Le fragile statu quo de la région pourrait être bousculé par un nouveau pouvoir en Égypte
Avec Hosni Moubarak, Israël avait trouvé le calme sur son front égyptien. Sa chute est un saut dans l’inconnu pour l’État hébreu, comme pour l’autorité palestinienne, proche de l’ancien raïs.
Demain, Israël craint de voir, chez son voisin, les Frères musulmans remettre en cause le traité de paix qu’il a signé avec l’Égypte en 1979, clé de voûte de sa diplomatie. Samedi 12 février, au Caire, l’armée a toutefois assuré que l’Égypte « restera engagée envers tous ses traités régionaux et internationaux ».
L’Égypte est, avec la Jordanie, le seul pays a rabe à avoir signé un traité de paix avec Israël. Le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, s’est félicité de ces « assurances », ajoutant que ce traité était « une pierre angulaire pour la paix et la stabilité dans tout le Moyen-Orient ».
En signant la paix avec le pays le plus peuplé du monde arabe, en échange d’un retrait de la péninsule du Sinaï conquise sur l’Égypte durant la guerre de juin 1967, Israël avait brisé son isolement diplomatique total dans la région.
Sur le front militaire, cet accord historique avait permis à l’armée israélienne de réduire son dispositif le long des 240 kilomètres de frontière avec l’Égypte. La péninsule du Sinaï, une région tampon, a été démilitarisée et une force multinationale de surveillance y est déployée, si bien que les militaires israéliens ont pu concentrer leurs forces sur le front nord face à la Syrie et au Liban ainsi que dans les Territoires palestiniens.
Israël s'assure du soutien américain
Face à la période d’incertitudes qui s’ouvre, le ministre israélien de la défense, Ehoud Barak, a été dépêché la semaine dernière à Washington, où il s’est assuré du soutien américain, y compris financier.
Et lundi 14 février, à Tel-Aviv, le plus haut gradé américain, l’amiral Mike Mullen, chef d’état-major interarmées, doit participer à la passation de pouvoir entre le général Gaby Ashkenazi, le chef d’état-major de l’armée israélienne sortant, et le général Benny Gantz. Ce dernier a été désigné dimanche à ce poste par le gouvernement Netanyahou, après une longue période de controverses et d’incertitudes.
« Le gouvernement israélien s’adapte rapidement à l’après-Moubarak. On est passé de la panique à la résignation, des prophéties apocalyptiques à un effort pour s’adapter à la réalité », soulignait dimanche le Yediot Aharonot, le quotidien le plus vendu en Israël.
Maariv, un quotidien populaire, insistait sur les incertitudes régionales, s’interrogeant sur la « prochaine place Tahrir ». Les dirigeants israéliens ont agité à maintes reprises le spectre d’un scénario « à l’iranienne », dans lequel les Frères musulmans – dont le mouvement islamiste Hamas au pouvoir à Gaza est issu – profiteraient de la situation pour s’emparer du pouvoir ou exerceraient une influence telle qu’ils obtiendraient l’abrogation du traité entre Israël et l’Égypte.
Processus de paix israélo-palestinien
L’après-Moubarak inquiète aussi l’Autorité palestinienne, issue du Fatah, en Cisjordanie. Elle a paru solidaire jusqu’au bout des régimes en place au Caire et à Tunis, qui accueillit de 1982 à 1994 la direction palestinienne avant son retour à Gaza. Le Caire avait aussi tenté d’amener le Fatah du président Abbas à la réconciliation avec son rival le Hamas, le mouvement islamiste qui contrôle la bande de Gaza.
En réaction à la révolution égyptienne, l’Autorité palestinienne a annoncé des élections législatives d’ici à septembre afin de rétablir sa légitimité. Ce projet a aussitôt été rejeté par le Hamas, vainqueur des dernières législatives de 2006. Le Hamas conteste la légitimité du président Mahmoud Abbas, dont le mandat a expiré en janvier 2009. Mais il lui est délicat de refuser un nouveau scrutin, qui pourrait alors se dérouler seulement en Cisjordanie.
Le départ de Hosni Moubarak devrait aussi se faire sentir sur le processus de paix israélo- palestinien. L’Égypte a joué un rôle majeur dans les pourparlers de paix entre Palestiniens et Israéliens, aujourd’hui au point mort. Désormais, face à un partenaire égyptien qui se montrera sans doute plus exigeant envers Israël, les négociations avec les Palestiniens, actuellement au point mort, pourraient évoluer.
En attendant, les troubles en Égypte n’ont pas arrangé la vie des habitants de la bande de Gaza. La frontière égyptienne, est redevenue hermétique depuis le début des événements. « C’est de nouveau le blocus. Des milliers de personnes sont piégées. La situation est terrible. Gaza est redevenue une grande prison », déplore Ghazi Hammad, responsable des frontières pour le gouvernement du Hamas. Les services d’immigration égyptiens ont reçu instruction de ne plus laisser entrer les Palestiniens dans leur pays.
P. C. (avec AFP)