Par Philippe Abi-Akl | 04/06/2010
L’éclairage Le sanglant assaut israélien contre le bâtiment turc de la flottille transportant dix tonnes d'aides à Gaza bouleverse en profondeur le tableau régional. Seul ami d'Israël au Moyen-Orient, la Turquie, puissance considérable, en devient d'un seul coup l'ennemi le plus virulent. Elle exige des excuses, des indemnisations et la levée du blocus frappant Gaza. Elle va encore plus loin en sommant l'État hébreu de changer de comportement, de renoncer à son impudente arrogance et de cesser de croire qu'il est le plus fort. Son admonestation frise même l'ultimatum, puisqu'elle prévient Israël de ne pas mettre sa patience à l'épreuve. Pour conclure que, consciente de l'importance de son rôle, comme de sa position, sur l'échiquier géopolitique ou stratégique militaire, elle ne permettra plus jamais à Israël de lui porter atteinte ni de la défier.
Un élément qui accentue la gravité des dangers qui planent sur la région. D'autant qu'Israël n'en démord pas et refuse de lever le blocus de Gaza. En affirmant qu'il ne peut pas permettre l'afflux, dans ce port, de navires bourrés d'armements iraniens destinés au Hamas. Netanyahu précise donc que sous aucun prétexte, sous aucune couverture, humanitaire ou autre, un bateau ne sera autorisé à accoster à Gaza. En se braquant de la sorte, il fait monter la tension de plusieurs crans. Pour beaucoup de diplomates et d'observateurs, en ripostant par le défi à la vague d'indignation mondiale, et aux pressions des Occidentaux, Américains en tête, le leader extrémiste du Likoud annonce une fuite en avant qui ne peut être qu'encore plus agressive. Les spéculations vont donc bon train : va-t-il déclencher une nouvelle guerre contre Gaza, va-t-il se tourner contre le Hezbollah, ordonner des frappes contre des sites nucléaires iraniens ou syriens ? Pour ces sources, Netanyahu n'a que deux choix. Ou il fait oublier le massacre de la flottille par un surcroît de violence. Ou il compte sur le temps pour que les choses se tassent petit à petit. À leur avis, cependant, du temps il n'en a pas beaucoup, car même son protecteur américain exige, par la voix du président Obama, une enquête rapide et claire.
Cependant, la question est de savoir dans quelle mesure les Américains peuvent empêcher un aventurisme sioniste guerrier. Plus avant, comment y réagiraient-ils, et pourraient-ils le bloquer, comme ils l'avaient fait lors de la guerre de juillet 2006 lancée contre le Liban, avant qu'il n'embrase la région tout entière. La réponse qui saute à l'esprit est que, dans les coulisses, les Américains, en concédant le droit exclusif d'enquête à Netanyahu, lui précisent fermement que le recours à la force militaire, où que cela soit et à quel degré que cela puisse être, est une ligne rouge absolue. Partant de là, aucune escalade débouchant sur l'explosion n'est autorisée.
Dans ces conditions, des diplomates pensent qu'après avoir fait le matamore pour sauver la face, Israël va tenter de redorer son image de marque en Occident, pour ne pas en perdre, ou en diminuer, le soutien. Une seule voie s'offre à lui : faciliter la mission de George Mitchell qui s'emploie à faire redémarrer les négociations bilatérales en base du principe d'un État palestinien, aux côtés de l'État hébreu. Pour rouvrir ensuite le volet syrien, avec reprise des pourparlers sur le Golan. Le Liban, pour sa part, veut être le dernier à signer un accord de paix. Il n'empêche que son dossier reste le plus facile à traiter en pratique, et Israël devrait lui rendre Chebaa, Kfarchouba et Ghajar avant toute négociation juridique de paix.
Cela étant, la situation se présente, dans son ensemble, comme une course contre la montre entre les éventuelles velléités bellicistes d'Israël, plus exactement du Likoud, et l'offensive US de détente pacifique redynamisée. Objectivement, après le massacre de la flottille, et surtout après la réaction d'Erdogan que les Israéliens sont en droit de redouter, l'avantage est dans le camp américain. D'autant qu'Israël reste sous la menace d'une enquête internationale, en sus des poursuites judiciaires que la Turquie engage contre lui. Aidé par les Américains, qui en font toutefois une monnaie d'échange, l'État hébreu se voit autorisé à se charger lui-même de l'enquête. Comme il l'avait fait après la guerre de juillet 2006, la commission Vinograd mise en place publiant ensuite des conclusions très critiques.
Retour, et arrivée, en Turquie. Au fil des ans et des déclarations germano-françaises, son projet d'intégrer l'Union européenne s'estompe fortement. Elle se tourne donc de plus en plus vers cet Orient qui a si longtemps constitué l'ossature de l'Empire ottoman. Elle y a d'autant plus sa place, en réalité, qu'elle y représente, en nombre et en potentiel, le plus important rassemblement musulman sunnite. Et elle se trouve, en outre, dirigée par un parti religieux, bien que non théocratique comme dans l'Iran chiite. Avec l'histoire de Gaza, elle peut désormais avancer autant de prétentions sur la carte centrale palestinienne que Moubarak d'Égypte, qui vient de faire rouvrir Rafah, ou qu'Assad de Syrie, qui héberge Mechaal, chef politique du Hamas.
Un élément qui accentue la gravité des dangers qui planent sur la région. D'autant qu'Israël n'en démord pas et refuse de lever le blocus de Gaza. En affirmant qu'il ne peut pas permettre l'afflux, dans ce port, de navires bourrés d'armements iraniens destinés au Hamas. Netanyahu précise donc que sous aucun prétexte, sous aucune couverture, humanitaire ou autre, un bateau ne sera autorisé à accoster à Gaza. En se braquant de la sorte, il fait monter la tension de plusieurs crans. Pour beaucoup de diplomates et d'observateurs, en ripostant par le défi à la vague d'indignation mondiale, et aux pressions des Occidentaux, Américains en tête, le leader extrémiste du Likoud annonce une fuite en avant qui ne peut être qu'encore plus agressive. Les spéculations vont donc bon train : va-t-il déclencher une nouvelle guerre contre Gaza, va-t-il se tourner contre le Hezbollah, ordonner des frappes contre des sites nucléaires iraniens ou syriens ? Pour ces sources, Netanyahu n'a que deux choix. Ou il fait oublier le massacre de la flottille par un surcroît de violence. Ou il compte sur le temps pour que les choses se tassent petit à petit. À leur avis, cependant, du temps il n'en a pas beaucoup, car même son protecteur américain exige, par la voix du président Obama, une enquête rapide et claire.
Cependant, la question est de savoir dans quelle mesure les Américains peuvent empêcher un aventurisme sioniste guerrier. Plus avant, comment y réagiraient-ils, et pourraient-ils le bloquer, comme ils l'avaient fait lors de la guerre de juillet 2006 lancée contre le Liban, avant qu'il n'embrase la région tout entière. La réponse qui saute à l'esprit est que, dans les coulisses, les Américains, en concédant le droit exclusif d'enquête à Netanyahu, lui précisent fermement que le recours à la force militaire, où que cela soit et à quel degré que cela puisse être, est une ligne rouge absolue. Partant de là, aucune escalade débouchant sur l'explosion n'est autorisée.
Dans ces conditions, des diplomates pensent qu'après avoir fait le matamore pour sauver la face, Israël va tenter de redorer son image de marque en Occident, pour ne pas en perdre, ou en diminuer, le soutien. Une seule voie s'offre à lui : faciliter la mission de George Mitchell qui s'emploie à faire redémarrer les négociations bilatérales en base du principe d'un État palestinien, aux côtés de l'État hébreu. Pour rouvrir ensuite le volet syrien, avec reprise des pourparlers sur le Golan. Le Liban, pour sa part, veut être le dernier à signer un accord de paix. Il n'empêche que son dossier reste le plus facile à traiter en pratique, et Israël devrait lui rendre Chebaa, Kfarchouba et Ghajar avant toute négociation juridique de paix.
Cela étant, la situation se présente, dans son ensemble, comme une course contre la montre entre les éventuelles velléités bellicistes d'Israël, plus exactement du Likoud, et l'offensive US de détente pacifique redynamisée. Objectivement, après le massacre de la flottille, et surtout après la réaction d'Erdogan que les Israéliens sont en droit de redouter, l'avantage est dans le camp américain. D'autant qu'Israël reste sous la menace d'une enquête internationale, en sus des poursuites judiciaires que la Turquie engage contre lui. Aidé par les Américains, qui en font toutefois une monnaie d'échange, l'État hébreu se voit autorisé à se charger lui-même de l'enquête. Comme il l'avait fait après la guerre de juillet 2006, la commission Vinograd mise en place publiant ensuite des conclusions très critiques.
Retour, et arrivée, en Turquie. Au fil des ans et des déclarations germano-françaises, son projet d'intégrer l'Union européenne s'estompe fortement. Elle se tourne donc de plus en plus vers cet Orient qui a si longtemps constitué l'ossature de l'Empire ottoman. Elle y a d'autant plus sa place, en réalité, qu'elle y représente, en nombre et en potentiel, le plus important rassemblement musulman sunnite. Et elle se trouve, en outre, dirigée par un parti religieux, bien que non théocratique comme dans l'Iran chiite. Avec l'histoire de Gaza, elle peut désormais avancer autant de prétentions sur la carte centrale palestinienne que Moubarak d'Égypte, qui vient de faire rouvrir Rafah, ou qu'Assad de Syrie, qui héberge Mechaal, chef politique du Hamas.