mercredi 4 août 2010

Les Palestiniens de Burin vivent sous la pression des colons

publié le mercredi 4 août 2010
Olivier Tallès

 
En Cisjordanie, les psychologues de Médecins sans frontières soignent les traumatismes de villageois de Burin et Iraq Burin, soumis à la pression des colons israéliens.
Insomnie, instabilité non contrôlée des émotions, angoisses, asthénie, dépression, syndromes post-traumatiques, énurésie… De retour de Cisjordanie, Frédéric Ullmann, coordinateur de projet pour Médecins sans frontières, énumère la liste des problèmes psychologiques des patients pris en charge par cette ONG. Les malades sont des Palestiniens des villages de Burin et Iraq Burin, deux localités de la région de Naplouse situées au pied des collines. Depuis les champs, les habitants aperçoivent les colonies israéliennes de Bracha et Yizhar installées sur les hauteurs.
Entre voisins israéliens et palestiniens, le dialogue est nul et le conflit fréquent. « À trois reprises en trois mois, j’ai dû évacuer nos médecins des villages attaqués par des individus venant des colonies, raconte Frédéric Ullmann. Des colons arrivent à l’improviste, jettent des pierres sur les maisons, coupent des oliviers, mettent le feu aux champs… Tantôt l’armée israélienne intervient pour décourager les assaillants, tantôt elle laisse faire. Quand les Palestiniens déposent plainte auprès des autorités militaires, cela n’aboutit à rien. »
Les témoignages mettant en cause les colons ultra-orthodoxes de Bracha et Yizhar ne manquent pourtant pas. Il y a les vidéos des villageois palestiniens formés au maniement de la caméra par des ONG israéliennes. Il y a des reportages du quotidien israélien de gauche Haaretz. Il y a enfin les rapports onusiens. D’après le bureau de coordination des Nations unies (Ocha), Bracha et Yizha représentaient près de la moitié de toutes les attaques de colons (respectivement le tiers et le cinquième) recensées en Cisjordanie lors des quatre premiers mois de cette année.
Ces incursions se traduisent le plus souvent par des actes de vandalisme contre les cultures, les véhicules, les lieux de culte et même un cimetière. « Selon les villageois de Burin et Iraq Burin, il s’agit d’une stratégie de harcèlement pour leur faire abandonner leur terre, rapporte Frédéric Ullmann. Les colonies de Bracha et de Yizhar ne cessent de grignoter de l’espace. Un mètre par-ci, un mètre par-là… Elles sont bien défendues par des colons en armes. Les Palestiniens, d’ailleurs, ne contre-attaquent pas. Ils redoutent les représailles de l’armée. »
Dans leurs discussions avec les patients, les psychologues de MSF notent que les villageois craignent la fréquence de ces actions, leur caractère imprévisible. « L’insécurité engendre une angoisse permanente, notamment chez les femmes et les enfants, explique Frédéric Ullmann. Ils ont le sentiment d’être livrés à eux-mêmes, sans savoir vers qui se retourner. Ils ne croient plus en rien et surtout pas en leurs représentants politiques. On les sent désabusés, privés de ressort. Profondément las. »
Lors des consultations, les praticiens notent, à l’inverse, un recul de l’angoisse provoquée par les difficultés aux barrages militaires ou les heurts avec l’armée israélienne. Les autorités israéliennes ont fortement allégé leur dispositif dans la région de Naplouse, et les check-points se franchissent en quelques minutes aujourd’hui. L’armée s’est faite plus discrète, voire invisible dans les rues de Naplouse. « La vie dans la commune semble normale, note Frédéric Ullmann. C’est à la campagne que la tension persiste. »
publié par la Croix