mercredi 12 mai 2010

Un blocage à la source ?

Le racisme anti-arabe gagne de plus en plus Israël, constituant une difficulté fondamentale pour une coexistence entre les deux peuples.
A l’heure une nouvelle, ou plutôt énième formule, de négociations est lancée pour un règlement de la question palestino-israélienne, biens des faits et des témoignages viennent mettre en doute la possibilité d’un succès en raison de facteurs propres à l’idéologie sioniste. De plus en plus, une extrême droite rigoriste vient imposer sa loi. Il suffit de citer quelques chiffres et faits. Selon un sondage effectué par l’Association israélienne pour les droits civiques (ACRI), 75 % de la population juive d’Israël refuserait d’habiter le même immeuble qu’un Arabe, 50 % estiment que les Arabes ne méritent pas d’avoir les mêmes droits que les autres citoyens. Deux tiers des jeunes sont persuadés que les Arabes sont moins intelligents, pas instruits, sales et violents. Ce racisme est donc « descendu des bancs du gouvernement jusque dans la rue », comme l’ont souligné des leaders de la population arabe en Israël. Non seulement il est soutenu par cette majorité israélienne, mais la droite israélienne fulmine contre tout appel à une reconnaissance de l’autre, même lancé par des juifs européens de gauche. Certains d’entre eux, parmi lesquels l’eurodéputé Daniel Cohn-Bendit et l’historien Zeev Sternhel, ont présenté, le 3 mai dernier à Bruxelles, un « appel à la raison » pour la paix au Proche-Orient, critiquant sévèrement la politique actuelle du gouvernement israélien. « Notre appel est un cri que nous poussons pour la paix au Proche-Orient avant qu’il ne soit trop tard », a affirmé Michèle Szwarcburt, présidente du Centre communautaire laïc juif de Belgique et signataire de l’appel.
« Nous aimons Israël de tout notre cœur, nous voulons qu’il y ait un Etat juif, Israël, et qu’il vive en paix avec ses voisins. Mais nous pensons que le temps joue contre la paix », a-t-elle dit en dénonçant la poursuite des implantations en Cisjordanie et dans les quartiers arabes de Jérusalem-est. Les promoteurs de cet appel également baptisé JCall (d’European Jewish Call for Reason) « ne sont attachés à aucun parti, ni en Europe, ni en Israël », a précisé David Chemla, président de la branche française du Mouvement la paix. Or, la droite en Israël a fulminé contre cet appel à la raison. A titre d’exemple, la députée Miri Regev, du parti Likoud (droite) du premier ministre, Benyamin Netanyahu, a estimé inadmissible que les signataires préconisent des pressions sur Israël pour geler la colonisation. A l’extrême droite, le député Aryeh Eldad (Union nationale, 4 sièges sur 120), a dénié aux signataires « le droit de s’immiscer dans les affaires intérieures israéliennes », « tout droit de veto » sur la politique d’Israël. « Ce ne sont pas des gauchistes de salon et des communistes qui dicteront à Israël sa ligne de conduite », a-t-il affirmé, qualifiant les signataires de « naïfs et d’imbéciles ». Des réactions qui ne surprennent pas mais qui témoignent de ce durcissement israélien qui laisse peu prévoir un règlement fondé sur l’existence de deux Etats. Au centre-droit, le député Oriel Schneller du parti Kadima (opposition, 28 sièges) a déploré que « des groupes juifs de par le monde portent atteinte à la solidarité juive avec Israël ». L’émergence de cet appel européen dans la foulée du JStreet américain, un groupe de pression juif de gauche, constitue selon lui « un phénomène dangereux, même si les signataires peuvent avoir de bonnes intentions ». Or, ces signataires se soucient plutôt d’une viabilité de l’Etat d’Israël. Ils sont partisans de la solution de « deux Etats pour deux peuples (israélien et palestinien) » et inquiets de la « délégitimation d’Israël ». Ils estiment que « l’alignement systématique sur la politique du gouvernement israélien est dangereux, car il va à l’encontre des intérêts véritables de l’Etat d’Israël ».
Comment s’attendre, avec de telles convictions, que l’on puisse espérer parvenir à un règlement équitable ? De toute façon, ce sont de telles réactions à un appel qui équivaut à un conseil qui confirment ce durcissement qui s’ancre profondément en Israël et rend l’espoir d’un règlement bien lointain. D’ailleurs, ce petit passage suivant tiré d’un article et d’un reportage d’Adam Horowitz du site mondoweiss.com est significatif. Un reportage dans la zone la plus centrale avec un trafic conséquent à Jérusalem-Ouest, un des propos recueillis : « Dans ce bas-monde, les Palestiniens ne sont pas de vrais êtres humains. Coopérer avec les Arabes est une traîtrise. Barak Obama doit s’écarter des affaires israéliennes. L’implantation illégale des colonies en Cisjordanie est nécessaire pour garantir l’Etat juif ».
Ahmed Loutfi