mercredi 12 octobre 2011

Bédouins : lettre ouverte à Catherine Ashton et aux ministres des AE de l’Union européenne

mercredi 12 octobre 2011 - 05h:41
BADIL
Lettre ouverte au Haut Représentant de l’Union européenne et aux ministres des Affaires étrangères devant le Conseil des Affaires étrangères du 5 octobre 2011
A l’attention de Madame Catherine Ashton, Haut représentant de l’Union européenne pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité.
5 octobre 2011
Madame le Haut Représentant,
Vos excellences,
En tant qu’organisations non gouvernementales pour les droits humains, attachées à la promotion et à la protection des droits humains du peuple palestinien, nous, organisations soussignées, vous exhortons à faire mettre un terme à l’expulsion de 30 000 citoyens palestiniens d’Israël vivant dans 14 localités, au nord, à l’est et au sud de Beer Sheba (Beer Al-saba‘).
Le 11 septembre 2011, le gouvernement israélien a approuvé le Plan Prawer (1) qui recommande la destruction de 14 villages dans le district de Beer Sheba (Beer al-saba’) dans le Néguev (Naqab), ce qui revient dans les faits à expulser 30 000 Palestiniens de leurs foyers. Ces projets de déplacements qui se succèdent montrent qu’une politique israélienne de transferts forcés de populations est en cours contre les Palestiniens bédouins, originaires de cette terre. Nous vous exhortons à intervenir auprès d’Israël pour que cet État respecte ses obligations internationales s’agissant des droits humains de sa population indigène.
Le Plan Prawer, du nom du président de sa Commission, Ehud Prawer, membre du Conseil pour la Sécurité nationale d’Israël et directeur de la Division Planification stratégique auprès du Premier ministre, doit mettre en œuvre les recommandations de la Commission Goldberg. La Commission Goldberg a publié ses recommandations au gouvernement israélien le 11 novembre 2008 et propose que les Bédouins palestiniens, originaires de cette terre, restent dans leurs foyers et sur leurs terres. La Commission Prawer, qui n’a inclus ni consulté aucun des acteurs concernés, a rejeté ces recommandations et propose que 30 000 citoyens palestiniens indigènes d’Israël soient contraints de quitter leurs foyers et dirigés sur plusieurs implantations reconnues, ce le gouvernement israélien appelle les « villes de concentration ».
(JPG)
Paysan palestinien bédouin du Néguev
Le Plan Prawer, dénommé « solution finale » par la population bédouine d’Israël, est une continuation de la politique israélienne de nettoyage ethnique menée depuis la création d’Israël. Les 180 000 Bédouins du Néguev sont aujourd’hui des bergers nomades, ils sont les descendants de 19 tribus dont la population s’est réduite à 11 000 Palestiniens à la suite de l’implantation d’Israël. En 1953, 11 des 19 tribus ont été contraintes de quitter leurs foyers et de partir dans des réserves, dans le nord-est du Néguev, appelées les « zones fermées », la région de Sayig. En conséquence de la loi sur les Biens des absents, les Bédouins d’avant 1948 ont perdu 90 % de leurs terres et de leurs biens.
Ayant confisqué la terre ancestrale des Bédouins, le gouvernement israélien s’est mis alors à les disséminer à travers la Sayig pour faire la place aux colonies juives et aux bases militaires. La loi relative à la Planification et à la Construction nationales (1965) exclue les Bédouins de toute reconnaissance officielle en dépit de leur existence antérieure à la création d’Israël en 1948. En 1966, l’État a publié un plan directeur qui ne reconnaît pas des dizaines de villages bédouins, les rendant invisibles pour le gouvernement et leur déniant les services de base, comme l’électricité, l’eau, l’assainissement et la santé, qui sont assurés ailleurs par l’État. En outre, le plan directeur vise à judaïser le (Naqab) et à soutenir l’expansion des colonies juives qui bénéficient d’un financement de l’État par le biais de plans de construction.
L’État cherche à obliger les 75 à 90 000 Bédouins qui vivent dans les 40 villages (non reconnus) à quitter leurs foyers ancestraux et leurs moyens agricoles de subsistance, pour des ghettos surpeuplés marqués par l’urbanisation. Par ses tactiques, il prévoit de refuser les services de base aux Bédouins et dans de nombreux cas, cela implique la violence et les destructions multipliées de leurs maisons, villages, et terres agricoles.
Israël considère sa population indigène comme des intrus. Reprenons la déclaration d’Ortal Tzabar, porte-parole de l’Autorité foncière israélienne. Dans un entretien avec le Irin News Service, sur les destructions répétées dans Al-Araqib, village bédouin du Naqab, Tzabar tient ces propos : « Cette affaire ne concerne pas les démolitions ; ces gens sont des criminels. Cette terre est abandonnée depuis 1950, quand elle a été prise par Israël » (2).
Le déplacement forcé des Bédouins palestiniens originaires de cette terre viole plusieurs dispositions relatives aux droits de l’homme, notamment :
  • le droit à l’autodétermination (l’article 1er du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ICCPR, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels CESCR) ;
  • le principe de non-discrimination (voir l’article 2 de l’ICCPR, le CESCR, et l’article 1er du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale CERD) ;
  • le droit de quitter un pays et de revenir dans son pays (article 12 de l’ICCPR) ;
  • le droit de travailler (article 6 du CESCR) ;
  • le droit à l’enseignement (article 13 du CESCR) ;
  • et celui à un logement adéquat (article 28 du CESCR).
Finalement, ce Plan signifie un nettoyage ethnique, lequel est considéré comme un crime contre l’humanité par la Cour pénale internationale et le Tribunal pénal international pour la Yougoslavie.
Nous vous exhortons instamment à demander à Israël de mettre fin à ses violations des droits humains, à sa discrimination et à ses projets de transferts de la population bédouine palestinienne du Naqab. Nous vous exhortons également à faire appel aux membres de la communauté internationale pour qu’ils fassent pression sur Israël afin qu’il renonce à ses recommandations stipulées dans le Plan Prawer, en conformité avec les règles et ses obligations relatives aux droits humains.

Organisations approuvant la déclaration :
  • Organisme de coopération des associations palestiniennes opérant au Liban
  • Aides populaires de secours et de développement - Liban
1) Les principales recommandations du Plan Prawer sont que plus d’un demi-million de dunums (10 dunums = 1 ha) de la terre bédouine palestinienne soit confisqué par diverses méthodes et que des mécanismes spécifiques, juridiques, policiers et administratifs, soient mis en place pour faciliter et accélérer ce processus.
5 octobre 2011 - BADIL et diffusé dans la lettre d’Omar Barghouti le 10 octobre 2011 - traduction : JPP
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