« Cherchez Israël ». Un Etat qui est derrière tous les maux de l’Egypte. C’est l’acteur caché, le provocateur qui incite et enflamme aujourd’hui les pays du Bassin du Nil pour annuler les accords déjà conclus. Le mot Nil occupe une place privilégiée dans la pensée israélienne et dans sa doctrine. Voire, certains estiment que les deux barres bleues qui forment le drapeau israélien représentent l’une le Nil et l’autre l’Euphrate. Et on parle aussi que sur la façade même de la Knesseth, il est écrit « Etat d’Israël du Nil à l’Euphrate ». C’est l’étendue du projet expansionniste du Grand Israël envisagé par l’Etat hébreu depuis sa création.
L’eau est un besoin vital pour assurer la survie de l’Etat hébreu qui souffre d’aridité et de rareté des sources d’eau. Le Nil est alors son point de mire, notamment qu’il est le plus proche d’Israël. Alors pour y parvenir, il sème la zizanie parmi les pays africains pour qu’ils fassent pression sur l’Egypte et la dépossédent de sa part historique de l’eau du Nil. Un danger dont l’Egypte est bien consciente. « Israël n’hésitera pas à conseiller l’Ethiopie de construire des barrages sur le Nil », met en garde le ministre égyptien de l’Irrigation, Mohamad Nasr Allam.
La carte gagnante d’Israël, c’est sa relation forte avec l’Ethiopie qui contrôle le Nil Bleu. Il suffit à cet égard de savoir que 80 % de l’eau qui coule au Caire provient du Nil Bleu, dont la source est en Ethiopie. Mais les relations autant économiques que diplomatiques israéliennes avec d’autres pays africains sont solides et ne manquent pas d’être une source de danger, comme le Kenya, l’Ouganda et la Tanzanie. En fait, le débat autour d’un partage équitable de l’eau du Nil s’est tellement animé après la dernière tournée du ministre israélien des Affaires étrangères, Avigdor Lieberman, dans ces pays, source du Nil, en septembre dernier. Selon les analystes, c’était une tournée qui a marqué une montée en puissance de l’Etat hébreu dans le continent noir. Cibler ces pays d’où partent les sources du Nil n’est pas du tout une simple coïncidence. Les journaux israéliens révèlent bien l’affaire. Lieberman a été accompagné par des économistes et des spécialistes dans le domaine de l’industrie de l’armement et du commerce, de l’aviation, de la marine, de l’énergie, des communications et de l’agriculture. Lieberman a discuté des questions de l’eau et de l’agriculture avec ces Etats. Une visite qui a engendré, dès sa fin, des prises de positions africaines contre l’Egypte.
On a commencé à entendre des déclarations hostiles de la part des dirigeants africains. On lit dans les journaux kényans : « C’est une honte que l’aide vienne d’un pays désertique comme l’Egypte, qui utilise les eaux du Nil dont la source émane du Lac Victoria, qui appartient au Kenya, à l’Ouganda et à la Tanzanie ». Le quotidien éthiopien Jima Times, lui, a souligné : « Israël peut aider les Etats africains à utiliser les eaux du Nil contre le fait de concéder la moindre part, ce qui affectera la part de l’Egypte ».
Israël ultra présent
En fait, les domaines de la coopération africo-israélienne sont multiples et dans de différentes aspects. Au niveau hydraulique, Tel-Aviv a participé à la construction de 3 barrages en Ethiopie et des installations hydroélectriques sur le Nil Bleu, et trois autres en Ouganda, au Congo et Ghana. Ainsi qu’un traité d’irrigation avec l’Ouganda depuis 2000. Il présente même des aides techniques et des études dans le domaine de l’irrigation et de l’agriculture pour ces pays.
Selon Emad Gad, chercheur au Centre d’Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, c’est l’absence égyptienne, voire la négligence, mettant à l’écart tout rôle moteur, notamment durant l’époque nassérienne, qui a laissé la porte grande ouverte devant l’intervention israélienne pour s’incruster en Afrique. Et d’ajouter : « Israël a bien étudié le dossier africain et les besoins de ces pays pour mener son jeu. Il est devenu aujourd’hui difficile de mettre fin à ce rôle d’Israël qui est devenu le principal allié des pays africains. Il y a une connivence totale entre Israël et les pays africains ».
Dès Théodore Hertzel
Les tentatives israéliennes pour obtenir l’eau du Nil ont commencé en 1903. Théodore Hertzel, fondateur du mouvement sioniste, a présenté aux autorités britanniques un projet d’implantation des juifs au Sinaï et le transfert de l’eau du Nil vers cette partie. L’idée fut abandonnée après la première guerre mondiale. En 1974, un autre projet présenté, connu par le nom de son ingénieur Eliasha Kalli, proposait le transfert de 840 millions de m3 par an à Israël à travers le lac d’Ismaïliya.
Et quand Anouar Al-Sadate a proposé, en 1979, le « canal de la paix », promettant à Israël de l’eau en échange de la restitution de Jérusalem Est … Begin a répondu : « Si l’eau du Nil signifie que nous devons abandonner Jérusalem, nous n’en voulons pas ». Aujourd’hui s’ajoute un autre scénario : la possible sécession, en janvier prochain, du Sud-Soudan que soutiennent Israël et l’Amérique. Ce nouveau pays va contrôler les eaux du « Bahr Al-Ghazal », un des grands affluents du Nil, et pourrait changer la direction de son écoulement.
Aliaa Al-Korachi