jeudi 30 juin 2011

Et Salah ? Et les prisonniers Palestiniens ?

publié le mercredi 29 juin 2011
Jean-Claude Lefort

 
« L’anniversaire » des cinq années de captivité de Guilad Shalit a donné lieu à de nombreuses initiatives françaises, israéliennes et internationales particulièrement « appuyées ».
En France, le Président de la république a envoyé une lettre à Guilad Shalit demandant la libération immédiate et sans conditions du jeune soldat capturé sur son char à la lisière de la bande de gaza. Le Maire de Paris a décidé d’apposer sur la façade de l’Hôtel de ville de la capitale le portrait du jeune soldat de l’armée israélienne et a envoyé à Mahmoud Abbas une lettre lui demandant avec insistance d’intervenir pour sa libération. Sur son site « Internet » Bertrand Delanoë écrit que Guilad Shalit a été : « Enlevé à 19 ans, dans son sommeil ». Il était sur un char, en uniforme, comme chacun sait… La Maison Blanche, pour la première fois, a demandé sa libération « immédiate ». Quant à Ban-Ki-moon, le secrétaire général de l’ONU, il a fait de même, au mot près.
Cette mobilisation serait appréciable si elle n’était pas partisane. Or elle l’est terriblement. Elle serait appréciée si elle participait d’une volonté de défendre les droits humains et touts ceux qui sont victimes de leur violation. Or ce n’est pas le cas.
Tout d’abord, il est absolument incontestable que Guilad Shalit, présenté comme « franco-israélien », connaît un traitement des plus durs. C’est un prisonnier de guerre. Les Conventions internationales relatives à ce « statut » doivent s’appliquer, en particulier le droit de visite de la Croix Rouge internationale (CICR). Ce n’est pas le cas et nous ne pouvons que le déplorer vivement.
En second lieu, la libération nécessaire de Guilad Shalit est absolument possible mais Benjamin Netanyahu a, sèchement, rompu l’accord réalisé, sous l’égide d’un diplomate allemand, permettant la libération de Guilad Shalit en échange de la libération de prisonniers politiques Palestiniens. Cela personne ne le dit. Sauf ses parents de Guilad qui ont installé une tente à Jérusalem devant la résidence officielle de Benjamin Netanyahu et qui se plaignent de son refus.
Plutôt que d’écrire à Abou Mazen le Maire de Paris aurait du utiliser la bonne adresse postale : celle du premier ministre israélien qui détient, pour l’essentiel, les clés de sa libération entre les mains.
Toutes les déclarations évoquées ont ceci de particulier : elles ne s’adressent pas à celui qui peut le plus pour sa libération. Curieux, non ?
En troisième lieu, l’indignation sélective de toutes ces personnes disqualifie leur entreprise en noyant l’objet de leurs déclarations dans la mer de l’unilatéral.
Car il est un second prisonnier qui doit intéresser la France – un Franco-palestinien – qui était étudiant quand il a été arrêté par l’armée israélienne et qui depuis plus de 6 ans est en prison dans ce pays alors qu’aucun fait répréhensible n’a pu lui être reproché, pas même par le tribunal militaire qui l’a condamné à 7 ans de prison : il s’agit biens sûr de Salah Hamouri ! Il a été condamné sans preuves, juste sur une hypothèse ! Mais c’est le silence sur lui dans les grands médias. Pas une seule fois le président de la république n’a prononcé son nom et il refuse absolument de recevoir sa famille à la différence notable de celle de Guilad Shalit.
Il a écrit, paraît-il, à Netanyahu pour lui demander la « clémence » mais ce dernier, toujours sèchement, a refusé. Et cela a-t-il entraîné une réaction ferme de la France ? Rien. La France officielle se tait… et n’exige pas sa libération. « N’exige pas » – car il s’agit d’exiger là aussi. Salah Hamouri est localisable. Il n’est pas un prisonnier de guerre. C’est un franco-palestinien dont nous connaissons d’ailleurs le numéro de son passeport français.
Les deux cas sont différents, bien entendu. Aucune comparaison possible entre un prisonnier de guerre et un étudiant. Entre un soldat d’une armée d’occupation et un jeune civil. Mais ce qui n’est pas différent c’est que la liberté ne peut pas être à géométrie variable. Celui qui se trouve ou qui agit dans cette conception est disqualifié.
Et puis quel est donc le sort des 8.000 prisonniers palestiniens ? Car s’il y a un soldat israélien capturé il y a 8.000 prisonniers politiques dans les prisons israéliennes. 1 et 8.000… C’est même pire que la loi du Talion. Et qui en parle ? La Maison Blanche ? Le secrétaire général de l’ONU ? L’Elysée ? La Mairie de Paris qui pourtant a voté un vœu en faveur de la libération de Salah ? A quand son portrait sur la façade de l’Hôtel de ville ? Quand sera-tèil déclaré « citoyen d’honneur » de la Ville de Paris ?
Il n’est que Benjamin Netanyahu pour parler des prisonniers. Mais pas n’importe comment. A l’occasion de « l’anniversaire » de la capture de Guilad Shalit il a annoncé des mesures drastiques contre les prisonniers palestiniens qu’il traite tous de « terroristes ». Cela pour « montrer » qu’il fait quelque chose pour Guilad Shalit alors qu’il lui suffit de signer l’accord d’échange pour le libérer.
Il a annoncé des mesures de « durcissement » à l’encontre de ceux qui sont en prison en déclarant : « La fête est finie » ! La fête dans les geôles israéliennes qui sont comparables, en somme, au « Club Med ». Sordide arrogance…
Il veut réduire les fréquences des visites. Déjà, on ne le sait que peu, les Gazaouis sont interdits de visite depuis la mise en place du blocus. Ils sont 500 en prison et leurs familles ne les ont pas vus depuis 2007. Le CICR a d’ailleurs exhorté Israël de mettre un terme à cette situation. Les mesures d’isolement se renforcent. Les arrestations aussi se multiplient : d’autres députés du Hamas viennent d’être arrêtés brutalement.
D’autres mesures, sournoises mais terribles, sont également prises. Par exemple les « jugements » des tribunaux militaires israéliens sont formulés en « année administrative », c’est-à-dire qu’une année, selon la « justice » israélienne équivaut à 345 jours de détention. Malgré ces « jugements » l’administration pénitentiaire israélienne transforme ces années administratives en année pleine, soit 20 jours de plus. De sorte que des détenus qui devaient sortir sont toujours en prison. Celui qui a été condamné, par exemple, à 5 ans, fera 100 jours de plus – hors toute espèce de justice.
De l’Elysée à l’Hôtel de Ville de Paris on ne dit rien sur tout cela. Pas un mot. Et après cela ils s’étonneront que la colère se manifeste à leur endroit… C’est qu’ils l’ont cherché, tout simplement. Ils ont la liberté borgne.
Jean-Claude Lefort