jeudi 20 janvier 2011

Qui profite de l’occupation ?

jeudi 20 janvier 2011 - 06h:27
Alice Rothchild - Mondoweiss
Maintenant que nous en savons plus sur le mouvement BDS, une question essentielle se dégage : quelles sont les entreprises impliquées dans des activités qui soutiennent au bout du compte l’occupation ?
(JPG)
Colonie israélienne. Comme une verrue sur la terre de Palestine.
(JPG) A Tel Aviv, nous avons rencontré Dalit Baum, membre israélienne de la Coalition des Femmes pour la paix et en particulier, du groupe Who Profits ?. Elle nous explique que l’organisation a été créée pour comprendre le projet colonial sous l’angle de l’économie. Cette femme aux cheveux coupés courts et aux yeux noirs vifs, avec un sens tout ironique de l’humour, nous dit que le projet visait à s’informer sur les sociétés directement impliquées dans l’occupation, pour en assimiler les spécificités, les intérêts financiers, et pour savoir qui fait de l’argent avec l’occupation. Après une recherche méticuleuse, quatre plus tard, le groupe a monté son site, Whoprofits.org, qui a une base de données partielles d’environ 1000 entreprises.
Les critères pris en compte pour mettre une entreprise sur cette liste comprennent les travaux de construction dans les colonies, la vente de produits des colonies, l’usage d’espace industriel à l’intérieur des colonies, la fourniture de services déterminants aux colonies tels que transports et fournitures d’équipements à l’armée, et la construction de murs et de check-points. Darit nous indique qu’Israël a exploité la main-d’œuvre palestinienne et le marché palestinien qui est un marché captif où la politique israélienne a coupé court à beaucoup de concurrences. Par exemple, les Palestiniens sont autorisés à cultiver uniquement les produits agricoles moins rentables que les mêmes produits israéliens et qui ne viennent pas concurrencer les produits israéliens sur les marchés européens.
Who Profits ? est une organisation populaire unique, qui procède à une recherche économique remarquable avec une documentation minutieuse, utilisant des preuves tangibles à partir de documents du gouvernement et des entreprises. Ses membres sont très attentifs à rester dans le cadre de la loi, sachant que toutes poursuites judiciaires en dommages et intérêts seraient désastreuses devant les tribunaux israéliens. Leur activité consiste par exemple dans l’initiative « Crossing the Line », (pdf) un train rapide qui reliera Tel Aviv à Jérusalem et franchira la Ligne verte en Cisjordanie sur deux sections. Les riverains israéliens ne voulaient pas du train ni du bruit près de leur propriété, et le tracé a été déplacé ce qui va entraîner la quasi-disparition du village palestinien de Beit Iksa. Péniblement, une pétition est maintenant lancée dans le monde depuis le village palestinien pour faire passer le train sur un terrain DÉJÀ exproprié. Le train est en cours de construction par des sociétés européennes et américaines.
Ensuite, il y a la question des financements de l’occupation. Toutes les six banques israéliennes sont directement impliquées dans le soutien aux colonies. Dalit nous rappelle que d’ailleurs nous ne pouvons pas séparer l’économie de l’occupation de l’économie d’Israël et de l’économie des États-Unis. Par exemple, Soda Stream, une société israélienne qui produit de l’eau gazéifiée, vient juste d’être cotée sur le marché Nasdaq.
Elle tourne son attention sur ce que cela signifie de boycotter les marchés des colonies. Elle évoque 18 magnats qui contrôlent de grandes entreprises impliquées, faisant remarquer que quand ces magnats commenceront à perdre de l’argent, ils quitteront les colonies. Elle dépeint la vie en Israël comme frustrante mais elle dit aussi, « nous nous sentons efficaces ». Par exemple, son groupe va sur un check-point, s’informe sur l’infrastructure, ses télécommunications, etc., puis il fait des recherches avec Google sur les entreprises, lance les recherches appropriées et met les informations sur son site. « Opération directe, sans anesthésie ! Nous utilisons notre privilège de voir l’occupation. » Le groupe se rend également aux expositions de l’industrie de la sécurité et s’adresse aux personnes qui veulent vendre un maximum d’armes. Dalit met l’accent sur la dispersion accumulée de ce qu’on appelle dans le business, « les armes non létales », alors que tout le monde sait que ces armes peuvent être mortelles utilisées en doses suffisamment élevées ou en tir tendu. Et elle le ressent à titre personnel, en tant que militante qui a été confrontée aux gaz lacrymogènes et à d’autres moyens utilisés contre les manifestations.
Un autre aspect de ce macabre business dont nous parle Dalit touche aux armes fabriquées aux États-Unis. Parce que les États-Unis donnent à Israël une quantité énorme d’argent pour l’achat d’équipements militaires américains, il y a maintenant des entrepreneurs israéliens qui créent des sociétés aux USA et profitent ainsi des largesses de nos impôts. Ainsi, il existe de nombreuses forces aux États-Unis mêmes qui ont de gros intérêts économiques à ce que dure cet arrangement lucratif où les USA financent en fait leur propre industrie de guerre. Ceci a conduit un groupe de militants, après une manifestation, à rendre les corps de grenades lacrymogènes, vides après usage, à l’ambassadeur US. Ils se sont faits promptement arrêtés pour possession d’armes, mais les charges d’accusations furent par la suite abandonnées.
Dalit nous rappelle qu’il y a beaucoup à faire aux États-Unis et que tout effort contribue à servir la cause. Il est important de choisir des cibles stratégiques qui impliquent aussi un volet éducatif. Pour elle, boycotter des sociétés informatiques ou des laboratoires de médicaments génériques, par exemple, ne relève pas d’une activité stratégique. Elle est très optimiste, à la fois parce que ce mouvement est dirigé par les militants palestiniens, et aussi parce qu’il y a une réponse venant de la Knesset israélienne qui suppose que les gens au pouvoir s’inquiètent. La loi Anti-BDS dans le processus rend les individus personnellement responsables de tout dommage aux entreprises. La loi relative aux Associations vise à mettre hors la loi toute ONG qui fournit des informations à des entités étrangères qui pourraient mener à des accusations de crimes de guerre contre les Israéliens. La législation sur la lutte contre le terrorisme cible tout militant israélien ou palestinien qui agit contre des soldats israéliens ou des symboles de l’État, et définit vaguement et obscurément toutes ces activités comme étant du terrorisme. Ceci inclut donc la résistance non violente, légitime, à l’occupation. La loi interdisant l’institution d’un boycott criminalise les citoyens israéliens qui soutiennent une activité locale et internationale de boycott. Récemment, la Knesset a lancé une enquête sur le financement des ONG.
Dalit considère ces tendances droitières comme un plongeon dans le fascisme et qu’il est particulièrement inquiétant que ces agressions antidémocratiques trouvent leur source à la Knesset, parlement israélien, qui est supposée être la pierre angulaire d’une société démocratique.
Je quitte cette rencontre avec le sentiment qu’il y a une quantité énorme de travail à faire aux États-Unis, à lier activement à l’appareil et aux entreprises militaires qui rendent possible l’occupation israélienne. En outre, la « seule démocratie au Moyen-Orient » semble s’en aller rapidement dans une direction dangereuse ; je me demande combien de ceux qui soutiennent qu’Israël est « moral » apprécient pleinement ceci et quand, soutenir les actes du gouvernement israélien deviendra intenable pour une partie plus large de la population.
Je suis impressionnée de voir qu’un petit groupe de militants réfléchis et convaincus puisse avoir un tel impact significatif sur le processus. J’espère seulement que la prochaine fois que je viendrai en Israël, je ne les visiterai pas en prison.
(JPG)
Alice Rothchild

Alice Rotchild est médecin et écrivain états-unienne.
Pour contacter le groupe Who Profits ? : http://www.whoprofits.org/Contact.php
Pour consulter la liste Who Profits ? d’entreprises profitant des colonies : http://www.whoprofits.org/Involveme...
15 janvier 2011 - Mondoweiss - traduction : JPP
Lien