Raji Sourani et Eyad Sarraj
Alors qu’un millier de prisonniers sont ou doivent encore être
libérés, 1,8 million de personnes qui vivent à Gaza ne sont toujours pas
libres.
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Tandis
que la libération des prisonniers est une victoire pour les
Palestiniens, les Gazaouis restent enfermés dans leur propre prison -
Photo : EPA
L’accord d’échange des prisonniers entre Israël et le
Hamas a soulagé des milliers de familles qui languissaient de retrouver
les biens aimés. Malgré l’occupation prolongée, nous constatons un
instant rare, une célébration commune entre Israéliens et Palestiniens.
Cependant, cet événement, et la fanfare qui s’ensuivit, ne doit pas nous
distraire et l’attention doit rester fixée sur la réalité tragique
oubliée seulement un bref instant.
La vraie question dont il faut s’occuper revient
toujours à l’occupation belligérante, et aux violations continues de la
loi internationale perpétrées par les forces de l’occupation. L’exemple
le plus évident étant le blocus absolu imposé sur la Bande de Gaza.
Israël a imposé son blocus sur Gaza en 1991. Ces
dernières années, ce blocus est devenu de plus en plus restreint, après
l’élection du Président Abbas, la détention de Gilad Shalit, et après
que le Hamas ait pris le contrôle de la Bande de Gaza. Aujourd’hui le
blocus est absolu.
Il y a jusqu’à 1,8 million de personnes qui vivent dans
Gaza et qui sont coupées du monde extérieur. Cet étouffement économique
et psychologique a décimé l’économie, nourrissant le chômage, la
pauvreté et la dépendance comme jamais auparavant. Une génération
entière à été isolée et interdite d’accès au monde extérieur.
Les civils se sont retrouvés dans l’œil du cyclone. Les
incursions répétées, les attaques, et l’opération « Cast lead » pendant
2008 et 2009 dans la Bande de Gaza ont ciblés les civils : leur
maisons, leur terrains, et leur moyens de subsistance. Des milliers de
maisons, et des dizaines de milliers de dunums de
terre agricole ont été systématiquement rasés. Aujourd’hui, 35% de la
terre agricole est hors d’accès pour les fermiers, derrière une zone tampon imposée par Israël.
Avec le blocus, Israël a ouvertement et publiquement
pris pour cible les civils, les personnes soit-disant « protégées » par
le droit international de l’homme.
Israël a explicitement fait référence à sa politique en
tant que « guerre économique », imposée pour mettre la pression sur le
Hamas à travers la population civile. Un des objectifs du blocus était
d’obtenir la libération de Gilad Shalit, et le bouclage des frontières a
été systématiquement justifié par cela.
Le blocus est sans aucun doute illégal. C’est une forme
de punition collective explicitement interdite par le droit
international coutumier et l’Article 33 de la 4e convention de Genève.
Nul besoin d’être avocat pour comprendre l’illégalité et l’inhumanité de
ce blocus. Il est tout simplement illégal, sans contestation possible,
et ceux qui sont impliqués dans sa mis en place et son application
doivent être tenus criminellement responsables.
A ce jour, la communauté internationale a refusé de
reconnaître cette punition collective. Des propos sans conséquences
disant que le blocus n’est pas soutenable ont circulé. Le résultat est
l’institutionnalisation de cette illégalité. Tony Blair
vérifie les quotas de mayonnaise et de café tandis que 1,8 million de
personnes continuent d’être punis et voient leur dignité niée.
La source qui perpétue cette réalité est l’absence d’une
règle de droit. L’histoire de l’occupation est caractérisée par les
violations continues du droit international et l’impunité totale pour
ces crimes. Pas une seule fois un haut dirigeant militaire ou politique
n’a été tenu responsable en accord avec les conditions claires du droit
international.
Par conséquent, les violations du droit international se
poursuivent et le peuple continue de souffrir. L’impunité est devenue
encore plus répandue et les violations du droit international tellement
banalisées qu’Israël peut maintenant admettre ouvertement que la
politique de blocus cible la population civile.
L’application du droit international doit être
respectée. Ce n’est pas une invention venue des Palestiniens. C’est un
droit de l’homme fondamental et aussi une nécessité urgente : se voyant
refusée l’application du droit, les Palestiniens sont relégués sous la
loi de la jungle. Ceci n’est pas seulement une violation de nos droits
de l’Homme, mais cela ouvre aussi la porte à un avenir sans justice,
sans paix ni sécurité.
La libération des prisonniers est la bienvenue, mais
cette une mesure temporaire. Jusqu’à 1,8 million de Gazaouis restent
enfermés dans la plus grande prison à ciel ouvert du monde. La
communauté internationale ne peut pas permettre que ce crime continue.
Les Palestiniens doivent être traités comme des égaux et leurs droits
humains doivent être respectés et protégés.
Le prétexte de la détention de Shalit n’existe plus en
tant que motivation (épouvantable) pour le blocus. L’illégalité de cette
punition collective est confirmée par tous les organismes de défense
des droits de l’Homme et le CICR. Ce n’est un problème politique ; il attaque le cœur de notre humanité partagée et nous devons agir immédiatement.
Il n’y a pas d’alternative à la justice.
* Raji Sourani est le Directeur du Centre Palestinien pour les Droits de L’Homme (PCHR, basé à Gaza.
* Eyad Sarraj est un psychologue Palestinien, fondateur et directeur médical du Programme Communautaire de Santé Mentale de Gaza (GCMHP).
24 octobre 2011 - Al Jazeera - Vous puvez consulter cet article à :
http://www.aljazeera.com/indepth/op...Traduction : ForAGoodCause