mercredi 24 novembre 2010

Un enfant utilisé comme bouclier humain

publié le mardi 23 novembre 2010
DCI- Palestine

 
Condamnation avec sursis pour des soldats reconnus coupables d’avoir utilisé un garçon de neuf ans comme bouclier humain.
Dimanche (21 novembre), deux sergents-chefs de la brigade Givati ont été rétrogradés au rang de sergents par une Cour militaire israélienne et ont été condamnés à trois mois avec sursis pour « conduite inappropriée » après avoir été reconnus coupables d’avoir forcé un garçon de neuf ans, sous la menace de leur arme, de rechercher des explosifs pendant la guerre de Gaza.
Le calvaire de Majed, neuf ans, a commencé le 15 janvier 2009, quand sa famille a cherché refuge dans le sous-sol de leur immeuble dans la ville de Gaza, pendant un intense bombardement israélien. Majed se souvient qu’il y avait environ quarante personnes, hommes, femmes et enfants qui avaient cherché abri dans le sous-sol. Vers 5 heures du matin, des unités de la brigade Givati sont entrées dans le sous-sol en « tirant ». Majed se souvient d’avoir vu les lumières laser rouges de leurs fusils partout. Les soldats ont séparé les hommes des femmes et des enfants et les ont forcés à ne garder que leurs sous-vêtements. Pendant ce temps, un soldat s’est approché du groupe de femmes et d’enfants, a désigné Majed et lui a dit : « Viens ici ». Le récit suivant vient de la déposition sous serment de Majed.
« Le soldat s’est approché de moi, m’a attrapé par le col de ma chemise et m’a traîné dehors. Ma mère a commencé à crier : « C’est un enfant ! ». » J’ai pensé qu’ils allaient me tuer », raconte Majed, « j’ai eu très peur et j’ai mouillé mon pantalon. Je ne pouvais ni crier ni dire quoi que ce soit, j’avais trop peur. Le soldat m’a traîné sur 20 mètres. Il a pointé son arme sur moi. Il me criait dessus et je ne le comprenais pas, alors il m’a attrapé et m’a poussé contre le mur. Ensuite il a commencé à faire des signes avec ses mains et j’ai compris qu’il voulait que j’ouvre les sacs ; de petits sacs que les résidents avaient descendus avec eux, et qui contenaient leurs effets personnels et leur argent. Les sacs ressemblaient à ceux des footballeurs. J’ai compris par ses gestes qu’il voulait que j’ouvre les sacs. Il y en avait deux devant moi. J’ai attrapé le premier pendant qu’il se tenait à un mètre et demi de moi. J’ai ouvert le sac tandis qu’il pointait son arme directement sur moi. J’ai vidé le sac sur le sol. Il contenait de l’argent et des papiers. Je l’ai regardé, il riait. J’ai attrapé le second sac pour l’ouvrir mais je n’y arrivais pas. J’ai essayé plusieurs fois, sans succès, si bien qu’il s’est mis à me crier dessus. Il m’a attrapé par les cheveux et m’a giflé très violemment au visage. Je n’ai ni crié ni pleuré mais j’avais très peur. Il m’a traîné de devant les sacs et m’a forcé à me tenir debout contre le mur, tandis qu’il se tenait à environ un mètre et demi derrière moi. Il a alors tiré sur le sac que je n’arrivais pas à ouvrir. J’ai pensé qu’il allait tirer sur moi, j’ai crié et j’ai mis mes mains sur ma tête. Il m’a ensuite tiré dans le couloir et un autre soldat m’a dit : « Va rejoindre ta mère « . J’ai couru vers ma mère et me suis caché dans ses bras. « J’ai mouillé mon pantalon », lui ai-je dit. « Ce n’est rien », m’a-t-elle répondu.
Majed et les autres résidents de l’immeuble ont été retenus au sous-sol par les soldats, sous la menace de leur arme, jusqu’à 3 h du matin. Majed se souvient que l’un des soldats qui les gardait s’est assis sur une chaise près d’eux.
« Il criait de temps en temps « boum, boum », comme une explosion. Nous mettions tous nos mains sur la tête, et il riait fort. Il a répété cela au moins cinq fois. Ensuite, il s’est assis à environ cinq mètres de nous. Quatre autres soldats étaient assis près de lui. Les soldats pointaient leur arme sur nous, et j’avais très peur. Je pouvais voir les lumières rouges qui bougeaient sur mon corps, celui de mes frères et sœurs et de ma mère. Il y a avait une fine lumière rouge qui venait de leurs armes. Chaque fois que je les voyais lever leurs armes ou la lumière rouge, je croyais qu’ils allaient nous tuer.
A trois heures du matin les soldats ont dit aux femmes et aux enfants de prendre un drapeau blanc et de se diriger vers l’immeuble du Croissant Rouge proche. Ils ont ordonné aux hommes de rester.
Le 28 avril 2009, DCI-Israël a déposé plainte devant les autorités israéliennes, concernant l’utilisation par l’armée de 10 enfants comme boucliers humains, y compris Majed. Le 17 juin 2009, les autorités israéliennes ont répondu que les enquêtes étaient ouvertes, et le 25 novembre 2009, il a été demandé à Majed et à sa mère de se présenter à une interview conduit par la police militaire israélienne au check-point d’Erez, à Gaza. Selon une déposition sous serment fournie à DCI par la mère de Majed, on a interdit à Majed d’aller aux toilettes avant son interview et il a mouillé son pantalon. Au moment où nous écrivons, les deux soldats qui ont utilisé Majed comme bouclier humain sont les seuls soldats qui aient jamais été accusés d’avoir utilisé des civils de cette manière.
En octobre 2005, la Haute Cour israélienne a statué que l’utilisation de civils comme boucliers humains était illégale selon la loi israélienne. Depuis cette décision de la Cour, DCI a produit 15 cas d’utilisation d’enfants, y compris Majed, utilisés comme boucliers humains par l’armée israélienne. Trois de ces cas s sont produits après le cas de Majed en 2010, ce qui indique que l’armée israélienne continue d’utiliser des enfants comme boucliers humains, au mépris de la Haute Cour israélienne. Le jugement rendu aujourd’hui suggère que l’armée israélienne et la justice militaire ne prennent pas au sérieux l’obligation de protéger les civils pendant les conflits armés.
DCI Palestine 21 novembre 2011
traduction : A. Jégou, Afps