mercredi 28 septembre 2011

L’olivier ou les ronces

publié le dimanche 25 septembre 2011
Issa Goraieb

 
Barack Obama, Mahmoud Abbas. Que peuvent avoir en commun l’homme qui passe pour être le plus puissant de la planète et le terne chef d’une Palestine qui n’en finit pas d’émerger des limbes ? C’est paradoxalement une même impression d’extrême faiblesse que donnent, chacun à sa manière, ces deux personnages si dissemblables pourtant.
Dès son entrée à la Maison-Blanche, le président des États-Unis avait placé en tête de ses priorités la recherche d’un règlement de paix au Proche-Orient. Dans son fameux discours du Caire il s’engageait à inaugurer une ère nouvelle d’ouverture, de dialogue et de coopération avec le monde arabo-musulman, rompant spectaculairement ainsi avec la politique outrageusement partiale suivie par l’administration Bush. Mais c’est à peu près tout. Depuis, en effet, Benjamin Netanyahu a vite fait de regagner le terrain perdu, mobilisant à fond le lobby juif, en venant même à se poser en challenger d’Obama quand il s’est vu offrir par un Congrès littéralement subjugué non moins de trois douzaines d’ovations debout, hommage auquel aucun président américain n’a jamais eu droit.
Assailli par ses échéances électorales, otage d’un establishment notoirement favorable à Israël qui lui marchande âprement un précaire soutien, Barack Obama n’a fait qu’accentuer le funeste virage, s’opposant absolument à l’admission à l’ONU d’un État palestinien. Il n’existe pas de raccourci pour la paix et seules des négociations peuvent y mener, faisait valoir mercredi le président. Comment diable peut-on parler de raccourci à propos d’une injustice frappant tout un peuple depuis plusieurs décennies ? Et puis n’est-il pas plus improductif et périlleux encore, – en tout cas bien plus immoral ! – de s’obstiner à pousser le processus de paix sur les voies de garage alors que les pourparlers intermittents, régulièrement torpillés par Israël, n’ont même pas débouché, à ce jour, sur un simple gel de la colonisation juive dans les territoires palestiniens occupés ?
C’est par avance qu’Obama paraît avoir tranché le grave dilemme auquel se trouve confrontée, dans cette affaire, l’unique superpuissance mondiale. Du président US oublieux de ses promesses arabes et prisonnier de ses inhibitions israéliennes, il était illusoire d’attendre, il est vrai, un welcome enthousiaste dans le concert des nations, à l’adresse d’un État palestinien qui n’existe encore que sur le papier. En revanche, le veto dont il compte faire usage au besoin achèverait de discréditer le président aux yeux du monde arabe et musulman, à l’heure précise où l’Amérique cherche à s’extirper honorablement des bourbiers irakien et afghan. Or il est encore temps pour Washington de considérer cette troisième voie, une voie médiane offrant l’avantage de ménager l’avenir, qui consisterait à s’abstenir lors du vote au Conseil de sécurité. C’est d’ailleurs ce même souci de compromis qui a poussé la France de Nicolas Sarkozy à proposer un statut d’observateur pour la Palestine assorti d’un calendrier d’un an pour un règlement final, formule rejetée sur-le-champ par Israël.
L’infortuné Mahmoud Abbas se serait bien contenté certes d’une telle solution, qui eut ouvert en effet à l’entité palestinienne l’accès aux diverses institutions de l’ONU, notamment une Cour pénale internationale que l’impitoyable occupant israélien a tout lieu de redouter. Il reste que le même Abbas, tout infortuné, tout contesté par ses rivaux du Hamas qu’il puisse être, n’est pas totalement démuni de moyens. Rien qu’en devenant hier le premier dirigeant palestinien à braver les menaces de sanctions américaines et israéliennes pour frapper résolument à la porte des Nations unies, Abou Mazen, longuement acclamé d’ailleurs par l’Assemblée générale, et fêté chez lui, s’est taillé une place enviable dans l’histoire, un peu à l’image du Yasser Arafat proclamant sur les mêmes lieux en 1975 qu’il tenait une branche d’olivier d’une main et un fusil de l’autre.
À la différence notable du leader palestinien disparu, Mahmoud Abbas n’a dit mot du fusil. Ce sont ses proches cependant qui ont levé un coin de voile sur son arme secrète. Pas d’État palestinien ? Eh bien ce sera pas d’Autorité autonome non plus, ce qui reviendrait alors à affubler Israël d’une hasardeuse, d’une coûteuse (ré)occupation de la Palestine tout entière. En répudiant le raccourci, c’est à un long chemin bordé d’épines qu’Obama voue ses amis israéliens tout autant que les Arabes.
publié par l’Orient le Jour