dimanche 2 mai 2010

Betty Azzam, une « naufragée » palestinienne à Gaza

publié le vendredi 30 avril 2010
KARIM LEBHOUR (à Gaza)

 
La jeune Palestinienne chrétienne étudiait à Bethléem mais Israël lui refuse le droit de séjourner en Cisjordanie.
Pour Betty Azzam, Gaza est une prison d’ennui. Expulsée de Bethléem par l’armée israélienne, cette Palestinienne de 22 ans passe le plus clair de son temps sur Internet pour retrouver ses amis de Cisjordanie. « Nous sommes dans le même pays, mais on ne peut pas se voir, dit-elle. Le seul moyen serait de se rencontrer à l’étranger. » Le 28 octobre 2009, Betty a été arrêtée à un check-point près de Bethléem où elle étudiait depuis 2005. L’armée assure qu’elle séjournait « illégalement » en Cisjordanie, sans disposer du permis requis pour les Palestiniens de Gaza. Menottée, les yeux bandés, la jeune étudiante a été conduite vers la bande de Gaza.
Son expulsion a soulevé un tollé. Diplomates, intellectuels et défenseurs des droits de l’homme se sont étonnés que les Palestiniens ne puissent pas choisir de vivre ou d’étudier où bon leur semble sur leur territoire. « Le cas de Betty a mis en lumière le sort de milliers d’étudiants palestiniens de Gaza empêchés d’étudier en Cisjordanie », explique Sari Bashi, la directrice de Gisha, une ONG israélienne de défense de la liberté de circulation des Palestiniens. Saisie du dossier, la Cour suprême israélienne a tranché en faveur de l’administration militaire. Betty Azzam doit rester à Gaza.
Un châle sur les épaules pour couvrir ses bras nus, cette jeune chrétienne se dit « mal à l’aise » dans ce Gaza rigoriste et conservateur du Hamas. « À Bethléem, je marchais tout le temps. Ici, je prends un taxi dès que je sors de la maison. Je ne marche jamais dans la rue. » Trop de regards pesants sur ses cheveux sans voile, trop de commentaires sur la croix qu’elle porte autour du cou. Betty n’a qu’une idée en tête : partir. « N’importe où, dès l’instant que je pourrai me sentir libre en tant que chrétienne. » Peut-être à Dubaï où son frère réside déjà.
Le cas de Betty souligne le durcissement de la politique israélienne destinée à couper Gaza de la Cisjordanie. Les accords d’Oslo reconnaissent les deux territoires comme une seule entité, mais depuis le début de la seconde Intifada, en 2000, les autorisations de passage sont accordées au compte-gouttes. La ligne de bus reliant les deux territoires, via Israël, a été supprimée.
La nouvelle directive militaire « numéro 1650 », datée du 13 avril, vient parachever cet isolement. Il permet de déclarer « agent infiltré » toute personne se trouvant en Cisjordanie sans autorisation israélienne. La mesure vise essentiellement les Palestiniens enregistrés à Gaza, comme Betty. Au moins deux d’entre eux ont été renvoyés vers le territoire côtier ces derniers jours, laissant derrière eux leur famille en Cisjordanie. « La raison n’est pas sécuritaire, mais politique, estime Sari Bashi. Israël a des prétentions territoriales en Cisjordanie et veut le moins de Palestiniens possible. »
L’État hébreu n’a en revanche que faire de la bande de Gaza, réceptacle commode de tous les indésirables.