jeudi 5 novembre 2009

Hamas, ne permets pas qu’une mascarade d’élections ait lieu

Palestine - 04-11-2009
Par Khaled Amayreh
Quiconque écoute Mahmoud Abbas, président de l’Autorité Palestinienne, ces jours-ci pourrait penser que l’homme est le parangon de la démocratie et de la liberté. Abbas, qui est resté à la tête de l’Autorité Palestinienne en dépit de l’expiration de son mandat, a exhorté les Palestiniens à se préparer à des « élections présidentielles et législatives », qu’il qualifie d’ « impératif constitutionnel ». Toutefois, l’observation plus profonde du comportement d’Abbas montre que le président de l’AP n’est pas vraiment intéressé par la tenue d’élections véritables, libres et honnêtes. Et les actes sont plus éloquents que les mots.

Aujourd’hui, Abbas préside un régime despotique brutal, à un niveau de répression sans précédent depuis le début de l’occupation israélienne de 1967. (photo ci-contre :répression d'une manifestation à Ramallah au début de l'année par les forces de la collaboration).

L’absence de droits humains et de libertés civiques est presque totale, et la primauté de la loi est virtuellement paralysée. Quelques associations de droits de l’homme, auxquelles les citoyens lésés faisaient appel, ont fermé leurs portes, sous la pression semble-t-il des agences de sécurité de l’AP.

Il y a quelques semaines, j’ai rencontré un jeune enseignant palestinien qui a été viré de son poste par l’appareil sécuritaire pour des raisons encore inconnues et incompréhensibles.

« Je ne sais pas pourquoi ils ont fait ça. Je suis un bon enseignant et j’ai été nommé à ce poste de façon tout-à-fait légale. Tout d’un coup, le chef d’établissement me notifie mon licenciement, pour des raisons non divulguées.»

Cet enseignant, père de trois enfants, dit qu’il soupçonne que la raison principale de son licenciement a à voir avec le fait que certains membres de sa famille ont ouvertement critiqué le régime de l’AP.

En plus de son renvoi, l’AP refuse de lui régler des milliers de dollars de salaires impayés, dont il dit qu’ils l’aideraient à réorganiser sa vie.

Il a fait appel à l’Union Européenne et à d’autres donateurs, pour qu’ils fassent en sorte que l’AP traite ses citoyens avec un semblant de justice, de dignité et de décence. « Ne permettez pas à l’AP de nier à ses propres citoyens leurs droits humains fondamentaux. Ne permettez pas à l’AP de nous opprimer, de nous brutaliser et de nous humilier. »

Ce professeur, qui vit dans la région d’Hébron, dit qu’il envisage d’émigrer en Scandinavie pour échapper à la « tyrannie du Fatah. »

« Je ne fais partie du Hamas, je n’en ai jamais été membre. Je ne suis même pas particulièrement religieux. Pourtant, j’ai été pourchassé et finalement licencié pour aucun autre raison que le fait que certains des membres de ma famille sont religieux. »

« J’ai été enseignant pendant trois ans, et maintenant ils ont décidé de se débarrasser de moi comme d’une vieille paire de chaussettes. Ils ne m’ont même pas payé ce qu’ils me doivent, et qui pourrait m’aider à réorganiser ma vie. Qu’est-ce que je suis censé faire ? Devenir un collaborateur du Shin Beth ? Ou aller chercher du travail dans les colonies juives pour subvenir aux besoins de ma famille ? Ou émigrer en Australie ou au Canada, ou dans tout autre pays ? »

En réalité, cet enseignant, qui est réticent à donner son identité par crainte d’autres représailles, personnifie des centaines de fonctionnaires qui ont été virés de leurs boulots sans cérémonie, sur le soupçon de sympathie avec le Hamas. Leurs tentatives d’en appeler à la justice sont restées sans résultat car l’establishment de l’AP a promulgué des « lois d’exception » statuant que les services de sécurité avaient le droit de licencier tout fonctionnaire sans justifier leur décision.

En d’autres termes, si vous voulez garder votre emploi, vous devez vénérer le gouvernement.

Cette sorte de gouvernement a un nom. C’est purement et simplement un gouvernement fasciste.

L’absence de justice en Cisjordanie va main dans la main avec l’absence de libertés civiles, dont la liberté d’expression.

Aujourd’hui, tout geste d’opposition au régime soutenu par les USA est rapporté aux services de sécurité. Jusqu’à 9.000 personnes, pour la plupart soupçonnées d’avoir des sympathies du Hamas, ont été arrêtées par ces services, en Cisjordanie, depuis 2007.

Beaucoup, ou la plupart, des détenus sont soumis à des tortures physiques et psychologiques. Au moins 10 détenus en sont morts dans les services de police subventionnés par l’argent des contribuables américains et européens.

L’auteur de ces lignes connaît personnellement beaucoup de jeunes gens qui ont été arrêtés et maltraités pour avoir hissé le drapeau vert portant la profession de foi islamique. D’autres ont été soumis à des interrogatoires musclés pour tenter de leur faire dire pour quel parti ils avaient voté lors des élections de janvier 2006.

Dans les collèges partout en Cisjordanie, on a demandé à la moitié de la population estudiantine de donner des informations sur l’autre moitié, ce qui empoisonne l’atmosphère des collèges et crée un climat de défiance parmi les étudiants.

De même, des informateurs de l’AP récemment recrutés dans toute la Cisjordanie ont remplacé, ou plus exactement augmenté les collaborateurs du Shin Beth chargés du « boulot » d’informer sur toute opposition au régime de Ramallah et à l’occupation israélienne. Certains d’entre eux donnent même des informations sur qui fréquentent le plus les mosquées, en particulier ceux qui assistent aux prières de l’aube.

En bref, une véritable atmosphère de police d’Etat virulente prévaut dans toute la Cisjordanie, où les agences de sécurité jouent un rôle dominant.

Dans ces conditions, on peut réellement se demander si des élections libres et honnêtes peuvent avoir lieu.

Il faut être intègre sur cette question, parce que des élections libres requièrent une vraie liberté qui permette aux citoyens de choisir les candidats sans crainte d’être arrêtés, ni d’être soumis à des représailles du gouvernement et de ses services de sécurité.

De plus, comment de véritables élections peuvent-elles être tenues quand un parti, c’est-à-dire le Fatah, est autorisé à faire campagne, alors que l’autre parti, c’est-à-dire le Hamas, est dénié de ce droit ?

Le Hamas peut-il, par exemple, organiser un seul rassemblement en Cisjordanie aujourd’hui ? Y a-t-il la moindre garantie que les services de sécurité de l’AP ne cribleront pas de balles les partisans du Hamas pour clamer ensuite que les Islamistes « tentaient un coup d’Etat contre la légitimité palestinienne » ?

Un autre point : supposons que le Hamas gagne les élections, si et quand des élections vraiment libres auront lieu. Le Fatah en acceptera-t-il le résultat ? Le soi-disant Quartet international (l’ONU, les USA, l’Union européenne et la Russie) acceptera-t-il le résultat ? Le Général Keith Dayton, le dirigeant de facto de la Cisjordanie, et ses patrons et subordonnés accepteront-ils le résultat ? Le Hamas sera-t-il reconnu comme la direction légitime du peuple palestinien ?

Et, plus important, Israël autorisera-t-il le Hamas à prendre part aux élections ? Et l’armée israélienne d’occupation se retiendra-t-elle d’arrêter les candidats du Hamas, au motif que c’est Israël, et non l’AP, qui a le dernier mot au sujet des élections ?

Il faut d’abord répondre à ces interrogations légitimes avant d’organiser des élections.

Si les masses palestiniennes n’obtiennent pas de réponses satisfaisantes à ces questions légitimes et logiques, alors le peuple palestinien revivra la même expérience amère qui a commencé immédiatement après les élections de 2006, où des millions de Palestiniens ont été sévèrement punis pour avoir élu le Hamas.

En vérité, il semble que rien n’a réellement changé depuis, puisque le Quartet continue d’insister pour que le Hamas reconnaisse la « légitimité » d’Israël, même sans reconnaissance israélienne réciproque d’un Etat palestinien.

Le maintien du blocus de la Bande de Gaza, ainsi que le refus d’Israël d’autoriser l’entrée dans la Bande du matériel de construction, sont la preuve que les élections prévues le 24 janvier ne seront pas organisées pour permettre au peuple palestinien de choisir une nouvelle direction, mais plutôt pour se débarrasser du Hamas par des élections frauduleuses.

Hamas ne doit pas permettre que cela se produise