jeudi 5 novembre 2009

Le revirement de Washington rebute les Palestiniens

publié le mercredi 4 novembre 2009

Agnès Rotivel
La secrétaire d’État américaine Hillary Clinton a achevé hier sa tournée au Proche-Orient sur un échec. L’Autorité palestinienne a en effet refusé de reprendre les négociations avec Israël, après que Washington eut abandonné sa précondition d’un arrêt de la colonisation israélienne dans les Territoires occupés.

Pourquoi les Palestiniens refusent-ils de reprendre les négociations ?

L’Autorité palestinienne a opposé dimanche une fin de non-recevoir aux pressions américaines et israéliennes en faveur d’une reprise des négociations au Proche-Orient. Selon le négociateur palestinien Saëb Erakat, le processus de paix est « à un tournant critique. Faire pression sur les Palestiniens pour qu’ils fassent davantage de concessions afin d’accommoder l’intransigeance d’Israël n’est pas la réponse, a-t-il souligné dans un communiqué au ton tranchant. Les Palestiniens ne peuvent accepter la poursuite de la construction des colonies ou la colonisation de la terre palestinienne en violation des lois internationales. » La veille, le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas avait signifié cette position à la secrétaire d’État américaine Hillary Clinton.

Lors d’une visite à Jérusalem, celle-ci avait plaidé en faveur d’une relance des négociations « dès que possible » et sans condition préalable. Se rangeant sans ambiguïté du côté du premier ministre israélien Benyamin Netanyahou, elle avait salué ses propositions sur une limitation de la colonisation, les qualifiant de « sans précédent ». Selon Saëb Erekat, le nombre des colons israéliens en Cisjordanie a augmenté de 17 % depuis 2003.

Pourquoi cette volteface américaine ?

Six mois après le discours du Caire du président américain Barack Obama, Washington a établi la hiérarchie de ses priorités au Proche- et Moyen-Orient. Jusqu’alors, l’administration Obama – comme la majeure partie de la communauté internationale – exigeait d’Israël qu’il gèle totalement la colonisation avant un redémarrage des pourparlers de paix. Mais elle a essuyé un refus d’Israël, malgré les nombreuses démarches du négociateur George Mitchell.

Constatant son échec, Washington considère que le dossier iranien est désormais prioritaire et que la bonne volonté israélienne sur ce dossier lui est indispensable. En échange de sa concession sur la colonisation, Israël accepterait de faire profil bas sur l’Iran et cesserait toute menace d’intervention militaire, pour ne pas contrecarrer les efforts américains visant à obtenir une suspension du programme nucléaire de Téhéran (lire ci-contre).

Quelles sont les conséquences pour les Palestiniens ?

La résolution du conflit au Proche-Orient et son corollaire, la création d’un futur État palestinien semblent du coup repoussés aux calendes grecques. La relation entre les États-Unis et Israël apparaît clairement prioritaire aux yeux de l’administration Obama, et le droit des Palestiniens à avoir un État, secondaire. C’est le retour à la doctrine qui a dominé sous toutes les administrations américaines, républicaines et démocrates, selon laquelle le conflit israélo-palestinien étant un conflit de « basse intensité », il n’est pas prioritaire de le résoudre.

Mais c’est aussi l’image du président Barack Obama qui risque d’en subir les conséquences, et la crédibilité de ses promesses qui est remise en cause. Après avoir soulevé l’enthousiasme du monde musulman lors de son discours du Caire le 4 juin, il ne fait guère mieux que son prédécesseur, George W. Bush. Sans compter que les hésitations et les retournements de la politique américaine font une victime collatérale, le président Mahmoud Abbas, désormais discrédité auprès des Palestiniens.

publié par La Croix le 3 novembre

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