Quelque 36 chefs d’Etat et de gouvernement, ainsi que dix autres délégations étrangères se sont pressés, les 12 et 13 avril derniers, autour d’un Barack Obama rayonnant, à l’ouverture des travaux de « son » sommet sur la sécurité nucléaire. Le président américain a transformé Washington en capitale du monde pour une rencontre internationale — sans précédent — destinée à « conjurer le spectre d’attentats nucléaires terroristes ». Précédent la conférence de réexamen du Traité de non-prolifération nucléaire de la mi-mai, cet activisme nucléaire est, sans conteste, destiné à compenser les revers de politique étrangère enregistrés par la nouvelle administration américaine depuis son entrée en fonction officielle le 20 janvier 2009.
Accumulés au Proche-Orient, en Afrique, en Asie et en Amérique latine, ces revers, ajoutés à un désintérêt marqué pour l’Europe, réclamaient la mise en chantier d’une nouvelle initiative globale. Comme son prédécesseur George Bush, l’actuel président américain nous a refait le coup du terrorisme global/menace planétaire. Envers et contre toutes les expertises les plus sérieuses tendant à minimiser la menace du terrorisme nucléaire, il n’a pas ménagé ses efforts pour dramatiser le dossier et chercher à convaincre les participants que la perspective de « bombes sales » tombant aux mains d’organisations comme Al-Qaëda « est aujourd’hui le plus grand danger menaçant la sécurité du monde ». Il en a aussi profité pour presser la Chine et la Turquie, membres du Conseil de sécurité des Nations-Unies, de rejoindre le principe de nouvelles sanctions contre l’Iran. Et comme le « business » n’est jamais complètement absent des orientations diplomatiques de la Maison Blanche, les experts ont bien travaillé à produire de la norme internationale destinée à favoriser les exportations du nucléaire civil américain.
Enfin, le président américain a appelé toutes les nations — incluant Israël — à signer le Traité de Non-Prolifération (TNP). Selon un haut fonctionnaire de l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA), deux résolutions seront présentées à la prochaine conférence générale d’examen du TNP, entre les 3 et 28 mai prochain. La première réclamera la création d’une zone libre d’armes nucléaires au Proche-Orient, la seconde pointera la capacité nucléaire israélienne, Etat non signataire du TNP. D’ores et déjà boycottant ces travaux, Tel-Aviv a aussitôt opposé une fin de non-recevoir. Le 15 avril, le ministre israélien de la Défense, Ehud Barak, a affirmé : « Israël maintient une politique d’ambiguïté nucléaire, à savoir de refuser de confirmer ou de nier sa capacité. Des spécialistes étrangers estiment que le pays a produit du plutonium suffisant pour propulser jusqu’à 200 ogives. Israël déclare qu’il considérera un accord pour démanteler les armes de destruction massive au Moyen-Orient une fois que la région sera parvenue à la paix complète ».
Plusieurs sources israéliennes estiment aujourd’hui que le nombre de têtes nucléaires israéliennes oscille entre 300 et 400. Tel-Aviv dispose aussi de vecteurs de lancement très performants dont une cinquantaine de chasseurs-bombardiers américains de dernière génération, ajoutée à une vieille flotte d’une centaine de F-15/I et F-16/I. L’arsenal israélien compte également une centaine de missiles Jéricho 2 et quatre sous-marins lanceurs d’engins capables d’atteindre les capitales de toute la région, y compris les grandes villes iraniennes. Tel-Aviv a négocié avec New Delhi une autorisation permanente d’escale pour ses sous-marins dans le port militaire de Bombay, confortant l’idée qu’Israël est bien décidé à conduire des opérations à l’encontre de l’Iran.
Dernièrement, l’état-major israélien a engagé un important programme de modernisation de ses capacités nucléaires. A l’instar du Pentagone, il s’est lancé dans l’expérimentation de mini-bombes atomiques destinées à des attaques très ciblées, afin de détruire, par exemple, des centres de pouvoir ennemis ou des infrastructures militaires inattaquables autrement. Sans renoncer à sa stratégie classique de dissuasion — stratégie de non-emploi — Tel-Aviv envisage désormais de nouvelles postures opérationnelles, dont le recours offensif à l’arme atomique. On comprend bien, dans ces conditions, pourquoi Israël n’envisage pas de signer le TNP. On comprend mieux pourquoi il continue à violer allègrement la législation internationale. Au moment même où le Conseil de sécurité prépare de nouvelles sanctions contre l’Iran, Israël peut poursuivre — en toute impunité — ses incursions meurtrières dans les territoires palestiniens, son « Mur de la honte », ses déplacements de populations et la construction de ses nouvelles colonies. Avec la complicité de la communauté internationale, Israël peut parachever l’extermination de tout un peuple …
Au sein des Nations-Unies, tous les Etat-membres sont égaux, mais — comme pour les animaux de la ferme de George Orwell —, « certains sont plus égaux que d’autres … ».