dimanche 26 juin 2011 - 06h:40
Bassim Tamimi, l’un des leaders des manifestations hebdomadaires en Cisjordanie (An Nabi Saleh), au juge : « Vos lois militaires ne sont pas légitimes. Notre protestation est juste. »
 
 Bassim Tamimi 
Bassim, qui est en détention préventive depuis plus de 2  mois, a plaidé non coupable pour les charges émises à son encontre et  s’est défendu par un discours expliquant ses motivations pour organiser  une résistance civile à l’occupation.
Après plus de 2 mois de détention préventive, le procès  de Bassim Tamimi, l’un des organisateurs des manifestations  hebdomadaires à An Nabi Saleh, s’est finalement tenu hier (le 05.06).  Bassim a plaidé non coupable face aux charges qui sont retenues contre  lui.
Dans un discours prononcé dans une salle d’audience  bondée, Bassim a fièrement avoué l’organisation de la protestation dans  le village : « J’organise ces manifestations populaires pour défendre  nos terres et notre peuple. » Il a aussi défié la légitimité de ses  juges et de leur système : « Malgré le fait de se dire la seule  démocratie au Moyen Orient, vous me faites un procès qui relève de la  loi martiale [...] loi qui relève d’une autorité pour laquelle je ne  vote pas et qui ne me représente pas. » (voir le discours ci-dessous)
Bassim a été interrompu par la juge qui l’a avertit que ce n’était pas un procès politique et que de telles déclarations n’avaient lieu d’être dans une salle de tribunal.
Après avoir fini de lire sa déclaration (écourtée), la  juge a annoncé que le protocole d’écoutes a malencontreusement été  effacé. Il a également refusé de donner l’ensemble de la déclaration  écrite au sténographe.
Les accusations contre Bassim sont basées sur les déclarations  (discutables et obtenues sous la contrainte) d’un jeune du village. Il  est accusé d’ « incitation, organisation et participation à des  manifestations non-autorisées », « sollicitation à la projection de  pierres », « manquement à des convocations légales » et « dérangement de  procédures légales » pour avoir donner des conseils aux jeunes du  village en cas d’arrestation.
La retranscription des interrogatoires de Bassim montre  les motivations politiques et la non prise en compte des droits du  suspect. Pendant un interrogatoire, Bassim a été accusé de « consulter  des avocat(e)s et étranger(e)s pour préparer son interrogatoire », ce  qui en soi n’est pas condamnable par la [leur] loi.
Déclaration complète de Bassim
Madame la juge,
Je tiens ce discours en ayant foi dans la paix, la  justice, la liberté, le droit de vivre dignement et le respect de la  libre pensée en l’absence de lois justes.
Chaque fois que je suis appelé à comparaitre devant  votre court, je suis nerveux et effrayé. Il y a 18 ans, ma sœur a été  assassinée dans une salle d’audience comme celle-ci, par une membre du  personnel. Dans ma vie, j’ai été emprisonné 9 fois (environs 3 ans en  tout), sans jamais avoir été accusé ou reconnu coupable de quoi que ce  soit. Durant l’un de ces emprisonnement, j’ai été paralysé à la suite  d’actes de torture par vos interrogateurs. Ma femme a été détenue, mes  enfants bléssés, mes terres volées par les colons et ma maison est  menacée de démolition.
Je suis né en même temps que l’occupation et ai vécu  l’inhumanité, les inégalités, le racisme et le manque de liberté qui  l’accompagne. Cependant, malgré tout cela, ma foi dans les valeurs  humaines et le besoin e paix sur cette terre n’a jamais été ébranlée. La  souffrance et l’oppression n’ont pas remplis mon cœur de haine pour qui  que ce soit, ni enflammer des sentiments de revanche. Au contraire,  elles renforcent ma foi dans la paix et la détermination nationale comme  une réponse adéquate à l’inhumanité de l’occupation.
Les lois internationales  garantissent le droit des peuples occupés à résister contre  l’occupation. Au regard de ce droit, j’ai organisé et appelé à des  manifestations populaires et pacifistes contre l’occupation, les attaques de colons et le vol de plus de la moitié des terres de mon village An Nabi Saleh, où mes ancêtres reposent depuis des temps immémoriales.
J’ai organisé ces manifestations dans le but de défendre  nos terres et notre peuple. Je ne sais pas si j’ai violé vos lois de  l’occupation. Aussi concerné que je le suis, ces lois ne s’appliquent  pas à moi et sont dénuées de sens pour moi. Relavant des autorités de  l’occupation, je les rejette et ne peut reconnaitre leur validité.
Malgré le fait de se dire la seule démocratie au Moyen  Orient, vous me faites un procès qui relève de la loi martiale qui  manque de toute légitimité ; cette loi relève d’une autorité pour  laquelle je ne vote pas et qui ne me représente pas. Je suis accusé  d’organiser des manifestations civil et pacifique qui n’ont pas un  aspect militaire et sont légales au regard des lois internationales.
Nous avons le droit d’exprimer notre rejet de  l’occupation sous toute ses formes ; le droit de défendre notre liberté  et notre dignité en tant que peuple et de rechercher la paix et la  justice dans notre pays afin de protéger nos enfants et d’assurer leur  avenir.
La nature civile de nos actions est la lumière qui  contre les ténèbres de l’occupation, apporte l’aube de la liberté qui  réchauffe la froideur des poignets enchainées, balaye le désespoir de  l’âme et met fin à des décennies d’oppression.
Ces actions mettent en avant la vraie face de  l’occupation, les soldats qui pointent leurs armes sur une femmes  marchant dans ses champs ou allant au checkpoint, sur un enfant qui veut  boire l’eau douce de la source de ces ancêtres, contre un vieil homme  qui veut s’assoir à l’ombre des oliviers, qui lui viennent de sa mère,  et ont maintenant été brulés par les colons.
Nous avons épuisé toutes les actions possibles pour stopper les attaques  de colons qui refusent de tenir compte de vos décisions de justice,  décisions qui confirment que nous sommes les propriétaires de cette  terre et ordonnent l’enlèvement de la barrière mise en place.
Chaque fois que nous tentons d’approcher nos terres, en  accord avec ces décisions, nous sommes attaqués par les colons, qui nous  en empêchent comme s’il s’agissait de leurs terres.
Nous manifestations sont une protestation contre  l’injustice. Nous marchons main dans la main avec des Israéliens et des  activistes internationaux/ales qui croient, comme nous, qu’il n’y a pas  d’occupation qui tienne, que nous pourrions vivre en paix sur cette  terre. Je ne sais pas quelles lois maintenues par des généraux, inhibés  par la peur et l’insécurité, ou quelles sont leurs pensées sur la  résistance civile lorsque ils font face à des femmes, des enfants et des  personnes âgées qui portent l’espoir et des rameaux d’olivier mais je  sais ce que sont la justice et la raison. Le vol de terre et l’incendie  volontaire d’oliviers sont injustes. La violente répression de nos  manifestations et notre détention dans vos camps ne sont pas une  évidence de l’illégalité de nos actions. C’est injuste d’être jugé par  une loi qui nous est imposée. Je sais que j’ai des droits et que mes  actions sont justes.
Je sais que le procureur militaire m’accuse d’inciter  les manifestants à jeter des pierres sur les soldats. Ce n’est pas vrai.  Ce qui incite les manifestants à jeter des pierres c’est le bruit des  balles, ce sont les bulldozers de l’occupation quand ils détruisent nos  terres, c’est l’odeur des gaz lacrymogènes et de la fumée de nos maisons  qui brûlent. Je n’incite personne à jeter des pierres mais je ne suis  pas responsable de la sécurité de vos soldats quand ils envahissent  notre village et attaquent ses habitants avec leur armes mortelles et  leurs équipements de terreur.
Ces manifestations que j’organise ont eu une influence  positive sur mes convictions ; elles me permettent de voir des gens de  l’autre côté qui croient en la paix et partage ma lutte pour la liberté.  Ces combattant(e)s de la liberté ont supprimé l’occupation de leur  conscience et mettent leurs mains dans les notre lors des manifestations  pacifiques contre notre ennemi commun, l’occupation. Ils (elles) sont  devenu(e)s des ami(e)s, sœurs et frères. Nous nous battons ensemble pour  un meilleur futur pour nos enfants et les leurs.
Si je suis relâché par la juge, vais-je être convaincu  que la justice prévaut toujours dans ses tribunaux ? Sans parler de la  justice ou de l’injustice sur laquelle débouchera ce procès, et malgré  tout votre racisme, vos pratiques inhumaines et votre occupation, nous  allons continuer à croire dans la paix, la justice et les valeurs  humaines. Nous élevons toujours nos enfants pour l’amour : l’amour de la  terre et des personnes, sont distinction de race, religion ou ethnie,  comme le formulait le messager de la paix J. Christ, "aime ton  ennemi(e)". Avec amour et justice, nous construisons la paix et  l’avenir.
A propos de Bassim Tamimi
Bassim est un activiste palestinien de longue date,  venant du village d’An Nabi Saleh, 20 km au nord de Ramallah. Il est  marié à Nariman Tamimi avec qui il est parent de 4 enfants : Wa’ed,  Ahed, Mohammed et Salam.
En tant qu’activiste, il a été arrêté 11 fois par  l’armée israélienne, et a ainsi passé environ 3 ans dans les prisons  israéliennes en détention administrative, bien qu’il n’ait jamais été  condamné à aucun délit. De plus, ni lui ni son avocat n’ont pas eu accès  à la "preuve secrète" retenue contre lui.
En 1993, Bassim était arrêté pour suspicion de meurtre  sur un colon de Beit El (colonie à 5 km au nord de Ramallah). Pendant  ses semaines d’interrogations, il a été torturé par l’israélien Shin Bet  dans le but d’obtenir des aveux de sa part. Pendant l’interrogatoire, à  cause de la torture, Bassim s’est effondré et a du être transporté à  l’hôpital ou il a fait une semaine de coma.
En tant qu’un des organisateurs des manifestations à An  Nabi Saleh et que coordinateur du village avec le comité populaire,  Bassim a été traité sévèrement par l’armée. Depuis que les  manifestations ont débuté dans le village (décembre 2009), sa maison a  été attaquée et fouillée plusieurs fois, sa femme a été arrêtée deux fois,  et deux de ses fils ont été blessés : Wa’ed (14 ans) a été hospitalisé 5  jours après qu’une balle en caoutchouc l’ait atteint à la jambe, et  Mohammed (8 ans) a été blessé à l’épaule par un gaz lacrymogène, qui a  été tiré directement sur lui.
Rapidement après que les manifestations débutent dans le  village, l’administration civile israélienne a délivré des ordres de  démolitions pour les bâtiments construits en zone C. La maison de Bassim  et Nariman en fait partie, alors qu’elle a pourtant été construite en  1965.
Antécédents législatifs
Le 24 mars 2011, un contingent massif de soldatEs a  attaqué la maison de Bassim et Nariman vers midi, après le retour de  Bassim qui venait préparé une rencontre avec un diplomate européen. Il a  été arrêté et accusé.
Les preuves principales sur les accusations de Bassim proviennent de déclarations  d’un jeune de 14 ans, Islam Dar Ayyoub (également d’An Nabi Saleh), qui  fut arrêté manu militari dans la nuit du 23 janvier. Dans son  interrogatoire le matin suivant son arrestation, Islam a prétendu que  Bassim et Naji structuraient des groupes de jeunes en "brigade", chargée  de différentes responsabilités durant les manifestations : projection  de pierres, blocage des routes, etc.
Lors d’un "procès dans le procès" (durant le procès  d’Islam justement), cherchant à démontrer que ses aveux ne sont pas  recevables, il a été prouvé que son interrogatoire était totalement  faussé et violé les droits reconnus par la loi israélienne sur la  jeunesse au regard des points suivants :
 Malgré qu’il soit mineur, il a été interrogé le matin suivant son arrestation, sans avoir eu le droit de dormir.
  Malgré qu’il soit mineur, il a été interrogé le matin suivant son arrestation, sans avoir eu le droit de dormir. Il n’a pas eu droit aux conseils de son avocat, qui lui même n’a pas eu le droit de le voir.
  Il n’a pas eu droit aux conseils de son avocat, qui lui même n’a pas eu le droit de le voir. Il n’a pas eu le droit à la présence de l’un(e) de ses parent(e)s.
  Il n’a pas eu le droit à la présence de l’un(e) de ses parent(e)s. Il n’a pas été informé du droit de gardé le silence et ses interrogateurs/trices lui ont dit qu’il "devait dire la vérité".
  Il n’a pas été informé du droit de gardé le silence et ses interrogateurs/trices lui ont dit qu’il "devait dire la vérité".  Seulement l’un(e) de ses interrogateurs/trices était qualifié(e) pour interroger des jeunes.
  Seulement l’un(e) de ses interrogateurs/trices était qualifié(e) pour interroger des jeunes.Alors que ce procès dans le procès n’a pas été conclut,  la preuve révélée a déjà été portée devant la court d’appel du tribunal  militaire afin d’annuler la décision et la détention à domicile d’Islam.
Durant les 2 derniers mois, l’armée a arrêté 24  habitant(e)s d’An Nabi Saleh à l’occasion des manifestations. La moitié  d’entre elles/eux sont des mineurs, le plus jeune d’entre eux à 11 ans.
Depuis le début des manifestations en décembre 2009, 71  habitant(e)s du village ont été arrêté(e)s, soit plus de 10% de la  population du village qui compte 550 habitant(e)s.
Les arrestations de Bassim et Naji1 correspondent aux  arrestations systématiques des leaders des manifestations, comme c’est  la cas dans les village de Bi’lin et Ni’ilin.
Encore récemment, la court d’appel du tribunal militaire  a aggravé la sentence d’Abdallah Abu Rahmah de Bi’lin, amenant sa peine  à 16 mois de prison pour incitation et organisation de manifestations  illégales. Il avait été libéré en mars dernier.
L’arrestation et le procès d’Abdallah ont été vivement  condamnés par la communauté internationale, notamment Catherine Ashton,  ministre britannique et européenne des Affaires Étrangères. De sévères  critiques des arrestations ont également été émises par des  organisations de droits de l’Homme en Israël et dans le monde, parmi  lesquelles B’tselem, ACRI, Human Right Watch (qui a déclaré le procès d’Abdallah injuste) et Amnesty International (qui a déclaré Abdallah prisonnier de conscience).
6 juin 2011 - Popular Struggle - Vous pouvez consulter cet article à : 
http://www.popularstruggle.org/cont...Traduction de l’anglais : Mahmoud
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