jeudi 18 novembre 2010

Israël est en train d’unifier la résistance palestinienne

Publié le 17-11-2010

Israel ne laisse plus de place à un Etat palestinien. La pression est désormais maximale non seulement sur les Palestiniens de Gaza, ceux de jérusalem Est, et de la Cisjordanie, mais également sur les citoyens arabes d’Israël ("les Palestiniens de l’intérieur"). Que va-t-il se passer ? Une analyse intéressante de Seumas Milne dans le Guardian.
"LES PALESTINIENS D’ISRAEL EN PHASE D’OCCUPER LE DEVANT DE LA SCENE
A ce stade du processus de paix qui n’aboutit pas l’expérience commune des deux côtés de la ligne verte dessine une nouvelle réalité.
Dans une rue tranquille de Sheikh Jarrah -quartier occupé de Jérusalem-est- Rifka al-Kurd, une vielle dame de 88 ans nous explique comment elle est venue habiter dans cette maison qu’elle et son mari avaient construite alors qu’ils étaient des réfugiés palestiniens en 1950. Pendant qu’elle parle, trois jeunes colons juifs ultra-orthodoxes entrent avec assurance et revendiquent le droit d’habiter la partie de devant tout en lançant des injures à la fois en hébreu et en arabe imparfait, tels que « arabes animaux » ou encore « ferme-la, putain ». Une brève bagarre s’ensuit avec la fille de Rifka en même temps que les colons se barricadent dans les pièces qu’ils occupent depuis l’hiver dernier. C’est à ce moment là qu’ils avaient finalement obtenu la décision judiciaire pour s’emparer des pièces ajoutées par la famille Kurd, sous prétexte qu’elles avaient été construites sans permis, permis que les palestiniens n’obtiennent pour ainsi dire jamais.
C’est une scène pénible que celle de ces colons pétris d’arrogance et d’autant plus sûrs d’eux qu’ils peuvent appeler la police ou l’armée à tout instant.
Mais l’occupation des maisons palestiniennes est devenue monnaie courante et source de protestations permanentes.
On retrouve la même situation tout près, à Silwan qui abrite plus de 30.000 palestiniens à côté de la vielle ville et où il est prévu d’abattre les maisons de 1.500 palestiniens -88 très précisément- pour faire place au Parc à thème du Roi David où des centaines de colons sont, 24 heures sur 24, sous la protection d’agents de sécurité à la gâchette facile.
Dans tous les quartiers arabes de Jérusalem ainsi qu’en Cisjordanie, le gouvernement poursuit l’expropriation des terres, les démolitions et la construction des colonies ; ce qui rend la possibilité d’un état palestinien plus qu’improbable. Plus d’un tiers de la terre à Jérusalem-est a été expropriée depuis l’occupation en 1967 pour y installer des colons israéliens, ce qui est une violation flagrante de la loi internationale.
Les derniers plans de colonisation d’Israël n’ont guère été « positifs », s’est risqué à dire Obama mardi dernier. Mais pendant que les négociations israélo-palestiniennes sous l’égide des Etats Unis ne conduisent nulle part et que l’attention se porte sur le terrible blocus de Gaza, la colonisation, par contre, va bon train. C’est un processus qui s’accélère aussi en Israël, là où la démolition des villages bédouins palestiniens autour du désert du Negev a augmenté sous Benyamin Netanyahu.
87.000 bédouins environ habitent dans 45 villages « non-reconnus » sans droit ni services publiques parce que les autorités israéliennes refusent de leur reconnaître l’accès à la terre.
Chacun d’entre eux a un ordre de démolition qui leur pend au dessus de la tête alors que des centaines de colonies juives ont été construites partout.
L’écrivain israélien Amos Oz qualifie le Negev de « bombe à retardement prête à exploser ». Le village d’Araqeeb a été détruit 6 fois de suite dans les derniers mois et à chaque fois il a été reconstruit par ses habitants. Le gouvernement veut nettoyer la terre pour déplacer les bédouins dans des « townships » désignées à cet effet. Mais même là, les démolitions se font régulièrement.
Pendant le weekend une mosquée dans la ville bédouine de Rahat a été détruite par l’armée pendant la nuit. Dès le dimanche après-midi les habitants étaient sur place pour la reconstruire, tandis que la sono faisait retentir des chants patriotiques et que des militants s’adressaient à une foule en colère.
La renaissance des bédouins au Negev -beaucoup d’entre eux envoyaient jusqu’ici leurs fils dans l’armée israélienne- met à l’évidence la politisation de plus en plus grande des citoyens arabes d’Israël.
Coupés de la majorité des palestiniens après 1948, ils ont essayé de trouver un compromis avec un état dont la discrimination à leur égard était selon les mots mêmes de l’ancien PM Ehud Olmert, « particulièrement enracinée et intolérable dès le début ».
Cet effort a pratiquement été abandonné. Les partis arabes dans la Knesset rejettent maintenant l’idée qu’Israël puisse être un état ethnique et exigent, au contraire, un état pour toute la population. Le très influent mouvement islamique refuse totalement de participer au système politique israélien. Les palestiniens de « 48 » dont le nombre atteint environ 20% de la population s’organisent de plus en plus de façon indépendante et font cause commune avec leurs amis palestiniens de l’autre côté de la ligne verte.
L’expérience palestinienne à l’intérieur d’Israël -des confiscations de la terre à la construction des colonies et à la ségrégation ethnique en vigueur- n’est pas si différente de ce qui se passe à Jérusalem-est et en Cisjordanie. Après 1948, les palestiniens de Jaffa qui ont survécu au nettoyage ethnique étaient forcés de partager leurs maisons avec des colons israéliens, exactement comme Rifka al-Kurd doit le faire aujourd’hui à Jérusalem. Mais le sentiment d’appartenance à un seul peuple est profond.
Il s’est intensifié avec les tentatives de plus en plus agressives du gouvernement israélien de Netanyahu pour mettre les citoyens-arabes d’Israël au pas et l’exigence croissante d’en transférer des centaines de milliers vers un futur état en Cisjordanie. Une série de nouvelles lois ciblant la minorité palestinienne est en préparation, y compris un projet de loi approuvé par le cabinet le mois dernier qui exige que tous les citoyens non-juifs fassent le serment d’allégeance à Israël en tant qu’état juif.
La pression sur les communautés et les dirigeants palestiniens s’est intensifiée. Il y a 15 jours plus d’un millier de soldats ainsi que la police étaient déployés pour encadrer la marche particulièrement violente d’un groupe raciste de la droite ultra des israéliens dans la ville palestinienne d’Umm al-Fahm. Le chef du mouvement islamique, Ra’ed Salah, est en prison pour avoir craché sur un policier. La députée palestinienne Haneen Zoabi a été dépouillée de ses privilèges parlementaires pour avoir participé à la flottille de Gaza. Le chef de file des droits civiques, Ameer Makhoul, se voit condamné à 10 ans de réclusion après avoir été accusé d’espionnage au service du Hezbollah, chose bien improbable.
En même temps Israël exige aussi que les dirigeants palestiniens à Ramallah reconnaissent Israël en tant qu’état juif, condition préalable pour tout accord. En dehors de l’Autorité palestinienne –ou même en son sein- rares sont ceux qui inclinent à croire que le processus de paix conduira à un quelconque type de solution. Même les dirigeants du Fatah comme Nabil Sha’ath estiment que les palestiniens songent de plus en plus à un retour à la résistance armée ou à la résistance populaire sur le modèle d’Afrique du Sud, ce que soutiennent aussi les principaux dirigeants palestiniens d’Israël.
Quant à ceux qui ont en fait gagné les dernières élections, l’un d’entre eux, Mahmoud Ramahi, Secrétaire général du Hamas au parlement palestinien, m’a rappelé lundi dernier que les USA continuent d’opposer leur véto à une quelconque réconciliation avec le Fatah. Il a été arrêté par les israéliens à peine 24 heures plus tard, juste au moment où les conversations reprenaient entre les deux partis à Damas.
Le foyer de la lutte palestino-israélienne s’est déplacé au cours des dernières 40 années de la Jordanie au Liban puis aux territoires occupés. Avec la solution à deux états prête à s’effondrer, il se peut que les Palestiniens d’Israël soient enfin en phase d’occuper le centre de la scène. S’il en est ainsi, ce conflit qui, plus que tout autre, a revêtu une dimension globale, aura finalement bouclé la boucle."
The Guardian, mercredi 10 novembre 2010
(Traduit par A et P. O. pour CAPJPO-EuroPalestine)