Sam Bahour
Pour éviter une nouvelle catastrophe en  Palestine, ce qui est nécessaire, c’est que les Etats-Unis respectent le  droit humanitaire international et les nombreuses résolutions des  Nations unies, c’est qu’ils utilisent la puissance américaine pour  amener Israël à se conformer à la volonté de la communauté des nations   en le forçant à mettre fin à l’occupation.
Le président Barack Obama est  sur le point de faire un saut politique sur la question  Palestine-Israël. Bien d’autres présidents américain ont fait de même et  se sont retrouvés chacun à plat ventre par terre. Cette fois le saut  est le lancement d’une nouvelle initiative des Etats-Unis qui  nous  promet, encore une fois, d’entraîner la fin de l’obstiné  conflit  palestino-israélien.
Obama serait bien avisé de tirer des leçons de toutes  les autres infâmes initiatives US au moment où il donne forme  à la  sienne. Il n’y a absolument rien de nouveau dans l’annonce d’un nouvelle  initiative de paix états-unienne. Les Palestiniens et les Israéliens  ont été les récipiendaires de tant de plans semblables qu’ils peuvent  habituellement en prédire le contenu avant de les recevoir. Cette fois-ci pourtant les attentes ne sont pas si claires que ça. La  façon dont Obama a traité de la question depuis qu’il est président  n’est guère traditionnelle. Aussi espère-t-on que la substance de  l’initiative annoncée s’éloignera de la tradition, puisque la tradition  veut aussi dire échec et  nouvelles effusions de sang des deux côtés.
Pourquoi les gens ici sur le terrain voient-ils Obama de  façon légèrement différente  des présidents des Etats-Unis qui l’ont  précédé ?
Pour commencer, peu de temps après son investiture, il a  fait un discours historique au Caire le 4 juin 2009, dans lequel il  disait :
« ...il est également indéniable que le peuple  palestinien—musulmans et chrétiens—a souffert dans la quête de sa  patrie. Depuis plus de 60 ans les Palestiniens subissent la douleur d’un  bouleversement. Nombre d’entre eux attendent dans des camps de réfugiés  en Cisjordanie, à Gaza et dans des pays voisins de vivre en paix et en  sécurité la vie qu’ils n’ont jamais pu vivre. Ils subissent les  humiliations quotidiennes -grandes et petites- qui accompagnent  l’occupation. Ainsi, qu’il n’y ait aucun doute : la situation des  Palestiniens est intolérable. L’Amérique ne tournera pas le dos à  l’aspiration légitime des Palestiniens à connaître la dignité, des  opportunités et un Etat à eux. »
Voici une réflexion sur le conflit qui est  considérablement plus profonde que ce qu’on peut trouver dans l’histoire  récente. Qu’Obama lie la dépossession des Palestiniens quand Israël fut  créé à la poursuite de l’occupation israélienne a un sens considérable.
Ensuite, Obama n’a pas perdu de temps avant de nommer le  sénateur  George Mitchell envoyé spécial au Moyen-Orient.  C’était une   indication claire que l’administration Obama prenait la question au  sérieux et qu’il avait l’intention de traiter ce problème dès le début  de son mandat et non à la fin comme beaucoup de ses prédécesseurs.
Obama s’est opposé à Israël sur la question des colonies  – qui sont l’indicateur essentiel du sérieux des Israéliens non  seulement pour résoudre le conflit mais aussi pour réduire la tension et   créer un contexte qui permette la confiance afin que des négociations  de paix reprennent. La réponse israélienne fut l’équivalent de coups et  de crachats répétés au visage de l’administration Obama.
Enfin, plus récemment, le général US David Petraeus, le  commandant qui supervise les guerres des Etats-Unis en  Irak et en  Afghanistan, a expliqué devant le Comité des Forces armées du Sénat que  "la poursuite des hostilités entre Israël et certains de ses voisins  sont des défis très clairs à notre capacité de faire avancer nos  intérêts en terme de responsabilité".
La déclaration de Petraeus a été comprise comme un  signal que l’administration Obama ne permettrait pas que les intérêts  américains dans la région soient compromis par l’intransigeance  israélienne. A vrai dire, avant cette déclaration publique faite par  l’un des plus hauts  responsables militaires des Etats-Unis, c’était un  secret bien mal gardé qu’Israël jouait un rôle négatif pour les intérêts  stratégiques des Etats-Unis dans la région.
En 2006, par exemple, le groupe mixte [1] d’Etudes sur l’Irak notait explicitement qu’il  fallait s’occuper du conflit palestino-israélien si l’on voulait  engranger des progrès en Irak et dans la région.
Etant donné tout cela, Obama pouvait amener les  Etats-Unis  à faire ce qui était juste enfin. Reste à savoir si les  Etats-Unis et leur institutions lui permettront de  remodeler la  politique américaine dans une démarche de réalisation de la paix qui lui  donne une chance de réussir. Les bases des plans de paix précédents ont changé : les macro-plans  globaux proposés avant même que des négociations directes entre les  parties ne commencent (par exemple le plan Reagan de 1982) sont devenus  de super micro-plans de transition   (par exemple le processus de paix  d’ Oslo). Il y eut même une approche genre  "big bang" quand le  président  George W. Bush promit de résoudre le conflit avant la fin de  son mandat.
Il va sans dire que tous ces plans ont échoué,  totalement et violemment. Chaque échec a couté des vies et des  existences palestiniennes et israéliennes.
Ce qu’Obama peut faire de différent, c’est avoir une  approche concrète pour résoudre le conflit, avec deux échéances claires.  La première étape est de mettre fin à 43 ans d’occupation militaire de  la Palestine, en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. Ensuite, et  ensuite seulement, pourra-t-on attendre des Palestiniens qu’ils  négocient de bonne foi pour la deuxième étape, qui est un accord négocié  sur le statut final qui mettrait fin au conflit et lancerait un  processus de réconciliation. Garder la liberté des Palestiniens en otage  d’un accord inaccessible sur le statut final  équivaut à un crime de  guerre.
Dans son discours du Caire Obama a dit aussi :"Nous ne  pouvons pas imposer la paix". J’espère qu’il a  compris clairement  qu’imposer la paix n’est pas la solution pour éviter une nouvelle  catastrophe en Palestine. Ce qui est nécessaire, c’est que les  Etats-Unis respectent le droit humanitaire international et les  nombreuses résolutions des Nations unies, c’est qu’ils utilisent la  puissance américaine pour amener Israël à se conformer à la volonté de  la communauté des nations  en le forçant à mettre fin à l’occupation.
Que les Etats-Unis soutiennent le droit international  pourrait bien être la véritable expression de "choc et effroi [2]". Voilà qui pourrait être  l’héritage historique d’Obama : mettre les Etats-Unis du bon côté -dans  le sens de juste- de l’histoire dans cette région.
[1] comportant des Démocrates et  des Républicains. NdT
[2] La doctrine choc et effroi (de  l’anglais Shock and Awe, ce qui peut aussi être traduit par Choc et  stupeur), ou de domination rapide, est une doctrine militaire basée sur  l’écrasement de l’adversaire à travers l’emploi d’une très grande  puissance de feu, la domination du champ de bataille et des manœuvres,  et des démonstrations de force spectaculaires pour paralyser la  perception du champ de bataille par l’adversaire et annihiler sa volonté  de combattre.
Elle est issue de l’Université de la défense  nationale des États-Unis et a été rédigée par Harlan Ullman et James  Wade en 1996. Elle a principalement été mise en œuvre lors de l’invasion de l’Irak en  2003 Wikipedia
Sam Bahour est  palestino-américain. Il vit à Ramallah
publié par Bitterlemons
traduction, notes et choix de photo de Une : C. Léostic,  Afps
 
 
