mardi 16 novembre 2010

Pourquoi il se pourrait bien que les Palestiniens remercient un jour Netanyahou

publié le dimanche 14 novembre 2010
Jonathan Cook

 
L’intransigeance et l’adhésion totale de Netanyahou et de ses partisans à l’ « idéologie de la suprématie juive » entraînera la réunification progressive des Palestiniens
Benjamin Netanyahou, le Premier ministre israélien, est aux Etats-Unis cette semaine, mais les observateurs n’espèrent guère d’avancée immédiate ou spectaculaire dans les discussions de paix qui sont en panne avec les dirigeants palestiniens.
En public, Netanyahou maintient qu’il reste engagé à la promesse qu’il a faite l’an dernier, peu après la formation de son gouvernement de droite, de travailler à la création d’un Etat palestinien démilitarisé. Mais jusqu’à maintenant il n’a fait preuve ni de la volonté ni de la capacité de prolonger ne serait-ce qu’un gel partiel de la construction de colonises juives en Cisjordanie- condition sine qua non posée par Mahmoud Abbas, le président palestinien, pour la reprise des négociations.
La majorité des membres du cabinet de Netanyahou, dont Avigdor Lieberman, son ministre des Affaires étrangères, masquent à peine leur opposition à l’Etat palestinien. A la place, Netanyahou a imposé une précondition : que les Palestiniens reconnaissent Israël comme l’Etat des juifs.
Un des principaux analystes de la politique palestinienne affirme que la situation pour les Palestiniens n’est pas aussi sombre qu’il y paraît.
Asad Ghanem, professeur de science politique à l’Université de Haifa, prédit que Netanyahou et son cabinet en viendront à regretter leur obstination.
L’intransigeance et l’adhésion totale de Netanyahou et de ses partisans à l’ « idéologie de la suprématie juive » entraînera la réunification progressive des Palestiniens, a déclaré le Dr. Ghanem lors d’un entretien.
Selon le Dr Ghanem, qui est l’auteur de plusieurs livres sur le nationalisme palestinien, en s’accrochant à la vision du Grand Israël, Netanyahou et la droite alimentent un nationalisme palestinien potentiellement puissant qui pourrait bien en finir non seulement avec l’occupation mais aussi avec le statut d’Etat juif d’Israël.
Le Dr. Ghanem, qui appartient à la minorité palestinienne d’Israël, soit un quart de la population du pays, remarque que l’objectif originel des fondateurs d’Israël fut d’utiliser une version sophistiquée de la règle « diviser pour régner » afin d’affaiblir le mouvement national palestinien naissant qui s’opposait au sionisme.
La guerre de 1948 qui créa Israël eut pour conséquence la première et la plus significative des divisions : entre la minorité de Palestiniens qui restèrent à l’intérieur du nouveau territoire d’Israël et les réfugiés contraints à l’exil hors de ses frontières, qui aujourd’hui se comptent par millions.
Depuis 1967, Israël a créé de nombreuses autres divisions : entre les villes et les zones rurales ; entre la Cisjordanie et Gaza ; entre les principaux rivaux politiques, le Fatah et le Hamas ; entre la direction de l’Autorité palestinienne et la diaspora.
Le principe qui guide Israël est d’engendrer la discorde entre Palestiniens en mettant en conflit les intérêts de chaque groupe selon le Dr. Ghanem. "Une nation palestinienne déchirée ne risquait pas d’être en position de gérer ses propres affaires."
Il rejette les plans d’Abbas et de son premier ministre, Salam Fayyad, d’essayer de réactiver le processus d’Oslo en passant par dessus Israël et en recherchant l’aval de la communauté internationale pour l’établissement d’un Etat palestinien l’été prochain.
Le Dr. Ghanem ajoute que les dirigeants palestiniens qui ont cherché à obtenir un Etat l’ont fait selon les termes dictés par Israël. D’abord, les droits des réfugiés à être considérés comme partie prenante de la nation palestinienne ont été sacrifiés, puis ceux des Palestiniens à l’intérieur d’Israël. Ensuite, des parties de Jérusalem Est et tout Gaza furent exclus. Et maintenant, finalement, il est presque certain que même des parties importantes de la Cisjordanie seront comptées à l’extérieur du futur Etat palestinien, dit-il.
"Pour Abbas le coeur de la négociation est la fin de l’ occupation, mais il a progressivement concédé à Israël la définition étroite de ce qui constitue une terre occupée. Le droit des réfugiés et d’autres Palestiniens d’être inclus dans la nation palestinienne existe surtout au niveau rhétorique maintenant".
L’insistance de la droite israélienne à ce que les Palestiniens reconnaissent Israël en tant qu’Etat juif ne ferait qu’accélérer le déploiement de la politique israélienne à long terme qui vise à fragmenter le peuple palestinien. "Tous les Palestiniens sont concernés par une telle exigence, pas seulement ceux qui vivent à l’intérieur d’Israël". Le mouvement national palestinien a accepté Israël comme Etat il y a des lustres mais cela ne suffit pas à Netanyahou.
"Il veut rouvrir le dossier de 1948," dit le Dr. Ghanem, en référence à la guerre qui a établi Israël en expulsant et en dépossédant 80 % du peuple palestinien. "Il provoque le mouvement national palestinien pour le faire réaffirmer le modèle à deux Etats qu’il a déjà accepté, afin de mettre un terme au conflit."
Comme de moins en moins de Palestiniens s’accrochent à l’idée qu’Israël acceptera un jour de partager le territoire, les barrières physiques et idéologiques entre les sous-groupes palestiniens commencent à s’effondrer, assure-t-il.
Les combats spécifiques des Palestiniens –pour les droits civiques dans la minorité palestinienne d’Israël ; pour la libération nationale chez les Palestiniens des territoires occupé et pour le droit au retour dans la diaspora- s’effacent devant le "combat commun contre la réalité de l’apartheid ethnique."
Le Dr. Ghanem ajoute que, quand les Palestiniens en viendraient à comprendre qu’ils ne se verraient jamais offrir plus qu’un « Etat croupion » par Israël, alors le nouveau paradigme serait "un Etat binational, démocratique pour tous, Palestiniens et Israéliens, dans la Palestine historique."
Les diverses factions palestiniennes finiraient par unir leur plateformes politiques. Le mouvement pour les droits civiques qui apparaitrait rapidement chez les Palestiniens à l’intérieur d’Israël s’ajouterait à la lutte anti-apartheid émergeant dans les territoires occupés.
Un jour, dit le Dr. Ghanem, les Palestiniens d’Israël comme des territoires occupés et les millions de réfugiés remercieront Netanyahou de les avoir rapprochés.
Jonathan Cook, écrivain et journaliste, est basé à Nazareth, Israël.
Article paru dans The National, àAbu Dhabi et dans Electronic Intifada
traduction : C. Léostic, Afps.