mardi 16 novembre 2010

La nouvelle lubie de la gauche arabe

Cisjordanie - 16-11-2010

Par Robert Bibeau > robertbibeau@hotmail.com  
Une nouvelle lubie parcourt les rangs de la « gauche » arabe en concertation avec les collaborateurs de l’Autorité palestinienne (voir le texte en annexe). Cette lubie, ce leurre, que dis-je, ce mirage et cette trahison porte le nom de « Proclamation unilatérale de l’État national palestinien ». Évidemment, pour faire bonne mesure et prendre la posture qui sied, la « gauche » arabe, dans le communiqué final de la rencontre de Beyrouth (22 et 23 octobre 2010) assortit sa « menace » de spécifications effrayantes : « avec Al Quds pour capitale et à réaliser le droit au retour des réfugiés dans leurs terres… » (1).















Mahmoud Abbas, ex-président de l'Autorité palestinienne depuis janvier 2009, et son chef-négociateur Saeb Erekat.
Comment parviendront-ils, sur le terrain, à concrétiser cette « menace » contre l’entité sioniste ? Pas plus la « gauche » que la droite dans l’OLP, le Fatah et l’Autorité n’en soufflent mot. En fait, leur maître à penser, le « négociateur » palestinien non mandaté Saëb Erakat, révèle le moyen qui sera mis en œuvre pour concrétiser cette « menace », il suffira de demander aux maîtres de la colonie israélienne sioniste, les États-Unis d’Amérique, de reconnaître l’État palestinien dans les limites de la Ligne verte avant l’invasion de 1967. Le reste de la terre palestinienne est déjà concédé par lui à l’État sioniste, on ne refait pas l’histoire voyez-vous. Du droit de retour aucune mention de la part du négociateur en chef.
Le communiqué final de la conférence des organisations de la gauche arabe fait bien mention du terme résistance et appelle à l’unité entre les collabos de l’Autorité palestinienne et la résistance palestinienne pour une vraie démocratie… La démocratie, elle avait pourtant parlé, en 2006, et elle avait rejeté ces tactiques de compromission et de trahison nationale. Le peuple palestinien démocrate n’en finit plus de souffrir pour s’être alors démocratiquement prononcé.
Bien entendu, proclamer unilatéralement l’« État palestinien » en indiquant les « limites » espérées pour ce rêve irréaliste est très facile à réaliser. Vous pouvez même parier qu’aussitôt proclamé, plusieurs États complaisants (les régimes arabes qui ont abandonné le peuple palestinien à son sort, notamment) s’empresseront de « reconnaître » le nouvel État virtuel, qui n’aura, d’État, que le nom pompeux, sans aucun contrôle sur son territoire, sans aucune possibilité de faire respecter ses droits, ses pouvoirs, sa législation, ses frontières, un pseudo-pouvoir « étatique », qui, de fait, continuera, à travers l’Autorité palestinienne, à pratiquer la chasse aux résistants en Cisjordanie, à abandonner les réfugiés dans les camps et à gémir pour que, de concert, Israël et l’Égypte fassent enfin tomber le pouvoir du Hamas à Gaza et remette Gaza dans leur escarcelle pour l’attribution des juteux contrats de reconstruction offerts par la « communauté internationale » (si, et seulement si… (2)). Ah, que reviennent les beaux jours où l’ensemble du bantoustan palestinien était géré par une seule main de fer et les colonies « juives » sécurisées par une seule Autorité… sans autorité (3) !
Par ce communiqué, la « gauche » arabe se positionne à droite du Hamas et, surtout, à droite du Jihad Islamique – deux organisations islamistes et donc implicitement située à droite sur l’échiquier politique, selon la typologie des axes qui fait autorité en Occident.
Le Jihad Islamique propose quant à lui une authentique orientation de gauche, à savoir que l’État colonial israélien, créature de l’impérialisme occidental, hier dirigé par l’empire Britannique et aujourd’hui dirigé par les États-Unis d’Amérique, que l’ensemble de la base militaire permanente des USA au levant, soit démantelé et que la totalité de la terre arabe soit libérée de l’occupation coloniale, et pas seulement une partie d’Al-Quds ou la superficie occupée après 1967 par les forces sionistes comme le propose la bande de collaborateurs qui contrôle l’Autorité palestinienne en ce moment et qui se fait justement le promoteur de cette « menace » d’auto-proclamation bidon, dont la gauche se fait aujourd’hui le perroquet. Quel paradoxe, la soi-disant droite résistante située à gauche de la soi-disant « gauche » démocratique : intéressante confusion des genres, n’est-ce pas ?
Voilà une « menace » que l’entité sioniste (Israël) aimerait bien voir se concrétiser au plus tôt. En effet, comme nous l’expliquions dans un article précédent, Benjamin Netanyahu exige que les indignes négociateurs palestiniens sans mandat du peuple Palestinien reconnaissent que l’État hébreu est un État hébreu, patrie de tous les « juifs » de la Terre, une théocratie, s’indignait Gidéon Lévy (4). Par cette exigence, Netanyahu n’essaie pas de satisfaire un ‘caprice’, mais de compromettre encore d’avantage l’Autorité palestinienne dans la reconnaissance et l’acceptation de l’usurpation et de la spoliation des terres arabes de Palestine, ainsi que dans la renonciation officielle aux résolutions de l’ONU qui accréditent les droits palestiniens et dans la répudiation du droit de retour.
L’auto-proclamation bidon de l’État palestinien à l’intérieur des limites de la Ligne verte, sans disposer d’aucun moyen ni de faire respecter cette « souveraineté » ni de faire reculer la mainmise israélienne sur Jérusalem (Al-Quds) et sans possibilité d’assurer le retour des réfugiés (si ce n’est, peut-être, un jour, à l’intérieur du bantoustan palestinien – quelques villes emmurés que les israéliens exigent que l’Autorité administre de façon à se décharger de ce fardeau coûteux) oui, ce droit de retour sans retour est envisageable pour les Israéliens. Le seul résultat qu’aurait l’auto-proclamation serait l’officialisation du renoncement des Palestiniens à tous leurs droits nationaux, au droit de retour et à une grande portion de leur terre. Soyez assuré qu’Israël et les États-Unis seront les premiers pays à reconnaître ce nouvel État fantoche, suivis en cela, comme il se doit, par l’Union européenne, si elle ne se fait pas damier le pion par l’Égypte, l’Arabie Saoudite et quelques autres États arabes du même acabit.
Que fait la « gauche » arabe assise avec Saëb Erakat et Mahmoud Abbas à droite de la résistance palestinienne ?
(1) La rencontre de la gauche arabe. Beyrouth 22-23 octobre 2010.
« La Rencontre de la gauche arabe affirme que la cause palestinienne reste la cause centrale dans le conflit arabo-israélien. Elle affirme aussi le droit inaliénable au retour du peuple palestinien dans la terre de ses ancêtres, à décider de son sort en proclamant, unilatéralement, son État national, ayant Al-Quds pour capitale, et à réaliser le droit au retour des réfugiés palestiniens dans leurs terres desquelles ils ont été chassés en 1948. Elle appelle les peuples arabes à faire pression sur leurs gouvernements afin de reconnaître l’État palestinien, mais aussi de mettre fin aux relations que certains gouvernements entretiennent avec Israël. Sur ces bases, elle insiste sur la poursuite de la lutte pour l’arrêt définitif de la colonisation des terres palestiniennes et demande aux forces nationales palestiniennes de mettre fin aux divisions intestines et de recouvrer leur unité nationale. »
(2) Julien Salingue. 25.10.2010. Réflexions sur l’occupation, l’Autorité palestinienne et l’avenir du mouvement national.
(3) Gaza un an après la guerre. Arte-journal. 27.12.2009.
(4) Robert Bibeau. Les ‘caprices’ de Benjamin Netanyahu.
ANNEXE
"RECONNAISSANCE DE L’ÉTAT PALESTINIEN DANS LES FRONTIÈRES DE 1967"
12-11-2010 16:19:16
Pays : MAR AEAE FRS2985 40329 /AFP-AR94
TANGER (Maroc), 12 nov 2010 (AFP) - Le négociateur palestinien Saëb Erakat a déclaré vendredi que si les États-Unis n'arrivent pas à imposer à Israël l'arrêt de la colonisation, les Palestiniens pourraient leur demander la "reconnaissance de l'état de Palestine dans ses frontières de 1967".
"Si les États-Unis n'arrivent pas à imposer à Israël l'arrêt de la colonisation au cours de l'actuel mois, le prochain pas pour nous serait de demander aux États-Unis la reconnaissance de l'État de la Palestine dans ses frontières de 1967" a affirmé à l'AFP le négociateur palestinien en marge d'un débat à Tanger, dans le nord du Maroc, sur le Proche-Orient intitulé "quelles initiatives pour relancer le processus de paix".
"S'ils n'arrivent pas à le faire (l'arrêt de l'implantation des colonies) nous, en tant que Palestine membre observateur à l'ONU, irions (également) devant le Conseil de sécurité pour déposer une demande d'adhésion de l'État palestinien dans ses frontières de 1967", a-t-il précisé. Le responsable palestinien s'exprimait lors de la 3ème édition du forum international MEDays 2010 initié par l'institut Amadeus, un "think tank" marocain, jusqu'au 13 novembre.
Les débats ont été marqués par les interventions outre de Saëb Erakat, du député israélien et membre du Parti travailliste Daniel Ben Simon, de l'Américain Keith Ellison membres du Congrès des États-Unis, d'André Azoulay, conseiller du roi Mohammed VI et de Marc Otte, représentant spécial de l'Union européenne pour le processus de paix au Moyen-Orient. L'Initiative arabe de paix qui propose à Israël la paix en échange des territoires a été évoquée lors du forum comme étant un "important moyen pour parvenir à la paix entre Israéliens et Palestiniens".
mc/ob/nou AFP 121618 NOV 10