vendredi 7 janvier 2011

La machine à fumée israélienne

Cisjordanie - 06-01-2011

Par PalestineCenter Interns 
La presse américaine est obsédée par l'approche "des deux sons de cloche pour une même histoire" qui s'amplifie quand il s'agit de rapporter le "conflit" israélo-palestinien. Personne ne le sait mieux que les Israéliens eux-mêmes, en particulier l'armée israélienne, qui a entrepris la tâche herculéenne et machiavélique de convaincre le monde qu'elle est "l'armée la plus morale du monde". Les relations publiques de l'armée israélienne ont beaucoup de succès aux Etats-Unis et un événement récent, comme beaucoup d'autres, montre exactement comment les chargés de relations publiques d'Israël changent le récit.



















Jawaher Abu Rahmah
J'ai écrit récemment sur la répression des activistes non violents en Cisjordanie, qui protestent contre la construction du mur illégal sur les terres de leurs villages et l'usage des gaz lacrymogènes pour les réprimer.
On sait que les grenades, tirées comme des projectiles, tuent ou mutilent et, bien sûr, elles sont fabriquées aux Etats-Unis. Le 31 décembre dernier, la manifestation à Bil'in a été réprimée par les soldats israéliens à coup de grenades lacrymogènes. Cette vidéo montre l'usage de ces armes et vers la minute 4, vous verrez les grenades sifflant au-dessus des têtes des manifestants.
Jawaher Abu Rahmah, la sœur de Bassem Abu Rahmah, qui a été tué par une grenade en avril dernier, est morte, à 36 ans, après avoir respiré les gaz vendredi dernier 31 décembre. Bien qu'elle ait été transportée en hâte à l'hôpital, les docteurs n'ont pu la sauver. L'inhalation des gaz lacrymogènes a provoqué une défaillance pulmonaire qui a entraîné la crise cardiaque qui a mis fin aux jours de Jawaher Abu Rahmah. Un autre Abu Rahmah, Abdallah, est toujours en prison pour avoir organisé des protestations pacifiques et le Département d'Etat des US(a) reste muet sur la situation.
Alors, comment "l'armée la plus morale du monde" répond-elle à la mort terriblement embarrassante d'une manifestante pacifique de 36 ans, dont la famille a déjà été décimée par l'occupation ? C'est simple, elle fabrique une histoire différente.
Que prétend-elle cette fois ? Que Jawaher Abu Rahmah est morte d'un cancer, pas des gaz lacrymogènes.
Le problème avec l'allégation israélienne, à part le simple fait qu'elle est fausse, est qu'aucune preuve qui la corrobore n'existe et que toutes les preuves existantes prouvent le contraire. Les membres de la famille, les témoins, les médecins qui l'ont traitée et l'hôpital qui n'a pas réussi à la sauver, tous refusent l'allégation qu'elle avait un cancer et disent clairement que ce sont les gaz lacrymogènes, et rien d'autre, qui ont provoqué sa mort.
Le seul problème, avec ces témoignages, est qu'ils se trouvent être des témoignages palestiniens. Ce qui signifie qu'un public largement pro-Israël comme le public américain, qui donne toujours a priori le bénéfice du doute à Israël, adoptera vraisemblablement la position israélienne, dans la mesure où l'incident est "contesté".
Les exemples sont innombrables. Quelques-uns de ceux qui me viennent immédiatement à l'esprit sont l'attaque israélienne contre la Flottille de la Liberté pour Gaza en mai dernier, et l'assassinat de l'activiste américaine Rachel Corrie, à Gaza. Dans le premier cas, Israël a essayé de prendre le contrôle des vidéos de l'attaque (la plupart d'entre elles sont toujours entre les mains israéliennes et n'ont pas été diffusées, bien qu'Israël ait rendu le navire Mavi Marmara confisqué) et s'est servi des séquences diffusées pour justifier son assassinat des 9 activistes à bord du navire. Tout à coup, l'histoire a été "contestée" aux Etats-Unis et le débat a été lancé sur ce qui s'était passé ou non à bord du bateau, et non sur l'illégalité de l'attaque ou l'illégalité de l'abordage d'un bateau dans les eaux internationales.
Dans le cas de Rachel Corrie, les Israéliens ont affirmé que le conducteur du bulldozer ne l'avait pas vue et que l'assassinat était accidentel, malgré les nombreuses preuves du contraire. L'histoire devint alors "contestée" et le débat s'est centré sur "la dualité des récits", et non sur le fond de l'affaire : pourquoi les Israéliens détruisaient au bulldozer, en toute illégalité, les maisons des civils à Gaza occupée.
L'histoire de Jawaher Abu Rahmah, à l'instar de tant d'autres, va vraisemblablement tomber dans la catégorie des récits "contestés" et être rejetée, comme la plupart des histoires sur la brutalité de l'occupation. L'histoire devrait sensibiliser ici sur le mur illégal construit sur la terre palestinienne dans toute la Cisjordanie, mais au lieu de cela, les Américains vont entendre "les deux côtés" pour que l'histoire soit "équilibrée".
Entretemps, pour la famille Abu Rahmah et tant d'autres Palestiniens, il y a peut-être une histoire différente produite par la machine israélienne à fumée pour distraire certains publics, mais il y a une seule réalité : un autre membre de leur famille est mort et le vol des terres de leur village continue.
Démystifier et discréditer la machine à fumée israélienne seront essentiels pour mettre fin à l'occupation. De toute évidence, cela a déjà commencé.
NDLR : L'armée sioniste a même été jusqu'à avancer que Jawaher Abu Raham n'était pas à la manifestation !  
Traduction : MR pour ISM