14 février 2011
Dans une critique ouverte sans précédent, l’UE avertit que l’activité de colonisation juive à Jérusalem Est met en péril une résolution du conflit entre les 2 États et complique d’autant plus la situation dans la région. L’espoir du moindre progrès vers une résolution interne du conflit est de nouveau au point mort. Le bilan négatif tiré dans le rapport pourrait mettre sous pression la relation déjà tendue entre l’UE et Israël.
La récente démolition d’un hôtel en vue d’un nouveau projet de colonisation à Jérusalem Est a provoqué les critiques internationales. Un document conjoint des chefs de mission de l’UE à Jérusalem et Ramallah accuse Israël de saper la présence palestinienne à Jérusalem Est.
Le 9 janvier la municipalité de Jérusalem a démoli une aile de l’hôtel Shepherd dans le quartier de Cheick Jarrah à Jérusalem Est dans le but de libérer de la place à 20 habitations juives.
Les espoirs réduits en poussière
La manœuvre est la dernière partie d’un projet d’extension des colonies juives dans le secteur. La colonisation croissante de Jérusalem a été l’un des points de blocage des négociations entre Israël et l’autorité palestinienne de Ramallah.
Les discussions entre Israël et les palestiniens sont ainsi en suspens depuis la fin septembre 2010, moment où un moratoire israélien de 10 mois sur la construction de colonies juives a expiré.
La démolition a été suivie d’une vague de critiques par la communauté internationale. La secrétaire d’État américaine Hillary Clinton a condamné la manœuvre, la désignant comme « sapant les chances de paix avec les palestiniens ». A son tour, la chef de la politique étrangère de l’UE, Catherine Ashton, a répété que « l’UE ne reconnaît pas » l’annexion de Jérusalem Est par Israël.
Elle a également exprimé son inquiétude face aux récentes violences en Cisjordanie. Une réaction indignée des palestiniens n’a pas tardé à suivre. « En faisant cela, Israël a détruit tous les efforts américains et a mis fin à toute possibilité de retour aux négociations » a déclaré Nabil Abu Rudeina, un porte-parole du président palestinien Mahmud Abbas.
Jérusalem Est : la pomme de discorde
L’hôtel Shepherd avait été construit dans les années 1930. Il fut le domicile d’Amin al-Husseini, le grand Mufti de Jérusalem devenu un allié d’Adolph Hitler pendant la Seconde Guerre Mondiale.
Sa propriété actuelle fait débat. Israël déclare qu’il appartient à un promoteur immobilier juif-américain nommé Irving Moskovitz alors que les palestiniens clament qu’il a été saisi illégalement après l’occupation israélienne de Jérusalem Est lors de la guerre des 6 Jours de 1967.
Quelques 190 000 israéliens vivent à Jérusalem Est et dans les régions voisines de Cisjordanie contre 250 000 résidents palestiniens.
La politique de l’UE au Moyen-Orient : une douce illusion ?
Au fil des années, la politique européenne envers le Moyen-Orient a eu peu d’effets sur l’élaboration du processus de paix. L’implication de l’UE a souvent été critiquée comme relevant plus d’une politique déclaratoire que de réelles propositions de mesures en vue de la résolution du conflit.
Le Rapport Jérusalem 2010 prend cependant une voie assez différente. Dans une critique ouverte sans précédent, l’UE avertit que l’activité de colonisation juive à Jérusalem Est met en péril une résolution du conflit entre les 2 États et complique d’autant plus la situation dans la région.
La première partie du rapport donne des détails sur la construction et le développement des colonies à Jérusalem Est, les atteintes aux droits fondamentaux des palestiniens y vivant ainsi que sur l’inégalité d’accès à l’éducation et aux services de santé.
Le rapport mentionne que « les tentatives d’Israël pour mettre exclusivement en évidence l’identité juive de la cité » menaçaient de « radicaliser le conflit, avec de potentielles répercussions régionales et globales ». Selon le document, de telles politiques nuisent également au « rôle crucial » de Jérusalem Est dans « la vie politique, économique, sociale et culturelle » des palestiniens « et entraînent son isolation croissante du reste de la Cisjordanie ».
La présence de l’UE lors de la destruction de maisons ainsi que lors d’auditions des tribunaux en relation avec les démolitions ou expulsions et « l’intervention de l’UE quand des palestiniens sont arrêtés ou intimidés par les autorités israéliennes pour des activités culturelles, sociales ou politiques pacifiques à Jérusalem Est » sont quelques unes des mesures proposées dans le rapport.
Celui-ci se termine par une liste de recommandations telles que suggérer aux officiels de l’UE « d’accueillir régulièrement des officiels palestiniens » à leurs bureaux de Jérusalem Est et d’éviter d’être accompagnés par des officiels ou agents de sécurité israéliens lors de visites dans le quartier est de la ville.
De plus, il est conseillé aux tours opérateurs européens d’éviter les entreprises des colons à Jérusalem Est comme les hôtels ou sites archéologiques gérés par des groupes de colons… Chaque pièce à deux faces.
En réponse aux accusations, le bureau du premier ministre Benjamin Netanyahu a fait une déclaration disant que le gouvernement israélien n’était pas impliqué dans la démolition de l’hôtel Shepherd, ajoutant que la construction d’appartements sur le site était conforme à la loi israélienne.
« Les actions prises à l’hôtel Shepherd l’ont été par des personnes privées en conformité avec la loi israélienne ». Le porte parole du ministre des affaires étrangères, Yigal Palmor, a été encore plus loin, présentant le rapport comme « malhonnête » et « fondé exclusivement sur les versions et chiffres palestiniens ».
Un pas en arrière
Peu importe son illégalité ou non, une chose est sûre ; avec cette initiative l’espoir du moindre progrès vers une résolution interne du conflit est de nouveau au point mort. Cela est d’autant plus décevant que 2011 était perçue comme une année clé pour faire enfin quelques progrès dans le processus de négociation.
La critique européenne de la politique israélienne et des colonisations sur les territoires palestiniens occupés n’est pas nouvelle. Mais le bilan négatif tiré dans le rapport pourrait mettre sous pression la relation déjà tendue entre l’UE et Israël.
Le rôle de l’UE devient donc de plus en plus celui d’un intermédiaire critique mais néanmoins objectif. La politique européenne pour le Moyen Orient doit reposer sur une vision et une approche stratégique et montrer un réel engagement en vue d’une solution satisfaisante pour les deux parties.
La résolution du conflit israélo-arabe devrait être une priorité stratégique de la politique étrangère de l’Union dans la mesure où elle joue un rôle clé dans la résolution d’autres problèmes dans la région.