04/02/2011
INTERVIEW - Pour le premier ministre palestinien Salam Fayyad, Israël doit tirer les leçons de la révolte en Égypte et conclure les négociations de paix.
Lors de sa première visite officielle en France, jeudi, Salam Fayyad a expliqué au Figaro que les dirigeants de la région doivent répondre à un «sentiment d'urgence».
LE FIGARO. - Quand serez-vous en mesure de dire à la communauté internationale que les fondations de l'État de Palestine sont prêtes?
Salam FAYYAD. - Je suis confiant. Le 26 août prochain, nous aurons atteint l'objectif que nous nous étions fixé, il y a deux ans, en accord avec la communauté internationale: les institutions de l'État palestinien seront prêtes, qu'il s'agisse de la justice, de la sécurité ou de ses finances publiques. Notre État va être créé comme un fait accompli positif sur le terrain. Nul ne pourra l'ignorer.
Si, d'ici là, les négociations avec Israël n'ont pas abouti, demanderez-vous à l'ONU de reconnaître cet État?
Nous avons un seul scénario en tête: être prêts pour la naissance de l'État de Palestine au 1er septembre de cette année. D'ici là, le processus de négociations aura-t-il mis un terme à l'occupation israélienne de nos territoires? C'est la question clé. Mais à partir de maintenant, Israël doit être mis sous pression pour répondre à une seule et unique question: est-il prêt à accepter la naissance d'un État palestinien souverain sur les Territoires occupés en 1967, y compris Jérusalem-Est? Oui ou non. Pas «peut-être», ni «demain». Le 1er septembre, nous exigerons une réponse claire: «oui» ou «non». C'est notre nouvelle approche, et elle est irréversible. On nous a longtemps dit: «vous n'êtes pas capables de gérer votre État, il y a de la corruption.» Nous allons montrer que ces accusations sont infondées. Mais j'espère que ce sentiment d'urgence va ouvrir les yeux des Israéliens, surtout après les événements en Égypte, qui devraient les encourager à négocier la fin de l'occupation. Le temps presse. Sous la pression d'une colonisation qui se poursuit, l'idée de deux États, comme solution au conflit israélo-palestinien, est aujourd'hui sérieusement en danger. Les forces dévastatrices sont à l'œuvre. Nous n'avons plus le droit à l'erreur.
Les révélations d'al-Jezira sur la disposition de vos négociateurs à céder sur Jérusalem-Est n'ont-elles pas encore réduit le crédit de l'Autorité palestinienne auprès de la population?
Ce qui a été dit ne correspond pas à la position de l'Autorité palestinienne. Nos exigences sont claires et elles n'ont pas varié: nous voulons un État dans les Territoires occupés en 1967. Et que l'on ne nous recommande pas d'être réalistes. Nous avons montré déjà un hyperréalisme en acceptant de négocier notre État sur seulement 20% de la Palestine historique. Les Palestiniens ne doivent pas être les seuls à toujours faire des concessions.
Pourquoi l'Autorité palestinienne a-t-elle annulé des manifestations de soutien aux Égyptiens, qui réclament le départ de Hosni Moubarak?
Je ne vois pas les événements égyptiens comme une source d'inquiétude pour nous. Les exigences des Égyptiens sont conformes à notre quête d'indépendance. Jeudi, la sécurité a en effet empêché des manifestations. Mais vendredi, nous en avons autorisé d'autres, c'est une décision que j'approuve.
Le prochain leadership égyptien aura une composante islamiste: ce scénario vous inquiète-t-il?
Pas plus en Égypte qu'ailleurs au Proche-Orient, les Frères musulmans ne sont pas en position de dominer seuls la scène politique d'un pays, à l'issue d'un processus démocratique. Chez nous, l'expérience a montré que tant que les islamistes sont hors du pouvoir, ils appellent à des élections démocratiques, mais une fois qu'ils font partie du système, ils ne veulent plus tester leur popularité de nouveau en organisant d'autres scrutins.