08/02/2011
En pleine incertitude sur l'avenir du régime Moubarak, Israël s'accroche à son traité de paix avec l'Egypte, le premier signé avec un pays arabe, et jauge les conséquences stratégiques et militaires qu'un nouveau pouvoir au Caire ferait courir en l'annulant."Le traité de paix avec l'Egypte est important en soi, car il signifie qu'il n'y a ni guerre ni tensions à la frontière sud d'Israël, ce qui permet à Israël d'avoir un front militaire crucial en moins", a affirmé mardi à l'AFP le général de réserve Ouzi Dayan, ex-chef du Conseil national de sécurité.
En trois décennies, la frontière israélo-égyptienne, longue de quelque 250 km, est globalement restée calme, en dépit des nombreux conflits qui ont déchiré le Proche-Orient.
Le traité de paix a été scellé le 26 mars 1979, dans le sillage des accords de Camp David (1978) et de la visite historique à Jérusalem en 1977 du président Anouar al-Sadate. En échange, Israël s'est entièrement retiré en 1982 de la péninsule égyptienne du Sinaï.
Au fil des ans, la paix entre l'Etat hébreu et le pays arabe le plus peuplé est restée "froide". Les échanges bilatéraux ont péniblement atteint 502 millions USD en 2010 (moins d'1% du volume des échanges d'Israël). Israël importe par ailleurs du gaz naturel égyptien couvrant 40% de ses besoins, en vertu de contrats portant sur 5 à 10 mds USD.
Les diplomates israéliens ne se pressent donc pas pour briguer le poste d'ambassadeur au Caire, considéré comme difficile.
Il reste que selon M. Dayan, "le traité préserve aussi un équilibre délicat au Proche-Orient, où le conflit principal est celui qui oppose les pays modérés, liés par une alliance informelle, aux radicaux comme l'Iran, la Syrie, le Hezbollah, le Hamas, et à présent de plus en plus la Turquie".
Contre vents et marées, l'Egypte a constamment soutenu les efforts de paix dans la région, notamment sur le volet palestinien. Aussi, la Maison Blanche a-t-elle appelé lundi tout futur gouvernement égyptien à respecter les traités actuels, allusion au traité de paix israélo-égyptien.
"J'ignore ce qui va arriver en Egypte, mais notre intérêt est clair: il faut préserver la paix qui existe depuis trois décennies et a apporté le calme dans le sud (d'Israël) et la stabilité au niveau régional", a déclaré lundi soir le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu.
"La paix avec l'Egypte est un atout stratégique crucial pour Israël", a renchéri le général Gaby Ashkenazi, chef d'état-major israélien sortant.
Soulignant "le renforcement du camp radical au Proche-Orient", il a ajouté que "le cercle des conflits s'est élargi (...) Nous sommes confrontés à toutes sortes de menaces, et Tsahal (l'armée israélienne) doit être prête à se battre simultanément sur divers fronts".
Les experts militaires des médias israéliens ont unanimement mis en garde contre l'éventuelle remise en question du traité de paix avec l'Egypte, affirmant que "ce scénario catastrophe" renforcerait fatalement l'isolement régional d'Israël.
Selon eux, la Force multinationale garante du traité dans le Sinaï devrait alors partir, et le passage des navires israéliens dans le canal de Suez serait compromis, tandis que les armes iraniennes destinées au Hamas palestinien ou au Hezbollah chiite libanais pourraient y transiter.
Face à un regain de tension à sa frontière avec l'Egypte, Israël devrait en outre réviser ses priorités économiques, voire recruter davantage de conscrits et rallonger les périodes de rappels des réservistes de l'armée.
"Somme nous prêts à cela?", s'est interrogé un récent éditorial du quotidien Haaretz, soulignant qu'Israël doit en grande partie son envol économique à la baisse substantielle de son budget de la Défense.