaidais pour le retrait du Hamas de la liste européenne des organisations terroristes et notamment depuis 2006 contre le boycott européen du gouvernement formé par celui-ci, mes collègues européens me disaient : « Mais ils tuent des civils ! ». Que dire alors d’un Etat dont le premier partenaire économique est l’Union européenne, et qui tue depuis ces dernières semaines maintenant jusqu’à parfois cent civils par jour ? A quand des sanctions contre la puissance occupante israélienne ? L’impunité d’Israël tue, et il faut y mettre un terme. C’est cette impunité qui a permis à Israël de commettre des massacres à répétition, de poursuivre son siège illégal contre notre peuple à Gaza, et sa colonisation de nos terres, autant de crimes de guerre contre un peuple qui aspire à vivre librement et dignement sur sa terre.
Tous les états européens membres du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies se sont abstenus lors du vote d’une résolution prévoyant l’envoi d’une commission d’enquête composée d’experts internationaux pour vérifier les violations du droit international commis ces dernières semaines. Comme à l’occasion du vote pour l’Etat palestinien à l’ONU, si le prix de l’unité est le silence, autant que chacun reprenne sa voix.
Les Palestiniens ont souvent regardé vers l’Europe avec espoir. Et au cours des trois dernières décennies, ils ont réussi à construire avec ceux, pourtant en partie responsable de leur Nakba et de leurs drames, une relation de partenariat et d’amitié. Aujourd’hui, le regard des palestiniens est rempli de colère, de larmes, d’incompréhension. Et à la question qu’ils me posent avec insistance « pourquoi l’Europe agit ainsi ? », je n’ai qu’une réponse : par lâcheté.
Nul ne peut se cacher désormais derrière un appel aux négociations délégitimées par la poursuite de la colonisation et de l’occupation. Les négociations n’ont de sens qu’une fois que la puissance occupante a décidé de mettre fin à son occupation et qu’elle le démontre, or Israël nous a démontré à chaque fois le contraire. Car on l’oublie parfois, mais il ne s’agit pas d’un conflit de bon voisinage où on appellerait les voisins à venir délimiter chacun son terrain, il s’agit bien d’un déni des droits d’un peuple, d’une occupation illégale, d’une lutte pour la liberté.
Il faut donc isoler le pouvoir colonial en Israël comme fut isolé le gouvernement d’apartheid en Afrique du Sud, et un jour pas très lointain, tous les Etats seront amenés à faire un choix clair : soit la complicité avec l’apartheid, soit le soutien à la fin de l’oppression. Les peuples européens qui ont manifesté massivement en solidarité avec la Palestine et les citoyens qui ont relayé les appels au boycott-désinvestissements-sanctions ont fait leurs choix. Il serait largement temps que les gouvernements européens s’en inspirent.
http://www.plateforme-palestine.org 

Gaza : Crimes de guerre à Khouza’a

Pierre Barbancey pour l’Humanité, le 6 aout 2014

Révélations sur un crime de guerre à Khouza’a

Corps amoncelés dans une maison, cadavres avec les pieds liés… Les témoignages révèlent les horreurs commises par l’armée israélienne.
Gaza (Palestine), envoyé spécial. Les habitants du village de Khouza’a, qui jouxte la frontière avec Israël, à l’est de Khan Younès, n’ont pu regagner leurs habitations, ou ce qu’il en reste, que le vendredi 1er août. Malgré de multiples tentatives les jours précédents, ils ont dû attendre une trêve et le retrait des chars israéliens qui barraient l’accès. Ce qu’ils ont découvert a dépassé toutes les horreurs. Cette localité de 13 000 habitants, connue pour être un havre de paix dans cette rude bande de Gaza, a été quasiment rasée par le flot de bombes et de missiles qui s’est abattu dès l’offensive terrestre israélienne. «  Lorsque je suis revenu, je n’arrivai même pas à me repérer. On ne nous traite pas comme des êtres humains  », certifie Jamal Al Najjar. L’Humanité a rendu compte du calvaire vécu par ces Palestiniens, dont certains ont été arrêtés, frappés, détenus pendant trois jours pour interrogatoire sans que quiconque ne parle d’«  acte barbare  ». Les récits qui suivent se sont déroulés durant les deux dernières semaines.

L’armée israélienne empêchait les secours d’accéder à la zone

La vérité sur ce qui s’est passé à Khouza’a commence à éclater, terrible. Sous les décombres, de nombreux corps ont été retrouvés  : des habitants coincés, incapables de fuir, pris au piège sous le déluge de bombes. Un cas de crime de guerre caractérisé. D’autant que même les secours n’ont pu accéder à la zone, empêchés par l’armée israélienne. Un des quartiers de ce gros village est essentiellement occupé par une famille étendue, les Al Najjar. Nous rencontrons Ahmed, qui nous emmène dans une maison, en lisière du village, face à la frontière. Dans la salle de bains une odeur pestilentielle se dégage encore. Le sol est d’un noir de sang séché mélangé à de la poussière. Sur les carreaux blancs des murs, des éclaboussures de sang et des dizaines d’impacts de balles. À l’extérieur, le mur ne présente aucune trace. C’est là qu’Ahmed a retrouvé son fils Bilal, 22 ans, couché sous un amoncellement de corps. Ils étaient six. Selon les renseignements obtenus par le père, Bilal et ses camarades ont été arrêtés dans les rues et ont été emmenés dans la maison par des forces spéciales. «  C’étaient des civils. Un de mes fils a reconnu son frère à cause de ses chaussures parce que les cadavres étaient en état de décomposition  », affirme-t-il. Quand bien même ce seraient des combattants, leur mort, une exécution sommaire, s’apparente, là encore, à un crime de guerre. Les identités des cinq autres ne sont pas connues. «  Nous les avons enterrés tous ensemble avec des numéros pour pouvoir l’indiquer à leurs familles après la guerre  », dit Ahmed. Autre témoignage, quelques rues plus loin. Celui de Mohammed Al Najjar, 62 ans, qui a retrouvé son beau-fils, Wasfi, 27 ans, mort à même le sol, près de la mosquée Ibed el Rahman. «  Il avait les pieds liés par une corde et un trou au milieu du front  », décrit-il avec émotion. «  Depuis 1967, j’ai vécu plus d’une guerre menée par les Israéliens. Mais ça n’a jamais été comme ça. Ils veulent nous effacer de l’humanité.  » La femme de Wasfi, enceinte, doit maintenant élever ses deux enfants toute seule. L’histoire de Bassam Al Najjar, 31 ans, est tout aussi éloquente au sujet des exactions commises par l’armée israélienne à Khouza’a. «  Le jour de l’invasion terrestre, beaucoup de gens du quartier se sont regroupés. Nous étions environ 170, hommes, femmes, enfants, dans une maison où nous pensions être à l’abri des bombardements. Mais le patio a été touché et nous nous sommes réfugiés dans la maison mitoyenne où nous pouvions entrer sans sortir dans la rue. Mais au milieu de la nuit, les obus sont tombés de façon encore plus intense. Nous avons tenté de joindre la Croix-Rouge et des leaders palestiniens, qui nous ont dit que les Israéliens n’acceptaient pas notre évacuation. Vers 6 h 30, le matin du 25 juillet, nous avons pris le risque de sortir. Nous avons brandi un drapeau blanc et avons commencé à marcher vers Abassane. Nous sentions des balles siffler au-dessus de nos têtes. Des éclats ont blessé légèrement un homme du groupe. C’est alors que nous avons aperçu un char. On s’est tous mis à genoux, les mains en l’air. On est resté environ une heure comme ça. Le char tirait au-dessus de nous et lançait des bombes qui faisaient du bruit, sans éclats. Mais un homme de 55 ans, Mohammed, a été touché au côté droit de la poitrine. Il était juste à côté de moi. Je n’ai rien pu faire. Il a agonisé pendant dix minutes puis est mort. Par la suite, le char a avancé vers nous. On pensait qu’on allait mourir. Un soldat est sorti de sa tourelle, nous a filmés puis a demandé, en arabe, que l’un d’entre nous vienne discuter. Nous avons envoyé Haytham Al Najjar avec un drapeau blanc. On nous a ensuite autorisés à partir après que les hommes et les adolescents ont soulevé leurs chemises pour montrer qu’ils n’avaient pas d’armes ni d’explosifs. Nous avons emmené le corps de Mohammed mais même à ce moment-là ils tiraient au-dessus de nos têtes.  » Tous aujourd’hui pleurent leurs morts et la destruction de leur village. Ils sont encore logés dans des écoles de l’ONU, dans le dénuement le plus total. Tous se demandent si on leur rendra justice. «  Je n’aurais jamais pensé qu’en 2014 une armée puisse agresser un peuple de cette manière  », dit Bassam, le visage dur.
Source : http://www.humanite.fr/gaza-crimes-de-guerre-khouzaa-548957#sthash.59ygxQvo.dpuf