Des milliers de prisonniers se sont évadés des prisons égyptiennes au cours des derniers jours, dont de nombreux Palestiniens.
Ayman Nofal, un commandant de la résistance palestinienne retenu prisonnier en Egypte, est accueilli ici triomphalement à son retour à Gaza le 5 février 2011
Bien qu’une semaine se soit écoulée depuis son évasion avec des milliers d’autres détenus de la prison d’Abou Zaabal, le chapiteau que la famille de Al-Moetassem Qawqa a mis en place pour célébrer son retour était encore rempli de sympathisants venus de tous les coins de la bande de Gaza. Al-Qawqa lui-même semblait las d’assister aux assemblées de sympathisants, malgré sa force physique.
Avant son évasion de Abu Zaabal, Al-Qawqa est resté sept longues années derrière les barreaux en Egypte et était considéré comme le doyen des Palestiniens de Gaza dans les prisons égyptiennes. Parlant de son évasion, il a raconté que, après la prière du matin le 30 Janvier, il avait essayé de se rendormir, mais à peine s’était-il remis dans son lit qu’il entendit des coups de feu et des cris à l’extérieur sans savoir ce qui se passait.
En l’espace de quelques secondes, un prisonnier égyptien a ouvert la porte de sa cellule et a déclaré que des centaines de détenus égyptiens avaient attaqué la prison et qu’il devait se sauver. Al-Qawqa se souvient qu’il était resté stupéfait pendant quelques instants, ne croyant pas à ce qu’il venait d’entendre, mais il a ensuite couru hors de sa cellule pour trouver des gardiens de prison tirant en direction des détenus en train de fuir.
Les prisonniers semblaient déterminés, raconte Al-Qawqa, et ils ont cassé les portes et les fenêtres d’un ou deux blocs de la prison. Il a vu des cadavres de prisonniers sur le sol, abattus alors qu’ils tentaient de s’échapper. « J’ai vu au moins 10 corps de détenus, ainsi qu’un grand nombre d’hommes blessés à l’intérieur de la prison et dans les alentours » dit Qawqa à Al-Ahram Weekly.
Après qu’Al-Qawqa se soit évadé de la prison, il s’est enfui avec 11 autres prisonniers Palestiniens et s’est dirigé vers la maison d’un de ses parents pour y trouver de l’argent et des vêtements. Al-Qawqa dit que les détenus qui se sont évadés avaient appris par des chauffeurs de taxi en provenance d’al-Arish dans le Sinaï que les autorités égyptiennes avaient dressé des barrages routiers sur les routes menant à al-Arish. Ils ont décidé de rouler dans des voitures différentes et ne pas aller vers le Sinaï en même temps.
Al-Qawqa a rejoint le Sinaï en taxi avec quatre autres anciens détenus, et dès qu’ils ont eu franchi le canal de Suez, ils sont sortis et ont demandé l’aide de Bédouins pour trouver des routes du désert vers al-Arish afin d’éviter les barrages.
Quatre autres détenus qui tentaient de suivre la même route qu’eux ont été arrêtés par les forces de sécurité égyptiennes. Il s’agissait de Abdullah Abu Reya, qui avait passé quatre ans dans les prisons égyptiennes, d’Abu Nidal Reya, qui avait été emprisonné pendant trois ans, de Mohamed Al-Sayed, derrière les barreaux pour deux ans, et de Ramzi Al-Raie, qui a été arrêté il y a plusieurs mois alors qu’il s’était rendu en Egypte pour un traitement médical en utilisant un passeport palestinien.
Répondant aux rumeurs selon lesquelles des éléments non-égyptiens avaient été impliqués dans la libération des prisonniers, Al-Qawqa a répondu que « si les partis étrangers nous avaient aidés, nos codétenus n’auraient pas été arrêtés à nouveau. La seule raison pour laquelle nous sommes libres maintenant, c’est parce que les détenus égyptiens ont agi avec une telle bravoure. »
Al-Qawqa avait été condamné à dix ans de prison en vertu de la loi d’urgence en Egypte pour être entré illégalement dans le pays et être un membre d’une « organisation terroriste arabe. » Il a expliqué que lui et ses pairs avaient été traités comme s’ils étaient des terroristes venus commettre des sabotages en Egypte, malgré le fait qu’il avait été arrêté alors qu’il accompagnait un parent malade qui était venu en Egypte pour suivre un traitement.
Al-Qawqa raconte que les tribunaux égyptiens se sont rendus compte qu’il n’y avait aucun fondement juridique pour l’arrêter, et une ordonnance avait été rendue pour sa libération. « Un ordre de me libérer a été publié en 2005, mais les administrateurs de prison l’ont bloqué », a-t-il affirmé. « J’ai été libéré en théorie, mais les services de sécurité sont venus me chercher à nouveau et m’ont retenu pendant plusieurs jours, délivrant un autre mandat d’arrêt. Donc, j’ai passé une période de cinq ans derrière les barreaux, même après que ma libération ait été ordonnée. »
Hossam Wishah, un autre détenu palestinien, a déclaré qu’il avait été arrêté par les services de renseignement égyptiens. « Ils ont essayé de me forcer à avouer que j’étais venu dans le pays pour effectuer des opérations de sabotage », a déclaré Wishah. « J’ai été condamné à une peine de dix ans, et j’en ai servi trois. »
Les deux évadés ont dit qu’ils avaient été soumis à la torture. Wishah dit que les membres des services de sécurité égyptiens les avaient interrogés à propos du soldat israélien Gilad Shalit, ces questions étant posées à tous les détenus palestiniens.
Ayman Nofal, une figure de proue dans les Brigades Ezzeddin Al-Qassam - la branche militaire du Hamas - dans Gaza, a également été en mesure de rentrer chez lui après avoir passé trois années dans les prisons égyptiennes. Nofal a déclaré que ses avocats avaient obtenu sept ordonnances de libération pour lui, mais que les autorités égyptiennes les avaient rejetées, en ajoutant qu’à son avis le gouvernement égyptien avait utilisé son arrestation dans le but de faire pression sur le Hamas.
Nofal a déclaré que les Egyptiens qui l’interrogeaient avaient essayé de lui soutirer des informations sur la résistance à Gaza, en particulier le Hamas, sur ses armes et d’où elles venaient. « Ceux qui m’interrogeaient voulaient trouver l’emplacement de la prison du soldat israélien Gilad Shalit, savoir comment il avait été capturé, où le Hamas pouvait le cacher, ainsi que d’autres informations sensibles touchant à la résistance à Gaza et au Hamas en particulier », a déclaré Nofal.
Il avait été arrêté à un barrage routier sur le côté égyptien d’al-Arish, quand lui et des milliers de Gazaouis s’y étaient rendus après que le mur de séparation entre l’Egypte et Gaza ait été abattu, dit-il. Nofal a été détenu dans une prison égyptienne à al-Arish pendant neuf mois.
Sami Shehab, un membre du Hezbollah accusé de mener des attaques sur le sol égyptien, a également réussi à fuir la prison d’Al-Natron au nord du Caire. Des sources libanaises ont fortement démenti qu’une unité spéciale du Hezbollah ait secouru Chéhab, affirmant qu’il avait fui la prison de sa propre initiative.
Environ 17 000 détenus égyptiens ont réussi à s’enfuir de leur prison au cours des récents troubles, certains s’enfuyant après que les gardiens de prison aient abandonné leurs postes.
Par ailleurs, les tunnels reliant la bande de Gaza et l’Egypte ont commencé à fonctionner dans le sens opposé au sens habituel, à l’initiative de personnes dans la partie palestinienne de Rafah pour transporter de la nourriture vers leurs voisins de l’autre côté de la frontière. L’initiative a été prise après que les troubles en Egypte aient conduit à certaines pénuries alimentaires du côté égyptien de Rafah et dans ses environs.
Malgré les prix élevés des denrées alimentaires dans la bande de Gaza, de nombreux commerçants ont fourni des quantités importantes de denrées alimentaires, ensuite transportées dans la partie égyptienne de Rafah. Des témoins ont rapporté que les familles palestiniennes ont donné de la farine qu’ils avaient reçu dans le cadre des programmes d’assistance de l’UNRWA.
Les forces de sécurité dépendant du gouvernement du Hamas dirigé par Ismaïl Haniyeh, le Premier ministre, ont également fourni de la nourriture aux soldats égyptiens de l’autre côté de la frontière de Rafah. Des témoins ont déclaré que les agents palestiniens de sécurité ont régulièrement fourni des repas aux soldats égyptiens, et que les véhicules palestiniens patrouillant à la frontière distribuaient également des vivres aux soldats égyptiens.
Le gouvernement de Haniyeh a déclaré que la zone près de la frontière avec l’Egypte était une zone militaire fermée. Cela a entraîné un arrêt presque total dans les opérations de contrebande et une crise dans la fourniture d’essence en provenance d’Egypte à la frontière de Gaza.
10 février 2011 - Al Ahram Weekly - Vous pouvez consulter cet article à :
http://weekly.ahram.org.eg/2011/103...Traduction : Naguib