mercredi 24 novembre 2010

Fayez Al Tanib : « Notre seul choix, c’est la résistance pacifique » en Palestine

Comment détruire les murs qui pénètrent les terres des agriculteurs, qui défigurent les paysages palestiniens et qui paralysent l’économie ? Une réalité qui fait écho à l’apartheid en Afrique du Sud mais qui n’émeut pas pour autant la Communauté internationale. Contrairement aux jeunes de l’association Génération Palestine qui se sont rendus cet été en Cisjordanie pour en savoir davantage sur ce conflit qui s’éternise malgré les injustices flagrantes dont est victime au quotidien le peuple palestinien. Vendredi soir à l’Espace Accueil aux Etrangers, Mina et Méline ont fait le récit de leur voyage, choquées de voir « qu’on ne tolère pas les palestiniens chez eux ». Autant de brutalités que les citoyens épris de justice, ont choisi de contrer pacifiquement via des comités populaires de résistance contre le mur et la colonisation. Des comités de résistance que souhaite privilégier Fayez Al Tanib, agriculteur palestinien dont la terre à Tulkarem est coupée en deux par « le mur de la honte » qui s’étend sur 730 km en Cisjordanie, du nord à Salem, au sud, au-delà d’Hébron. L’association Génération Palestine- Marseille, l’invitait pour témoigner des réalités occultées par les médias et de son engagement pour la résistance pacifique.

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Fayez Al Tanib (à gauche) et Abde de Génération Palestine (à droite)
« Se faire sa propre opinion et dépasser les clichés médiatiques » sur le conflit israélo-palestinien, tels étaient les buts de ce voyage initié en juillet dernier par l’association Génération Palestine-Marseille. Un voyage qui a éveillé la curiosité et susciter la consternation des jeunes qui se sont rendus cet été à Jérusalem, Bethléem, ou encore Hébron, une ville qui a particulièrement marqué Mina. Cette dernière s’est dite « écœurée » par le traitement discriminatoire à l’égard des palestiniens. « C’est assez dangereux de vivre à Hébron quand on est palestinien » confie-t-elle.
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Graffiti raciste signé par La Ligue de Défense Juive

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« Hébron : paroxysme de l’aberration de la colonisation israélienne »
« Cette ville cisjordanienne emblématique de la colonisation israélienne, abrite 200 000 palestiniens et 800 colons idéologiques qui revendiquent la judéité de la ville ». Autant dire que les pressions sont fortes et l’atmosphère qui y règne, étouffante. « La forte présence militaire est insupportable » souligne-t-elle, photos à l’appui. « Les militaires sont armés jusqu’aux dents. Ils contrôlent la circulation via les checks-point. Il y a même des postes de contrôle sur les toits des maisons palestiniennes » ajoute-t-elle. L’objectif n’est autre que de pousser les palestiniens à quitter les lieux. Un plan qui porte déjà ses fruits. Puisqu’à Hébron, des rues entières ont été désertées, abandonnées par les Palestiniens dont les commerces ont été scellés par les colons. C’est selon elle, une façon sournoise de déposséder les palestiniens de leurs terres et de s’approprier petit à petit la ville et ce, « sous le regard bienveillant et complice de la communauté internationale » fait-on remarquer dans la salle.
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Un check-point à Hébron

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Les projectiles lancés par les colons sur les passants palestiniens
« Ils ne tolèrent pas les Palestiniens chez eux. C’est fou ! »
Au « climat d’agressivité et de racisme » s’ajoute les multiples discriminations. « Seuls les colons ont la possibilité d’être véhiculés et d’emprunter les voies qui leurs sont réservées et qui mènent vers la vieille ville. Tout est fait pour le bien être des colons » qui n’hésitent pas à jeter des projectiles et des blocs de pierre sur les palestiniens contraints de poser des grillages pour se protéger. « Je suis écœurée. On ne tolère pas les Palestiniens chez eux. C’est fou ! » s’insurge-t-elle.
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Les commerces abandonnés, "rue des martyrs" à Hébron

« Au pied de ces murs, on se sent dominés, humiliés, enfermés »
Cette politique d’apartheid se matérialise également par les murs qui pullulent dans les territoires occupés et pour la plupart, érigés sur des terrains agricoles, dans une volonté délibérée de paralyser l’économie palestinienne. En effet, ces murs de 9 mètres de haut et parcourant des centaines de kilomètres, contraignent à la fois les paysans palestiniens dans l’exploitation de leur terre et le déplacement des populations dont une partie a perdu son emploi.
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Check-point où sont contrôlés les palestiniens souhaitant passer de l’autre côté pour aller travailler
Ce sont autant de constructions sauvages et illégales au regard du droit international et dont le but est d’ « englober toutes les colonies de peuplement situées à l’Est de Jérusalem ainsi que les puits d’eau » explique Méline s’étant rendue à Tulkarem en juillet dernier. « D’autres pays se seraient vus contraints de respecter le droit international en quelques heures. 60 années se sont écoulées et Israël bénéficie toujours d’une impunité scandaleuse » fait remarquer, Fayez Al Tanib agriculteur de Tulkarem, spolié d’une partie de ses terres pénétrées en 2002 par le tracé du mur de séparation. Depuis, il subit la pression quotidienne des israéliens pour le faire partir.
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le fameux mur traversant les champs de Fayez AlTanib

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l’usine israélienne de pesticides, construite de l’autre coté du champs de Fayez Al Tanib
Il lutte également contre les ravages causés par une usine de pesticides qui rejette des eaux toxiques et qui inonde et pollue ses champs, l’empêchant ainsi de produire ses produits bio. C’est une usine chimique transférée à Tulkarem sur décision de la justice israélienne car interdite en Israël, sans doute pour son haut degré de toxicité. Des réalités dont a été témoin Méline. « Le mur coupe la ville en deux et serpentent entre les maisons. Pour permettre sa construction de nombreuses maisons été détruites. Les Palestiniens ont eu juste le droit de dégager les lieux avant l’arrivée des bulldozers » tient-elle à souligner. Et de poursuivre : « au pied de ces murs, on se sent dominés, humiliés, enfermés. »
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Face à toutes ces brutalités, on pourrait s’attendre à ce que les palestiniens répliquent avec violence. Il n’en est rien. Depuis quelques années, les palestiniens lésés par les colons, optent pour la résistance pacifique, une résistance « issue de la culture palestinienne et qui préserve l’humain » souligne Fayez Al Tanib, aussi secrétaire Général du Comité de coordination de la résistance populaire contre le mur et la colonisation en Palestine. En effet, face à ces spoliations, un comité populaire de résistance a été crée dés 2003 pour permettre la mise en place de manifestations pacifiques dans les villes pénétrées par le mur et enseigner à ces habitants les méthodes de résistance.
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En 2005, le premier congrès du comité de résistance qui a eu lieu à Bil’in, a défini la résistance pacifique comme étant le meilleur moyen de mettre fin à la construction de ces murs. Bil’in, petite ville de Cisjordanie située à 12 km à l’ouest de Ramallah, est devenue le symbole de la contestation palestinienne contre le mur. En effet, les habitants ont obtenu gain de cause en 2007. En effet la Cour Suprême israélienne avait pris la décision de repousser le tracé du mur qui privait les villageois de 60% de leur terre. Une terre qui fût confisquée pour bâtir la barrière protégeant l’implantation juive de Modiin Ilit.
« Plus on va vers la paix, plus Israël est violent »
Malgré le caractère pacifique de ces manifestations hebdomadaires, « les soldats n’hésitent pas à tirer sur la foule ». Mais « la présence d’internationaux dissuade l’appareil répressif israélien » précise le secrétaire Général du Comité de coordination de la résistance populaire contre le mur. Malgré cette violence, « palestiniens et internationaux marchent côte à côte contre le béton du racisme et de la haine » insiste Méline affirmant avoir appris à « vivre le mur à la mode palestinienne. J’ai appris la puissance de l’unité et de la fraternité face au racisme et à la ségrégation » conclut-elle son intervention.
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Ce travail de résistance n’est pas facile avoue Fayez Al Tanib. La pression des colons étant trop forte et les négociations israélo-palestiniennes inacceptables dés lors que le gel de la colonisation est temporaire. « On ne peut pas accepter l’arrêt temporaire de la colonisation. Quand il y a un espoir de négociation, Israël fait tout pour les faire capoter ; en faisant notamment augmenter le nombre de chantiers de construction » a-t-il insisté. Et de poursuivre : « On a beaucoup donné dans le sens de la paix. Mais plus on va vers la paix, plus Israël est violent. Or, notre seul choix c’est la résistance pacifique. »
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La mobilisation prend diverses formes. Par exemple, depuis plusieurs années, Fayez Al Tanib accueille chez lui chaque été, de nombreux internationaux, dans le cadre des campagnes et missions civiles auprès des Palestiniens. A son tour, il se déplace en Europe pour témoigner et tenter de capter l’attention des médias et qu’Israël sait utiliser « pour nuire à l’image des palestiniens ».
Ce dernier s’est également dit touché par l’absence de réaction de la communauté internationale et notamment de la France pendant les bombardements dans la bande de Gaza. « J’étais en France pendant l’opération Plomb durci. Bernard Kouchner, alors ministre des affaires étrangères souhaitait favoriser les accords entre Israël et l’Union Européenne. Nicolas Sarkozy avait, quant à lui, reçu à l’Elysée la ministre israélienne des Affaires étrangères israélienne, Tzipi Livni ». « Ce dont a besoin le peuple palestinien, c’est un soutien des politiques pour qu’ils fassent pression sur Israël » poursuit-il. Pour Pierre Stambul, membre du bureau national de l’Union Juive Française pour la Paix (UJFP), la communauté internationale n’est pas fiable. Selon lui, « Israël est l’Etat rêvé des pays occidentaux. Des pays qui n’ont cessé de trahir les palestiniens ».
« Le boycott : un outil important pour nous »
Face à tant de mépris et pour pallier aux injustices qui se succèdent, la société civile palestinienne a lancé en 2005 une vaste campagne de boycott des produits israéliens issus des colonies. La campagne « Boycott, Désinvestissement, Sanction » prend chaque jour de l’ampleur mais provoque aussi la colère de certaines personnalités politiques, au grand regret de Fayez Al Tanib. « J’ai écris une lettre à Martine Aubry dans laquelle je lui ai rappelé que la France avait pris une position respectable en appelant au boycott de l’apartheid en Afrique du sud. Et que si elle refusait aujourd’hui cette campagne BDS c’est qu’elle refusait l’égalité entre les peuples ».
Au souvenir de ce qu’ils ont vécu en Palestine, les jeunes de Génération Palestine appellent à soutenir la Campagne BDS. De nouvelles actions devraient être entreprises à Marseille dans les prochaines semaines.
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Source : Med In Marseille