mardi 10 novembre 2009

Rendez-moi ma maison

publié le lundi 9 novembre 2009

Michel Warschawski
Des colons veulent récupérer des biens qui auraient appartenu à des Juifs dans les années 30. Sur ce principe, les Palestiniens sont en droit de revendiquer la propriété de milliers de maisons à Jérusalem.

Une fois de plus Jérusalem est au cœur de l’actualité. Une fois de plus, des colons israéliens, protégés par un grand nombre de policiers armés, ont pénétré l’esplanade des Mosquées de Jérusalem pour y provoquer non seulement les pratiquants qui s’y trouvaient, mais le peuple palestinien tout entier. Les gaz lacrymos et les grenades ont été utilisés contre les musulmans qui étaient venus prier, pas contre les assaillants.

C’est exactement ainsi qu’avait débuté ce qu’on appelle la seconde Intifada, en septembre 2000, mettant les territoires palestiniens occupés à feu et à sang en quelques jours. A l’époque, il s’agissait d’une provocation délibérée du gouvernement Barak qui cherchait un prétexte pour mettre fin à ce qu’on appelait encore « le processus de paix » et reprendre des mains des Palestiniens les maigres acquis du processus d’Oslo. Aujourd’hui, il n’y a plus rien à reprendre, si ce n’est ce qui reste de crédibilité au président Mahmoud Abbas.

Que signifie donc cette agression ? En fait, elle n’est pas isolée, et participe d’un plan plus général qui vise à renforcer la mainmise israélienne sur Jérusalem-Est à Silwan, des colons – soutenus par le gouvernement et la municipalité israélienne – occupent le quartier et, à Sheikh Jarrah, plusieurs bâtiments ont été récemment squattés par des colons prétextant qu’il s’agissait de maisons ayant appartenu à des Juifs …. Dans les années rente.

Lundi, nous étions quelques dizaines de Palestiniens, d’Israéliens et d’internationaux à manifester contre la colonisation à Silwan, provoquant rapidement l’intervention de la police et l’arrestation de trois personnes, dont une diplomate grecque. Avant l’arrivée des forces de l’ordre, il y a eu quelques propos échangés avec un des colons. Ce dernier expliquait aux internationaux qu’il ne faisait que récupérer des biens qui appartenaient, il y a plusieurs décennies, à des Juifs. Au-delà du fait qu’aucun des propriétaires originels ne lui ait donné le droit de parler – et d’agir – en leur nom, ce colon se tirait une balle dans le pied, et un des résidents palestiniens le lui a bien fait comprendre.

« S’il s’agit d’un problème de propriété », a-t-il dit, « je suis d’accord, à condition que ce principe soit appliqué intégralement à tous, et que nous, les Palestiniens, puissions récupérer nos biens, inscrits au cadastre, qui se trouvent à Jérusalem-Ouest … »

Pas de doute : non seulement ce serait justice, mais cela représenterait aussi une excellente affaire pour les Palestiniens. Si on appliquait le principe de réciprocité, les Juifs récupéreraient quelques immeubles et quelques dizaines d’hectares Cisjordanie et à Jérusalem-est. Les Palestiniens, eux, pourraient en échange récupérer des milliers de maisons et des milliers d’hectares à Jérusalem et en Israël.

Mais arrêtons de rêver. Dans l’état actuel des choses, c’est la colonisation qui dicte les règles du jeu : s’appuyant sur le droit de propriété et sur la loi du plus fort, Israël continue à spolier les Palestiniens de leurs droits et de leurs terres. A Silwan et à Sheikh Jarrah, ces derniers nous montrent qu’ils ne sont pas prêts à lâcher et s’organisent pour défendre leurs biens, leurs droits et et leur pays. A nous tous de leur prêter main-forte.

publié dans Siné Hebdo