mardi 16 novembre 2010

Rapport sur les manifestations hebdomadaires contre l'occupation à Al-Nabi Saleh, Bil'in, Al-Walaja (vidéos)

Cisjordanie - 15-11-2010

Par ISM 
La manifestation hebdomadaire de An-Nabi Saleh a eu lieu ce vendredi, le lendemain du sixième anniversaire de la mort de Yasser Arafat. L’armée israélienne a blessé à la main un jeune garçon par une balle caoutchouc-acier et a tiré des grenades lacrymogènes sur les manifestants pour les empêcher d’atteindre la source du village près de la colonie illégale Halamish. Les soldats ont tiré plusieurs grenades directement sur les manifestants, en particulier des grenades lacrymogènes à grande vitesse, bien qu’elles soient illégales étant donné le danger qu’elles représentent : ces armes ont tué et grièvement blessé de nombreux manifestants par le passé.














La manifestation devait être précédée par une grande cérémonie commémorant l’héritage de Yasser Arafat. Cependant, l’armée a bouclé toutes les entrées au village deux heures avant la manifestation pour empêcher les invités extérieurs d’y participer. Certains, dont des militants d’ISM, ont dû faire un détour d’une demi-heure à travers les oliveraies pour contourner les soldats et entrer dans le village. D’autres ont été aspergés de gaz lacrymogènes lorsqu’ils ont tenté d’entrer dans le village par cette route alternative.
Malgré toutes ces complications, environ 200 personnes, dont des activistes internationaux et israéliens, ont participé à la cérémonie. Les enfants ont défilé, entonnant des chants à la gloire d’Arafat. Tout de suite après la cérémonie, la manifestation a commencé, vers 13h, et a continué jusqu’au coucher du soleil.
Reportage d’Anne Paq à Nabi Saleh
Chroniques de Palestine (en anglais et en français)
Nabi Saleh est un village au nord de Ramallah. Les villageois ont commencé à manifester en Décembre 2009, après la confiscation par les colons de Halamish de terres supplémentaires et d'une réserve d'eau du village. Depuis des années, la colonie de Halamish ne cesse d'empiéter sur les terres agricoles du village. Les manifestations hebdomadaires ont rencontré un haut niveau de répression de l'armée israélienne.
Souvent, le village est totalement fermé pour la journée entière et des nuages de gaz lacrymogène peuvent être vus dans le village lui-même causant des souffrances à toute la population. Le petit village de 500 personnes est devenu ainsi en état de siège et la cible des attaques de l'armée israélienne tout puissante qui ne peut tolérer que des villageois osent manifester alors que leurs terres ne cessent d'être spoliées par les colons.
Depuis le début de la manifestation, des dizaines de personnes, y compris des mineurs, ont été arrêtés et blessés. En dépit de ces attaques honteuses sur le droit des peuples à résister, le village affiche toujours une incroyable volonté de poursuivre leurs manifestations et juste de ne pas abandonner, même si le prix à payer est fort.
Ce vendredi, aller au village de Nabi Saleh était en soi un défi. Des le matin, j'ai été informée que toutes les entrées du village étaient fermées. Fallait-il cependant renoncer, et ainsi donner raison à l'armée israélienne? Mais je savais qu'il y a toujours un chemin à travers les montagnes, alors j'ai décidé de continuer mon chemin. Bientôt dans le taxi collectif, il y a eu tout un débat sur ce que seraient les meilleures options pour nous. Lorsque nous sommes arrivés à l'entrée du village il y avait effectivement un point de contrôle et des soldats israéliens qui bloquaient la route- impossible de passer par là.

Nous avons continué notre chemin mais sur les collines à proximité, nous pouvions clairement voir les soldats qui ne seraient que trop heureux de nous cueillir- impossible non plus de passer par là. Nous avons donc décidé d'aller encore plus loin et d'essayer de passer par l'arrière du village, juste pour nous trouver face à un autre poste de contrôle. Nous avons décidé quand même de descendre de notre taxi, une fois en dehors de la vue des soldats et de tenter notre chance par les montagnes. D'autres voitures sont arrivées remplies de Palestiniens avec plein de drapeaux palestiniens, bientôt rejoints aussi par des activistes israéliens. Fort de ce nombre, les gens ont décidé de marcher tout ensemble au checkpoint. Nous avons bien sûr été accueilli par une pluie de grenades lacrymogènes, sans avoir une chance de leur parler et de réclamer notre droit a aller a Nabi Saleh pour protester.
Les activistes se sont alors dispersés à travers les montagnes, en petits groupes de manière à avoir moins de chance d'être repérés. Même si nous étions déjà bien en retard pour la manifestation, nous avons décidé qu'il valait la peine d'essayer et nous avons également pris le chemin des montagnes. L'armée israélienne ne devait pas avoir le dernier mot pour décider si oui ou non nous pouvions manifester. En passant par les montagnes, je n'ai pas pu m'empêcher de penser à nouveau à toute la beauté de ces paysages, remplis de terrasses et d'oliviers. Cela aurait pu être une randonnée merveilleuse, si elle n'était pas accompagnée de la peur de tomber sur les soldats israéliens ou, pire encore, de leurs tirs.
Après une heure nous avons finalement atteint le village, ce qui en soit était déjà une petite victoire, où des affrontements étaient déjà en bonne voie. Nous pouvions entendre le chant des écolières palestiniennes et la réponse habituelle mais non harmonieuse des tirs de gaz lacrymogène. On pouvoir voir les soldats israéliens sur toutes les collines environnantes et à l'entrée même du village où des amoncellements de pierres et des poubelles avaient été mis sur la route pour empêcher les soldats israéliens d'entrer le village. En bas de la colline, et à travers les arbres, quelques shebabs palestiniens jetaient des pierres sur les jeeps israéliennes en contrebas. Bientôt des bombes lacrymogènes ont été tirées directement dans le village.

Lorsque je suis descendue plus près des soldats, je pouvais aussi constater qu'ils tiraient directement les grenade lacrymogène sur les personnes et non en l'air comme ils sont censés le faire. A courte distance, des tirs peuvent être en fait être mortels. Nous avons ensuite découvert qu'ils utilisaient beaucoup des grenades lacrymogènes à haute vitesse, le même type qui avait causé la mort de Bassem Abu Rahma à Bil'in en 2009. À certains moments, les jeeps israéliennes sont aussi entrées dans le centre du village.
Parfois, j'avais l'impression que la manifestation était finie mais les shebabs revenaient toujours et ne pouvaient tout simplement pas accepter que l'armée était encore dans leur village. Les habitants semblaient être un peu habitués à la situation. Il y avait des enfants qui chantaient et jouaient en plein milieu, alors que les soldats israéliens n'étaient qu'à quelques dizaines de mètres. Certains Palestiniens regardent de loin les confrontations tout en buvant leurs cafés, commentant les différents mouvements, et probablement aussi priant pour que personne ne soit blessé.
Les confrontations ont continué jusqu'à la tombée de la nuit, n'en déplaise aux soldats israéliens qui ont échoué dans leur tentative d'empêcher la manifestation avant même qu'elle ne commence.
Bil’in marque le 6ème anniversaire de la mort d’Arafat
La manifestation de vendredi à Bil’in a regroupé un grand nombre de Palestiniens, d’internationaux et d’Israéliens. Des membres du Fatah étaient également présents. La manifestation a fait suite à toute une série de raids nocturnes menés par les soldats israéliens lancés à la recherche d’un activiste du village, Ashraf Khatib.

Les protestataires ont marché ensemble vers le mur d’apartheid, brandissant des photos de Yasser Arafat, en commémoration de la mort du dirigeant du Fatah mort il y a six ans. Des membres du Fatah ont fait des discours, tandis que les soldats israéliens se préparaient en arrière plan à attaquer les manifestants pacifiques.
Ont pris la parole Sultan Abu Al-Enanan, du Fatah, Kays Abu Leyla, du Comité exécutif de l’OLP et du bureau politique du Front Démocratique et Basel Monsur, du Comité populaire de Bil’in. Ils ont tous promis de rester fermes, comme l’aurait souhaité Arafat, et de combattre ensemble l’occupation.
Les soldats ont commencé à tirer des grenades lacrymogènes depuis leur position, sur la route menant au village, avant même que les manifestants aient tous commencé à avancer. Immédiatement, le secteur a été noyé dans les gaz lacrymogènes, les grenades tombant sur la foule de tous les côtés. En réponse, quelques jeunes ont jeté des pierres sur les soldats israéliens, en résistance symbolique à leur violence. Les soldats ont avancé dans l’oliveraie en continuant à tirer des salves de gaz lacrymogènes, poursuivant les gens jusque dans le village. A un moment, ils ont tiré à balle réelle, provoquant la peur et la retraite des protestataires restés sur la zone.
Les grenades lacrymogènes ont mis le feu à plusieurs endroits, que les manifestants ont éteint avant qu’il ne se propage. La manifestation a duré environ deux heures.
Le Comité populaire et les gens de Bil’in remercient les internationaux et les israéliens qui se tiennent à leurs côtés dans leur lutte contre l’occupation israélienne.
Nouvelle manifestation anti-mur à Al-Walaja
Le vendredi 11 novembre, le comité local de Al-Walaja (un petit village à une demi-heure de Bethléem) a organisé une protestation pacifique pour attirer l’attention sur la construction illégale d’une nouvelle colonie israélienne. Le village est encerclé par les colonies, alors le gouvernement israélien a décidé de construire un mur autour du village, avec une seule entrée.

Les villageois n’accepteront pas cela sans résistance. La semaine dernière, l’affaire a été portée devant la cour suprême mais rien n’a été décidé. Le gouvernement a continué de construire, alors vendredi, les habitants de Al-Walaja ont manifesté.
La manifestation est passée le long du mur et les gens ont exigé de vivre libres sans mur ni occupation. A l’endroit où le mur sera bientôt construit, un villageois a fait un discours sur les conditions de vie à Qalqiliya (également entourée d’un mur sur 3 côtés de la ville, avec une seule entrée, ndt).
Rapidement, l’armée israélienne est arrivée avec 4 jeeps et les soldats se sont dirigés vers les manifestants, mais il n’y a pas eu d’affrontement. Les gens sont restés debout en face des soldats et leur ont crié leurs griefs au visage. La manifestation s’est terminée une heure après.
La nouvelle colonie affectera Al-Walaja de diverses manières : non seulement elle empiète directement sur des maisons palestiniennes, mais il surplombera le village, qui, lorsque le mur sera terminé, sera complètement séparé de ses terres agricoles et du reste de la communauté.
Une autre conséquence tragique du mur et de la nouvelle colonie est que, s’ils sont construits, la superficie d’Al-Walaja passera de 20.000 dunhams (2.000 ha) (en 1967) à seulement 2.000 dunhams (200 ha).
Les entreprises de construction de la nouvelle colonie n’ont pas obtenu le permis de construire, alors que les Palestiniens se sont vus refuser, depuis plus d’un an, les autorisations pour finir les travaux de maisons en cours de construction.  
Traduction : MR pour ISM