mercredi 12 mai 2010

La Ligue arabe obtempère

Le comité de suivi de l’organisation panarabe a accepté, sans garanties, les propositions américaines de négociations indirectes, de quoi soulever de nombreuses critiques.
C’était le samedi, jour de congé de la Ligue arabe, et en plus un jour férié à l’occasion de la Fête du travail. Pourtant, la réunion s’est bien tenue. Il s’agissait de celle du comité de suivi de l’initiative arabe pour le processus de paix. Ce fut d’ailleurs une rencontre d’urgence au cours de laquelle la Ligue a déclaré son approbation pour la reprise de négociations indirectes entre Palestiniens et Israël.
Une réunion qui s’est tenue dans moins de 24 heures après la déclaration de la chef de la diplomatie américaine, Hillary Clinton, annonçant la reprise de ces pourparlers indirects ou de proximité entre les Palestiniens et les Israéliens. Les membres de la Ligue arabe ont tellement bien entendu Hillary Clinton qu’ils ne pouvaient que lui signifier que le message a été bien reçu. « La reprise du dialogue entre Israéliens et Palestiniens est absolument essentielle et nous allons commencer le dialogue indirect la semaine prochaine. (...) Nous attendons la rencontre du comité arabe de suivi, au Caire, pour soutenir l’engagement du président (palestinien Mahmoud Abbass) d’avancer dans le dialogue », avait-elle appelé. La réponse par sa rapidité a un peu saisi l’opinion publique arabe. Lors du sommet de Syrte, les pays arabes membres de ce comité s’étaient accordés à ne pas soutenir ces négociations indirectes tant que les Israéliens continuent à bâtir leurs colonies, un facteur qui a d’ailleurs annulé la première tentative de ces négociations. les Israéliens avaient lancé un projet de la construction de 1 600 logements à Jérusalem-Est occupée en mars lors du lancement prévu des négociations indirectes.
Aujourd’hui, ces constructions n’ont toujours pas cessé et il n’y a même pas de promesse qu’elles soient arrêtées, donc quoi de nouveau ? Pourquoi la Ligue a-t-elle changé de position ?
Jusque-là, on ne relève aucune sorte d’évolution. A chaque occasion, c’est presque les mots et demandes qui se répètent. Mêmes le communiqué de ce comité n’a pas fait exception. Si les Arabes ont refusé ces négociations il y a un mois à cause de la construction des colonies, ils les ont aujourd’hui acceptées en pleine construction et se sont contentés d’y faire allusion dans leur communiqué. En effet, le communiqué final du comité a souligné que « le début de négociations directes avec les Israéliens passe nécessairement par le gel de toutes les activités israéliennes de colonisation dans les territoires palestiniens occupés, y compris Al-Qods », exprimant le « rejet catégorique de toute solution partielle ou transitoire », notamment les propositions pour l’établissement d’un Etat palestinien aux frontières provisoires.
De plus, le communiqué souligne que « la partie arabe prendra en considération, dans toute négociation indirecte, les critères contenus dans la déclaration du conseil de la Ligue arabe en juin dernier et les décisions sanctionnant les deux dernières réunions du comité ». Concernant les violations israéliennes à Al-Qods, le communiqué a rappelé la décision arabe de saisir la Cour internationale de justice et l’Assemblée générale des Nations-Unies, ainsi que les Etats parties des Conventions de Genève, et de charger les ministères arabes des Affaires étrangères de coordonner avec le secrétariat général de la Ligue arabe pour se mobiliser au sein de l’Unesco face à la « décision illégale » d’Israël d’inscrire à son patrimoine de sites historiques les mosquées d’Ibrahim à Al-Khalil et de Bilal bin Rabah à Bethléem.
Le comité a, également, réaffirmé la position arabe conditionnant « l’instauration de la paix avec Israël au retrait de tous les territoires arabes occupés en 1967 et l’établissement d’un Etat palestinien indépendant avec pour capitale Al-Qods-Est, conformément à l’initiative arabe de paix et aux décisions des Nations-Unies ».
Des demandes qui se répètent sans rien de nouveau, laissant de plus en plus d’interrogations autour du rôle ou de l’efficacité de ce comité qui est le plus souvent critiqué pour sa faiblesse vis-à-vis de la question palestinienne.
Un comité souvent critiqué
Pour Abdallah Al-Sénnawi, rédacteur en chef de l’hebdomadaire nassérien Al-Arabi, il est très bizarre que soit attribué à ce comité le rôle de donner un mot final sur la tenue ou non de ces négociations. En fait, ce comité a vu le jour après le lancement de l’initiative de paix arabe en mars 2002. Le comité de suivi regroupe, outre l’Autorité palestinienne, la Jordanie, l’Egypte, Bahreïn, la Tunisie, l’Algérie, l’Arabie saoudite, la Syrie, le Soudan, le Qatar, le Liban, le Maroc, le Yémen, les Emirats arabes unis et Oman. Onze ministres des Affaires étrangères étaient présents à la réunion.
C’est dans le rôle principal du comité de suivi de l’application de cette initiative qui prévoit un retrait total d’Israël des territoires de 1967 en contrepartie d’une normalisation arabe globale avec Israël. « Son rôle n’est pas de discuter des tactiques détaillées et d’être la couverture pour ce genre de négociation sans conditions préalables », estime Al-Sénnawi qui précise que le comité a toujours été critiqué et que huit ans se sont écoulés sans qu’il ne puisse contribuer à l’initiative pour laquelle il a été créé. « Pour moi, ce comité a échoué. Il s’agit d’un comité mort-, donc que pouvons-nous en attendre ? », s’interroge de son côté le penseur palestinien Abdel-Qader Yassine.
Pressions ou confiance américaine ?
Qu’en est-il cette fois-ci ? On parle d’une confiance illusoire. Mais dans le fond, on ne fait que suivre les ordres. Le scepticisme règne. Cette fois-ci, le comité de suivi a justifié sa position en indiquant avoir pris cette décision « à la lumière des nouvelles garanties de Washington et du contenu des messages adressés par le président américain, Barack Obama, au président palestinien, Mahmoud Abbass, et en dépit des doutes de l’engagement du gouvernement israélien envers la paix, le comité réaffirme sa position convenue en mars dernier concernant la durée des négociations indirectes », précise le communiqué.
Mais quelles sont vraiment ces garanties ? Pas de réponse précise dans le communiqué. Bref, il s’agit non pas d’une question de confiance, mais plutôt de pressions américaines sur la Ligue. Aucun doute, une fois de plus la Ligue vient prouver son impuissance. En fait, « le rôle de la Ligue arabe est quasiment absent, ainsi que toute volonté réelle ou position concrète de ses Etats vis-à-vis de la cause arabe la plus importante, à savoir la question palestinienne », conclut Al-Sénnawi.
Aliaa Al-Korachi
Chaïmaa Abdel-Hamid