jeudi 29 avril 2010

Mettre fin à l’occupation et ensuite commencer les négociations

publié le mercredi 28 avril 2010
Sam Bahour

 
Pour éviter une nouvelle catastrophe en Palestine, ce qui est nécessaire, c’est que les Etats-Unis respectent le droit humanitaire international et les nombreuses résolutions des Nations unies, c’est qu’ils utilisent la puissance américaine pour amener Israël à se conformer à la volonté de la communauté des nations en le forçant à mettre fin à l’occupation.
Le président Barack Obama est sur le point de faire un saut politique sur la question Palestine-Israël. Bien d’autres présidents américain ont fait de même et se sont retrouvés chacun à plat ventre par terre. Cette fois le saut est le lancement d’une nouvelle initiative des Etats-Unis qui nous promet, encore une fois, d’entraîner la fin de l’obstiné conflit palestino-israélien.
Obama serait bien avisé de tirer des leçons de toutes les autres infâmes initiatives US au moment où il donne forme à la sienne. Il n’y a absolument rien de nouveau dans l’annonce d’un nouvelle initiative de paix états-unienne. Les Palestiniens et les Israéliens ont été les récipiendaires de tant de plans semblables qu’ils peuvent habituellement en prédire le contenu avant de les recevoir. Cette fois-ci pourtant les attentes ne sont pas si claires que ça. La façon dont Obama a traité de la question depuis qu’il est président n’est guère traditionnelle. Aussi espère-t-on que la substance de l’initiative annoncée s’éloignera de la tradition, puisque la tradition veut aussi dire échec et nouvelles effusions de sang des deux côtés.
Pourquoi les gens ici sur le terrain voient-ils Obama de façon légèrement différente des présidents des Etats-Unis qui l’ont précédé ?
Pour commencer, peu de temps après son investiture, il a fait un discours historique au Caire le 4 juin 2009, dans lequel il disait :
« ...il est également indéniable que le peuple palestinien—musulmans et chrétiens—a souffert dans la quête de sa patrie. Depuis plus de 60 ans les Palestiniens subissent la douleur d’un bouleversement. Nombre d’entre eux attendent dans des camps de réfugiés en Cisjordanie, à Gaza et dans des pays voisins de vivre en paix et en sécurité la vie qu’ils n’ont jamais pu vivre. Ils subissent les humiliations quotidiennes -grandes et petites- qui accompagnent l’occupation. Ainsi, qu’il n’y ait aucun doute : la situation des Palestiniens est intolérable. L’Amérique ne tournera pas le dos à l’aspiration légitime des Palestiniens à connaître la dignité, des opportunités et un Etat à eux. »
Voici une réflexion sur le conflit qui est considérablement plus profonde que ce qu’on peut trouver dans l’histoire récente. Qu’Obama lie la dépossession des Palestiniens quand Israël fut créé à la poursuite de l’occupation israélienne a un sens considérable.
Ensuite, Obama n’a pas perdu de temps avant de nommer le sénateur George Mitchell envoyé spécial au Moyen-Orient. C’était une indication claire que l’administration Obama prenait la question au sérieux et qu’il avait l’intention de traiter ce problème dès le début de son mandat et non à la fin comme beaucoup de ses prédécesseurs.
Obama s’est opposé à Israël sur la question des colonies – qui sont l’indicateur essentiel du sérieux des Israéliens non seulement pour résoudre le conflit mais aussi pour réduire la tension et créer un contexte qui permette la confiance afin que des négociations de paix reprennent. La réponse israélienne fut l’équivalent de coups et de crachats répétés au visage de l’administration Obama.
Enfin, plus récemment, le général US David Petraeus, le commandant qui supervise les guerres des Etats-Unis en Irak et en Afghanistan, a expliqué devant le Comité des Forces armées du Sénat que "la poursuite des hostilités entre Israël et certains de ses voisins sont des défis très clairs à notre capacité de faire avancer nos intérêts en terme de responsabilité".
La déclaration de Petraeus a été comprise comme un signal que l’administration Obama ne permettrait pas que les intérêts américains dans la région soient compromis par l’intransigeance israélienne. A vrai dire, avant cette déclaration publique faite par l’un des plus hauts responsables militaires des Etats-Unis, c’était un secret bien mal gardé qu’Israël jouait un rôle négatif pour les intérêts stratégiques des Etats-Unis dans la région.
En 2006, par exemple, le groupe mixte [1] d’Etudes sur l’Irak notait explicitement qu’il fallait s’occuper du conflit palestino-israélien si l’on voulait engranger des progrès en Irak et dans la région.
Etant donné tout cela, Obama pouvait amener les Etats-Unis à faire ce qui était juste enfin. Reste à savoir si les Etats-Unis et leur institutions lui permettront de remodeler la politique américaine dans une démarche de réalisation de la paix qui lui donne une chance de réussir. Les bases des plans de paix précédents ont changé : les macro-plans globaux proposés avant même que des négociations directes entre les parties ne commencent (par exemple le plan Reagan de 1982) sont devenus de super micro-plans de transition (par exemple le processus de paix d’ Oslo). Il y eut même une approche genre "big bang" quand le président George W. Bush promit de résoudre le conflit avant la fin de son mandat.
Il va sans dire que tous ces plans ont échoué, totalement et violemment. Chaque échec a couté des vies et des existences palestiniennes et israéliennes.
Ce qu’Obama peut faire de différent, c’est avoir une approche concrète pour résoudre le conflit, avec deux échéances claires. La première étape est de mettre fin à 43 ans d’occupation militaire de la Palestine, en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. Ensuite, et ensuite seulement, pourra-t-on attendre des Palestiniens qu’ils négocient de bonne foi pour la deuxième étape, qui est un accord négocié sur le statut final qui mettrait fin au conflit et lancerait un processus de réconciliation. Garder la liberté des Palestiniens en otage d’un accord inaccessible sur le statut final équivaut à un crime de guerre.
Dans son discours du Caire Obama a dit aussi :"Nous ne pouvons pas imposer la paix". J’espère qu’il a compris clairement qu’imposer la paix n’est pas la solution pour éviter une nouvelle catastrophe en Palestine. Ce qui est nécessaire, c’est que les Etats-Unis respectent le droit humanitaire international et les nombreuses résolutions des Nations unies, c’est qu’ils utilisent la puissance américaine pour amener Israël à se conformer à la volonté de la communauté des nations en le forçant à mettre fin à l’occupation.
Que les Etats-Unis soutiennent le droit international pourrait bien être la véritable expression de "choc et effroi [2]". Voilà qui pourrait être l’héritage historique d’Obama : mettre les Etats-Unis du bon côté -dans le sens de juste- de l’histoire dans cette région.
[1] comportant des Démocrates et des Républicains. NdT
[2] La doctrine choc et effroi (de l’anglais Shock and Awe, ce qui peut aussi être traduit par Choc et stupeur), ou de domination rapide, est une doctrine militaire basée sur l’écrasement de l’adversaire à travers l’emploi d’une très grande puissance de feu, la domination du champ de bataille et des manœuvres, et des démonstrations de force spectaculaires pour paralyser la perception du champ de bataille par l’adversaire et annihiler sa volonté de combattre.
Elle est issue de l’Université de la défense nationale des États-Unis et a été rédigée par Harlan Ullman et James Wade en 1996. Elle a principalement été mise en œuvre lors de l’invasion de l’Irak en 2003 Wikipedia
Sam Bahour est palestino-américain. Il vit à Ramallah
publié par Bitterlemons
traduction, notes et choix de photo de Une : C. Léostic, Afps