Entretien avec Filippo Grandi
L’Italien Filippo Grandi  est à la tête de l’UNRWA depuis le 20 janvier 2010. Rencontre avec le  commissaire général de cette agence onusienne qui s’occupe des réfugiés  palestiniens au Proche-Orient.
L’Office des Nations unies de secours et de travaux pour les réfugiés de Palestine  dans le Proche-Orient (UNRWA, en français) fournit des services  sociaux, de santé et d’éducation aux quelque 750 000 personnes, chassées  de leurs terres à l’issue de la création d’Israël en 1948 [1]  et après la guerre de 1967, et à leurs descendants. Opérationnelle  depuis mai 1950, cette agence de l’ONU a vu son mandat prolongé encore  jusqu’en 2014, en l’absence de solution politique à la question des  populations réfugiées.
Jeune Afrique : En 2011, qui est-ce qui profite encore de l’aide de l’UNRWA, et comment ?
Filippo Grandi :  Ce sont 4,8 millions de réfugiés palestiniens qui bénéficient de l’aide  de l’agence, à l’intérieur et en dehors de 58 camps reconnus, en  Cisjordanie, à Gaza, en Syrie, en Jordanie et au Liban. Quelque 60 % de  nos ressources vont à l’éducation puisque 500 000 enfants vont tous les  jours dans nos écoles.
Les financements sont-ils suffisants ?
Hélas, les contributions baissent depuis 2008, crise  financière oblige, tandis que la population que nous aidons a crû de  3 %. Pour 2011, seules la Suède et la Grande-Bretagne sont parvenues à  augmenter leur aide, alors que nous avons un déficit de 60 millions de  dollars.
Y a-t-il des contributeurs africains à l’UNRWA ?
Les pays du Maghreb nous apportent un réel soutien  politique durable. L’Afrique du Sud, à cause de son histoire, est très  sensible à la question palestinienne et offre une contribution modeste  mais fidèle et symbolique. Il en va de même pour la Mauritanie ou le  Sénégal, qui préside aussi à l’ONU le Comité pour l’exercice des droits  inaliénables du peuple palestinien. La Libye nous fait parfois des dons  importants mais de façon irrégulière.
Quelle est la situation des réfugiés de Gaza ?
Deux tiers des Gazaouis sont des réfugiés, et ils  bénéficient d’un tiers des activités de l’UNRWA. La bande de Gaza  connaît une crise humanitaire mais c’est bien sûr réducteur : la  distribution d’aide ne résoudra pas la situation politique. Je salue  l’ouverture du point de passage de Rafah à laquelle a procédé l’Égypte,  qui est un geste symbolique. Elle reste cependant prudente et c’est  tout-à-fait compréhensible. Cette réouverture est d’une importance  psychologique capitale pour les Gazaouis, qui ont exprimé une grande  joie ce jour-là.
Comment les réfugiés ressentent-ils les progrès de la réconciliation entre le Fatah et le Hamas ?
Dans l’ensemble ils sont indifférents à qui gouverne car  ils sont préoccupés au quotidien par comment trouver de quoi manger,  payer l’électricité… Mais la reconnaissance de leurs droits est pour eux  une question de principe.
Quel rôle jouent-ils dans les négociations sur l’avenir de la Palestine ?
Actuellement ils ne peuvent jamais voter et n’ont jamais  été consultés sur les orientations politiques. Mais ils sont un élément  clé de l’avenir de la région, il faudra les inclure dans les  discussions. Pour l’instant, la possible reconnaissance de l’État  palestinien à l’ONU en septembre ne changera rien pour eux. Ils peuvent  être une force positive dans la paix, mais aussi source d’instabilité  s’ils en sont exclus.
Et en Syrie, comment vivent-ils la révolte actuelle contre le régime ?
Ils sont environ 460 000 dans le pays, dont 30 000 près  de Deraa, la première ville soulevée où nous avons dû fermer une  douzaine d’écoles pendant quelques jours au mois de mars. Dans le camp  de Yarmouk, près de Damas, il y a eu des affrontements entre factions  palestiniennes soutenant ou non le régime syrien. Il n’a pas de bilan  officiel mais nous sommes très inquiets. En période de crise politique,  les populations étrangères sont toujours plus vulnérables et plus  facilement victimes de manipulation.
Propos recueillis à Paris par Constance Desloire.
[1] dès la violence et la terreur imposées aux Palestiniens par les milices juives en 1947, en fait
 
 
