vendredi 11 février 2011

La frontière avec l'Égypte fermée, Gaza est redevenue une «grande prison»

10 février 2011
Philippe AGRET
Agence France-Presse
RAFAH
La bande de Gaza, déjà sous blocus israélien, est redevenue une «grande prison» avec des milliers de Palestiniens incapables de sortir ou de rentrer après la fermeture de la frontière égyptienne, hermétique depuis le début de la crise en Égypte.
«C'est de nouveau le blocus. Des milliers de personnes sont piégées. La situation est terrible. Gaza est redevenue une grande prison», déplore Ghazi Hammad, chef du département général des Frontières pour le gouvernement du mouvement islamiste Hamas au pouvoir à Gaza.
Côté palestinien, il n'y a pas âme qui vive au terminal frontalier de Rafah, ville coupée en deux à l'extrême sud de la bande de Gaza, à l'exception de quelques policiers du Hamas. Une flotte de bus vides attend dans le parking désert.
Côté égyptien, de l'autre côté de la frontière, on aperçoit les silhouettes de deux soldats encapuchonnés sur un toit. Policiers et garde-frontières égyptiens ont, eux, abandonné leurs postes après l'attaque du siège de la Sûreté de l'État de la ville égyptienne de Rafah par des manifestants bédouins le 29 janvier. Les affrontements, entendus du côté palestinien, ont fait trois morts.
«Habituellement, 400 à 500 voyageurs transitent ici chaque jour vers l'Égypte et à peu près autant en reviennent», précise M. Hammad, qui dit craindre «une crise humanitaire». Il est en contact quotidien avec les services de sécurité égyptiens, mais sans effet à ce jour.
Le responsable du Hamas est assailli de coups de fil de Palestiniens coincés depuis le 30 janvier. La plupart sont des malades partis se faire se soigner ou opérer d'urgence en Égypte, mais il y a aussi beaucoup d'étudiants et des familles résidant dans ce pays.
Selon un de leurs responsables au Caire, les services d'immigration égyptiens ont reçu instruction de ne plus laisser entrer les Palestiniens dans leur pays. Le motif de ces restrictions envers les Palestiniens n'a pas été explicité.
Si la crise égyptienne entraîne d'abord des drames humains pour les Gazaouis, elle affecte aussi le négoce frontalier semi-clandestin qui alimente ce territoire déshérité en vivres, biens de consommation, carburants et surtout en matériaux de construction.
À un kilomètre du terminal de Rafah, dans la zone des tunnels de contrebande, Abou Taha supervise avec ses ouvriers l'arrivée de sacs de ciment. L'activité de son tunnel a chuté et ne fonctionne plus qu'à 30% depuis le déclenchement du soulèvement en Égypte. Les manivelles ont stoppé dans la plupart des tunnels voisins.
«Avant on recevait 100 tonnes de ciment par jour. Aujourd'hui, on arrive péniblement à 70 tonnes après quatre jours de travail», témoigne Abou Taha, pris par surprise par les événements.
Le prix du ciment a évidemment flambé: de 105 dollars la tonne, il est passé à 170 dollars à la sortie du tunnel palestinien et 200 dollars sur le marché de Gaza.
Il y a quelques jours, les Gazaouis ont commencé à stocker des carburants par peur de pénurie et de longues files d'attente se sont formées devant les dépôts d'essence avant que le ministère de l'Économie du Hamas n'intervienne pour rassurer la population.
Les Palestiniens attribuent, en privé, la fermeture de la frontière à la situation d'insécurité dans le Sinaï, fief des bédouins, où l'armée égyptienne a peu de prise.
Paradoxalement, la seule activité notable aux portes de Rafah est le commerce frontalier avec Israël --limité à quelque 150 camions par jour mais régulier (3 252 camions pour le mois de janvier)-- via le terminal israélien de Kerem Shalom.