mardi 16 novembre 2010

Sarkozy sur son cheval de bataille

Au sein d’une UE tout à fait marginalisée concernant le processus de paix, la France tente de jouer un rôle de premier plan, mais sans pouvoir jusqu’à présent s’imposer à Israël.
Beaucoup d’interrogations se posent autour du rôle de l’Union Européenne (UE) dans le processus de paix. Les Européens sont-ils présents, absents, ou se contentent-ils de rester en coulisses ? Rien n’est précis mais ce qui est sûr, c’est que la France essaye de compenser ce manque. Paris, qui tente depuis un certain temps de marquer son empreinte sur les dossiers du processus de paix israélo-palestinien, a demandé à Israël de prolonger le moratoire sur la colonisation. Elle déplore vivement et désapprouve l’autorisation de la construction de 1 300 nouveaux logements à Jérusalem-Est, a déclaré à cet égard le porte-parole du ministère français des Affaires étrangères, Bernard Vsalero. La France, qui par ses déclarations a révélé son désaccord avec les agissements israéliens, n’a pas manqué de rappeler que « la colonisation dans les territoires occupés est contraire au droit international et aux dispositions de la feuille de route du Quartette de 2003 ». Selon le porte-parole, cette colonisation « constitue un obstacle à la paix et compromet chaque jour un peu plus la solution à deux Etats que nous appelons de nos vœux ».
De plus en plus, la France confirme son souhait de jouer un rôle plus actif dans le processus de paix, que ce soit à travers les tentatives de réconciliation entre les deux parties ou même des critiques fermes. Cela dit, après avoir fait part de son « inquiétude » et « déploré » la non-reconduction par Israël de son moratoire partiel de la colonisation en Cisjordanie, Sarkozy s’est attaqué à « la méthode suivie jusqu’à présent qui ne semble plus produire les résultats escomptés ». « Il s’agit nullement de critiquer qui que ce soit, je veux d’ailleurs rendre hommage aux efforts considérables du président Barack Obama pour relancer le processus, mais j’observe que dix ans après Camp David, nous n’avons pas progressé et peut-être même reculé dans la reprise du dialogue », avait-il lancé. Mais pour Ossama Mégahed, spécialiste des affaires palestiniennes, l’influence française reste très limitée : « Dans le fond, on ne peut pas parler d’un rôle concret de la France. Il s’agit plutôt d’une logique de répartition de rôles. La France tente de s’emparer d’une partie du rôle américain. Mais ces tentatives restent toujours sans résultat concret ». Selon les experts, Sarkozy entend bien profiter de la situation pour tenter de réinsérer la France dans le dialogue israélo-palestinien d’où l’Europe, d’ailleurs, est presque exclue.
L’initiative avortée
Sarkozy a décidé, le 27 septembre, de prendre l’initiative d’inviter les deux parties (Palestiniens et Israéliens) à Paris fin octobre pour prouver que l’Europe, et surtout la France, pouvaient agir au Proche-Orient. Une tentative qui n’a d’ailleurs pas prouvé une grande réussite, puisque ce projet de sommet a été boudé. En effet, le premier ministre israélien avait donné son accord et s’est depuis ravisé. Son bureau a annoncé, sans autres précisions, que cette réunion était reportée sine die : « Après consultations, les parties concernées se sont mises d’accord pour décider d’une autre date ». Résultat, l’initiative française a été enterrée. Le négociateur palestinien Saëb Erakat a aussi admis le report : « La poursuite de la colonisation israélienne ruine tous les efforts de paix, que ce soit ceux de Barack Obama ou ceux de Nicolas Sarkozy ». Selon des diplomates cités par Haaretz, « Netanyahu s’est rendu compte qu’il serait soumis à une pression énorme sur la question des colonies et a donc décidé d’annuler sa participation ». Sarkozy avait rejeté ces excuses qui l’empêchaient de se rehausser par une initiative dans le conflit israélo-palestinien, tandis que l’Europe se distinguait par son absence.
Le président français tenait pourtant bien à cette réunion qui lui permettait de jouer le médiateur entre deux adversaires intransigeants. Sarkozy avait utilisé tous ses atouts en envoyant en Israël son ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, accompagné de l’Espagnol Miguel Moratinos. Ils ont été renvoyés par Avigdor Lieberman, qui s’est ainsi vengé de sa position de « persona non grata » en Europe. La visite fut un échec. Pour le premier ministre israélien, l’Europe s’est volontairement désengagée du processus de paix au Proche-Orient en prenant partie pour les Palestiniens et ne peut prétendre intervenir en arbitre indépendant dans le conflit.
L’UE, rôle marginalisé ou réduit
Jusqu’à présent, le rôle des Européens dans le processus de paix s’est généralement limité au financement de l’Autorité palestinienne. Si on additionne les aides de la Commission européenne et les aides bilatérales, ces financements font de l’Europe le premier contributeur du processus de paix. Selon les experts, l’UE, divisée entre soutiens inconditionnels et plus équilibrés d’Israël, ne parvient en général à produire que des consensus a minima lorsqu’il s’agit d’Israël. En effet, les pays européens sont en fait divisés en deux camps sur la question palestinienne, entre ceux qui refusent, pour des raisons historiques ou politiques, à envisager la moindre pression sur Israël, et ceux qui sont prêts à jouer un rôle plus actif, y compris au prix de frictions avec les autorités israéliennes. Ainsi, les initiatives du président Sarkozy se définissent comme étant un rôle français plutôt qu’un rôle européen. Mégahed explique que l’UE ne possède aucun mécanisme de pression sur Israël : « L’UE ne peut rien imposer à l’Etat hébreu même s’il a des solutions. C’est une question de pouvoir. Il se contente donc de faire des déclarations et des condamnations ». En tout cas, il reste bien clair que le rôle de l’UE reste dans le fond marginalisé. Quant à la France qui agit indépendamment, elle poursuit son appel, affirmant que la solution est la formation d’un Etat palestinien. La demande ne cesse pas mais reste à savoir qui le reconnaîtra.
Chaïmaa Abdel-Hamid