vendredi 5 novembre 2010

Pourquoi Salam Fayyad est l’ennemi public n°1 d’Israël

Yossi Sarid - haaretz
publié le jeudi 4 novembre 2010.
Le premier ministre palestinien sape et invalide progressivement les arguments traditionnels d’Israël : il a apporté la sécurité, mais il n’y a toujours pas la paix. Il nous tuera par sa modération.
03.11.10 - Benyamin Netanyahu vole de victoire en victoire. Après avoir battu le président des États-Unis, il est rentré et a vaincu le premier ministre palestinien, qui, mardi, a annulé une visite prévue à Jérusalem-Est. * cf. article : "Fayyad annule une visite à Jérusalem-Est, Netanyahu s’y opposant"
Salam Fayyad est actuellement l’ennemi public n°1 en Israël. Nous le proscrivons parce que le monde le trouve digne d’éloges. Fayyad n’est pas corrompu, et çà, c’est un problème. Il n’est même pas hédoniste, apparemment. Il est agréable, il a les joues bien rasées, —il est somme toute plus sympathique et moins menaçant que, disons, Yasser.
Il a fait ses études et travaillé aux États-Unis, et son anglais est parfait : encore une autre perte stratégique d’Israël. La rumeur court que lors d’une récente visite, les hauts responsables de la rédaction du New York Times ont été plus impressionnés par lui que par son homologue israélien et se sont exprimés en ce sens dans un éditorial appelant Netanyahu à arrêter ses jeux dangereux.
C’est en homme sage que Fayyad veut mener sa guerre contre nous : il est en train de construire l’état palestinien de fond en comble, pierre par pierre. Ses forces de sécurité imposent l’ordre et la loi, éliminent le terrorisme, affaiblissent le Hamas. Les capitaux envoyés à l’Autorité Palestinienne ne se perdent plus en route avant d’arriver à leurs destinataires. Les donateurs ont confiance en lui parce qu’ils voient les résultats de leur contribution.
Fayyad sape et invalide progressivement les arguments traditionnels d’Israël : il a apporté la sécurité, mais il n’y a toujours pas la paix. Il répond à l’extrémisme du président Mahmoud Abbas par sa modération. Dangereux, il est dangereux : il nous tuera par sa modération.
Et voilà maintenant qu’il lorgne aussi vers Jérusalem ; ses manigances ne connaissent ni limites ni barrières. Après avoir minutieusement cartographié les carences israéliennes, il a bondi en plein no-man’s-land. Si Israël ne veut pas construire et rénover les écoles de Jérusalem-Est, alors il veut intervenir et combler le vide. Si Israël néglige les routes et trottoirs malgré des plaintes répétées, il ordonne qu’on les répare et qu’on les pave.
Et comme si cette ingérence provocatrice et scandaleuse ne suffisait pas, il a l’audace de célébrer ouvertement l’achèvement de ces œuvres. Ça ne peut pas durer comme çà ; Netanyahu, le maire [de Jérusalem] Nir Barkat et le ministre de la sécurité Yitzhak Aharonovitch vont le moucher. Fayyad peut dépenser de l’argent à notre place si ça lui chante, mais discrètement. Le droit de célébrer bruyamment est réservé aux colons juifs de Silwan et de Sheikh Jarrah.
Nos droits sur la ville de Jérusalem toute entière ont expiré, et pas seulement parce que la moitié de la ville est arabe et l’est restée malgré toutes les opérations de nettoyage et de judaïsation. Nos droits ont expiré parce que nous ne l’avons jamais véritablement unifiée. Tout au contraire : nous avons divisé et administré, volé et hérité, et, même ce nouveau mur, nous le lui avons fiché dans le cœur afin de la couper, Alléluia.
On peut argumenter sur nos droits historiques, mais il est difficile de contester notre devoir naturel, qui vient d’en haut. C’est à cause de notre propre mesquinerie et notre propre dureté de cœur envers la partie orientale de la ville que celle-ci n’a jamais été unie au reste et est devenue une plaie ouverte. Jérusalem unifiée, ville impie.
On peut toujours empêcher Salam Fayyad de s’approcher du centre de la ville, mais on ne peut plus empêcher Jérusalem elle-même de figurer au centre de l’agenda [politique].
Traduction MC
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