jeudi 30 juin 2011

Pourquoi Israël s’oppose aussi fortement à la flottille vers Gaza

publié le mercredi 29 juin 2011
Nouvelobs

 
Le gouvernement israélien et une majorité de l’opinion publique israélienne s’opposent fermement au départ d’une flottille à destination de la Bande de Gaza. Ces bateaux, dont deux transportent des vivres et du matériel dont une partie est proscrite par Israël, doivent partir cette semaine de Grèce.
Pourquoi Israël s’oppose aussi fortement à la flottille vers Gaza
Au moins quatre raisons à cela. Interview du politologue Denis Charbit par Céline Lussato.
Le gouvernement israélien et une majorité de l’opinion publique israélienne s’opposent fermement au départ d’une flottille à destination de la Bande de Gaza. Ces bateaux, dont deux transportent des vivres et du matériel dont une partie est proscrite par Israël, doivent partir cette semaine de Grèce.
Au delà d’une simple protestation, les réactions israéliennes sont particulièrement fortes. Plusieurs raisons à cela :
La politique intérieure
"L’attitude du gouvernement israélien s’explique par le sentiment qu’il mène ici une bataille idéologique et politique à des fins intérieures", affirme le politologue israélien Denis Charbit. "C’est l’opinion publique israélienne qui est visée ici, bien plus que l’opinion internationale qu’on estime perdue d’avance", indique cet enseignant à l’Open University de Tel Aviv.
"Il s’agit là de montrer une détermination : comme on pensait avoir raison en 2010, on a toujours raison en 2011. C’est une façon d’avertir, aussi : si on n’oppose pas une détermination sévère à l’avance, cela pourrait se reproduire."
La situation de guerre avec le Hamas
Le blocus de la Bande de Gaza a été constitué en 2006 après la victoire du Hamas aux élections législatives.
"Le gouvernement israélien s’appuie sur une mesure tout à fait légale. Le droit international inscrit le blocus parmi les différents moyens, dans une situation de conflit, par lequel, deux entités mènent leur lutte. Le blocus n’est donc ni illégal, ni illégitime. Il y a une situation de guerre depuis que la Bande de Gaza est passée aux mains du Hamas et que celui-ci détient Gilad Shalit sans permettre à la Croix-Rouge d’assurer son droit de visite et d’assurer une correspondance avec ses proches", avance Denis Charbit.
"Autre argument israélien : le blocus a été allégé. Alors que jusqu’à l’année dernière tout était interdit et une petite liste de produits étaient autorisés, aujourd’hui c’est l’inverse, tout est autorisé et il y a une liste de produits interdits. Ce qui a fait évoluer les choses. Il n’y a pas, aujourd’hui, de crise humanitaire dans la Bande de Gaza, même si évidemment la situation économique est difficile. Après tout, dans une situation pareille, il ne tient qu’à l’autre partie d’accéder à une part au moins des revendications pour voir le blocus encore allégé. Ce n’est pas un blocus total jusqu’à la fin de temps…" précise le politologue.
La situation politique palestinienne
Alors que le Fatah et le Hamas ont conclu un accord de réconciliation, sans qu’un nouveau gouvernement n’ait à ce jour été encore constitué, la question de la politique intérieure palestinienne semble jouer également un rôle.
"Ce n’est pas là qu’une affaire morale et humanitaire. C’est aussi une affaire politique", affirme Denis Charbit". "Et faire aujourd’hui des concessions au Hamas ce serait aussi rendre plus difficile la situation du Fatah. Il y a aussi ce jeu politique intérieur palestinien. Ce n’est pas la raison pour laquelle le blocus est maintenu mais c’est une dimension qui existe".
La question de la communication Pour les Israéliens, l’organisation de la flottille est une opération de communication et non d’aide humanitaire. Le ministre israélien des Affaires étrangères Avigdor Lieberman s’est d’ailleurs félicité du fait que "beaucoup de nos interlocuteurs ont été convaincus qu’il est possible d’apporter de l’aide à Gaza via les ports d’Ashdod (Israël) et d’El-Arish (Egypte) ou par l’ONU", plutôt que par une aide directe à Gaza.
"Cette opération est pour les Israéliens de la politique-spectacle et n’est donc pas acceptable", argumente Denis Charbit.
"De fait, au niveau local, il y a une communication tacite avec le Hamas depuis l’opération Plomb durci. Israël peut toujours dire que le Hamas refuse de reconnaître Israël, que ce n’est pas un interlocuteur, le Hamas gouverne à Gaza", rappelle le politologue. "Or, l’intérêt d’Israël est que les choses aillent mieux sur le terrain, même s’ils ne peuvent pas le dire clairement –la politique ne suppose pas toujours de dire les choses à haute voix".
"En revanche, dès que ça devient des opérations de communication spectaculaire, Israël ne peut l’accepter. Et ce n’est pas une question de gouvernement, même si sur la question des journalistes un autre gouvernement plus centriste ou de centre-gauche aurait sans doute été plus pragmatique en ne faisant pas de tout correspondant de presse un complice du Hamas et ennemi d’Israël".
Interview de Denis Charbit, politologue à l’Open University de Tel Aviv, par Céline Lussato
(le lundi 27 juin 2011)